Actualités de l'Urgence - APM

DÉCÈS D'UN PATIENT AU CH DE HYÈRES: DES DYSFONCTIONNEMENTS GRAVES MAIS DIFFICILEMENT IMPUTABLES (IGAS)
Le CH de Hyères (240 lits et places) est en direction commune avec le CH de Toulon. Il a été certifié "qualité des soins confirmée" par la Haute autorité de santé (HAS) en février, rappelle-t-on (cf dépêche du 20/02/2024 à 18:11).
La famille du jeune homme de 25 ans avait déposé une plainte pour homicide involontaire à l'encontre de l'établissement, de son directeur et contre X pour "maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité", rappelle-t-on (cf dépêche du 19/12/2023 à 11:21).
En novembre, le parquet de Toulon annonçait l'ouverture d'une information judiciaire (cf dépêche du 12/11/2024 à 17:38).
Dans la synthèse de son rapport de près de 200 pages, l'Igas observe que la "maquette organisationnelle" des urgences est "cohérente avec les recommandations des organisations professionnelles pour ce niveau d'activité" (35.000 passages en 2023, en baisse de 5% par rapport à 2022).
L'analyse de la chronologie des événements survenus entre le 30 septembre (jour de l'hospitalisation) et le 1er octobre 2023 (jour du décès) "met en évidence des non-conformités à la réglementation", observe l'Igas.
L'Igas relève une activité particulièrement forte le 30 septembre 2023, de 19% supérieure à la moyenne annuelle, avec 114 passages. Mais elle ajoute qu'"à plusieurs étapes de la prise en charge, les droits du patient ne sont pas respectés", qu'il s'agisse du droit au respect de l'intimité, de la dignité et de la confidentialité comme du secret médical.
Les inspecteurs observent que "le décès du patient n'a pas donné lieu à toutes les déclarations requises aux autorités", l'évènement indésirable grave associé aux soins (EIGS) n'étant pas signalé, dans un premier temps.
"Lors de certaines phases de la prise en charge, les délais dépassent les recommandations professionnelles ou les limites prévues par l'organisation du service", constatent-ils.
"Bien que le délai maximal de prise en charge médicale initialement déterminé par la classification de la gravité soit de 120 minutes, le premier examen médical intervient près de quatre heures après le triage initial. L'acheminement du bilan sanguin vers le laboratoire du CH de Toulon [distant de 15 km] se fait avec près d'une heure de retard par rapport au planning prévu", poursuivent-ils.
Concernant la surveillance du patient, l'Igas note que ses paramètres vitaux n'ont été réévalués que plus de trois heures après le relevé initial, qu'"aucun professionnel de santé n'est identifié comme responsable de ce patient pendant la phase d'attente à l'intérieur du service et aucun infirmier pendant la phase post-relève des équipes".
Elle ajoute que le protocole de prise en charge de la douleur n'a pas été appliqué, que "le recueil et la transmission des informations entre professionnels ne sont pas complets" et que "la traçabilité des prescriptions et des actes n'est pas systématique".
"Un examen complémentaire a été réalisé et sa réalisation n'a pas été initialement tracée dans le dossier médical. A compter de l'aggravation de l'état clinique du patient, des prescriptions et des actes, évoqués lors de la revue de morbimortalité, n'ont pas été tracés sur le dossier informatique même a posteriori", évoque-t-elle.
L'Igas mentionne aussi une insuffisance et un retard d'information de la famille.
Manquements structurels
Elle en conclut que les locaux sont inadaptés, que l'"échelle de tri utilisée par l'établissement ne [permet] pas d'affiner l'évaluation du niveau de sévérité".
Elle constate l'absence de "règles organisationnelles fixant les modalités d'attribution des patients au personnel soignant et médical et de supervisation de cette attribution et des délais de prise en charge", comme celle "d'objectifs pour la qualité du service, notamment sur les délais d'acheminement des échantillons, d'analyses et de restitution des résultats" dans la convention liant les CH de Toulon et de Hyères, et estime la politique qualité "perfectible", faute de protocoles ou procédures adéquats.
Selon les spécialistes interrogés par l'Igas, les constantes vitales du patient auraient dû faire l'objet d'une surveillance rapprochée dès son admission.
"Les manœuvres de réanimation sont perçues comme de mauvais pronostic selon eux, en raison de leur démarrage tardif. Les deux spécialistes ne peuvent affirmer qu'une mise en œuvre plus précoce de la réanimation aurait empêché l'engagement du pronostic vital", tempère l'Igas.
Les spécialistes "relèvent que les présentations atypiques de la pathologie rare présentée conduisent le plus souvent à une errance et un retard diagnostique. Selon eux, sans traitement, cette pathologie est toujours mortelle […] son pronostic reste lié à la prise en charge adaptée du diagnostic principal qui engage le pronostic vital et à la précocité du traitement étiologique. Pour la tranche d'âge correspondant à celle du patient, la létalité de l'ensemble des infections invasives à méningocoques est de 12%, elle atteint 24% pour le sérotype particulier de l'agent pathogène retrouvé dans le cas du patient", souligne-t-elle.
Un plan d'action "cohérent" mais "incomplet"
Les inspecteurs soulignent que le CH a mis en place un plan d'action au dernier trimestre 2023, répondant notamment "aux demandes formulées par les agents du service" qui "s'inquiètent des conditions de prise en charge des patients et de leurs conditions de travail", ainsi qu'aux recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), en visite de certification quelques jours après le décès.
Ce plan de 58 mesures est jugé "cohérent" par l'Igas, qui note que 21 mesures sont déjà en œuvre en avril 2024, mais "souffre toutefois de certaines faiblesses dans la détermination des objectifs opérationnels ou la formulation de certaines mesures".
"Certaines mesures sont structurantes (ex: réouverture des lits de court séjour gériatrique, création d'un poste supplémentaire d'aide-soignant…) et probablement de nature à améliorer la qualité des prises en charge, même s'il est trop tôt pour en mesurer les résultats."
Il est jugé "incomplet, compte tenu des constats faits par la mission sur les dysfonctionnements structurels du service". L'Igas suggère que l'agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) fasse un "suivi régulier" de sa mise en œuvre.
Elle émet 12 autres recommandations à l'établissement:
- étudier l'opportunité d'étendre les locaux du SAU
- "charger le médecin référent de superviser l'attribution des patients au personnel et de veiller au respect des délais de prise en charge"
- "formaliser les modalités de surveillance de la file d'attente"
- procéder à une revue des procédures, protocoles et fiches de poste du service au sein d'un règlement intérieur au SAU
- "organiser des transmissions personnalisées lors des relèves"
- "développer la coopération entre professionnels" via la démarche Pacte de la HAS
- "renforcer les objectifs de qualité de service", notamment en biologie médicale
- sécuriser les dossiers patients et rappeler notamment les règles de traçabilité des prescriptions et des actes
- renforcer le suivi des événements indésirables
- "redéfinir des règles d'accès des accompagnants au sein du service"
- établir une procédure et un lieu d'information des proches
- évaluer après trois mois l'intérêt du poste d'agent de liaison auprès des accompagnants en vue d'une pérennisation et d'une extension aux week-ends.
"Le CH de Hyères s'est engagé à mettre en œuvre les recommandations formulées par l'Igas, et ce dans les plus brefs délais, et les a intégrées dans son plan d'action et d'accompagnement des urgences suivi en lien avec l'ARS. De nombreuses actions ont d'ores et déjà été réalisées. Nous prenons très au sérieux ces recommandations et l'ensemble de nos équipes est mobilisé pour poursuivre l'amélioration continue de la qualité des soins au sein de cet établissement, avec l'appui de l'ARS Paca", a réagi l'établissement vendredi.
A l'échelle nationale, l'Igas recommande aux autorités de sensibiliser les professionnels au repérage des sepsis, d'"accélérer le déploiement national d'une grille de triage unique" pour les SAU, de cadrer la mise en œuvre des dispositions de la loi "bien vieillir" sur le droit de visite (cf dépêche du 09/04/2024 à 10:07), de réfléchir à la formation des agents d'accueil ou de liaison pour améliorer l'accueil des proches au sein des SAU, d'actualiser le guide de traitement des réclamations et de préciser les motifs de recours à des contrôles des ARS.
Rapport d'inspection de l'Igas après le décès d'un patient au CH de Hyères
bd/ab/APMnews
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DÉCÈS D'UN PATIENT AU CH DE HYÈRES: DES DYSFONCTIONNEMENTS GRAVES MAIS DIFFICILEMENT IMPUTABLES (IGAS)
Le CH de Hyères (240 lits et places) est en direction commune avec le CH de Toulon. Il a été certifié "qualité des soins confirmée" par la Haute autorité de santé (HAS) en février, rappelle-t-on (cf dépêche du 20/02/2024 à 18:11).
La famille du jeune homme de 25 ans avait déposé une plainte pour homicide involontaire à l'encontre de l'établissement, de son directeur et contre X pour "maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité", rappelle-t-on (cf dépêche du 19/12/2023 à 11:21).
En novembre, le parquet de Toulon annonçait l'ouverture d'une information judiciaire (cf dépêche du 12/11/2024 à 17:38).
Dans la synthèse de son rapport de près de 200 pages, l'Igas observe que la "maquette organisationnelle" des urgences est "cohérente avec les recommandations des organisations professionnelles pour ce niveau d'activité" (35.000 passages en 2023, en baisse de 5% par rapport à 2022).
L'analyse de la chronologie des événements survenus entre le 30 septembre (jour de l'hospitalisation) et le 1er octobre 2023 (jour du décès) "met en évidence des non-conformités à la réglementation", observe l'Igas.
L'Igas relève une activité particulièrement forte le 30 septembre 2023, de 19% supérieure à la moyenne annuelle, avec 114 passages. Mais elle ajoute qu'"à plusieurs étapes de la prise en charge, les droits du patient ne sont pas respectés", qu'il s'agisse du droit au respect de l'intimité, de la dignité et de la confidentialité comme du secret médical.
Les inspecteurs observent que "le décès du patient n'a pas donné lieu à toutes les déclarations requises aux autorités", l'évènement indésirable grave associé aux soins (EIGS) n'étant pas signalé, dans un premier temps.
"Lors de certaines phases de la prise en charge, les délais dépassent les recommandations professionnelles ou les limites prévues par l'organisation du service", constatent-ils.
"Bien que le délai maximal de prise en charge médicale initialement déterminé par la classification de la gravité soit de 120 minutes, le premier examen médical intervient près de quatre heures après le triage initial. L'acheminement du bilan sanguin vers le laboratoire du CH de Toulon [distant de 15 km] se fait avec près d'une heure de retard par rapport au planning prévu", poursuivent-ils.
Concernant la surveillance du patient, l'Igas note que ses paramètres vitaux n'ont été réévalués que plus de trois heures après le relevé initial, qu'"aucun professionnel de santé n'est identifié comme responsable de ce patient pendant la phase d'attente à l'intérieur du service et aucun infirmier pendant la phase post-relève des équipes".
Elle ajoute que le protocole de prise en charge de la douleur n'a pas été appliqué, que "le recueil et la transmission des informations entre professionnels ne sont pas complets" et que "la traçabilité des prescriptions et des actes n'est pas systématique".
"Un examen complémentaire a été réalisé et sa réalisation n'a pas été initialement tracée dans le dossier médical. A compter de l'aggravation de l'état clinique du patient, des prescriptions et des actes, évoqués lors de la revue de morbimortalité, n'ont pas été tracés sur le dossier informatique même a posteriori", évoque-t-elle.
L'Igas mentionne aussi une insuffisance et un retard d'information de la famille.
Manquements structurels
Elle en conclut que les locaux sont inadaptés, que l'"échelle de tri utilisée par l'établissement ne [permet] pas d'affiner l'évaluation du niveau de sévérité".
Elle constate l'absence de "règles organisationnelles fixant les modalités d'attribution des patients au personnel soignant et médical et de supervisation de cette attribution et des délais de prise en charge", comme celle "d'objectifs pour la qualité du service, notamment sur les délais d'acheminement des échantillons, d'analyses et de restitution des résultats" dans la convention liant les CH de Toulon et de Hyères, et estime la politique qualité "perfectible", faute de protocoles ou procédures adéquats.
Selon les spécialistes interrogés par l'Igas, les constantes vitales du patient auraient dû faire l'objet d'une surveillance rapprochée dès son admission.
"Les manœuvres de réanimation sont perçues comme de mauvais pronostic selon eux, en raison de leur démarrage tardif. Les deux spécialistes ne peuvent affirmer qu'une mise en œuvre plus précoce de la réanimation aurait empêché l'engagement du pronostic vital", tempère l'Igas.
Les spécialistes "relèvent que les présentations atypiques de la pathologie rare présentée conduisent le plus souvent à une errance et un retard diagnostique. Selon eux, sans traitement, cette pathologie est toujours mortelle […] son pronostic reste lié à la prise en charge adaptée du diagnostic principal qui engage le pronostic vital et à la précocité du traitement étiologique. Pour la tranche d'âge correspondant à celle du patient, la létalité de l'ensemble des infections invasives à méningocoques est de 12%, elle atteint 24% pour le sérotype particulier de l'agent pathogène retrouvé dans le cas du patient", souligne-t-elle.
Un plan d'action "cohérent" mais "incomplet"
Les inspecteurs soulignent que le CH a mis en place un plan d'action au dernier trimestre 2023, répondant notamment "aux demandes formulées par les agents du service" qui "s'inquiètent des conditions de prise en charge des patients et de leurs conditions de travail", ainsi qu'aux recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), en visite de certification quelques jours après le décès.
Ce plan de 58 mesures est jugé "cohérent" par l'Igas, qui note que 21 mesures sont déjà en œuvre en avril 2024, mais "souffre toutefois de certaines faiblesses dans la détermination des objectifs opérationnels ou la formulation de certaines mesures".
"Certaines mesures sont structurantes (ex: réouverture des lits de court séjour gériatrique, création d'un poste supplémentaire d'aide-soignant…) et probablement de nature à améliorer la qualité des prises en charge, même s'il est trop tôt pour en mesurer les résultats."
Il est jugé "incomplet, compte tenu des constats faits par la mission sur les dysfonctionnements structurels du service". L'Igas suggère que l'agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) fasse un "suivi régulier" de sa mise en œuvre.
Elle émet 12 autres recommandations à l'établissement:
- étudier l'opportunité d'étendre les locaux du SAU
- "charger le médecin référent de superviser l'attribution des patients au personnel et de veiller au respect des délais de prise en charge"
- "formaliser les modalités de surveillance de la file d'attente"
- procéder à une revue des procédures, protocoles et fiches de poste du service au sein d'un règlement intérieur au SAU
- "organiser des transmissions personnalisées lors des relèves"
- "développer la coopération entre professionnels" via la démarche Pacte de la HAS
- "renforcer les objectifs de qualité de service", notamment en biologie médicale
- sécuriser les dossiers patients et rappeler notamment les règles de traçabilité des prescriptions et des actes
- renforcer le suivi des événements indésirables
- "redéfinir des règles d'accès des accompagnants au sein du service"
- établir une procédure et un lieu d'information des proches
- évaluer après trois mois l'intérêt du poste d'agent de liaison auprès des accompagnants en vue d'une pérennisation et d'une extension aux week-ends.
"Le CH de Hyères s'est engagé à mettre en œuvre les recommandations formulées par l'Igas, et ce dans les plus brefs délais, et les a intégrées dans son plan d'action et d'accompagnement des urgences suivi en lien avec l'ARS. De nombreuses actions ont d'ores et déjà été réalisées. Nous prenons très au sérieux ces recommandations et l'ensemble de nos équipes est mobilisé pour poursuivre l'amélioration continue de la qualité des soins au sein de cet établissement, avec l'appui de l'ARS Paca", a réagi l'établissement vendredi.
A l'échelle nationale, l'Igas recommande aux autorités de sensibiliser les professionnels au repérage des sepsis, d'"accélérer le déploiement national d'une grille de triage unique" pour les SAU, de cadrer la mise en œuvre des dispositions de la loi "bien vieillir" sur le droit de visite (cf dépêche du 09/04/2024 à 10:07), de réfléchir à la formation des agents d'accueil ou de liaison pour améliorer l'accueil des proches au sein des SAU, d'actualiser le guide de traitement des réclamations et de préciser les motifs de recours à des contrôles des ARS.
Rapport d'inspection de l'Igas après le décès d'un patient au CH de Hyères
bd/ab/APMnews