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12/11 2015
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DÉPISTAGE ORGANISÉ DU CANCER DU SEIN: BÉNÉFICE INDÉNIABLE DE LA DEUXIÈME LECTURE

(par Sylvie LAPOSTOLLE, aux Journées de la SFSPM)

BORDEAUX, 12 novembre 2015 (APM) - La deuxième lecture, une de spécificités du programme français de dépistage organisé du cancer du sein par mammographie, apporte un bénéfice indéniable pour améliorer sa qualité, selon des communications faites mercredi à Bordeaux lors des Journées de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM).

Le forum sur le dépistage s'est intéressé à la deuxième lecture du programme. Le cahier des charges français prévoit que tous les clichés de mammographie jugés normaux ou bénins en première lecture, quand la femme va chez son radiologue, sont relus de manière centralisée au sein des structures de gestion par un radiologue deuxième lecteur plus expérimenté.

Sur le plan pratique, l'organisation de la deuxième lecture respecte bien le cahier des charges, selon une enquête réalisée pendant l'été auprès des médecins de l'Association des coordinateurs pour le dépistage des cancers (Acorde) présentée par Nathalie Catajar, directrice du comité départemental des cancers de Seine-Saint-Denis à Bondy.

Sur 90 structures de gestion sollicitées, 64 ont répondu couvrant 74 départements et 82% des femmes dépistées en 2014. Au total, 96,6% des mammographies du programme ont été vues en deuxième lecture (1,746 million de mammographies) et 1,3% d'entre elles ont été jugées positives en deuxième lecture, soit 22.950 femmes pour lesquelles une investigation complémentaire a été demandée (le cahier des charges prévoit un taux inférieur à 2%).

En termes d'organisation, cette deuxième lecture est le plus souvent réalisée sur un site (seules 11% des structures de gestion ont deux sites de lecture). Les clichés arrivent du cabinet d'imagerie médicale le plus souvent par coursier (86%) alors que le retour à la patiente avec le résultat passe plutôt par la poste (à 77%). Le radiologue vient lire dans un environnement protégé une série de clichés. Le délai entre les deux lectures est en moyenne de 12 jours.

Ces deuxièmes lectures (L2) sont faites par 765 radiologues (contre 3.499 radiologues en première lecture, L1), selon cette enquête, et 19% des radiologues L1 sont aussi radiologues L2. Les structures de gestion disposent d'en moyenne 12 radiologues L2 dont 87% ont un exercice libéral. En 2014, ils ont lu 2.408 mammographies en moyenne en L2 (le cahier des charges prévoit un minimum de 1.500 et une enquête 2009 avait trouvé une moyenne de 1943). Ils lisent en moyenne 87 mammographies sur une séance de 1h30, soit un peu plus d'une minute par dossier.

En cas de cliché techniquement insuffisant, les deux tiers des structures ont une organisation complémentaire avec un troisième lecteur ou un collège de deuxièmes lecteurs qui revoient les dossiers avant de demander de rappeler la femme pour un nouvel examen.

En moyenne dans cette enquête, le coût du dépistage était de 18,9 euros par femme dépistée (hors amortissement du matériel, sans le coût des fonctions supports et sans frais liés à l'acte) dont 18,5% (4 euros) pour la rémunération de la deuxième lecture.

===LA L2 RATTRAPE PLUS DE 1.000 CAS PAR AN

Cette deuxième lecture a détecté 6% des cancers trouvés par le programme de dépistage organisé en 2012, selon les données de la base nationale gérée par l'Institut de veille sanitaire (InVS), ont indiqué Agnès Rogel et Dimitri Lastier de l'InVS. Cela représente plus de 1.000 cancers dépistés par an. Le taux de cancers détectés en L2 diminue avec le temps ou du moins se stabilise (9,2% en 2006, 6,8% en 2009).

Dans 90% des cas, les clichés relus en L2 avaient été jugés négatifs en L1 et 10% avaient été jugés négatifs après bilan diagnostique immédiat (fait au cabinet de radiologie en cas de doute).

Quand la première lecture était faite sur un mammographe numérique DR (plein champ), la proportion de cancers détectés en L2 était plus faible (3-5% contre 6-9% pour les autres technologies), a noté Dimitri Lastier.

Des variations géographiques importantes sont vues avec une proportion de cancers détectés par la deuxième lecture qui va de 2% à près de 18% (pour une moyenne à 6%) mais la recherche de facteurs explicatifs est difficile, a indiqué Agnès Rogel. La fidélisation a un effet assez marqué (le lecteur dispose des clichés lors du précédent dépistage), le type de mammographe (DR), les seins denses, et le taux de détection en L2 semble diminuer aussi quand le taux de détection est plus élevé en L1 (si les cancers sont bien vus en L1, il y en a moins à récupérer en L2) et lorsque la proportion de deuxièmes lecteurs parmi les premiers lecteurs est élevée.

Le Dr Corinne Allioux, médecin coordonnateur en Loire-Atlantique, a aussi essayé d'expliquer la variabilité d'un département à l'autre sur la valeur prédictive positive (VPP) de la deuxième lecture dans une étude menée auprès de 23 départements. Cette VPP qui est le rapport entre les cancers détectés en L2 sur le nombre d'examens positifs en L2 était de 4% en moyenne, avec des variations de 1,8% à 9,2%. De même, le taux de cancers détectés en L2 sur le total était de 7,7% avec des taux allant de 1,6% à 17,7%.

"La VPP augmente avec l'âge de la femme et avec l'ancienneté du département dans le programme. Pour le reste, les données sont trop fragiles pour faire ressortir d'autres facteurs", a-t-elle constaté. Les composantes sont multiples et il est difficile de dégager des tendances solides.

Le Dr Brigitte Seradour de Marseille qui organisait ce forum a souligné la rentabilité de la deuxième lecture après bilan diagnostique immédiat négatif. "Nous sommes les seuls à le faire en Europe et cela ramène 100 cas de cancers détectés par an", a-t-elle noté.

===DES CANCERS PLUS PETITS MAIS 20% ONT UN FACTEUR DE MAUVAIS PRONOSTIC

Les cancers détectés en deuxième lecture sont plus petits et plus souvent classés in situ qu'en première lecture, ce qui peut poser la question d'un éventuel surdiagnostic.

Le Dr Philippe Soyer du Chesnay (Yvelines) s'est intéressé aux caractéristiques de ces cancers détectés en L2 dans une enquête menée auprès des huit départements d'Ile-de-France (pour 1,45 million de mammographies). Sur 10.176 cancers trouvés entre 2010 et 2014 (taux de 7 pour 1.000), 650 l'ont été en L2 (6,4%).

Ces cancers étaient plus souvent des carcinomes canalaires in situ (21,1% contre 15,2% dans le programme national), plus souvent de petite taille (42,5% de moins de 10 mm, contre 36,1% dans le programme), sans envahissement ganglionnaire (83,1% versus 76,9%), de grade 1 (34% vs 31,1%).

"Cependant, 19,8% des cancers trouvés en L2 présentaient au moins un facteur de pronostic défavorable (taille, envahissement ganglionnaire, grade 3, absence de récepteurs hormonaux, surexpression de HER2).

"La deuxième lecture est la valeur ajoutée du dépistage organisé", a commenté le Dr Soyer. Elle garantit à toutes les femmes une expertise gratuite des clichés normaux en première lecture afin de ne pas laisser passer des cancers et de diminuer les cancers de l'intervalle (qui apparaissent entre deux dépistages). Elle récupère 20% de tumeurs ayant un facteur de mauvais pronostic les rendant susceptibles d'évoluer avant la vague de dépistage suivante.

Dans une communication affichée, une équipe de l'Aveyron a examiné les cancers détectés en deuxième lecture sur trois ans entre 2011 et 2013 sans trouver de surdiagnostic. Sur 18 cancers, 11 étaient des carcinomes canalaires infiltrants, cinq des lobulaires infiltrants pour un carcinome canalaire in situ et un cas de carcinome canalaire in situ plus infiltrant, ont rapporté le Dr Murielle Cholot du CH de Rodez et ses collègues.

Une enquête menée auprès de radiologues et de femmes concernées a montré que malgré un caractère anxiogène pour les femmes et malgré la remise en cause imposée aux radiologues qui peuvent s'en plaindre, la deuxième lecture est reconnue comme un gage de qualité et de sérieux du programme. La fidélité des femmes rappelées après cette deuxième lecture n'est pas moins bonne et les radiologues y trouvent une sécurité et un caractère formateur.

"C'est un investissement réel de la profession. Peu de professionnels accepteraient que l'on porte un jugement comme cela. On voit que même si ça peut grincer un peu, c'est une reconnaissance de l'assurance qualité", a commenté le Dr Jérôme Viguier de l'Institut national du cancer (Inca).

sl/san/APM polsan

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DÉPISTAGE ORGANISÉ DU CANCER DU SEIN: BÉNÉFICE INDÉNIABLE DE LA DEUXIÈME LECTURE

(par Sylvie LAPOSTOLLE, aux Journées de la SFSPM)

BORDEAUX, 12 novembre 2015 (APM) - La deuxième lecture, une de spécificités du programme français de dépistage organisé du cancer du sein par mammographie, apporte un bénéfice indéniable pour améliorer sa qualité, selon des communications faites mercredi à Bordeaux lors des Journées de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM).

Le forum sur le dépistage s'est intéressé à la deuxième lecture du programme. Le cahier des charges français prévoit que tous les clichés de mammographie jugés normaux ou bénins en première lecture, quand la femme va chez son radiologue, sont relus de manière centralisée au sein des structures de gestion par un radiologue deuxième lecteur plus expérimenté.

Sur le plan pratique, l'organisation de la deuxième lecture respecte bien le cahier des charges, selon une enquête réalisée pendant l'été auprès des médecins de l'Association des coordinateurs pour le dépistage des cancers (Acorde) présentée par Nathalie Catajar, directrice du comité départemental des cancers de Seine-Saint-Denis à Bondy.

Sur 90 structures de gestion sollicitées, 64 ont répondu couvrant 74 départements et 82% des femmes dépistées en 2014. Au total, 96,6% des mammographies du programme ont été vues en deuxième lecture (1,746 million de mammographies) et 1,3% d'entre elles ont été jugées positives en deuxième lecture, soit 22.950 femmes pour lesquelles une investigation complémentaire a été demandée (le cahier des charges prévoit un taux inférieur à 2%).

En termes d'organisation, cette deuxième lecture est le plus souvent réalisée sur un site (seules 11% des structures de gestion ont deux sites de lecture). Les clichés arrivent du cabinet d'imagerie médicale le plus souvent par coursier (86%) alors que le retour à la patiente avec le résultat passe plutôt par la poste (à 77%). Le radiologue vient lire dans un environnement protégé une série de clichés. Le délai entre les deux lectures est en moyenne de 12 jours.

Ces deuxièmes lectures (L2) sont faites par 765 radiologues (contre 3.499 radiologues en première lecture, L1), selon cette enquête, et 19% des radiologues L1 sont aussi radiologues L2. Les structures de gestion disposent d'en moyenne 12 radiologues L2 dont 87% ont un exercice libéral. En 2014, ils ont lu 2.408 mammographies en moyenne en L2 (le cahier des charges prévoit un minimum de 1.500 et une enquête 2009 avait trouvé une moyenne de 1943). Ils lisent en moyenne 87 mammographies sur une séance de 1h30, soit un peu plus d'une minute par dossier.

En cas de cliché techniquement insuffisant, les deux tiers des structures ont une organisation complémentaire avec un troisième lecteur ou un collège de deuxièmes lecteurs qui revoient les dossiers avant de demander de rappeler la femme pour un nouvel examen.

En moyenne dans cette enquête, le coût du dépistage était de 18,9 euros par femme dépistée (hors amortissement du matériel, sans le coût des fonctions supports et sans frais liés à l'acte) dont 18,5% (4 euros) pour la rémunération de la deuxième lecture.

===LA L2 RATTRAPE PLUS DE 1.000 CAS PAR AN

Cette deuxième lecture a détecté 6% des cancers trouvés par le programme de dépistage organisé en 2012, selon les données de la base nationale gérée par l'Institut de veille sanitaire (InVS), ont indiqué Agnès Rogel et Dimitri Lastier de l'InVS. Cela représente plus de 1.000 cancers dépistés par an. Le taux de cancers détectés en L2 diminue avec le temps ou du moins se stabilise (9,2% en 2006, 6,8% en 2009).

Dans 90% des cas, les clichés relus en L2 avaient été jugés négatifs en L1 et 10% avaient été jugés négatifs après bilan diagnostique immédiat (fait au cabinet de radiologie en cas de doute).

Quand la première lecture était faite sur un mammographe numérique DR (plein champ), la proportion de cancers détectés en L2 était plus faible (3-5% contre 6-9% pour les autres technologies), a noté Dimitri Lastier.

Des variations géographiques importantes sont vues avec une proportion de cancers détectés par la deuxième lecture qui va de 2% à près de 18% (pour une moyenne à 6%) mais la recherche de facteurs explicatifs est difficile, a indiqué Agnès Rogel. La fidélisation a un effet assez marqué (le lecteur dispose des clichés lors du précédent dépistage), le type de mammographe (DR), les seins denses, et le taux de détection en L2 semble diminuer aussi quand le taux de détection est plus élevé en L1 (si les cancers sont bien vus en L1, il y en a moins à récupérer en L2) et lorsque la proportion de deuxièmes lecteurs parmi les premiers lecteurs est élevée.

Le Dr Corinne Allioux, médecin coordonnateur en Loire-Atlantique, a aussi essayé d'expliquer la variabilité d'un département à l'autre sur la valeur prédictive positive (VPP) de la deuxième lecture dans une étude menée auprès de 23 départements. Cette VPP qui est le rapport entre les cancers détectés en L2 sur le nombre d'examens positifs en L2 était de 4% en moyenne, avec des variations de 1,8% à 9,2%. De même, le taux de cancers détectés en L2 sur le total était de 7,7% avec des taux allant de 1,6% à 17,7%.

"La VPP augmente avec l'âge de la femme et avec l'ancienneté du département dans le programme. Pour le reste, les données sont trop fragiles pour faire ressortir d'autres facteurs", a-t-elle constaté. Les composantes sont multiples et il est difficile de dégager des tendances solides.

Le Dr Brigitte Seradour de Marseille qui organisait ce forum a souligné la rentabilité de la deuxième lecture après bilan diagnostique immédiat négatif. "Nous sommes les seuls à le faire en Europe et cela ramène 100 cas de cancers détectés par an", a-t-elle noté.

===DES CANCERS PLUS PETITS MAIS 20% ONT UN FACTEUR DE MAUVAIS PRONOSTIC

Les cancers détectés en deuxième lecture sont plus petits et plus souvent classés in situ qu'en première lecture, ce qui peut poser la question d'un éventuel surdiagnostic.

Le Dr Philippe Soyer du Chesnay (Yvelines) s'est intéressé aux caractéristiques de ces cancers détectés en L2 dans une enquête menée auprès des huit départements d'Ile-de-France (pour 1,45 million de mammographies). Sur 10.176 cancers trouvés entre 2010 et 2014 (taux de 7 pour 1.000), 650 l'ont été en L2 (6,4%).

Ces cancers étaient plus souvent des carcinomes canalaires in situ (21,1% contre 15,2% dans le programme national), plus souvent de petite taille (42,5% de moins de 10 mm, contre 36,1% dans le programme), sans envahissement ganglionnaire (83,1% versus 76,9%), de grade 1 (34% vs 31,1%).

"Cependant, 19,8% des cancers trouvés en L2 présentaient au moins un facteur de pronostic défavorable (taille, envahissement ganglionnaire, grade 3, absence de récepteurs hormonaux, surexpression de HER2).

"La deuxième lecture est la valeur ajoutée du dépistage organisé", a commenté le Dr Soyer. Elle garantit à toutes les femmes une expertise gratuite des clichés normaux en première lecture afin de ne pas laisser passer des cancers et de diminuer les cancers de l'intervalle (qui apparaissent entre deux dépistages). Elle récupère 20% de tumeurs ayant un facteur de mauvais pronostic les rendant susceptibles d'évoluer avant la vague de dépistage suivante.

Dans une communication affichée, une équipe de l'Aveyron a examiné les cancers détectés en deuxième lecture sur trois ans entre 2011 et 2013 sans trouver de surdiagnostic. Sur 18 cancers, 11 étaient des carcinomes canalaires infiltrants, cinq des lobulaires infiltrants pour un carcinome canalaire in situ et un cas de carcinome canalaire in situ plus infiltrant, ont rapporté le Dr Murielle Cholot du CH de Rodez et ses collègues.

Une enquête menée auprès de radiologues et de femmes concernées a montré que malgré un caractère anxiogène pour les femmes et malgré la remise en cause imposée aux radiologues qui peuvent s'en plaindre, la deuxième lecture est reconnue comme un gage de qualité et de sérieux du programme. La fidélité des femmes rappelées après cette deuxième lecture n'est pas moins bonne et les radiologues y trouvent une sécurité et un caractère formateur.

"C'est un investissement réel de la profession. Peu de professionnels accepteraient que l'on porte un jugement comme cela. On voit que même si ça peut grincer un peu, c'est une reconnaissance de l'assurance qualité", a commenté le Dr Jérôme Viguier de l'Institut national du cancer (Inca).

sl/san/APM polsan

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