Actualités de l'Urgence - APM

DÉPLOIEMENT D'UN PROTOCOLE SYSTÉMATISANT LA PRISE EN CHARGE MÉDICALE DES ENFANTS PRÉSENTS LORS DE FÉMINICIDE
En 2020, les féminicides et homicides au sein du couple (125 personnes tuées dont 102 femmes) ont rendu 82 enfants orphelins d'au moins un de leur parent, rappelle le ministère dans cette instruction.
Il est de ce fait "apparu nécessaire de proposer" aux acteurs intervenant directement sur les lieux du crime une "marche à suivre", c'est-à-dire "une feuille de route claire et formalisée portant sur les actions immédiates à mettre en oeuvre dans l'intérêt de l'enfant, à laquelle chacun puisse se référer dans un temps restreint, en urgence".
Le ministère a donc choisi de s'inspirer d'un "dispositif expérimental" déployé depuis 2016 en Seine-Saint-Denis, "dans le cadre d'une collaboration étroite entre le conseil départemental, par l'intermédiaire de son observatoire des violences envers les femmes, le parquet du tribunal de grande instance de Bobigny et le centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger à Aulnay-sous-Bois".
Dans ce département, un protocole organise depuis cette date "la protection de l'enfant présent lors du féminicide ou de l'homicide, et sa prise en charge immédiate après les faits par des équipes hospitalières spécialisées". Selon le ministère, ce dispositif "a démontré ses effets bénéfiques tant sur l'état de santé des enfants concernés, qu'en termes de réponses et repères apportés aux professionnels intervenant dans ces situations dramatiques et difficiles".
Contactée mardi par APMnews, le Dr Clémentine Rappaport, cheffe du service de pédopsychiatrie à l'hôpital Robert-Ballanger, et l'une des initiatrices de cette expérimentation, a déclaré qu'une "trentaine de jeunes co-victimes" de féminicides avaient été pris en charge dans le cadre de ce dispositif depuis sa mise en place. A ces enfants, il faut ajouter ceux co-victimes de tentatives de féminicide, également accompagnés par l'établissement dans ce même cadre.
L'intérêt premier de ce protocole est d'assurer aux enfants à la fois "des soins immédiats", mais également de faciliter la mise en place de soins "au long court", a expliqué la co-référente pour le volet pédopsychiatrie de ce dispositif à l'hôpital Robert-Ballanger (le co-référent pour le volet pédiatrie étant le Dr Yacine Laoudi, chef du service de pédiatrie de l'établissement, NDLR), relevant que d'"ordinaire", les enfants recevaient très peu de soins suite à un tel événement.
Grâce à ce protocole, il s'agit aussi de laisser le temps à la réalisation d'une "bonne évaluation de l'environnement" afin que le juge des enfants puisse rendre la "meilleure décision possible" concernant le placement de l'enfant. Et enfin cela permet de "tenir des liens interinstitutionnels entre le tribunal, les services de protection de l'enfance, et les services de soins", ainsi qu'avec la famille.
Une hospitalisation "d'au moins 72h"
Dans son instruction, le ministère présente donc un protocole-type de prise en charge de ces enfants mineurs, qu'il a rédigé en collaboration avec le ministère de la justice. Il propose de faire signer ce protocole par les procureurs concernés, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), le président du conseil départemental, le ou les directeurs du ou des centres hospitaliers concernés et, le cas échéant, le directeur du service d'incendie et de secours (Sdis).
Dans l'instruction, le protocole est accompagné de "fiches réflexes" permettant aux différents intervenants de se repérer dans les démarches à effectuer.
Selon ce protocole, les enfants témoins présents sur le lieux des faits doivent faire l'objet d'une prise en charge "systématique et immédiate". Pour ceux "absents de la scène de crime", cette prise en charge demeure "recommandée", "l'application du dispositif étant alors laissée à l'appréciation du procureur de la République qui pourra le déclencher à tout moment".
En cas de prise en charge d'un enfant présent sur les lieux du crime, le procureur de la République prend "immédiatement [à son profit] une ordonnance de placement provisoire (OPP) valide pour huit jours", en le confiant aux services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) territorialement compétents "avec orientation en service hospitalier".
Le protocole-type recommande une "hospitalisation d'au moins 72h, dont les délais pourront être ajustés si nécessaire".
Le rôle des équipes médicales
Le protocole-type détaille ensuite le rôle "des différentes parties prenantes" à ce dispositif, dont celui des équipes médicales.
Le Samu est chargé de conduire l'enfant présent sur la scène du crime à l'hôpital, et, en cas d'indisponibilité, cette mission est confiée au Sdis.
Le référent médical "désigné pour le suivi de l'enfant", ainsi que les chefs des services de pédiatrie et de pédopsychiatrie, dans le cas où ils ne sont pas référents médicaux, sont informés "de l'arrivée de l'enfant à l'hôpital par le directeur ou son représentant".
"A son arrivée à l'hôpital, l'enfant est directement pris en charge au sein du service de pédiatrie, son accueil étant priorisé". Dans les 72h suivant son arrivée, il bénéficie d'une évaluation somatique et pédopsychiatrique, "qui comprendra des aspects relatifs au psychotraumatisme". Le rapport de cette évaluation est transmis dans ce délai à l'ASE. "La prise en charge de la fratrie dans une même entité de lieu doit être privilégiée", est-il précisé dans l'instruction.
"A l'expiration du délai de 72 heures, l'équipe médicale du lieu d'hospitalisation de l'enfant détermine s'il est nécessaire de prolonger sa prise en charge médico-psychologique et en fixe les modalités", ajoute le ministère. L'ASE, responsable de l'enfant du fait de l'OPP, rencontre l'enfant durant sa période d'hospitalisation, et "effectue les formalités de sortie de l'enfant du service de pédiatrie".
En amont de la sortie de l'enfant, est organisé un "échange d'informations concernant l'état de santé physique et psychologique de l'enfant" entre les services de pédiatrie, de pédopsychiatrie et l'ASE "lors d'une réunion regroupant l'ensemble des partenaires". "La proposition du lieu d'accueil, fondée sur les besoins de l'enfant et l'évaluation de son entourage, est travaillée de concert par l'ASE et les référents médicaux."
Il est précisé qu'après "chaque déclenchement du protocole, un retour sur expérience est effectué avec tous les intervenants, sous l'égide du procureur ayant eu à connaître la situation afin d'identifier ce qui a bien fonctionné et les points à améliorer du protocole". Un comité de suivi du protocole se réunit également au moins une fois par an.
Le protocole-type détaille aussi le rôle des "accompagnants". Le ministère estime en effet "opportun qu'une personne formée à l'accompagnement des enfants soit présente dans le service pédiatrique auprès de l'enfant en permanence afin d'aider à la continuité de la prise en charge et de le rassurer durant cette période particulière".
Remontée du nombre de protocoles signés d'ici fin 2022
Le ministère charge les ARS de diffuser l'instruction et de "créer une synergie" autour du protocole, en s'appuyant notamment sur le centre régional de psychotraumatisme (CRP) de leur territoire, "et si besoin sur les unités d'accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED) déployées conformément à l'instruction du 3 novembre 2021" (cf dépêche du 24/11/2021 à 18:07).
Les ARS s'assurent "que les établissements de santé ayant émis un intérêt pour la mise en place du protocole soient aptes à le faire" et "que les relations avec le parquet général soient établies". Elle "établissent également un lien avec l'ASE et s'assurent de [sa] mise en relation avec les acteurs de la santé et de la justice".
La direction générale de l'offre de soins (DGOS) organisera "une remontée d'information sur le nombre de protocoles signés" d'ici "la fin de l'année 2022".
L'instruction ne prévoit en revanche pas de financements spécifiques pour accompagner le déploiement de ces protocoles, note-t-on. Selon le Dr Rappaport, la DGOS, qui entend la demande, devrait en proposer à partir de 2023.
af/ed/APMnews
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DÉPLOIEMENT D'UN PROTOCOLE SYSTÉMATISANT LA PRISE EN CHARGE MÉDICALE DES ENFANTS PRÉSENTS LORS DE FÉMINICIDE
En 2020, les féminicides et homicides au sein du couple (125 personnes tuées dont 102 femmes) ont rendu 82 enfants orphelins d'au moins un de leur parent, rappelle le ministère dans cette instruction.
Il est de ce fait "apparu nécessaire de proposer" aux acteurs intervenant directement sur les lieux du crime une "marche à suivre", c'est-à-dire "une feuille de route claire et formalisée portant sur les actions immédiates à mettre en oeuvre dans l'intérêt de l'enfant, à laquelle chacun puisse se référer dans un temps restreint, en urgence".
Le ministère a donc choisi de s'inspirer d'un "dispositif expérimental" déployé depuis 2016 en Seine-Saint-Denis, "dans le cadre d'une collaboration étroite entre le conseil départemental, par l'intermédiaire de son observatoire des violences envers les femmes, le parquet du tribunal de grande instance de Bobigny et le centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger à Aulnay-sous-Bois".
Dans ce département, un protocole organise depuis cette date "la protection de l'enfant présent lors du féminicide ou de l'homicide, et sa prise en charge immédiate après les faits par des équipes hospitalières spécialisées". Selon le ministère, ce dispositif "a démontré ses effets bénéfiques tant sur l'état de santé des enfants concernés, qu'en termes de réponses et repères apportés aux professionnels intervenant dans ces situations dramatiques et difficiles".
Contactée mardi par APMnews, le Dr Clémentine Rappaport, cheffe du service de pédopsychiatrie à l'hôpital Robert-Ballanger, et l'une des initiatrices de cette expérimentation, a déclaré qu'une "trentaine de jeunes co-victimes" de féminicides avaient été pris en charge dans le cadre de ce dispositif depuis sa mise en place. A ces enfants, il faut ajouter ceux co-victimes de tentatives de féminicide, également accompagnés par l'établissement dans ce même cadre.
L'intérêt premier de ce protocole est d'assurer aux enfants à la fois "des soins immédiats", mais également de faciliter la mise en place de soins "au long court", a expliqué la co-référente pour le volet pédopsychiatrie de ce dispositif à l'hôpital Robert-Ballanger (le co-référent pour le volet pédiatrie étant le Dr Yacine Laoudi, chef du service de pédiatrie de l'établissement, NDLR), relevant que d'"ordinaire", les enfants recevaient très peu de soins suite à un tel événement.
Grâce à ce protocole, il s'agit aussi de laisser le temps à la réalisation d'une "bonne évaluation de l'environnement" afin que le juge des enfants puisse rendre la "meilleure décision possible" concernant le placement de l'enfant. Et enfin cela permet de "tenir des liens interinstitutionnels entre le tribunal, les services de protection de l'enfance, et les services de soins", ainsi qu'avec la famille.
Une hospitalisation "d'au moins 72h"
Dans son instruction, le ministère présente donc un protocole-type de prise en charge de ces enfants mineurs, qu'il a rédigé en collaboration avec le ministère de la justice. Il propose de faire signer ce protocole par les procureurs concernés, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), le président du conseil départemental, le ou les directeurs du ou des centres hospitaliers concernés et, le cas échéant, le directeur du service d'incendie et de secours (Sdis).
Dans l'instruction, le protocole est accompagné de "fiches réflexes" permettant aux différents intervenants de se repérer dans les démarches à effectuer.
Selon ce protocole, les enfants témoins présents sur le lieux des faits doivent faire l'objet d'une prise en charge "systématique et immédiate". Pour ceux "absents de la scène de crime", cette prise en charge demeure "recommandée", "l'application du dispositif étant alors laissée à l'appréciation du procureur de la République qui pourra le déclencher à tout moment".
En cas de prise en charge d'un enfant présent sur les lieux du crime, le procureur de la République prend "immédiatement [à son profit] une ordonnance de placement provisoire (OPP) valide pour huit jours", en le confiant aux services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) territorialement compétents "avec orientation en service hospitalier".
Le protocole-type recommande une "hospitalisation d'au moins 72h, dont les délais pourront être ajustés si nécessaire".
Le rôle des équipes médicales
Le protocole-type détaille ensuite le rôle "des différentes parties prenantes" à ce dispositif, dont celui des équipes médicales.
Le Samu est chargé de conduire l'enfant présent sur la scène du crime à l'hôpital, et, en cas d'indisponibilité, cette mission est confiée au Sdis.
Le référent médical "désigné pour le suivi de l'enfant", ainsi que les chefs des services de pédiatrie et de pédopsychiatrie, dans le cas où ils ne sont pas référents médicaux, sont informés "de l'arrivée de l'enfant à l'hôpital par le directeur ou son représentant".
"A son arrivée à l'hôpital, l'enfant est directement pris en charge au sein du service de pédiatrie, son accueil étant priorisé". Dans les 72h suivant son arrivée, il bénéficie d'une évaluation somatique et pédopsychiatrique, "qui comprendra des aspects relatifs au psychotraumatisme". Le rapport de cette évaluation est transmis dans ce délai à l'ASE. "La prise en charge de la fratrie dans une même entité de lieu doit être privilégiée", est-il précisé dans l'instruction.
"A l'expiration du délai de 72 heures, l'équipe médicale du lieu d'hospitalisation de l'enfant détermine s'il est nécessaire de prolonger sa prise en charge médico-psychologique et en fixe les modalités", ajoute le ministère. L'ASE, responsable de l'enfant du fait de l'OPP, rencontre l'enfant durant sa période d'hospitalisation, et "effectue les formalités de sortie de l'enfant du service de pédiatrie".
En amont de la sortie de l'enfant, est organisé un "échange d'informations concernant l'état de santé physique et psychologique de l'enfant" entre les services de pédiatrie, de pédopsychiatrie et l'ASE "lors d'une réunion regroupant l'ensemble des partenaires". "La proposition du lieu d'accueil, fondée sur les besoins de l'enfant et l'évaluation de son entourage, est travaillée de concert par l'ASE et les référents médicaux."
Il est précisé qu'après "chaque déclenchement du protocole, un retour sur expérience est effectué avec tous les intervenants, sous l'égide du procureur ayant eu à connaître la situation afin d'identifier ce qui a bien fonctionné et les points à améliorer du protocole". Un comité de suivi du protocole se réunit également au moins une fois par an.
Le protocole-type détaille aussi le rôle des "accompagnants". Le ministère estime en effet "opportun qu'une personne formée à l'accompagnement des enfants soit présente dans le service pédiatrique auprès de l'enfant en permanence afin d'aider à la continuité de la prise en charge et de le rassurer durant cette période particulière".
Remontée du nombre de protocoles signés d'ici fin 2022
Le ministère charge les ARS de diffuser l'instruction et de "créer une synergie" autour du protocole, en s'appuyant notamment sur le centre régional de psychotraumatisme (CRP) de leur territoire, "et si besoin sur les unités d'accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED) déployées conformément à l'instruction du 3 novembre 2021" (cf dépêche du 24/11/2021 à 18:07).
Les ARS s'assurent "que les établissements de santé ayant émis un intérêt pour la mise en place du protocole soient aptes à le faire" et "que les relations avec le parquet général soient établies". Elle "établissent également un lien avec l'ASE et s'assurent de [sa] mise en relation avec les acteurs de la santé et de la justice".
La direction générale de l'offre de soins (DGOS) organisera "une remontée d'information sur le nombre de protocoles signés" d'ici "la fin de l'année 2022".
L'instruction ne prévoit en revanche pas de financements spécifiques pour accompagner le déploiement de ces protocoles, note-t-on. Selon le Dr Rappaport, la DGOS, qui entend la demande, devrait en proposer à partir de 2023.
af/ed/APMnews