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10/09 2021
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DOMINIQUE VOYNET: "IL FAUT CONTINUER À CONSTRUIRE L'ARS MAYOTTE"

(Par Geoffroy LANG)

MAMOUDZOU, 10 septembre 2021 (APMnews) - Dominique Voynet a dressé mercredi, dans une interview à APMnews, le bilan de ses deux années à la tête de l'agence régionale de santé (ARS) Mayotte, dont elle avait assuré la préfiguration et qu'elle s'apprête à quitter.

"En arrivant, je m'étais fixé trois priorités. La première, c'était une sorte d'intuition, c'était de préparer Mayotte aux crises, alors que je n'imaginais évidemment pas la Covid", s'est remémoré Dominique Voynet.

L'ancienne ministre et cheffe de file des Verts avait mené la mission de préfiguration de l'ARS Mayotte fin août 2019 avant d'en prendre la direction générale lors de la création de l'agence en janvier 2020, rappelle-t-on (cf dépêche du 27/11/2019 à 15:54).

"On a été absolument servis, on a eu le droit dans les premières semaines de mon installation à une menace de cyclone, à une crise de l'eau, puisqu'on a eu des coupures d'eau tournantes sur les deux îles de Mayotte pendant des semaines et des semaines", a enchaîné Dominique Voynet, qui quittera officiellement ses fonctions début octobre -après son départ en congés vendredi- pour faire valoir ses droits à la retraite (cf dépêche du 31/08/2021 à 11:51).

"Quand je suis arrivée à l'ARS, il n'y avait pas de salle de crise, de téléphone satellitaire, de rations de survie, ni ne serait-ce que des jerricanes pour mettre de l'eau en cas de crise", a-t-elle illustré.

Depuis, l'agence a notamment produit son plan Orsan (organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles) et réactualisé le plan blanc du CH de Mayotte pour gagner en réactivité en cas d'augmentation des hospitalisations Covid.

"Je pense qu'on a relevé le défi et montré que notre vigilance et notre adaptation étaient à la hauteur", a jugé Dominique Voynet.

Une transversalité croissante dans les services de santé publique

Alors que l'inspectrice générale des affaires sociales (Igas) avait fait de l'amélioration de la réponse aux besoins sanitaires de la population mahoraise une de ses priorités avant de prendre la direction générale de l'ARS, elle a cité la santé publique comme la deuxième priorité de son mandat.

"Je pense qu'on a fait un gros boulot avec la création d'une direction de la santé publique qui associe les quatre services qui se projettent le plus sur le terrain: le service de prévention, le service de veille et sécurité sanitaire qui a été en première ligne pour le Covid, le service de lutte antivectorielle [protection contre les vecteurs d'agents pathogènes] et le service santé-environnement", a-t-elle expliqué.

"On a mis en place une sorte de transversalité entre les quatre services de cette direction pour que tous les agents de cette direction soient des agents de santé publique", a poursuivi la directrice générale.

Elle a reconnu que la crise sanitaire du Covid-19 avait également favorisé le développement de cette transversalité, en assurant que "ce décloisonnement [serait] quelque chose de très précieux pour la suite".

Dominique Voynet a également tenu à mettre en avant la réalisation en pleine crise d'un projet régional santé-environnement (PRSE), inexistant jusqu'alors sur l'archipel: "Les services se sont mobilisés pour le produire parce que ça paraissait fondamental dans la lutte contre le moustique ou pour l'accès à l'eau."

"On sait qu'on est petit, qu'on n'a pas suffisamment de moyens, et donc l'arrivée de l'épidémie a conduit les services à se décloisonner et à travailler ensemble pour permettre l'arrivée de services qui n'existaient toujours pas à Mayotte: garde ambulancière, garde des pharmacies, hospitalisation à domicile", a recontextualisé Dominique Voynet, en ébauchant le bilan de l'évolution de l'offre sanitaire, troisième priorité que la directrice générale s'était donné lors de sa prise de fonction.

Un deuxième hôpital prochainement sur l'archipel

Sujet de réflexion lors de sa prise de poste, la construction d'un deuxième hôpital sur l'archipel pourrait prochainement aboutir, notamment grâce aux financements dégagés par les accords du Ségur de la santé.

"On avait aussi une gouvernance peu propice à l'hôpital, avec une direction qui n'était pas favorable à ce programme d'investissements", a fait remarquer Dominique Voynet.

"Depuis le renouvellement de la direction, on a vraiment mis les bouchées doubles avec l'appui du ministère de la santé, à la fois au niveau du cabinet et au niveau de la DGOS [direction générale de l'offre de soins], et on a travaillé sur un format entre 380 et 420 lits et places, c'est-à-dire une taille équivalente à celle de l'hôpital actuel, avec un choix de deux sites, et quatre critères pour sélectionner ces sites", a-t-elle enchaîné.

Les quatre critères retenus pour présider au choix du site final sont en premier lieu la sécurité du lieu, l'accessibilité par la route, la disponibilité du terrain et les facilités de liaison avec le port de Longoni, l'aéroport, et le CH de Mayotte à Mamoudzou, a détaillé Dominique Voynet, en ajoutant que le ministère trancherait entre deux sites pressentis.

Le financement de ce futur bâtiment de 45.000 m² sera couvert pour partie par les 192 millions d'euros (M€) budgétés pour développer l'offre hospitalière de l'archipel après le mouvement social du printemps 2018 (cf dépêche du 19/04/2018 à 16:32), auxquels s'ajoutent notamment 65 M€ de financement issus du Ségur.

"On a également la possibilité d'émarger sur le programme opérationnel 2014-2020 et sa queue de programme, le React-EU ou la prochaine génération de fonds structurels", a complété Dominique Voynet. "Sur une dizaine d'années, on doit avoir largement assez pour financer le nouvel hôpital."

"Si j'ai un regret, c'est ne pas avoir pu lancer les chantiers des professionnels de santé qui seront indispensables pour ouvrir le nouvel hôpital", a reconnu Dominique Voynet. L'institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) de Mayotte est "trop petit pour former tous les personnels" nécessaires tandis que les candidats aux spécialisations d'infirmier anesthésiste (Iade) et de bloc opératoire (Ibode) "ne sont pas assez nombreux pour ouvrir une formation sur l'archipel".

Une ARS encore en chantier

Au moment de quitter l'ARS Mayotte, dont la direction par intérim sera assurée par la secrétaire générale, Stéphanie Fréchet, Dominique Voynet a insisté sur la nécessité de poursuivre la construction de cette agence de plein exercice: "Il y a un énorme travail qui a été nécessaire pour construire cette administration […], il faut continuer à construire l'ARS."

"Pendant des années, toutes les fonctions support ont été assurées par La Réunion", a-t-elle expliqué. "Il a fallu revoir tous les marchés, il n'y avait personne pour relire les dossiers sur le plan juridique […], ce travail a été fait mais il n'est pas abouti."

Elle a notamment pointé le retard de l'ARS et du département en matière d'e-santé, alors que les dossiers médicaux partagés (DMP) n'ont pas été déployés à Mayotte.

"Le chantier de l'hôpital est un chantier énorme et ni les équipes de l'ARS ni les équipes de l'hôpital ne sont totalement formatées pour le mener à bien", a-t-elle prévenu.

Pour la directrice générale, la "task force commune hôpital-ARS" devra être élargie à la préfecture et au département, "avec le recrutement de personnes de très haut niveau".

Enfin, la formation des professionnels et l'universitarisation de certaines filières (réanimation, néonatalogie, pédiatrie...) constituera le troisième chantier qui attendra le successeur de Dominique Voynet, a-t-elle estimé.

gl/nc/APMnews

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DOMINIQUE VOYNET: "IL FAUT CONTINUER À CONSTRUIRE L'ARS MAYOTTE"

(Par Geoffroy LANG)

MAMOUDZOU, 10 septembre 2021 (APMnews) - Dominique Voynet a dressé mercredi, dans une interview à APMnews, le bilan de ses deux années à la tête de l'agence régionale de santé (ARS) Mayotte, dont elle avait assuré la préfiguration et qu'elle s'apprête à quitter.

"En arrivant, je m'étais fixé trois priorités. La première, c'était une sorte d'intuition, c'était de préparer Mayotte aux crises, alors que je n'imaginais évidemment pas la Covid", s'est remémoré Dominique Voynet.

L'ancienne ministre et cheffe de file des Verts avait mené la mission de préfiguration de l'ARS Mayotte fin août 2019 avant d'en prendre la direction générale lors de la création de l'agence en janvier 2020, rappelle-t-on (cf dépêche du 27/11/2019 à 15:54).

"On a été absolument servis, on a eu le droit dans les premières semaines de mon installation à une menace de cyclone, à une crise de l'eau, puisqu'on a eu des coupures d'eau tournantes sur les deux îles de Mayotte pendant des semaines et des semaines", a enchaîné Dominique Voynet, qui quittera officiellement ses fonctions début octobre -après son départ en congés vendredi- pour faire valoir ses droits à la retraite (cf dépêche du 31/08/2021 à 11:51).

"Quand je suis arrivée à l'ARS, il n'y avait pas de salle de crise, de téléphone satellitaire, de rations de survie, ni ne serait-ce que des jerricanes pour mettre de l'eau en cas de crise", a-t-elle illustré.

Depuis, l'agence a notamment produit son plan Orsan (organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles) et réactualisé le plan blanc du CH de Mayotte pour gagner en réactivité en cas d'augmentation des hospitalisations Covid.

"Je pense qu'on a relevé le défi et montré que notre vigilance et notre adaptation étaient à la hauteur", a jugé Dominique Voynet.

Une transversalité croissante dans les services de santé publique

Alors que l'inspectrice générale des affaires sociales (Igas) avait fait de l'amélioration de la réponse aux besoins sanitaires de la population mahoraise une de ses priorités avant de prendre la direction générale de l'ARS, elle a cité la santé publique comme la deuxième priorité de son mandat.

"Je pense qu'on a fait un gros boulot avec la création d'une direction de la santé publique qui associe les quatre services qui se projettent le plus sur le terrain: le service de prévention, le service de veille et sécurité sanitaire qui a été en première ligne pour le Covid, le service de lutte antivectorielle [protection contre les vecteurs d'agents pathogènes] et le service santé-environnement", a-t-elle expliqué.

"On a mis en place une sorte de transversalité entre les quatre services de cette direction pour que tous les agents de cette direction soient des agents de santé publique", a poursuivi la directrice générale.

Elle a reconnu que la crise sanitaire du Covid-19 avait également favorisé le développement de cette transversalité, en assurant que "ce décloisonnement [serait] quelque chose de très précieux pour la suite".

Dominique Voynet a également tenu à mettre en avant la réalisation en pleine crise d'un projet régional santé-environnement (PRSE), inexistant jusqu'alors sur l'archipel: "Les services se sont mobilisés pour le produire parce que ça paraissait fondamental dans la lutte contre le moustique ou pour l'accès à l'eau."

"On sait qu'on est petit, qu'on n'a pas suffisamment de moyens, et donc l'arrivée de l'épidémie a conduit les services à se décloisonner et à travailler ensemble pour permettre l'arrivée de services qui n'existaient toujours pas à Mayotte: garde ambulancière, garde des pharmacies, hospitalisation à domicile", a recontextualisé Dominique Voynet, en ébauchant le bilan de l'évolution de l'offre sanitaire, troisième priorité que la directrice générale s'était donné lors de sa prise de fonction.

Un deuxième hôpital prochainement sur l'archipel

Sujet de réflexion lors de sa prise de poste, la construction d'un deuxième hôpital sur l'archipel pourrait prochainement aboutir, notamment grâce aux financements dégagés par les accords du Ségur de la santé.

"On avait aussi une gouvernance peu propice à l'hôpital, avec une direction qui n'était pas favorable à ce programme d'investissements", a fait remarquer Dominique Voynet.

"Depuis le renouvellement de la direction, on a vraiment mis les bouchées doubles avec l'appui du ministère de la santé, à la fois au niveau du cabinet et au niveau de la DGOS [direction générale de l'offre de soins], et on a travaillé sur un format entre 380 et 420 lits et places, c'est-à-dire une taille équivalente à celle de l'hôpital actuel, avec un choix de deux sites, et quatre critères pour sélectionner ces sites", a-t-elle enchaîné.

Les quatre critères retenus pour présider au choix du site final sont en premier lieu la sécurité du lieu, l'accessibilité par la route, la disponibilité du terrain et les facilités de liaison avec le port de Longoni, l'aéroport, et le CH de Mayotte à Mamoudzou, a détaillé Dominique Voynet, en ajoutant que le ministère trancherait entre deux sites pressentis.

Le financement de ce futur bâtiment de 45.000 m² sera couvert pour partie par les 192 millions d'euros (M€) budgétés pour développer l'offre hospitalière de l'archipel après le mouvement social du printemps 2018 (cf dépêche du 19/04/2018 à 16:32), auxquels s'ajoutent notamment 65 M€ de financement issus du Ségur.

"On a également la possibilité d'émarger sur le programme opérationnel 2014-2020 et sa queue de programme, le React-EU ou la prochaine génération de fonds structurels", a complété Dominique Voynet. "Sur une dizaine d'années, on doit avoir largement assez pour financer le nouvel hôpital."

"Si j'ai un regret, c'est ne pas avoir pu lancer les chantiers des professionnels de santé qui seront indispensables pour ouvrir le nouvel hôpital", a reconnu Dominique Voynet. L'institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) de Mayotte est "trop petit pour former tous les personnels" nécessaires tandis que les candidats aux spécialisations d'infirmier anesthésiste (Iade) et de bloc opératoire (Ibode) "ne sont pas assez nombreux pour ouvrir une formation sur l'archipel".

Une ARS encore en chantier

Au moment de quitter l'ARS Mayotte, dont la direction par intérim sera assurée par la secrétaire générale, Stéphanie Fréchet, Dominique Voynet a insisté sur la nécessité de poursuivre la construction de cette agence de plein exercice: "Il y a un énorme travail qui a été nécessaire pour construire cette administration […], il faut continuer à construire l'ARS."

"Pendant des années, toutes les fonctions support ont été assurées par La Réunion", a-t-elle expliqué. "Il a fallu revoir tous les marchés, il n'y avait personne pour relire les dossiers sur le plan juridique […], ce travail a été fait mais il n'est pas abouti."

Elle a notamment pointé le retard de l'ARS et du département en matière d'e-santé, alors que les dossiers médicaux partagés (DMP) n'ont pas été déployés à Mayotte.

"Le chantier de l'hôpital est un chantier énorme et ni les équipes de l'ARS ni les équipes de l'hôpital ne sont totalement formatées pour le mener à bien", a-t-elle prévenu.

Pour la directrice générale, la "task force commune hôpital-ARS" devra être élargie à la préfecture et au département, "avec le recrutement de personnes de très haut niveau".

Enfin, la formation des professionnels et l'universitarisation de certaines filières (réanimation, néonatalogie, pédiatrie...) constituera le troisième chantier qui attendra le successeur de Dominique Voynet, a-t-elle estimé.

gl/nc/APMnews

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