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26/07 2017
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DR NATHALIE PRIETO, NOUVELLE PSYCHIATRE RÉFÉRENTE NATIONALE: "AMÉLIORER LE SUIVI DES VICTIMES DE PSYCHOTRAUMA"

(Par Valérie LESPEZ)

LYON, 25 juillet 2017 (APMnews) - Nathalie Prieto, psychiatre au Hospices civils de Lyon (HCL) et responsable de la cellule d'urgence médico-psychologique (Cump) Rhône-Alpes, nommée psychiatre référente nationale le 9 juillet, a expliqué mardi lors d'un entretien à APMnews, la manière dont elle envisageait cette fonction, en insistant notamment sur la nécessité d'améliorer le suivi à moyen-long terme des victimes de psychotrauma.

<+APMnews: comment concevez-vous votre rôle de psychiatre référente nationale ?+>

LIMG 3192 <+Dr Nathalie Prieto+>: Depuis les attentats qui ont frappé la France, cette fonction est apparue au premier plan, puisque c'est un rôle de coordination, de mobilisation des équipes en France et de formation, de façon à avoir une même réponse sur tout le territoire.

Je suis l'interlocuteur privilégié des instances, de la direction générale de la santé (DGS), pour la mise en place de renforts lors d'événements de type attentats, et je suis aussi en aval avec mes collègues des autres régions pour harmoniser les dispositifs d'urgence médico-psychologique et faire en sorte que la réponse, dans ces situations-là, soit correcte, dans l'immédiat, mais aussi dans les suites -et c'est souvent ça qui pose problème.

Il y a un aspect très mobilisateur et opérationnel dans cette fonction parce qu'il faut aller sur le terrain, mais il y aussi un travail de fond à réaliser. La coordination avec les partenaires -les associations de victimes, les partenaires des secours, l'éducation nationale, la justice- est sans doute la tâche la plus difficile. Il faut que l'on définisse encore mieux notre coordination. Il faut baliser encore plus car l'intervention de [personnes non formées], de gens qui s'improvisent [soignants] peut être délétère.

Les gens confondent le soutien, l'empathie et le soin. Ils pensent que parce qu'ils ont envie d'aider, ils aident. Dans la pagaille, la panique, certaines personnes arrivent à rentrer, à s'approcher des victimes, et c'est très compliqué de coordonner tout cela. Le psychautrama est une maladie. Le soutien psychologique aide. Il ne soigne pas. J'ai la mission d'assurer des éléments de réponses, de donner des assurances de prise en charge. Mais j'aimerai bien améliorer la prise en charge complète, pas simplement la prise en charge immédiate.

<+Justement, comment améliorer l'accompagnement à plus long terme ?+>

C'est toute la difficulté, parce que les cellules d'urgence médico-psychologique assurent l'immédiat et le post-immédiat -c'est-à-dire dans le mois, les deux qui suivent l'événement.

La plupart du temps, quand les gens n'ont pas d'antécédents, on les sort d'affaire assez vite s'ils ont pris en charge précocement. Bien sûr, ils restent marqués par ce qu'ils ont vécu, mais cette histoire-là ne les empêchent plus de vivre, cela n'occasionne plus de troubles. Par contre, certains, soit parce qu'ils avaient déjà une problématique antérieure, soit parce qu'ils ont été trop impactés par l'événement, doivent continuer à être suivis, et c'est vrai souci.

Pour le premier mois, cela va, on a toute la batterie des cellules médico-psychologiques. Mais après, quand la victime a besoin d'être prise plus longuement en charge, vous n'allez pas lui dire au bout d'un mois que c'est fini... Pour la majorité des victimes du Bataclan et de Nice, il a fallu au moins 6 mois de suivi. Et là c'est vrai que c'est compliqué de trouver des gens qui sont spécialisés en psychotrauma, et qui ont la disponibilité pour les prendre en charge rapidement. Mon travail est de trouver des solutions pour améliorer la réponse en général, et j'aimerai que cette réponse ne s'arrête pas à la réponse immédiate, qui est la plus visible.

<+Est-ce que les attentats de 2015-2016 en France ont modifié ce qui est demandé au psychiatre référent national ?+>

Auparavant, on était plutôt sur des "petits" événements, évidemment dramatiques, mais qui concernaient moins de monde en même temps et on absorbait jusqu'à présent avec nos moyens. Dans un évènement, à chaque fois que vous avez 10 victimes -qu'elles soient blessées ou décédées- vous multipliez ce chiffre par 10 en termes de demandes de prise en charge. Vous devez ajouter les endeuillés, les familles, les proches, en plus des victimes elles-mêmes. Les besoins peuvent donc être énormes et la nécessité d'organiser et de coordonner est encore plus importante.

<+Quelles sont vos priorités ?+>

Avec François Ducrocq, psychiatre référent national adjoint [et responsable de la Cump zone Nord, Samu 59, cf APM VL4NXWXK2], nous allons essayer de mettre à plat les dispositifs parce qu'ils ne sont pas opérants partout -il y a des postes vacants, il y a des endroits qui n'ont pas le même niveau de formation.

Il ne s'agit pas de faire partout pareil. Harmoniser, ce n'est pas calquer sur un modèle parisien, lyonnais ou lillois. Par exemple, en maritime ou en montagne, les procédures ne sont pas les mêmes, et ce ne sont pas les mêmes risques. Et il y a les particularités locales, dont nous tiendrons compte. Nous allons aussi avoir des réunions assez fréquentes avec la direction générale de la santé pour voir comment on harmonise les fiches cliniques, la recherche que l'on peut faire aussi. On a déjà évalué certaines prises en charge, mais il reste beaucoup à faire; on n'est pas très au clair, par exemple, sur les médicaments de l'immédiat. La cellule d'urgence médico-psychologique de Paris est très impliquée également, les travaux se feront en articulation avec elle.

<+Gardez-vous vos fonctions aux HCL et où en est votre projet de centre de "psychotrauma" à Lyon ?+>.

J'ai été détachée à mi-temps sur la fonction de psychiatre référente nationale, et je garde donc mes fonctions aux HCL, où un psychiatre a été recruté pour me remplacer sur ce mi-temps. Concernant notre projet, il patine un peu actuellement. C'était un projet soutenu par l'ancienne secrétaire d'Etat en charges des victimes, Juliette Méadel, et, depuis le changement de gouvernement, il n'a pas avancé. Ce projet ne nécessite pas de gros moyens supplémentaires car les moyens seraient mutualisés entre la [Cump] et le service de médecine légale.

C'est un projet qui répond exactement à ce besoin de suivi sur le moyen-long terme. A Lyon, les psychiatres ambulatoires sont saturés, certains ne sont pas spécialisés dans le psychotrauma... Il y en a très peu, en dehors de la cellule d'urgence médico-psychologique. D'ailleurs, actuellement, à la cellule d'urgence, faute de moyens, faute de possibilité d'orientation, on suit des gens qui ne relèvent pas de la cellule médico-psychologique. Ce projet est donc une nécessité majeure.

/--- <+Nathalie Prieto, Bio express+> ¤ Psychiatre, médecin légiste, praticien hospitalier. Elle succède au Pr Didier Cremniter, qui avait été nommé psychiatre référent national en 2013. ¤ Psychiatre à l'hôpital Édouard-Herriot (HCL), à l'origine de la création d'une consultation spécifique de psychotraumatologie au Samu de cet établissement, ancien chef de clinique au service d'urgence du CHU Lyon Sud, faculté de médecine Grange-Blanche (1993-1997) ¤ Fondatrice et responsable régionale de la cellule d'urgence médico-psychologique (Cump) Auvergne-Rhône-Alpes (depuis 1998) ¤ A notamment directement participé à des interventions lors d'événements tels que la guerre du Kosovo, l'explosion AZF à Toulouse, le crash du Concorde, les rapatriements de Français de Côte d'Ivoire à Abidjan, les attentats de Paris de novembre 2015 et l'attentat de Nice en juillet 2016, pour lesquels elle est "intervenue très précocement et [a] été amenée, dans les suites, à organiser et prendre en charge en consultation précoce de nombreuses victimes lyonnaises présentes lors de ces évènements". ---/

vl/eh/APMnews

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(Par Valérie LESPEZ)

LYON, 25 juillet 2017 (APMnews) - Nathalie Prieto, psychiatre au Hospices civils de Lyon (HCL) et responsable de la cellule d'urgence médico-psychologique (Cump) Rhône-Alpes, nommée psychiatre référente nationale le 9 juillet, a expliqué mardi lors d'un entretien à APMnews, la manière dont elle envisageait cette fonction, en insistant notamment sur la nécessité d'améliorer le suivi à moyen-long terme des victimes de psychotrauma.

<+APMnews: comment concevez-vous votre rôle de psychiatre référente nationale ?+>

LIMG 3192 <+Dr Nathalie Prieto+>: Depuis les attentats qui ont frappé la France, cette fonction est apparue au premier plan, puisque c'est un rôle de coordination, de mobilisation des équipes en France et de formation, de façon à avoir une même réponse sur tout le territoire.

Je suis l'interlocuteur privilégié des instances, de la direction générale de la santé (DGS), pour la mise en place de renforts lors d'événements de type attentats, et je suis aussi en aval avec mes collègues des autres régions pour harmoniser les dispositifs d'urgence médico-psychologique et faire en sorte que la réponse, dans ces situations-là, soit correcte, dans l'immédiat, mais aussi dans les suites -et c'est souvent ça qui pose problème.

Il y a un aspect très mobilisateur et opérationnel dans cette fonction parce qu'il faut aller sur le terrain, mais il y aussi un travail de fond à réaliser. La coordination avec les partenaires -les associations de victimes, les partenaires des secours, l'éducation nationale, la justice- est sans doute la tâche la plus difficile. Il faut que l'on définisse encore mieux notre coordination. Il faut baliser encore plus car l'intervention de [personnes non formées], de gens qui s'improvisent [soignants] peut être délétère.

Les gens confondent le soutien, l'empathie et le soin. Ils pensent que parce qu'ils ont envie d'aider, ils aident. Dans la pagaille, la panique, certaines personnes arrivent à rentrer, à s'approcher des victimes, et c'est très compliqué de coordonner tout cela. Le psychautrama est une maladie. Le soutien psychologique aide. Il ne soigne pas. J'ai la mission d'assurer des éléments de réponses, de donner des assurances de prise en charge. Mais j'aimerai bien améliorer la prise en charge complète, pas simplement la prise en charge immédiate.

<+Justement, comment améliorer l'accompagnement à plus long terme ?+>

C'est toute la difficulté, parce que les cellules d'urgence médico-psychologique assurent l'immédiat et le post-immédiat -c'est-à-dire dans le mois, les deux qui suivent l'événement.

La plupart du temps, quand les gens n'ont pas d'antécédents, on les sort d'affaire assez vite s'ils ont pris en charge précocement. Bien sûr, ils restent marqués par ce qu'ils ont vécu, mais cette histoire-là ne les empêchent plus de vivre, cela n'occasionne plus de troubles. Par contre, certains, soit parce qu'ils avaient déjà une problématique antérieure, soit parce qu'ils ont été trop impactés par l'événement, doivent continuer à être suivis, et c'est vrai souci.

Pour le premier mois, cela va, on a toute la batterie des cellules médico-psychologiques. Mais après, quand la victime a besoin d'être prise plus longuement en charge, vous n'allez pas lui dire au bout d'un mois que c'est fini... Pour la majorité des victimes du Bataclan et de Nice, il a fallu au moins 6 mois de suivi. Et là c'est vrai que c'est compliqué de trouver des gens qui sont spécialisés en psychotrauma, et qui ont la disponibilité pour les prendre en charge rapidement. Mon travail est de trouver des solutions pour améliorer la réponse en général, et j'aimerai que cette réponse ne s'arrête pas à la réponse immédiate, qui est la plus visible.

<+Est-ce que les attentats de 2015-2016 en France ont modifié ce qui est demandé au psychiatre référent national ?+>

Auparavant, on était plutôt sur des "petits" événements, évidemment dramatiques, mais qui concernaient moins de monde en même temps et on absorbait jusqu'à présent avec nos moyens. Dans un évènement, à chaque fois que vous avez 10 victimes -qu'elles soient blessées ou décédées- vous multipliez ce chiffre par 10 en termes de demandes de prise en charge. Vous devez ajouter les endeuillés, les familles, les proches, en plus des victimes elles-mêmes. Les besoins peuvent donc être énormes et la nécessité d'organiser et de coordonner est encore plus importante.

<+Quelles sont vos priorités ?+>

Avec François Ducrocq, psychiatre référent national adjoint [et responsable de la Cump zone Nord, Samu 59, cf APM VL4NXWXK2], nous allons essayer de mettre à plat les dispositifs parce qu'ils ne sont pas opérants partout -il y a des postes vacants, il y a des endroits qui n'ont pas le même niveau de formation.

Il ne s'agit pas de faire partout pareil. Harmoniser, ce n'est pas calquer sur un modèle parisien, lyonnais ou lillois. Par exemple, en maritime ou en montagne, les procédures ne sont pas les mêmes, et ce ne sont pas les mêmes risques. Et il y a les particularités locales, dont nous tiendrons compte. Nous allons aussi avoir des réunions assez fréquentes avec la direction générale de la santé pour voir comment on harmonise les fiches cliniques, la recherche que l'on peut faire aussi. On a déjà évalué certaines prises en charge, mais il reste beaucoup à faire; on n'est pas très au clair, par exemple, sur les médicaments de l'immédiat. La cellule d'urgence médico-psychologique de Paris est très impliquée également, les travaux se feront en articulation avec elle.

<+Gardez-vous vos fonctions aux HCL et où en est votre projet de centre de "psychotrauma" à Lyon ?+>.

J'ai été détachée à mi-temps sur la fonction de psychiatre référente nationale, et je garde donc mes fonctions aux HCL, où un psychiatre a été recruté pour me remplacer sur ce mi-temps. Concernant notre projet, il patine un peu actuellement. C'était un projet soutenu par l'ancienne secrétaire d'Etat en charges des victimes, Juliette Méadel, et, depuis le changement de gouvernement, il n'a pas avancé. Ce projet ne nécessite pas de gros moyens supplémentaires car les moyens seraient mutualisés entre la [Cump] et le service de médecine légale.

C'est un projet qui répond exactement à ce besoin de suivi sur le moyen-long terme. A Lyon, les psychiatres ambulatoires sont saturés, certains ne sont pas spécialisés dans le psychotrauma... Il y en a très peu, en dehors de la cellule d'urgence médico-psychologique. D'ailleurs, actuellement, à la cellule d'urgence, faute de moyens, faute de possibilité d'orientation, on suit des gens qui ne relèvent pas de la cellule médico-psychologique. Ce projet est donc une nécessité majeure.

/--- <+Nathalie Prieto, Bio express+> ¤ Psychiatre, médecin légiste, praticien hospitalier. Elle succède au Pr Didier Cremniter, qui avait été nommé psychiatre référent national en 2013. ¤ Psychiatre à l'hôpital Édouard-Herriot (HCL), à l'origine de la création d'une consultation spécifique de psychotraumatologie au Samu de cet établissement, ancien chef de clinique au service d'urgence du CHU Lyon Sud, faculté de médecine Grange-Blanche (1993-1997) ¤ Fondatrice et responsable régionale de la cellule d'urgence médico-psychologique (Cump) Auvergne-Rhône-Alpes (depuis 1998) ¤ A notamment directement participé à des interventions lors d'événements tels que la guerre du Kosovo, l'explosion AZF à Toulouse, le crash du Concorde, les rapatriements de Français de Côte d'Ivoire à Abidjan, les attentats de Paris de novembre 2015 et l'attentat de Nice en juillet 2016, pour lesquels elle est "intervenue très précocement et [a] été amenée, dans les suites, à organiser et prendre en charge en consultation précoce de nombreuses victimes lyonnaises présentes lors de ces évènements". ---/

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