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EMERGENCE CONFIRMÉE EN FRANCE DE SOUCHES HAUTEMENT RÉSISTANTES DE SHIGELLA SONNEI AUX ANTIBIOTIQUES
La shigellose est une maladie diarrhéique très contagieuse due à la bactérie Shigella, rappelle l'organisme de recherche. Les chercheurs du Centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella (CNR-ESS), qui surveillent cette bactérie sur le plan national depuis de nombreuses années, ont détecté l'apparition en particulier de souches de S. sonnei hautement résistantes aux antibiotiques (cf dépêche du 19/12/2019 à 11:49).
Dans un article publié dans Nature Communications, Sophie Lefèvre et ses collègues rappellent que S. sonnei est le sérogroupe prédominant dans les pays industrialisés ou en cours d'industrialisation, y compris dans ceux où les autres sérogroupes étaient jusqu'à présent majoritaires.
Plusieurs souches multirésistantes de S. sonnei ont été décrites ces dernières années, initialement en lien avec des voyages en Asie, alors que des souches simultanément résistantes à trois antibiotiques recommandées dans le traitement de la shigellose, la ciprofloxacine, la ceftriaxone et l'azithromycine, restaient jusqu'à présent exceptionnelles.
Or en 2022, les autorités britanniques rapportaient une progression de ces souches hautement résistantes ou dites XDR dans 10 pays européens, le Royaume-Uni et la France étant les plus touchés.
Dans cette étude, les chercheurs du CNR-ESS ont analysé 7.121 souches de S. sonnei recueillies en France entre 2005 et 2021 dans le cadre de la surveillance nationale. La première souche résistante à la ciprofloxacine a été isolée dès 2005, puis la première à la ciprofloxacine en 2004 et enfin, 10 souches résistantes à l'azithromycine en 2014, l'année où la recherche systématique de ces résistances a été mise en place.
La première souche hautement résistante a été isolée en France en 2015 et depuis, 163 souches ont été recueillies.
Parmi les souches recueillies en 2021, 29,5% étaient résistantes à la ceftriaxone, 42,3% à la ciprofloxacine et 38,7% à l'azithromycine. La part des souches résistantes aux trois était de 22,3% et toutes sauf une étaient également résistantes à l'association triméthoprime + sulfaméthoxazole; 87,2% étaient résistantes aux tétracyclines mais toutes restaient sensibles aux carbapénèmes.
Les carbapénèmes ainsi que la colistine doivent être administrés par voie intraveineuse, ce qui rend le traitement plus agressif avec un suivi plus complexe en milieu hospitalier, fait observer l'Institut Pasteur dans son communiqué.
Les chercheurs font observer que la shigellose n'étant pas une maladie à déclaration obligatoire, leur surveillance ne capte qu'une part des cas. Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 a eu des répercussions, avec une forte baisse des cas en 2020 et dans une moindre mesure en 2021, ce qui doit être la conséquence des restrictions sur les déplacements internationaux notamment mais probablement aussi le reflet d'un moindre accès aux soins.
La proportion élevée de souches XDR pourrait ainsi être surestimée mais en 2022, elle était de 21,7% parmi les souches relevées jusqu'au 31 août de cette année-là.
Ces souches XDR ont été observées en France dans différents contextes: chez des voyageurs revenant d'Asie du Sud ou d'Asie du Sud-Est, au cours d'une épidémie dans une école en 2017 (plus de 90 cas ayant conduit à la fermeture de l'école, le cas initial revenant d'un voyage en Asie du Sud-Est), ou chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH).
Ces derniers ont été contaminés par un clone épidémique X10 qui diffuse en Europe depuis 2020, et en particulier en France, et qui a également été retrouvé en Amérique du Nord et en Australie. Ce sous-groupe de souches XDR circulant chez les HSH était majoritaire, représentant 97% des souches XDR en France en 2021.
Une analyse par séquençage génomique a révélé que toutes ces souches XDR françaises appartenaient à une même lignée évolutive devenue résistante à un antibiotique clé, la ciprofloxacine, vers 2007 en Asie du Sud. Puis, ces souches ont acquis dans plusieurs régions géographiques du monde, dont la France, une résistance aux autres antibiotiques de première ligne.
Des études complémentaires sont nécessaires pour décrire de manière plus détaillée les caractéristiques cliniques des infections impliquant ces souches XDR de S. sonnei, notamment pour déterminer s'il existe un portage asymptomatique ou des risques de co-infection avec d'autres pathogènes, et pour confirmer la stratégie thérapeutique.
En cas d'infection par une souche XDR, les chercheurs proposent s'il le faut une antibiothérapie, du pivmécillinam ou de la fosfomycine par voie orale et donc pour les cas sévères, des carbapénèmes (ou de la colistine en cas d'allergie aux bêta-lactamines) pendant trois à cinq jours, suivis par une antibiothérapie orale à doses progressivement décroissantes.
Les cliniciens et les laboratoires dans le cadre des consultations pour infections sexuellement transmissibles (IST) devraient en outre pratiquer systématiquement un antibiogramme en cas d'isolement d'une bactérie Shigella pour une meilleure prise en charge des patients infectés par ces souches hautement résistantes, ajoute l'Institut Pasteur.
(Nature Communications, publication en ligne du 28 janvier)
ld/ab/APMnews
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EMERGENCE CONFIRMÉE EN FRANCE DE SOUCHES HAUTEMENT RÉSISTANTES DE SHIGELLA SONNEI AUX ANTIBIOTIQUES
La shigellose est une maladie diarrhéique très contagieuse due à la bactérie Shigella, rappelle l'organisme de recherche. Les chercheurs du Centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella (CNR-ESS), qui surveillent cette bactérie sur le plan national depuis de nombreuses années, ont détecté l'apparition en particulier de souches de S. sonnei hautement résistantes aux antibiotiques (cf dépêche du 19/12/2019 à 11:49).
Dans un article publié dans Nature Communications, Sophie Lefèvre et ses collègues rappellent que S. sonnei est le sérogroupe prédominant dans les pays industrialisés ou en cours d'industrialisation, y compris dans ceux où les autres sérogroupes étaient jusqu'à présent majoritaires.
Plusieurs souches multirésistantes de S. sonnei ont été décrites ces dernières années, initialement en lien avec des voyages en Asie, alors que des souches simultanément résistantes à trois antibiotiques recommandées dans le traitement de la shigellose, la ciprofloxacine, la ceftriaxone et l'azithromycine, restaient jusqu'à présent exceptionnelles.
Or en 2022, les autorités britanniques rapportaient une progression de ces souches hautement résistantes ou dites XDR dans 10 pays européens, le Royaume-Uni et la France étant les plus touchés.
Dans cette étude, les chercheurs du CNR-ESS ont analysé 7.121 souches de S. sonnei recueillies en France entre 2005 et 2021 dans le cadre de la surveillance nationale. La première souche résistante à la ciprofloxacine a été isolée dès 2005, puis la première à la ciprofloxacine en 2004 et enfin, 10 souches résistantes à l'azithromycine en 2014, l'année où la recherche systématique de ces résistances a été mise en place.
La première souche hautement résistante a été isolée en France en 2015 et depuis, 163 souches ont été recueillies.
Parmi les souches recueillies en 2021, 29,5% étaient résistantes à la ceftriaxone, 42,3% à la ciprofloxacine et 38,7% à l'azithromycine. La part des souches résistantes aux trois était de 22,3% et toutes sauf une étaient également résistantes à l'association triméthoprime + sulfaméthoxazole; 87,2% étaient résistantes aux tétracyclines mais toutes restaient sensibles aux carbapénèmes.
Les carbapénèmes ainsi que la colistine doivent être administrés par voie intraveineuse, ce qui rend le traitement plus agressif avec un suivi plus complexe en milieu hospitalier, fait observer l'Institut Pasteur dans son communiqué.
Les chercheurs font observer que la shigellose n'étant pas une maladie à déclaration obligatoire, leur surveillance ne capte qu'une part des cas. Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 a eu des répercussions, avec une forte baisse des cas en 2020 et dans une moindre mesure en 2021, ce qui doit être la conséquence des restrictions sur les déplacements internationaux notamment mais probablement aussi le reflet d'un moindre accès aux soins.
La proportion élevée de souches XDR pourrait ainsi être surestimée mais en 2022, elle était de 21,7% parmi les souches relevées jusqu'au 31 août de cette année-là.
Ces souches XDR ont été observées en France dans différents contextes: chez des voyageurs revenant d'Asie du Sud ou d'Asie du Sud-Est, au cours d'une épidémie dans une école en 2017 (plus de 90 cas ayant conduit à la fermeture de l'école, le cas initial revenant d'un voyage en Asie du Sud-Est), ou chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH).
Ces derniers ont été contaminés par un clone épidémique X10 qui diffuse en Europe depuis 2020, et en particulier en France, et qui a également été retrouvé en Amérique du Nord et en Australie. Ce sous-groupe de souches XDR circulant chez les HSH était majoritaire, représentant 97% des souches XDR en France en 2021.
Une analyse par séquençage génomique a révélé que toutes ces souches XDR françaises appartenaient à une même lignée évolutive devenue résistante à un antibiotique clé, la ciprofloxacine, vers 2007 en Asie du Sud. Puis, ces souches ont acquis dans plusieurs régions géographiques du monde, dont la France, une résistance aux autres antibiotiques de première ligne.
Des études complémentaires sont nécessaires pour décrire de manière plus détaillée les caractéristiques cliniques des infections impliquant ces souches XDR de S. sonnei, notamment pour déterminer s'il existe un portage asymptomatique ou des risques de co-infection avec d'autres pathogènes, et pour confirmer la stratégie thérapeutique.
En cas d'infection par une souche XDR, les chercheurs proposent s'il le faut une antibiothérapie, du pivmécillinam ou de la fosfomycine par voie orale et donc pour les cas sévères, des carbapénèmes (ou de la colistine en cas d'allergie aux bêta-lactamines) pendant trois à cinq jours, suivis par une antibiothérapie orale à doses progressivement décroissantes.
Les cliniciens et les laboratoires dans le cadre des consultations pour infections sexuellement transmissibles (IST) devraient en outre pratiquer systématiquement un antibiogramme en cas d'isolement d'une bactérie Shigella pour une meilleure prise en charge des patients infectés par ces souches hautement résistantes, ajoute l'Institut Pasteur.
(Nature Communications, publication en ligne du 28 janvier)
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