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25/08 2025
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EN CORSE, ARS ET ACTEURS LOCAUX TRAVAILLENT À CRÉDIBILISER LA DIMENSION HOSPITALO-UNIVERSITAIRE (MARIE-HÉLÈNE LECENNE)

(Propos recueillis par Caroline BESNIER)

AJACCIO, 25 août 2025 (APMnews) - Dans l'optique de la mise en place d'un CHU en Corse à l'horizon 2030, les acteurs locaux, universitaires et hospitaliers, travaillent désormais avec l'agence régionale de santé (ARS) à apporter de la crédibilité à ce projet en matière hospitalo-universitaire, les hôpitaux partant notamment d'une "page blanche" en recherche, a expliqué la directrice générale de l'ARS Corse, lors d'un entretien jeudi à APMnews.

Alors que le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, Yannick Neuder, et la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, Catherine Vautrin, se sont déplacés en Corse au cours des dernières semaines (cf dépêche du 11/08/2025 à 19:02 et dépêche du 20/08/2025 à 18:13), Marie-Hélène Lecenne a fait le point sur la situation des établissements de santé, le projet régional de santé (PRS), les deux territoires corses identifiés comme des déserts médicaux et le développement de l'offre médico-sociale pour les personnes âgées (cf dépêche du 25/08/2025 à 18:48).

APMnews: Quelles sont les prochaines étapes de la mise en place d'un CHU en Corse, sujet notamment abordé par les ministres lors de leurs déplacements?

Marie-Hélène Lecenne: Yannick Neuder et Catherine Vautrin ont confirmé cette universitarisation, tout en écartant la construction bâtimentaire d'un établissement qui deviendrait à terme un CHU. On cherche maintenant à apporter de la crédibilité à l'installation de cette dimension hospitalo-universitaire.

En matière de formation, la Corse commence à apparaître, même si elle n'a pas encore de CHU et n'est pas une région universitaire. Le premier cycle d'études médicales a été acté (la deuxième année commence à la rentrée et la troisième à la rentrée 2026, cf dépêche du 13/02/2025 à 16:08). Catherine Vautrin a aussi mis en avant l'identification d'un contingent corse d'internes au sein de celui de Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), sur 15 spécialités en particulier.

Désormais, il y a plus de 200 lieux de stage pour les internes et pour les étudiants de deuxième et troisième années. On recevait jusqu'à présent une centaine d'internes par an. On est montés en quantité avec un déploiement plus large des lieux de stage (hôpital, clinique, premier recours). Pour les 41 étudiants de deuxième et troisième années, on a aussi eu le souci d'offrir une palette de stages.

On est aussi montés en qualité. Les acteurs font beaucoup d'efforts afin d'être considérés comme crédibles par les étudiants. Pour certaines activités, l'intérêt de lieux de stage corses réside dans l'approche très polyvalente des soins et des actes.

S'agissant de la recherche universitaire et clinique, on poursuit notre ambition pour crédibiliser la feuille de route, en travaillant avec les établissements, les universités, la collectivité de Corse et avec des partenaires du continent (notamment Aix-Marseille Université). La démarche est engagée mais on doit vraiment poser des jalons.

Comment décririez-vous la recherche en santé actuellement en Corse?

Du côté universitaire, une branche prend forme sur les mathématiques appliquées à la santé avec trois thèses en cours. Du côté hospitalier, les centres hospitaliers (CH) d'Ajaccio et de Bastia ont créé des unités de recherche qui commencent à se structurer, avec plusieurs projets de recherche en cours de validation. Aucun des deux établissements ne reçoit d'enveloppe Merri [missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation] pour le moment.

L'université va créer une chaire "santé" à la rentrée. Du côté des ARS et des établissements de santé privés et publics, on doit être au rendez-vous autour de cette chaire pour développer la recherche clinique. Pour les chercheurs, l'insularité offre un terrain de jeu intéressant car elle permet d'avoir un échantillon de population avec une approche territoriale particulière.

On part vraiment d'une page blanche sur le sujet. Mais les acteurs enclenchent des dynamiques. Petit à petit, toutes les briques qui nous permettent d'avoir une ambition d'universitarisation sont en train de se mettre en place.

Le premier objectif pour 2026 sera de structurer l'organisation de la recherche associant tous les acteurs et de gagner notre crédibilité sur le sujet. On a conscience que celle-ci passe par des partenariats. Les unités de recherche ont déjà conventionné avec l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), mais cette coopération devrait se développer encore davantage. On envisage une convention avec le laboratoire de Toulon pour monter en compétences, car il a la particularité d'avoir créé des conditions favorables pour accompagner des démarches sur d'autres territoires.

Des acteurs de premier recours pourraient être embarqués d'emblée dans des programmes de recherche sur certaines pathologies neurodégénératives (prévention, suivi post-soins aigus…).

Comment la participation du privé à l'universitarisation, très spécifique à la Corse, a-t-elle émergé ?

La collectivité de Corse a conduit un travail sur un an et demi de conception du projet de CHU. On a le souci de créer une logique d'universitarisation qui embarque aussi le privé compte tenu du poids de l'offre privée et de son rôle, notamment en SMR [soins médicaux et de réadaptation].

On a par ailleurs des partenariats possibles pour développer des activités nouvelles ou pour épauler des transferts de compétences, notamment avec le Pr Fabrice Barlesi à Gustave-Roussy [Villejuif, Val-de-Marne] ou le Pr Frédéric Collart à l'AP-HM. Une diaspora corse de PU-PH [professeurs des universités-praticiens hospitaliers] va aussi intervenir en parrainage ou en appui, ce qui est précieux pour nous.

Deux TEP-scans avec acheminement par avion du radiopharmaceutique

Où en est la création d'un Institut régional corse de cancérologie?

On va partir d'un noyau dur constitué d'un groupement de coopération sanitaire (GCS) entre le CH d'Ajaccio, l'Institut Paoli-Calmettes (IPC) à Marseille et Gustave-Roussy, que je dois approuver dans les prochaines semaines.

Au niveau de la Corse-du-Sud, nous avions un atypisme, puisqu'un CH spécialisé en psychiatrie, le CH de Castelluccio, gérait la cancérologie. Le transfert de ces activités vers le CH d'Ajaccio a commencé en février avec l'oncologie médicale et le SMR oncologique, puis la radiothérapie sera transférée avant la fin de l'année, comme la médecine nucléaire et la scintigraphie.

Cette importante recomposition de l'offre a reposé sur un travail en amont pour accompagner les personnels, renouveler les équipements et procéder à des aménagements au CH d'Ajaccio. Nous avons en effet dû ajouter une opération Ségur à la construction du nouvel hôpital d'Ajaccio pour accueillir la radiothérapie (bunkers).

S'agissant de l'institut, le GCS entre le CH d'Ajaccio, l'IPC et Gustave-Roussy sera progressivement élargi en 2026 à d'autres acteurs. Le CH de Bastia souhaite y entrer et l'AP-HM en fera partie pour les cancers pédiatriques. Le privé est aussi intéressé. Ce regroupement permettra de donner aux patients un accès à des essais cliniques.

On met actuellement les traits d'union entre les deux départements et entre les acteurs privés et publics. Par exemple, des matériels de radiothérapie équivalents ont été choisis entre la Corse-du-Sud et la Haute-Corse pour permettre des relais en cas de maintenance ou de problème. Des liens doivent aussi être noués avec des partenaires continentaux pour les cancers rares non traités en Corse. Il faut encore trouver tous ces équilibres.

Quand les deux premiers TEP-scans attendus en Corse devraient-ils être installés?

En 2026. La fenêtre d'autorisation est ouverte pour un TEP-scan dans chaque service de médecine nucléaire de Corse: la clinique Almaviva à Bastia [polyclinique Maymard] et le CH d'Ajaccio.

On a saisi la société savante de médecine nucléaire et la société savante de radiopharmacie, qui nous ont rendu un rapport il y a quelques mois confortant la possibilité, dans un premier temps, de jouer la carte d'un acheminement par voie aérienne du radiopharmaceutique. Cela se fera sans doute avec les industriels de Paca car il faut réduire le temps d'acheminement vers l'aéroport.

Quel a été l'impact du renouvellement des autorisations en cancérologie?

Pour l'oncologie et la radiothérapie, le transfert de l'activité du CH de Castelluccio à Ajaccio a demandé toute une procédure sur les autorisations.

Mais l'enjeu a surtout porté sur la chirurgie du cancer. On développe la chirurgie sur les organes pour lesquels on était un peu en deçà du seuil. On a donc renouvelé nos autorisations en utilisant la possibilité de déroger à certains seuils, ce qui a nécessité des conventions exigeantes avec des partenaires du continent.

On a insisté, dans l'instruction des demandes, sur le fait que les critères qualitatifs devaient être absolument respectés. Pour plusieurs autorisations, on aura le souci de faire des contrôles de conformité sur site.

Pour les SMR, qu'est-ce qui a motivé la création d'un nouvel établissement, en l'occurrence la clinique Sainte-Camille?

En Haute-Corse, on avait un déséquilibre du taux d'équipement. Le capacitaire de SMR du CH de Bastia est très limité. Il y a plusieurs années, une autorisation avait été accordée à un acteur pour la plaine orientale, mais non exécutée. Un nouvel appel à projets a donc été lancé.

On a eu uniquement des candidatures privées et on a retenu celle portée par un groupe local de Haute-Corse. C'est la clinique San Ornello [spécialisée en psychiatrie, à Borgo], déjà partenaire du CH de Bastia, qui va gérer ce nouvel établissement à l'horizon 2027. Le promoteur a entamé les travaux.

Ce sera très important pour la Haute-Corse car les difficultés du CH de Bastia viennent aussi [du manque de structuration] de la filière d'aval.

Dans la plaine orientale, il y a également création de deux hôpitaux de jour "déportés" sur Ghisonaccia, un de SMR et un de médecine, afin de soutenir le premier recours sur ce grand territoire ayant une population importante et d'y ancrer une présence hospitalière. Dans le cadre d'un partenariat entre les hôpitaux de Corte et de Bastia, on souhaite offrir des relais en amont ou en aval, avec une approche gériatrique mais pas seulement. Les travaux sont en cours.

Est-ce que le renouvellement des autorisations en obstétrique a modifié le paysage?

Les autorisations ont été renouvelées. On est bien sur trois maternités, une de niveau 1 (Bastia, après le regroupement de celles de l'hôpital et de la clinique, cf dépêche du 01/06/2023 à 16:10) et deux de niveau 2 (Ajaccio et Porto-Vecchio, cf dépêche du 26/09/2023 à 16:13).

Des contrats de performance signés au dernier trimestre pour les CH d'Ajaccio et Bastia

Quelle est la situation financière des hôpitaux corses? Comment mettez-vous en œuvre la circulaire d'avril du premier ministre François Bayrou relative à l'efficience et à la performance des établissements de santé (cf dépêche du 24/04/2025 à 19:34)?

On a fait une transmission aux établissements de l'engagement de cette démarche de performance. Les trois hôpitaux corses connaissent une situation très tendue en trésorerie, avec des trajectoires difficiles.

On avait déjà beaucoup travaillé pour améliorer la performance même si les contrats n'étaient pas formalisés. [Depuis la circulaire], on a mobilisé les acteurs, y compris les élus, pour expliquer la nécessité de formaliser les feuilles de route performance. Au CH d'Ajaccio, elle a été présentée en conseil de surveillance en juillet. Du côté du CH de Bastia, la formalisation est quasiment finalisée. On devrait signer les contrats de performance au dernier trimestre.

On voudrait toutefois mettre en évidence qu'à cause de l'insularité, la trajectoire de performance des établissements passe par plusieurs chemins. On essaye petit à petit de documenter cela de la manière la plus objective possible.

Même si on ne nie pas l'importance de conduire des programmes d'action solides, car il existe des marges de performance, il faut aussi tenir compte du fait que certaines activités à seuils, nécessaires pour limiter la perte de chance et le renoncement aux soins, sont d'emblée déficitaires. La Corse progresse en termes démographiques, mais avec 350.000 habitants, les zones de patientèle restent limitées.

Parfois, cette particularité a pu être reconnue et soutenue, notamment par le FIR [fonds d'intervention régional], mais parfois non.

On a des plateaux techniques exigeants en matière de continuité de permanence des soins et d'équipement (neuroradiologie interventionnelle, caisson hyperbare, neurochirurgie…). On va aussi demander prochainement une dérogation pour du TAVI [remplacement percutané de valve aortique] à Ajaccio et à Bastia, en partenariat avec l'AP-HM. C'est toute une organisation, avec un transfert progressif des compétences et des coûts secondaires non négligeables.

Quant au CH de Castelluccio, il va avoir une ou deux années sensibles en raison du transfert de l'activité de cancérologie, même si elle était déficitaire. Cela implique des phases de transition avec un impact sur la trésorerie.

La régulation de l'accès aux urgences mise en place cet été au CH de Bastia a-t-elle fonctionné? Et cette mesure a-t-elle été activée dans d'autres établissements?

Elle n'a été mise en œuvre qu'aux urgences du CH de Bastia où, malgré l'anticipation, on n'a pas pu armer en ressources médicales le nombre de lignes voulues. Il était important de préserver l'équipe.

Les usagers ont été associés dès le départ à cette organisation et les soignants sont plutôt satisfaits. Le nombre de passages a clairement diminué. On a eu à gérer des relais de soins non programmés ou de permanence des soins ambulatoires avec des acteurs qui ont pleinement joué le jeu.

Pour l'instant, on s'est limités à une mesure estivale et on verra en septembre, après une évaluation plus fine, si on continue ou pas.

Si l'on veut recentrer les urgences sur leur activité, il faut vraiment que l'on sollicite d'autres acteurs du premier recours pour ce qui relève normalement de la médecine de ville.

Est-ce que le service d'accès aux soins (SAS) mis en place dans les deux CH fonctionne?

Oui, même si on est encore en pleine montée en charge. Même si on a déjà des organisations de soins non programmés très précieuses, il faut continuer à mobiliser le premier recours.

Compte tenu de la géographie, il nous faut aussi des réponses microterritoriales, avec des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et des équipes de soins primaires qui dégagent des créneaux de soins non programmés et les déclarent au SAS. On a un petit peu plus d'offres de soins non programmés à Ajaccio, avec notamment SOS Médecins, qu'à Bastia, où il y a néanmoins déjà une MSP partenaire du CH.

cb/nc/lb/APMnews

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EN CORSE, ARS ET ACTEURS LOCAUX TRAVAILLENT À CRÉDIBILISER LA DIMENSION HOSPITALO-UNIVERSITAIRE (MARIE-HÉLÈNE LECENNE)

(Propos recueillis par Caroline BESNIER)

AJACCIO, 25 août 2025 (APMnews) - Dans l'optique de la mise en place d'un CHU en Corse à l'horizon 2030, les acteurs locaux, universitaires et hospitaliers, travaillent désormais avec l'agence régionale de santé (ARS) à apporter de la crédibilité à ce projet en matière hospitalo-universitaire, les hôpitaux partant notamment d'une "page blanche" en recherche, a expliqué la directrice générale de l'ARS Corse, lors d'un entretien jeudi à APMnews.

Alors que le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, Yannick Neuder, et la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, Catherine Vautrin, se sont déplacés en Corse au cours des dernières semaines (cf dépêche du 11/08/2025 à 19:02 et dépêche du 20/08/2025 à 18:13), Marie-Hélène Lecenne a fait le point sur la situation des établissements de santé, le projet régional de santé (PRS), les deux territoires corses identifiés comme des déserts médicaux et le développement de l'offre médico-sociale pour les personnes âgées (cf dépêche du 25/08/2025 à 18:48).

APMnews: Quelles sont les prochaines étapes de la mise en place d'un CHU en Corse, sujet notamment abordé par les ministres lors de leurs déplacements?

Marie-Hélène Lecenne: Yannick Neuder et Catherine Vautrin ont confirmé cette universitarisation, tout en écartant la construction bâtimentaire d'un établissement qui deviendrait à terme un CHU. On cherche maintenant à apporter de la crédibilité à l'installation de cette dimension hospitalo-universitaire.

En matière de formation, la Corse commence à apparaître, même si elle n'a pas encore de CHU et n'est pas une région universitaire. Le premier cycle d'études médicales a été acté (la deuxième année commence à la rentrée et la troisième à la rentrée 2026, cf dépêche du 13/02/2025 à 16:08). Catherine Vautrin a aussi mis en avant l'identification d'un contingent corse d'internes au sein de celui de Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), sur 15 spécialités en particulier.

Désormais, il y a plus de 200 lieux de stage pour les internes et pour les étudiants de deuxième et troisième années. On recevait jusqu'à présent une centaine d'internes par an. On est montés en quantité avec un déploiement plus large des lieux de stage (hôpital, clinique, premier recours). Pour les 41 étudiants de deuxième et troisième années, on a aussi eu le souci d'offrir une palette de stages.

On est aussi montés en qualité. Les acteurs font beaucoup d'efforts afin d'être considérés comme crédibles par les étudiants. Pour certaines activités, l'intérêt de lieux de stage corses réside dans l'approche très polyvalente des soins et des actes.

S'agissant de la recherche universitaire et clinique, on poursuit notre ambition pour crédibiliser la feuille de route, en travaillant avec les établissements, les universités, la collectivité de Corse et avec des partenaires du continent (notamment Aix-Marseille Université). La démarche est engagée mais on doit vraiment poser des jalons.

Comment décririez-vous la recherche en santé actuellement en Corse?

Du côté universitaire, une branche prend forme sur les mathématiques appliquées à la santé avec trois thèses en cours. Du côté hospitalier, les centres hospitaliers (CH) d'Ajaccio et de Bastia ont créé des unités de recherche qui commencent à se structurer, avec plusieurs projets de recherche en cours de validation. Aucun des deux établissements ne reçoit d'enveloppe Merri [missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation] pour le moment.

L'université va créer une chaire "santé" à la rentrée. Du côté des ARS et des établissements de santé privés et publics, on doit être au rendez-vous autour de cette chaire pour développer la recherche clinique. Pour les chercheurs, l'insularité offre un terrain de jeu intéressant car elle permet d'avoir un échantillon de population avec une approche territoriale particulière.

On part vraiment d'une page blanche sur le sujet. Mais les acteurs enclenchent des dynamiques. Petit à petit, toutes les briques qui nous permettent d'avoir une ambition d'universitarisation sont en train de se mettre en place.

Le premier objectif pour 2026 sera de structurer l'organisation de la recherche associant tous les acteurs et de gagner notre crédibilité sur le sujet. On a conscience que celle-ci passe par des partenariats. Les unités de recherche ont déjà conventionné avec l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), mais cette coopération devrait se développer encore davantage. On envisage une convention avec le laboratoire de Toulon pour monter en compétences, car il a la particularité d'avoir créé des conditions favorables pour accompagner des démarches sur d'autres territoires.

Des acteurs de premier recours pourraient être embarqués d'emblée dans des programmes de recherche sur certaines pathologies neurodégénératives (prévention, suivi post-soins aigus…).

Comment la participation du privé à l'universitarisation, très spécifique à la Corse, a-t-elle émergé ?

La collectivité de Corse a conduit un travail sur un an et demi de conception du projet de CHU. On a le souci de créer une logique d'universitarisation qui embarque aussi le privé compte tenu du poids de l'offre privée et de son rôle, notamment en SMR [soins médicaux et de réadaptation].

On a par ailleurs des partenariats possibles pour développer des activités nouvelles ou pour épauler des transferts de compétences, notamment avec le Pr Fabrice Barlesi à Gustave-Roussy [Villejuif, Val-de-Marne] ou le Pr Frédéric Collart à l'AP-HM. Une diaspora corse de PU-PH [professeurs des universités-praticiens hospitaliers] va aussi intervenir en parrainage ou en appui, ce qui est précieux pour nous.

Deux TEP-scans avec acheminement par avion du radiopharmaceutique

Où en est la création d'un Institut régional corse de cancérologie?

On va partir d'un noyau dur constitué d'un groupement de coopération sanitaire (GCS) entre le CH d'Ajaccio, l'Institut Paoli-Calmettes (IPC) à Marseille et Gustave-Roussy, que je dois approuver dans les prochaines semaines.

Au niveau de la Corse-du-Sud, nous avions un atypisme, puisqu'un CH spécialisé en psychiatrie, le CH de Castelluccio, gérait la cancérologie. Le transfert de ces activités vers le CH d'Ajaccio a commencé en février avec l'oncologie médicale et le SMR oncologique, puis la radiothérapie sera transférée avant la fin de l'année, comme la médecine nucléaire et la scintigraphie.

Cette importante recomposition de l'offre a reposé sur un travail en amont pour accompagner les personnels, renouveler les équipements et procéder à des aménagements au CH d'Ajaccio. Nous avons en effet dû ajouter une opération Ségur à la construction du nouvel hôpital d'Ajaccio pour accueillir la radiothérapie (bunkers).

S'agissant de l'institut, le GCS entre le CH d'Ajaccio, l'IPC et Gustave-Roussy sera progressivement élargi en 2026 à d'autres acteurs. Le CH de Bastia souhaite y entrer et l'AP-HM en fera partie pour les cancers pédiatriques. Le privé est aussi intéressé. Ce regroupement permettra de donner aux patients un accès à des essais cliniques.

On met actuellement les traits d'union entre les deux départements et entre les acteurs privés et publics. Par exemple, des matériels de radiothérapie équivalents ont été choisis entre la Corse-du-Sud et la Haute-Corse pour permettre des relais en cas de maintenance ou de problème. Des liens doivent aussi être noués avec des partenaires continentaux pour les cancers rares non traités en Corse. Il faut encore trouver tous ces équilibres.

Quand les deux premiers TEP-scans attendus en Corse devraient-ils être installés?

En 2026. La fenêtre d'autorisation est ouverte pour un TEP-scan dans chaque service de médecine nucléaire de Corse: la clinique Almaviva à Bastia [polyclinique Maymard] et le CH d'Ajaccio.

On a saisi la société savante de médecine nucléaire et la société savante de radiopharmacie, qui nous ont rendu un rapport il y a quelques mois confortant la possibilité, dans un premier temps, de jouer la carte d'un acheminement par voie aérienne du radiopharmaceutique. Cela se fera sans doute avec les industriels de Paca car il faut réduire le temps d'acheminement vers l'aéroport.

Quel a été l'impact du renouvellement des autorisations en cancérologie?

Pour l'oncologie et la radiothérapie, le transfert de l'activité du CH de Castelluccio à Ajaccio a demandé toute une procédure sur les autorisations.

Mais l'enjeu a surtout porté sur la chirurgie du cancer. On développe la chirurgie sur les organes pour lesquels on était un peu en deçà du seuil. On a donc renouvelé nos autorisations en utilisant la possibilité de déroger à certains seuils, ce qui a nécessité des conventions exigeantes avec des partenaires du continent.

On a insisté, dans l'instruction des demandes, sur le fait que les critères qualitatifs devaient être absolument respectés. Pour plusieurs autorisations, on aura le souci de faire des contrôles de conformité sur site.

Pour les SMR, qu'est-ce qui a motivé la création d'un nouvel établissement, en l'occurrence la clinique Sainte-Camille?

En Haute-Corse, on avait un déséquilibre du taux d'équipement. Le capacitaire de SMR du CH de Bastia est très limité. Il y a plusieurs années, une autorisation avait été accordée à un acteur pour la plaine orientale, mais non exécutée. Un nouvel appel à projets a donc été lancé.

On a eu uniquement des candidatures privées et on a retenu celle portée par un groupe local de Haute-Corse. C'est la clinique San Ornello [spécialisée en psychiatrie, à Borgo], déjà partenaire du CH de Bastia, qui va gérer ce nouvel établissement à l'horizon 2027. Le promoteur a entamé les travaux.

Ce sera très important pour la Haute-Corse car les difficultés du CH de Bastia viennent aussi [du manque de structuration] de la filière d'aval.

Dans la plaine orientale, il y a également création de deux hôpitaux de jour "déportés" sur Ghisonaccia, un de SMR et un de médecine, afin de soutenir le premier recours sur ce grand territoire ayant une population importante et d'y ancrer une présence hospitalière. Dans le cadre d'un partenariat entre les hôpitaux de Corte et de Bastia, on souhaite offrir des relais en amont ou en aval, avec une approche gériatrique mais pas seulement. Les travaux sont en cours.

Est-ce que le renouvellement des autorisations en obstétrique a modifié le paysage?

Les autorisations ont été renouvelées. On est bien sur trois maternités, une de niveau 1 (Bastia, après le regroupement de celles de l'hôpital et de la clinique, cf dépêche du 01/06/2023 à 16:10) et deux de niveau 2 (Ajaccio et Porto-Vecchio, cf dépêche du 26/09/2023 à 16:13).

Des contrats de performance signés au dernier trimestre pour les CH d'Ajaccio et Bastia

Quelle est la situation financière des hôpitaux corses? Comment mettez-vous en œuvre la circulaire d'avril du premier ministre François Bayrou relative à l'efficience et à la performance des établissements de santé (cf dépêche du 24/04/2025 à 19:34)?

On a fait une transmission aux établissements de l'engagement de cette démarche de performance. Les trois hôpitaux corses connaissent une situation très tendue en trésorerie, avec des trajectoires difficiles.

On avait déjà beaucoup travaillé pour améliorer la performance même si les contrats n'étaient pas formalisés. [Depuis la circulaire], on a mobilisé les acteurs, y compris les élus, pour expliquer la nécessité de formaliser les feuilles de route performance. Au CH d'Ajaccio, elle a été présentée en conseil de surveillance en juillet. Du côté du CH de Bastia, la formalisation est quasiment finalisée. On devrait signer les contrats de performance au dernier trimestre.

On voudrait toutefois mettre en évidence qu'à cause de l'insularité, la trajectoire de performance des établissements passe par plusieurs chemins. On essaye petit à petit de documenter cela de la manière la plus objective possible.

Même si on ne nie pas l'importance de conduire des programmes d'action solides, car il existe des marges de performance, il faut aussi tenir compte du fait que certaines activités à seuils, nécessaires pour limiter la perte de chance et le renoncement aux soins, sont d'emblée déficitaires. La Corse progresse en termes démographiques, mais avec 350.000 habitants, les zones de patientèle restent limitées.

Parfois, cette particularité a pu être reconnue et soutenue, notamment par le FIR [fonds d'intervention régional], mais parfois non.

On a des plateaux techniques exigeants en matière de continuité de permanence des soins et d'équipement (neuroradiologie interventionnelle, caisson hyperbare, neurochirurgie…). On va aussi demander prochainement une dérogation pour du TAVI [remplacement percutané de valve aortique] à Ajaccio et à Bastia, en partenariat avec l'AP-HM. C'est toute une organisation, avec un transfert progressif des compétences et des coûts secondaires non négligeables.

Quant au CH de Castelluccio, il va avoir une ou deux années sensibles en raison du transfert de l'activité de cancérologie, même si elle était déficitaire. Cela implique des phases de transition avec un impact sur la trésorerie.

La régulation de l'accès aux urgences mise en place cet été au CH de Bastia a-t-elle fonctionné? Et cette mesure a-t-elle été activée dans d'autres établissements?

Elle n'a été mise en œuvre qu'aux urgences du CH de Bastia où, malgré l'anticipation, on n'a pas pu armer en ressources médicales le nombre de lignes voulues. Il était important de préserver l'équipe.

Les usagers ont été associés dès le départ à cette organisation et les soignants sont plutôt satisfaits. Le nombre de passages a clairement diminué. On a eu à gérer des relais de soins non programmés ou de permanence des soins ambulatoires avec des acteurs qui ont pleinement joué le jeu.

Pour l'instant, on s'est limités à une mesure estivale et on verra en septembre, après une évaluation plus fine, si on continue ou pas.

Si l'on veut recentrer les urgences sur leur activité, il faut vraiment que l'on sollicite d'autres acteurs du premier recours pour ce qui relève normalement de la médecine de ville.

Est-ce que le service d'accès aux soins (SAS) mis en place dans les deux CH fonctionne?

Oui, même si on est encore en pleine montée en charge. Même si on a déjà des organisations de soins non programmés très précieuses, il faut continuer à mobiliser le premier recours.

Compte tenu de la géographie, il nous faut aussi des réponses microterritoriales, avec des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et des équipes de soins primaires qui dégagent des créneaux de soins non programmés et les déclarent au SAS. On a un petit peu plus d'offres de soins non programmés à Ajaccio, avec notamment SOS Médecins, qu'à Bastia, où il y a néanmoins déjà une MSP partenaire du CH.

cb/nc/lb/APMnews

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