Actualités de l'Urgence - APM

EN PÉDIATRIE, LA PÉNURIE DE SOIGNANTS "MET EN DANGER LA SANTÉ DES ENFANTS" (COLLECTIF INTER-HÔPITAUX)
La décision de tenir une conférence de presse a été prise "dans l'urgence" afin d'alerter sur la "grande difficulté" dans laquelle se trouvent les services de pédiatrie, a expliqué en préambule Christophe Marguet, pédiatre, chef de service du département pédiatrie et médecine de
l'adolescent au CHU de Rouen.
Les services de pédiatrie font actuellement face à des fermetures de lits ou à l'impossibilité d'ouvrir des lits saisonniers "par manque de puéricultrices et d'infirmières, d'auxiliaires puéricultrices et de pédiatres".
Une situation d'autant plus problématique que les urgences pédiatriques sont "submergées comme tous les hivers par les épidémies virales, dont les conséquences respiratoires peuvent être graves chez les plus jeunes (bronchiolites aiguës, asthme entre 2 et 4 ans)", a continué Christophe Marguet.
La crise dépasse d'ailleurs la pédiatrie puisqu'une "enquête flash" présentée mercredi dans Libération a montré que 20% des lits disponibles seraient fermés faute de personnel paramédical et médical dans les CHU et CHR (cf dépêche du 27/10/2021 à 13:06), a-t-il souligné.
Certains enfants ne peuvent plus être pris en charge en hépatologie
L'hôpital Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre, Val-de-Marne, AP-HP) et Necker-Enfants malades (Paris, AP-HP) concentrent à eux deux environ 75% des greffes du foie chez l'enfant, a souligné Laure Daurey, déléguée générale de l'Association maladies foie enfants (AMFE).
Bien que ces hôpitaux soient les "deux centres de référence français", "pour la première fois" ils ne sont plus en mesure de prendre en charge tous les enfants par manque de personnel soignant.
Ils sont actuellement contraints de fermer des lits en service d'hépatologie pédiatrique: 10 lits sur 24 sont fermés à Bicêtre et un quart des lits le sont à Necker.
En réanimation polyvalente pédiatrique: 6 lits sont fermés à Bicêtre sur les 20 "théoriquement disponibles", et à Necker entre 25% à 30% des lits sont fermés dans tous les services y compris en réanimation, a rapporté Laure Daurey.
La pénurie de personnel paramédical a "maintenant franchi un point critique" à l'hôpital Bicêtre. La charge de travail qui doit être normalement assurée par 4 infirmières l'est désormais par 2 infirmières, "voire une seule", a expliqué le Dr Oanez Ackermann, pédiatre au service d'hépatologie et de transplantation hépatique de Bicêtre.
Depuis octobre, le service n'a pas pu accueillir "5 enfants en situation d'urgence vitale, ayant une hépatite aiguë grave ou une aggravation brutale d'une maladie chronique du foie et relevant d'une transplantation à tout moment", a-t-elle continué.
Parmi ces enfants, certains "ont dû passer par plusieurs centres de transplantation" avant de pouvoir être pris en charge, et 2 ont été hospitalisés "très loin de leur domicile", a souligné Oanez Ackermann.
En outre, "nous sommes contraints d'annuler, au dernier moment [...] des hospitalisations programmées depuis plusieurs mois". Au total, il y a eu "25 annulations en 4 semaines". Cela "aura bien évidemment des conséquences" sur leur santé et "engendrera une perte de chance", mais "nous n'avons pas d'autre alternative".
Les enfants sont "en danger", "nous vivons une situation dramatique inédite" mettant "en jeu" leur "pronostic vital", a alerté Oanez Ackermann.
Des "tris" de patients et des critères d'hospitalisation revus à la baisse
Au centre hospitalier (CH) de Versailles, la pénurie de soignants est "inédite", a rapporté le Dr Véronique Hentgen du service de pédiatrie générale.
Depuis le printemps, le manque de personnels (en particulier d'infirmiers) oblige à maintenir plusieurs lits fermés. "Malgré tous les efforts pour recruter, aujourd'hui il y a toujours 4 lits sur les 32 fermés", a-t-elle dit.
Des postes médicaux sont également vacants. Un poste ouvert pour remplacer les trois congés de maternité n'a pas suscité de candidature, du fait notamment de la "lourdeur de notre service" assurant une continuité de soins 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Pour pallier l'insuffisance de places, "nous hospitalisons tous les jours des enfants dans les 4 lits pourtant officiellement fermés [...] sans pour autant avoir les soignants pour s'en occuper", a expliqué Véronique Hentgen.
En outre, "nous laissons partir à domicile des enfants qui avaient pourtant une indication d'hospitalisation pour surveillance".
Un "tri" des malades est effectué en amont pour choisir ceux qui peuvent être hospitalisés, notamment aux urgences où "nous sommes obligés de revoir nos exigences de surveillance à la baisse", avec les risques pour la santé des patients que cela implique à "court, moyen et long termes", a-t-elle déploré.
"Lorsque notre collègue neuropédiatre ne peut pas hospitaliser un enfant en proie à des crises d'épilepsie à répétition pour un électroencéphalogramme [...], c'est à nouveau du tri", a-t-elle regretté.
"Lorsque notre collègue diabétologue ne peut plus poser de pompes à insuline car il n'y a plus de place d'hospitalisation, c'est toujours du tri", a-t-elle alerté.
Lisa Ouss, pédopsychiatre à l'hôpital Necker-Enfants malades, a également évoqué des situations de tri en psychiatrie. "Il nous faut quotidiennement 'trier' les patients, renvoyer chez eux des jeunes en grande souffrance, présentant un risque suicidaire faute de place, et nous échiner à trouver des lits pour ceux qui présentent un risque suicidaire plus élevé."
La pédiatrie, une spécialité qui ne séduit plus les jeunes soignants
Fabienne Eymard, cadre de santé puéricultrice à l'hôpital La Timone de l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), a témoigné d'une perte d'attractivité récente pour le métier de soignant en pédiatrie.
"Si l'hôpital public n'est plus attractif que ce soit pour les personnels médicaux et les non-médicaux", la pédiatrie "a attiré longtemps" de jeunes postulants. Pourtant "aujourd'hui de nombreux postes sont vacants" notamment d'infirmiers, a-t-elle déclaré.
Parmi les raisons de cette désertion, "il y a tout d'abord l'image que l'on donne aux stagiaires de passage dans nos services". Ceux-ci sont les "témoins directs des difficultés rencontrées: rappels des agents, manque de personnel, etc.", et ils sont "parfois considérés comme une variable d'ajustement", a rapporté Fabienne Eymard.
"Non seulement nous ne sommes plus dans notre rôle de formation de futurs professionnels, nos futurs collègues, mais en plus on contribue à alimenter l'image négative de l'hôpital", a déploré la cadre de santé.
Et "une fois diplômés, ces étudiants sont ne sont pas forcément enclins à venir travailler à l'hôpital public". Par ailleurs, les salaires ne sont toujours pas attractifs malgré les revalorisations Ségur ("un infirmier gagne 1.800 euros net en début de carrière").
Ainsi, l'absentéisme est "de plus en plus important" en pédiatrie. Le taux est actuellement de "17%" sur le secteur à l'AP-HM (Timone enfants et une partie de l'hôpital Nord), a indiqué Fabienne Eymard.
syl/ab/APMnews
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EN PÉDIATRIE, LA PÉNURIE DE SOIGNANTS "MET EN DANGER LA SANTÉ DES ENFANTS" (COLLECTIF INTER-HÔPITAUX)
La décision de tenir une conférence de presse a été prise "dans l'urgence" afin d'alerter sur la "grande difficulté" dans laquelle se trouvent les services de pédiatrie, a expliqué en préambule Christophe Marguet, pédiatre, chef de service du département pédiatrie et médecine de
l'adolescent au CHU de Rouen.
Les services de pédiatrie font actuellement face à des fermetures de lits ou à l'impossibilité d'ouvrir des lits saisonniers "par manque de puéricultrices et d'infirmières, d'auxiliaires puéricultrices et de pédiatres".
Une situation d'autant plus problématique que les urgences pédiatriques sont "submergées comme tous les hivers par les épidémies virales, dont les conséquences respiratoires peuvent être graves chez les plus jeunes (bronchiolites aiguës, asthme entre 2 et 4 ans)", a continué Christophe Marguet.
La crise dépasse d'ailleurs la pédiatrie puisqu'une "enquête flash" présentée mercredi dans Libération a montré que 20% des lits disponibles seraient fermés faute de personnel paramédical et médical dans les CHU et CHR (cf dépêche du 27/10/2021 à 13:06), a-t-il souligné.
Certains enfants ne peuvent plus être pris en charge en hépatologie
L'hôpital Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre, Val-de-Marne, AP-HP) et Necker-Enfants malades (Paris, AP-HP) concentrent à eux deux environ 75% des greffes du foie chez l'enfant, a souligné Laure Daurey, déléguée générale de l'Association maladies foie enfants (AMFE).
Bien que ces hôpitaux soient les "deux centres de référence français", "pour la première fois" ils ne sont plus en mesure de prendre en charge tous les enfants par manque de personnel soignant.
Ils sont actuellement contraints de fermer des lits en service d'hépatologie pédiatrique: 10 lits sur 24 sont fermés à Bicêtre et un quart des lits le sont à Necker.
En réanimation polyvalente pédiatrique: 6 lits sont fermés à Bicêtre sur les 20 "théoriquement disponibles", et à Necker entre 25% à 30% des lits sont fermés dans tous les services y compris en réanimation, a rapporté Laure Daurey.
La pénurie de personnel paramédical a "maintenant franchi un point critique" à l'hôpital Bicêtre. La charge de travail qui doit être normalement assurée par 4 infirmières l'est désormais par 2 infirmières, "voire une seule", a expliqué le Dr Oanez Ackermann, pédiatre au service d'hépatologie et de transplantation hépatique de Bicêtre.
Depuis octobre, le service n'a pas pu accueillir "5 enfants en situation d'urgence vitale, ayant une hépatite aiguë grave ou une aggravation brutale d'une maladie chronique du foie et relevant d'une transplantation à tout moment", a-t-elle continué.
Parmi ces enfants, certains "ont dû passer par plusieurs centres de transplantation" avant de pouvoir être pris en charge, et 2 ont été hospitalisés "très loin de leur domicile", a souligné Oanez Ackermann.
En outre, "nous sommes contraints d'annuler, au dernier moment [...] des hospitalisations programmées depuis plusieurs mois". Au total, il y a eu "25 annulations en 4 semaines". Cela "aura bien évidemment des conséquences" sur leur santé et "engendrera une perte de chance", mais "nous n'avons pas d'autre alternative".
Les enfants sont "en danger", "nous vivons une situation dramatique inédite" mettant "en jeu" leur "pronostic vital", a alerté Oanez Ackermann.
Des "tris" de patients et des critères d'hospitalisation revus à la baisse
Au centre hospitalier (CH) de Versailles, la pénurie de soignants est "inédite", a rapporté le Dr Véronique Hentgen du service de pédiatrie générale.
Depuis le printemps, le manque de personnels (en particulier d'infirmiers) oblige à maintenir plusieurs lits fermés. "Malgré tous les efforts pour recruter, aujourd'hui il y a toujours 4 lits sur les 32 fermés", a-t-elle dit.
Des postes médicaux sont également vacants. Un poste ouvert pour remplacer les trois congés de maternité n'a pas suscité de candidature, du fait notamment de la "lourdeur de notre service" assurant une continuité de soins 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Pour pallier l'insuffisance de places, "nous hospitalisons tous les jours des enfants dans les 4 lits pourtant officiellement fermés [...] sans pour autant avoir les soignants pour s'en occuper", a expliqué Véronique Hentgen.
En outre, "nous laissons partir à domicile des enfants qui avaient pourtant une indication d'hospitalisation pour surveillance".
Un "tri" des malades est effectué en amont pour choisir ceux qui peuvent être hospitalisés, notamment aux urgences où "nous sommes obligés de revoir nos exigences de surveillance à la baisse", avec les risques pour la santé des patients que cela implique à "court, moyen et long termes", a-t-elle déploré.
"Lorsque notre collègue neuropédiatre ne peut pas hospitaliser un enfant en proie à des crises d'épilepsie à répétition pour un électroencéphalogramme [...], c'est à nouveau du tri", a-t-elle regretté.
"Lorsque notre collègue diabétologue ne peut plus poser de pompes à insuline car il n'y a plus de place d'hospitalisation, c'est toujours du tri", a-t-elle alerté.
Lisa Ouss, pédopsychiatre à l'hôpital Necker-Enfants malades, a également évoqué des situations de tri en psychiatrie. "Il nous faut quotidiennement 'trier' les patients, renvoyer chez eux des jeunes en grande souffrance, présentant un risque suicidaire faute de place, et nous échiner à trouver des lits pour ceux qui présentent un risque suicidaire plus élevé."
La pédiatrie, une spécialité qui ne séduit plus les jeunes soignants
Fabienne Eymard, cadre de santé puéricultrice à l'hôpital La Timone de l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), a témoigné d'une perte d'attractivité récente pour le métier de soignant en pédiatrie.
"Si l'hôpital public n'est plus attractif que ce soit pour les personnels médicaux et les non-médicaux", la pédiatrie "a attiré longtemps" de jeunes postulants. Pourtant "aujourd'hui de nombreux postes sont vacants" notamment d'infirmiers, a-t-elle déclaré.
Parmi les raisons de cette désertion, "il y a tout d'abord l'image que l'on donne aux stagiaires de passage dans nos services". Ceux-ci sont les "témoins directs des difficultés rencontrées: rappels des agents, manque de personnel, etc.", et ils sont "parfois considérés comme une variable d'ajustement", a rapporté Fabienne Eymard.
"Non seulement nous ne sommes plus dans notre rôle de formation de futurs professionnels, nos futurs collègues, mais en plus on contribue à alimenter l'image négative de l'hôpital", a déploré la cadre de santé.
Et "une fois diplômés, ces étudiants sont ne sont pas forcément enclins à venir travailler à l'hôpital public". Par ailleurs, les salaires ne sont toujours pas attractifs malgré les revalorisations Ségur ("un infirmier gagne 1.800 euros net en début de carrière").
Ainsi, l'absentéisme est "de plus en plus important" en pédiatrie. Le taux est actuellement de "17%" sur le secteur à l'AP-HM (Timone enfants et une partie de l'hôpital Nord), a indiqué Fabienne Eymard.
syl/ab/APMnews