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19/11 2024
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FINANCEMENT DES URGENCES: UNE RÉFORME "AMBITIEUSE" MAIS APPLIQUÉE "TIMIDEMENT" ET AVEC UN MANQUE DE FIABILITÉ

PARIS, 19 novembre 2024 (APMnews) - Si elle salue l'ambition de la réforme du financement de la médecine d'urgence, la Cour des comptes déplore une certaine timidité dans sa mise en œuvre ainsi qu'un manque de fiabilité des données d'activité et de facturation, conduisant à des interrogations sur leur véracité, dans son rapport rendu public mardi sur les urgences.

La réforme du financement de la médecine d'urgence a été instituée par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 et est entrée vigueur en plusieurs étapes à partir de mars 2021.

Le dispositif est composé de trois fractions:

  • une dotation populationnelle qui représente 53% de l'enveloppe nationale, dont l'attribution aux établissements est individualisée par les agences régionales de santé (ARS). Elle "est censée couvrir les frais fixes des structures des urgences au regard des besoins de la population concernée".

  • une part, fonction de l'activité, dont l'enveloppe nationale représente 45% du coût attendu de l'activité des urgences et qui repose sur la facturation des forfaits "urgences" pour les passages non suivis d'hospitalisation. Cinq forfaits, pris en charge à 100% par l'assurance maladie, tiennent compte de l'âge des patients et de l'intensité de leur prise en charge. En outre, un forfait "patient urgences" (FPU) se substitue à l'ensemble des tickets modérateurs et participations qui étaient précédemment acquittés par les patients lors d'un passage aux urgences non programmé non suivi d'hospitalisation.

  • une dotation en fonction de la qualité qui est censée représenter 2% du financement prévisionnel des urgences au niveau national, versée en fonction d'indicateurs fixés chaque année par le ministère.

"Pour chaque établissement, les proportions sont susceptibles de varier sensiblement, en particulier en fonction du niveau de dotation populationnelle allouée et du niveau d'activité constaté", rappelle la Cour.

Lors de l'application de cette réforme, la priorité a été donnée à une "transition douce", observe-t-elle.

Concernant la dotation populationnelle, "le choix a été fait de rendre cette évolution très progressive en partant des nécessités de financement des structures existantes plutôt que de calibrer les dotations régionales sur les objectifs à atteindre en termes de capacité et de répartition territoriale".

Les auteurs rappellent que pour chaque région, l'écart entre la dotation de base et la dotation modélisée est calculé. "Quand la dotation modélisée est plus élevée, la dotation allouée à la région augmente progressivement pendant cinq ans pour atteindre la dotation cible. Quand la dotation modélisée est moins élevée, la dotation de la région concernée ne baisse pas et demeure au niveau de la dotation de base".

"L'enveloppe nationale est donc calculée de telle manière qu'aucune dotation régionale ne diminue mais que certaines augmentent", ajoute la Cour qui précise que la Corse, la Guadeloupe, l'Ile-de-France, les Hauts-de-France, la Martinique, l'Occitanie et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur voient leur enveloppe stabilisée tandis que les autres régions bénéficient d'une augmentation.

Le dispositif du financement souffre aussi d'une "diversité de composantes", ce qui fait que "l'enjeu financier de l'activité de médecine d'urgence ne peut pas être mesuré de manière exhaustive et repose sur une part d'estimation".

Plusieurs éléments sont connus, rappelle la Cour qui cite la dotation populationnelle, la facturation des séjours hospitaliers aux urgences (intégralement en unités d'hospitalisation de courte durée -UHCD), la dotation en fonction de la qualité de l'activité, les forfaits versés par l'assurance maladie aux établissements de santé et aux médecins libéraux en fonction des passages aux urgences non suivis d'hospitalisation et du forfait individuel facturé aux patients et à leur mutuelle.

"Cependant, le financement relatif aux passages aux urgences suivis d'hospitalisation dans un autre service de l'établissement, soit directement, soit après un premier séjour d'hospitalisation de courte durée aux urgences, ne peut pas être chiffré directement", déplore-t-elle en soulignant que ces passages ne sont facturés à l'assurance maladie par les établissements "qu'au titre du séjour dans le service hospitalier d'accueil".

La fiabilité des données de facturation est impérative

A l'échelle des établissements, "la donnée hospitalière concernant les urgences n'est pas suffisamment fiable", critique aussi la Cour. Elle déclare que "ce qui a été montré pour les données d'activité peut l'être aussi pour les données de facturation".

Alors que la répartition par niveau de gravité des passages aux urgences dans un établissement "n'a pas de raison de s'éloigner considérablement de la moyenne ni d'évoluer soudainement d'une année sur l'autre" (sauf raison exceptionnelle), "les données font apparaître des structures des urgences où ces proportions ne peuvent provenir que d'anomalies, fortuites ou volontaires, avec des conséquences importantes en termes de financement".

"A cet égard, la grande dispersion de la part de passages aux urgences faisant l'objet d'une demande de supplément pour les CCMU 3, 4 et 5 (équivalent à 19,72 € par passage) attire l'attention", explique la Cour. Elle souligne que "certains établissements en déclarent près de 100%, alors que les CCMU 3, 4 et 5 concernent des cas graves qui ne représentent en moyenne que 10,8% des passages aux urgences, quand d'autres en déclarent 0% ou très peu".

"Ainsi, quelques établissements touchent des suppléments dans une proportion qui justifie de vérifier qu'ils ne sont pas indus, d'autres au contraire ne touchent pas des ressources auxquelles ils pourraient prétendre", dénonce-t-elle.

La Cour déplore aussi la coexistence de "deux circuits de collecte des informations au sein des établissements, ce qui crée des divergences notables entre les deux bases de données: celle de suivi de l'activité médicale en fonction de laquelle, entre autres, sera modulée la dotation populationnelle attribuée par l'agence régionale de santé, et celle de facturation à l'activité, à l'assurance maladie".

"Ces différences ne sont pas détectées, et encore moins recherchées, par les autorités compétentes, agences régionales de santé et caisses principales d'assurance maladie, malgré les enjeux financiers qui s'y attachent", regrette-t-elle.

"Le projet de nouveau résumé de passage aux urgences, qui est en attente d'arbitrage final sur son contenu et sur sa mise en œuvre, comporte tous les éléments nécessaires à la facturation et permettrait de mettre fin au double circuit administratif", rassure-t-elle.

En attendant, "l'impératif de fiabilité des données de facturation s'ajoute donc aux motifs de mise en œuvre sans délai du nouveau référentiel de données d'activité", affirme-t-elle.

Deux logiques de facturation

L'exploitation des données au niveau national est également "entravée par le fait que la facturation à l'activité obéit à deux logiques distinctes", selon que le patient est hospitalisé ou non à l'issue de son passage aux urgences, ajoute la Cour.

En effet, en l'absence d'hospitalisation à l'issue du passage aux urgences, un forfait est facturé à l'assurance maladie en fonction de l'âge, de la complexité du cas et des actes réalisés et est versé à l'établissement de santé lui-même dans le secteur public et secteur privé sans but lucratif, et directement aux médecins libéraux dans les établissements de santé privés du secteur privé à but lucratif.

En revanche, si le patient est hospitalisé dans le prolongement de son passage aux urgences, aucun forfait n'est versé et seul le séjour hospitalier est facturé et enregistré dans le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) de l'assurance maladie.

"Cette distinction complique l'analyse des coûts et l'évaluation de l'efficacité des soins d'urgence par les autorités de santé, d'autant plus que les données de facturation ne peuvent pas être appariées aux informations enregistrées dans le résumé de passage aux urgences", puisque "le résumé de passage aux urgences ne comporte pas le numéro d'identification au répertoire (NIR) du patient, communément appelé numéro de sécurité sociale".

Des anomalies intentionnelles?

Si la réforme du financement permet de financer "correctement" les actes nécessités par les passages aux urgences les plus complexes, pour les CCMU 1 et 2, les revenus d'activité "ne permettent pas à l'hôpital de compenser ses coûts" et cela entraîne une "tentation de surcoter des passages aux urgences".

"Les objectifs de la réforme du financement ne pourront être atteints que si des contrôles sont réalisés et si les anomalies intentionnelles sont sanctionnées", affirme-t-elle en constatant l'absence de tels contrôles. "Ils sont même quasi impossibles, en raison des flux parallèles et non recoupés des données d'activité et de financement", ajoute-t-elle en précisant notamment que les établissements privés à but lucratif facturent directement à l'assurance maladie les actes non liés à une hospitalisation, sans que l'ARS et l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) n'en aient connaissance.

Une part trop modeste attribuée pour la qualité

La Cour des comptes déplore aussi la part "particulièrement modeste" attribuée en fonction de la qualité du service rendu ("2% théoriquement à l'échelle nationale, 1% dans les faits en 2023"), sachant que deux des trois critères de son attribution "sont éloignés de la qualité des soins délivrés aux patients".

"Le levier de la dotation de soutien à la qualité ne sera efficace que si son poids relatif est accru dans les financements reçus par les établissements", estime la Cour.

Un tel objectif "suppose que deux conditions soient satisfaites: des données complètes et fiables sur l'activité des structures des urgences et la construction d'un indicateur reflétant la qualité du service rendu aux patients, conditions non satisfaites aujourd'hui", assène-t-elle.

"Le nouveau modèle de financement [de la médecine d'urgence] est plus logique", a commenté le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, lors d'une conférence de presse, mardi.

Si elle est "bienvenue", "nous notons qu'elle est mise en œuvre de manière très progressive, je ne sais pas si on peut dire lente, de telle sorte que les évolutions induites trois ans ou quatre ans après son application sont encore modestes", a-t-il souligné.

"Il faut toutefois que la dotation populationnelle joue pleinement son rôle d'orientation sur les moyens des structures les plus nécessaires et adaptés au territoire" et que la dotation à la qualité "soit plus efficace", a dit Pierre Moscovici en jugeant que "2%, ce n'est pas beaucoup" et appelant à "augmenter cette proportion en établissant des critères qui soient plus en relation avec la qualité réelle des soins dispensés aux patients".

Un coût de près de 5.600 euros en 2023

La direction générale de l'offre de soins (DGOS) a estimé le coût de la médecine d'urgence en 2023 et est parvenue à un montant de 5.597 M€, dont:

  • dotation populationnelle (3.178 M€)
  • dotation en fonction de la qualité (79 M€)
  • forfaits versés par l'assurance maladie aux établissements de santé et aux médecins libéraux en fonction des passages aux urgences non suivis d'hospitalisation (780 M€)
  • forfait individuel facturé aux patients et à leur mutuelle (285 M€)
  • financement issu des séjours hospitaliers (intégralement en UHCD, en UHCD et dans les services d'autres spécialités, uniquement dans les services d'autres spécialités) et, le cas échéant, des honoraires associés des urgentistes libéraux (1.259 M€)
  • forfaits de permanence des soins en établissements de santé des urgentistes libéraux (16 M€).

    Le coût supporté par l'assurance maladie (part des patients et de leurs mutuelles soustraite) s'est élevé, selon ces calculs, à 5.312 M€ en 2023, ce qui a représenté 5,17% de l'enveloppe de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) affectée aux soins en établissements de santé, précise la Cour des comptes.

"L'accueil et le traitement des urgences à l'hôpital: des services saturés, une transformation indispensable du parcours des patients" (Rapport de la Cour des comptes)

san-gl/ab/APMnews

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PARIS, 19 novembre 2024 (APMnews) - Si elle salue l'ambition de la réforme du financement de la médecine d'urgence, la Cour des comptes déplore une certaine timidité dans sa mise en œuvre ainsi qu'un manque de fiabilité des données d'activité et de facturation, conduisant à des interrogations sur leur véracité, dans son rapport rendu public mardi sur les urgences.

La réforme du financement de la médecine d'urgence a été instituée par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 et est entrée vigueur en plusieurs étapes à partir de mars 2021.

Le dispositif est composé de trois fractions:

  • une dotation populationnelle qui représente 53% de l'enveloppe nationale, dont l'attribution aux établissements est individualisée par les agences régionales de santé (ARS). Elle "est censée couvrir les frais fixes des structures des urgences au regard des besoins de la population concernée".

  • une part, fonction de l'activité, dont l'enveloppe nationale représente 45% du coût attendu de l'activité des urgences et qui repose sur la facturation des forfaits "urgences" pour les passages non suivis d'hospitalisation. Cinq forfaits, pris en charge à 100% par l'assurance maladie, tiennent compte de l'âge des patients et de l'intensité de leur prise en charge. En outre, un forfait "patient urgences" (FPU) se substitue à l'ensemble des tickets modérateurs et participations qui étaient précédemment acquittés par les patients lors d'un passage aux urgences non programmé non suivi d'hospitalisation.

  • une dotation en fonction de la qualité qui est censée représenter 2% du financement prévisionnel des urgences au niveau national, versée en fonction d'indicateurs fixés chaque année par le ministère.

"Pour chaque établissement, les proportions sont susceptibles de varier sensiblement, en particulier en fonction du niveau de dotation populationnelle allouée et du niveau d'activité constaté", rappelle la Cour.

Lors de l'application de cette réforme, la priorité a été donnée à une "transition douce", observe-t-elle.

Concernant la dotation populationnelle, "le choix a été fait de rendre cette évolution très progressive en partant des nécessités de financement des structures existantes plutôt que de calibrer les dotations régionales sur les objectifs à atteindre en termes de capacité et de répartition territoriale".

Les auteurs rappellent que pour chaque région, l'écart entre la dotation de base et la dotation modélisée est calculé. "Quand la dotation modélisée est plus élevée, la dotation allouée à la région augmente progressivement pendant cinq ans pour atteindre la dotation cible. Quand la dotation modélisée est moins élevée, la dotation de la région concernée ne baisse pas et demeure au niveau de la dotation de base".

"L'enveloppe nationale est donc calculée de telle manière qu'aucune dotation régionale ne diminue mais que certaines augmentent", ajoute la Cour qui précise que la Corse, la Guadeloupe, l'Ile-de-France, les Hauts-de-France, la Martinique, l'Occitanie et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur voient leur enveloppe stabilisée tandis que les autres régions bénéficient d'une augmentation.

Le dispositif du financement souffre aussi d'une "diversité de composantes", ce qui fait que "l'enjeu financier de l'activité de médecine d'urgence ne peut pas être mesuré de manière exhaustive et repose sur une part d'estimation".

Plusieurs éléments sont connus, rappelle la Cour qui cite la dotation populationnelle, la facturation des séjours hospitaliers aux urgences (intégralement en unités d'hospitalisation de courte durée -UHCD), la dotation en fonction de la qualité de l'activité, les forfaits versés par l'assurance maladie aux établissements de santé et aux médecins libéraux en fonction des passages aux urgences non suivis d'hospitalisation et du forfait individuel facturé aux patients et à leur mutuelle.

"Cependant, le financement relatif aux passages aux urgences suivis d'hospitalisation dans un autre service de l'établissement, soit directement, soit après un premier séjour d'hospitalisation de courte durée aux urgences, ne peut pas être chiffré directement", déplore-t-elle en soulignant que ces passages ne sont facturés à l'assurance maladie par les établissements "qu'au titre du séjour dans le service hospitalier d'accueil".

La fiabilité des données de facturation est impérative

A l'échelle des établissements, "la donnée hospitalière concernant les urgences n'est pas suffisamment fiable", critique aussi la Cour. Elle déclare que "ce qui a été montré pour les données d'activité peut l'être aussi pour les données de facturation".

Alors que la répartition par niveau de gravité des passages aux urgences dans un établissement "n'a pas de raison de s'éloigner considérablement de la moyenne ni d'évoluer soudainement d'une année sur l'autre" (sauf raison exceptionnelle), "les données font apparaître des structures des urgences où ces proportions ne peuvent provenir que d'anomalies, fortuites ou volontaires, avec des conséquences importantes en termes de financement".

"A cet égard, la grande dispersion de la part de passages aux urgences faisant l'objet d'une demande de supplément pour les CCMU 3, 4 et 5 (équivalent à 19,72 € par passage) attire l'attention", explique la Cour. Elle souligne que "certains établissements en déclarent près de 100%, alors que les CCMU 3, 4 et 5 concernent des cas graves qui ne représentent en moyenne que 10,8% des passages aux urgences, quand d'autres en déclarent 0% ou très peu".

"Ainsi, quelques établissements touchent des suppléments dans une proportion qui justifie de vérifier qu'ils ne sont pas indus, d'autres au contraire ne touchent pas des ressources auxquelles ils pourraient prétendre", dénonce-t-elle.

La Cour déplore aussi la coexistence de "deux circuits de collecte des informations au sein des établissements, ce qui crée des divergences notables entre les deux bases de données: celle de suivi de l'activité médicale en fonction de laquelle, entre autres, sera modulée la dotation populationnelle attribuée par l'agence régionale de santé, et celle de facturation à l'activité, à l'assurance maladie".

"Ces différences ne sont pas détectées, et encore moins recherchées, par les autorités compétentes, agences régionales de santé et caisses principales d'assurance maladie, malgré les enjeux financiers qui s'y attachent", regrette-t-elle.

"Le projet de nouveau résumé de passage aux urgences, qui est en attente d'arbitrage final sur son contenu et sur sa mise en œuvre, comporte tous les éléments nécessaires à la facturation et permettrait de mettre fin au double circuit administratif", rassure-t-elle.

En attendant, "l'impératif de fiabilité des données de facturation s'ajoute donc aux motifs de mise en œuvre sans délai du nouveau référentiel de données d'activité", affirme-t-elle.

Deux logiques de facturation

L'exploitation des données au niveau national est également "entravée par le fait que la facturation à l'activité obéit à deux logiques distinctes", selon que le patient est hospitalisé ou non à l'issue de son passage aux urgences, ajoute la Cour.

En effet, en l'absence d'hospitalisation à l'issue du passage aux urgences, un forfait est facturé à l'assurance maladie en fonction de l'âge, de la complexité du cas et des actes réalisés et est versé à l'établissement de santé lui-même dans le secteur public et secteur privé sans but lucratif, et directement aux médecins libéraux dans les établissements de santé privés du secteur privé à but lucratif.

En revanche, si le patient est hospitalisé dans le prolongement de son passage aux urgences, aucun forfait n'est versé et seul le séjour hospitalier est facturé et enregistré dans le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) de l'assurance maladie.

"Cette distinction complique l'analyse des coûts et l'évaluation de l'efficacité des soins d'urgence par les autorités de santé, d'autant plus que les données de facturation ne peuvent pas être appariées aux informations enregistrées dans le résumé de passage aux urgences", puisque "le résumé de passage aux urgences ne comporte pas le numéro d'identification au répertoire (NIR) du patient, communément appelé numéro de sécurité sociale".

Des anomalies intentionnelles?

Si la réforme du financement permet de financer "correctement" les actes nécessités par les passages aux urgences les plus complexes, pour les CCMU 1 et 2, les revenus d'activité "ne permettent pas à l'hôpital de compenser ses coûts" et cela entraîne une "tentation de surcoter des passages aux urgences".

"Les objectifs de la réforme du financement ne pourront être atteints que si des contrôles sont réalisés et si les anomalies intentionnelles sont sanctionnées", affirme-t-elle en constatant l'absence de tels contrôles. "Ils sont même quasi impossibles, en raison des flux parallèles et non recoupés des données d'activité et de financement", ajoute-t-elle en précisant notamment que les établissements privés à but lucratif facturent directement à l'assurance maladie les actes non liés à une hospitalisation, sans que l'ARS et l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) n'en aient connaissance.

Une part trop modeste attribuée pour la qualité

La Cour des comptes déplore aussi la part "particulièrement modeste" attribuée en fonction de la qualité du service rendu ("2% théoriquement à l'échelle nationale, 1% dans les faits en 2023"), sachant que deux des trois critères de son attribution "sont éloignés de la qualité des soins délivrés aux patients".

"Le levier de la dotation de soutien à la qualité ne sera efficace que si son poids relatif est accru dans les financements reçus par les établissements", estime la Cour.

Un tel objectif "suppose que deux conditions soient satisfaites: des données complètes et fiables sur l'activité des structures des urgences et la construction d'un indicateur reflétant la qualité du service rendu aux patients, conditions non satisfaites aujourd'hui", assène-t-elle.

"Le nouveau modèle de financement [de la médecine d'urgence] est plus logique", a commenté le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, lors d'une conférence de presse, mardi.

Si elle est "bienvenue", "nous notons qu'elle est mise en œuvre de manière très progressive, je ne sais pas si on peut dire lente, de telle sorte que les évolutions induites trois ans ou quatre ans après son application sont encore modestes", a-t-il souligné.

"Il faut toutefois que la dotation populationnelle joue pleinement son rôle d'orientation sur les moyens des structures les plus nécessaires et adaptés au territoire" et que la dotation à la qualité "soit plus efficace", a dit Pierre Moscovici en jugeant que "2%, ce n'est pas beaucoup" et appelant à "augmenter cette proportion en établissant des critères qui soient plus en relation avec la qualité réelle des soins dispensés aux patients".

Un coût de près de 5.600 euros en 2023

La direction générale de l'offre de soins (DGOS) a estimé le coût de la médecine d'urgence en 2023 et est parvenue à un montant de 5.597 M€, dont:

  • dotation populationnelle (3.178 M€)
  • dotation en fonction de la qualité (79 M€)
  • forfaits versés par l'assurance maladie aux établissements de santé et aux médecins libéraux en fonction des passages aux urgences non suivis d'hospitalisation (780 M€)
  • forfait individuel facturé aux patients et à leur mutuelle (285 M€)
  • financement issu des séjours hospitaliers (intégralement en UHCD, en UHCD et dans les services d'autres spécialités, uniquement dans les services d'autres spécialités) et, le cas échéant, des honoraires associés des urgentistes libéraux (1.259 M€)
  • forfaits de permanence des soins en établissements de santé des urgentistes libéraux (16 M€).

    Le coût supporté par l'assurance maladie (part des patients et de leurs mutuelles soustraite) s'est élevé, selon ces calculs, à 5.312 M€ en 2023, ce qui a représenté 5,17% de l'enveloppe de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) affectée aux soins en établissements de santé, précise la Cour des comptes.

"L'accueil et le traitement des urgences à l'hôpital: des services saturés, une transformation indispensable du parcours des patients" (Rapport de la Cour des comptes)

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