Actualités de l'Urgence - APM

FORTES TENSIONS AUX URGENCES, OÙ CONVERGENT TOUTES LES DIFFICULTÉS DE L'HÔPITAL
PARIS, 8 avril 2022 (APMnews) - Contraints à des fermetures dans de nombreux établissements, les services d'urgence cristallisent les difficultés de l'hôpital, en particulier le manque de personnel, au moment où les épidémies hivernales et la sixième vague de Covid ont tendance à augmenter le flux de patients, ont rapporté plusieurs acteurs hospitaliers à APMnews.
"C'est dramatique, du jamais-vu", se désole Patrick Pelloux, médecin urgentiste au Samu de Paris et président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), interrogé lundi par APMnews. "On ne compte plus les services [d'urgence] qui ferment", alerte-t-il, évoquant une situation à ses yeux inhabituelle.
"Les hôpitaux n'ont pas réussi à recruter, donc ont fermé des lits, il manque des lits d'aval, alors qu'à cette période de l'année normalement, tous les lits sont ouverts. A cela s'ajoutent les personnels qui démissionnent, une nouvelle vague du Covid, et il n'y a plus de permanence des soins" (cf dépêche du 07/04/2022 à 16:03).
Derrière ce constat général, il pointe le manque de revalorisation des gardes, qui précipite le départ de praticiens, la fin de l'obligation de garde pour les médecins de ville depuis 2002, qui engorge les urgences, et le manque de capacitaire correspondant au besoin journalier minimal en lit (BJML) par structure d'urgence. Il juge inadaptée la "vieille recette" de la régulation en amont.
Pour le Pr Louis Soulat, urgentiste au CHU de Rennes et porte-parole de Samu-Urgences de France (SUdF), joint lundi par APMnews, l'épidémie de grippe plus tardive et la reprise du Covid sont "très certainement liés à la levée des mesures barrières", avec des cas de grippe "qui touchent notamment les enfants, de façon très importante et avec des formes graves".
"A cela s'ajoute une très forte activité normale, hors Covid, dans un contexte de fort absentéisme", a-t-il complété, en faisant état d'une hausse de 30% d'activité dans son service.
Le Pr Soulat a par ailleurs fait remarquer que la problématique des ressources humaines (RH) affectait désormais des établissements de grande envergure comme le CHR d'Orléans mais aussi les CHU de Rennes, Strasbourg, Nantes ou Marseille: "C'est un combat permanent pour mettre des RH en face des postes non pourvus, et les soignants commencent à en avoir marre d'être rappelés."
"Il y a un problème sur l'aval et l'aval de l'aval, avec des difficultés pour trouver des lits de soins de suite notamment", a ajouté le Pr Soulat. Comme le président de l'Amuf, il regrette que des indicateurs comme le BJML ne soient pas plus utilisés: "Aujourd'hui on est tous capables de déterminer le besoin mais on ne met pas les moyens en face."
Faisant écho à la situation de nombreux établissements décrite par APMnews vendredi (cf dépêche du 08/04/2022 à 19:43), "le système est en train de s'effondrer", déclare Christophe Prudhomme, médecin urgentiste au Samu 93 à l'hôpital Avicenne (AP-HP) et représentant de la CGT santé et action sociale, contacté lundi. Il cite des difficultés aux urgences de "Cherbourg, Draguignan, Marmande, Laval, Clamecy, Bar-le-Duc...", le mouvement de grève à Orléans (cf dépêche du 31/03/2022 à 17:52) ou encore le décès survenu aux urgences du CHU de Strasbourg (cf dépêche du 01/04/2022 à 18:51).
"Des morts sur des brancards, il y en a tous les jours", a affirmé mardi à APMnews Pierre Schwob, du collectif Inter-Urgences. Malgré les mobilisations de 2019, "la situation a empiré, puisqu'on n'est plus sur des tensions, mais sur des fermetures". "Quels que soient les plans" mis en oeuvre, "ils sont inapplicables, parce qu'on manque de personnel".
"Aujourd'hui, 80% des services d'urgence n'ont aucune garantie de pouvoir assurer une présence médicale normale cet été", chiffre Christophe Prudhomme, selon qui le "Ségur n'a rien réglé". "Il y a au moins 70 services qui n'assurent pas leur mission de service d'urgence publique, c'est-à-dire 15%".
"Entre 70 et 80 services" contraints à des fermetures
Face à ces tensions, la CGT santé et action sociale a constitué un groupe de travail, qui s'est déjà réuni deux fois, le 7 mars et lundi 4 avril, dans l'objectif d'organiser prochainement une mobilisation nationale. Une trentaine de représentants syndicaux d'établissements situés en Nouvelle-Aquitaine, Normandie, Ile-de-France, Centre-Val de Loire, Occitanie, Pays de La Loire, Bourgogne-Franche-Comté, ou Provence-Alpes-Côte d'Azur, ont participé.
La CGT a comptabilisé "entre 70 et 80 services qui ferment, totalement, partiellement ou occasionnellement, comme à Draguignan [Var], où les urgences ferment la nuit depuis le 29 octobre, et à Manosque" (Alpes-de-Haute-Provence), où elles ferment temporairement de façon régulière, a rapporté mercredi Cédric Volait, animateur du collectif politiques de santé à la CGT santé et action sociale. Si des solutions sont trouvées -intérim, recours à des praticiens d'autres établissements, heures supplémentaires-, les services restent fragilisés et le moindre aléa peut entraîner une fermeture.
Il souligne aussi que tous les types de service "sont en difficulté", les petits, "dont on parle beaucoup" en raison des fermetures liées au manque d'effectifs, et les plus gros, "comme à Strasbourg, Nantes, parce qu'ils sont engorgés, avec des conditions de travail dégradées et de nombreux arrêts maladie".
Le nombre de services contraints à des fermetures "évolue constamment, et chaque semaine il y a de nouveaux exemples", souligne Cédric Volait. Selon lui, la mise en oeuvre des dispositions de la "loi Rist" sur le plafonnement de la rémunération des intérimaires pourrait aggraver le problème, -"les intérimaires ne sont pas une solution, mais ils permettent de ne pas fermer"-, tout comme les difficultés rencontrées par les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) pour la régularisation de leur exercice.
Parmi ses propositions, la CGT santé et action sociale demande des mesures d'attractivité pour les médecins urgentistes, mais aussi l'application de ratios d'effectifs aux urgences et la participation "de l'ensemble des médecins hospitaliers (du public et du privé) au fonctionnement des services d'urgence".
"Chaque vague [de l'épidémie de Covid] use un peu plus les personnels et la situation se dégrade un peu plus", témoigne Rémi Salomon, président de la commission médicale d'établissement (CME) de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et de la conférence de présidents de CME de CHU, contacté mercredi. Et "quand les gens partent, on ne les rattrape pas facilement".
Les urgences "cristallisent tous les problèmes" de l'hôpital et les "difficultés que peut avoir la ville à prendre en charge tout le monde et à toute heure", a-t-il commenté. "Quand ça ne va pas, c'est aux urgences que ça rompt en premier", a-t-il souligné, précisant que la conférence s'est attelée à une analyse de la situation.
"Les remontées que j'ai montrent que ça sature partout", a également rapporté Thierry Godeau, président de la conférence des présidents de CME de centre hospitalier (CH), contacté mercredi par APMnews, en faisant état des "mêmes problèmes" d'un service d'urgence à l'autre.
S'il regrette la fin du doublement du temps additionnel depuis février, le Dr Thierry Godeau a assuré qu'on ne réglerait "pas le problème de l'hôpital qu'avec les rémunérations".
"Le problème majeur, c'est un problème de capacité d'hospitalisation, la capacité de l'hôpital à absorber l'activité des urgences", a expliqué le président de la conférence des PCME de CH, avant d'ajouter que "l'hôpital est aussi saturé parce qu'il y a un problème de sortie".
"Il faut régler le problème de l'accès aux urgences", a-t-il enchaîné en citant l'exemple danois d'une régulation médicale préalable obligatoire avant de se rendre aux urgences, tout en se montrant plus dubitatif face aux récents appels de certaines agences régionales de santé (ARS) demandant aux patients de contacter le 15 avant de se rendre aux urgences.
"Ça entraîne une augmentation d'activité au 15 et le système a ses limites dès lors que les soins non programmés sont saturés, et ça marche moins bien pour ce qui relève des urgences pédiatriques où les parents veulent un avis rapide", a fait remarquer de son côté le Pr Soulat.
Comme Thierry Godeau, il partage l'espoir que le déploiement national du service d'accès aux soins (SAS) pourra soulager les urgences hospitalières en orientant de façon plus adéquate les demandes de soins non programmés entre la médecine de ville et l'hôpital.
Lors d'une rencontre jeudi soir avec les présidents des conférences de PCME de CHU et de CH, le cabinet du ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a indiqué qu'il souhaitait relancer les cellules de crise territoriales là où elles n'avaient pas été réactivées "afin de s'assurer que la ville et le privé prennent autant que possible leur part", a déclaré Thierry Godeau vendredi à APMnews.
Pour le Pr Soulat, les hôpitaux ne pourront pas faire l'économie de nouvelles déprogrammations d'activité à court terme pour faire face aux besoins d'hospitalisations: "Si on libère des lits aux urgences, ça aura des conséquences pour d'autres spécialités et c'est ce qui fait peur aujourd'hui […], il faut soit déprogrammer des patients, soit avoir des patients qui meurent sur brancard comme à Strasbourg récemment, ou ailleurs auparavant."
Une situation qui devient "structurelle"
Interrogée mercredi, la Fédération hospitalière de France (FHF) fait valoir que la situation difficile aux urgences "devient structurelle". Cela "touche toutes les régions et, à des degrés divers, une majorité d'établissements, d'autant plus s'ils avaient des facteurs de fragilité préexistants", a-t-elle souligné.
S'agissant des tensions sur les effectifs non médicaux, le manque de postes n'est "pas plus" fort que dans les autres services, mais les difficultés concernent "notamment" le manque d'infirmiers diplômés d'Etat (IDE) expérimentés. L'ensemble est "aggravé par des taux d'absentéisme élevés".
Contactée jeudi par APMnews, Amélie Roux, responsable du pôle RH de la FHF, précise que les difficultés de recrutement de personnels médicaux ne sont pas récentes aux urgences.
Elle souligne "l'effet cascade" produit par l'allongement des durées de séjour faute de lits d'aval, phénomène qui s'est accru avec "les difficultés de recrutements actuelles". "C'est donc parti pour durer et nous appréhendons beaucoup les périodes de congés scolaires", craint la fédération. Cette dernière fait valoir qu'"à court terme, l'essentiel est de remonter la pente sur le plan RH avec toutes les actions habituelles".
Amélie Roux évoque deux mesures prioritaires, qui font partie des propositions de la plateforme ambition santé 2022 de la FHF à destination des candidats à l'élection présidentielle (cf dépêche du 15/12/2021 à 19:06).
Il s'agit de renforcer la permanence des soins en mettant en place une obligation de participation pour les praticiens de ville pour accueillir plus de patients en dehors des urgences, ainsi que de généraliser les SAS.
gl-jyp-mlb/nc/APMnews
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FORTES TENSIONS AUX URGENCES, OÙ CONVERGENT TOUTES LES DIFFICULTÉS DE L'HÔPITAL
PARIS, 8 avril 2022 (APMnews) - Contraints à des fermetures dans de nombreux établissements, les services d'urgence cristallisent les difficultés de l'hôpital, en particulier le manque de personnel, au moment où les épidémies hivernales et la sixième vague de Covid ont tendance à augmenter le flux de patients, ont rapporté plusieurs acteurs hospitaliers à APMnews.
"C'est dramatique, du jamais-vu", se désole Patrick Pelloux, médecin urgentiste au Samu de Paris et président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), interrogé lundi par APMnews. "On ne compte plus les services [d'urgence] qui ferment", alerte-t-il, évoquant une situation à ses yeux inhabituelle.
"Les hôpitaux n'ont pas réussi à recruter, donc ont fermé des lits, il manque des lits d'aval, alors qu'à cette période de l'année normalement, tous les lits sont ouverts. A cela s'ajoutent les personnels qui démissionnent, une nouvelle vague du Covid, et il n'y a plus de permanence des soins" (cf dépêche du 07/04/2022 à 16:03).
Derrière ce constat général, il pointe le manque de revalorisation des gardes, qui précipite le départ de praticiens, la fin de l'obligation de garde pour les médecins de ville depuis 2002, qui engorge les urgences, et le manque de capacitaire correspondant au besoin journalier minimal en lit (BJML) par structure d'urgence. Il juge inadaptée la "vieille recette" de la régulation en amont.
Pour le Pr Louis Soulat, urgentiste au CHU de Rennes et porte-parole de Samu-Urgences de France (SUdF), joint lundi par APMnews, l'épidémie de grippe plus tardive et la reprise du Covid sont "très certainement liés à la levée des mesures barrières", avec des cas de grippe "qui touchent notamment les enfants, de façon très importante et avec des formes graves".
"A cela s'ajoute une très forte activité normale, hors Covid, dans un contexte de fort absentéisme", a-t-il complété, en faisant état d'une hausse de 30% d'activité dans son service.
Le Pr Soulat a par ailleurs fait remarquer que la problématique des ressources humaines (RH) affectait désormais des établissements de grande envergure comme le CHR d'Orléans mais aussi les CHU de Rennes, Strasbourg, Nantes ou Marseille: "C'est un combat permanent pour mettre des RH en face des postes non pourvus, et les soignants commencent à en avoir marre d'être rappelés."
"Il y a un problème sur l'aval et l'aval de l'aval, avec des difficultés pour trouver des lits de soins de suite notamment", a ajouté le Pr Soulat. Comme le président de l'Amuf, il regrette que des indicateurs comme le BJML ne soient pas plus utilisés: "Aujourd'hui on est tous capables de déterminer le besoin mais on ne met pas les moyens en face."
Faisant écho à la situation de nombreux établissements décrite par APMnews vendredi (cf dépêche du 08/04/2022 à 19:43), "le système est en train de s'effondrer", déclare Christophe Prudhomme, médecin urgentiste au Samu 93 à l'hôpital Avicenne (AP-HP) et représentant de la CGT santé et action sociale, contacté lundi. Il cite des difficultés aux urgences de "Cherbourg, Draguignan, Marmande, Laval, Clamecy, Bar-le-Duc...", le mouvement de grève à Orléans (cf dépêche du 31/03/2022 à 17:52) ou encore le décès survenu aux urgences du CHU de Strasbourg (cf dépêche du 01/04/2022 à 18:51).
"Des morts sur des brancards, il y en a tous les jours", a affirmé mardi à APMnews Pierre Schwob, du collectif Inter-Urgences. Malgré les mobilisations de 2019, "la situation a empiré, puisqu'on n'est plus sur des tensions, mais sur des fermetures". "Quels que soient les plans" mis en oeuvre, "ils sont inapplicables, parce qu'on manque de personnel".
"Aujourd'hui, 80% des services d'urgence n'ont aucune garantie de pouvoir assurer une présence médicale normale cet été", chiffre Christophe Prudhomme, selon qui le "Ségur n'a rien réglé". "Il y a au moins 70 services qui n'assurent pas leur mission de service d'urgence publique, c'est-à-dire 15%".
"Entre 70 et 80 services" contraints à des fermetures
Face à ces tensions, la CGT santé et action sociale a constitué un groupe de travail, qui s'est déjà réuni deux fois, le 7 mars et lundi 4 avril, dans l'objectif d'organiser prochainement une mobilisation nationale. Une trentaine de représentants syndicaux d'établissements situés en Nouvelle-Aquitaine, Normandie, Ile-de-France, Centre-Val de Loire, Occitanie, Pays de La Loire, Bourgogne-Franche-Comté, ou Provence-Alpes-Côte d'Azur, ont participé.
La CGT a comptabilisé "entre 70 et 80 services qui ferment, totalement, partiellement ou occasionnellement, comme à Draguignan [Var], où les urgences ferment la nuit depuis le 29 octobre, et à Manosque" (Alpes-de-Haute-Provence), où elles ferment temporairement de façon régulière, a rapporté mercredi Cédric Volait, animateur du collectif politiques de santé à la CGT santé et action sociale. Si des solutions sont trouvées -intérim, recours à des praticiens d'autres établissements, heures supplémentaires-, les services restent fragilisés et le moindre aléa peut entraîner une fermeture.
Il souligne aussi que tous les types de service "sont en difficulté", les petits, "dont on parle beaucoup" en raison des fermetures liées au manque d'effectifs, et les plus gros, "comme à Strasbourg, Nantes, parce qu'ils sont engorgés, avec des conditions de travail dégradées et de nombreux arrêts maladie".
Le nombre de services contraints à des fermetures "évolue constamment, et chaque semaine il y a de nouveaux exemples", souligne Cédric Volait. Selon lui, la mise en oeuvre des dispositions de la "loi Rist" sur le plafonnement de la rémunération des intérimaires pourrait aggraver le problème, -"les intérimaires ne sont pas une solution, mais ils permettent de ne pas fermer"-, tout comme les difficultés rencontrées par les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) pour la régularisation de leur exercice.
Parmi ses propositions, la CGT santé et action sociale demande des mesures d'attractivité pour les médecins urgentistes, mais aussi l'application de ratios d'effectifs aux urgences et la participation "de l'ensemble des médecins hospitaliers (du public et du privé) au fonctionnement des services d'urgence".
"Chaque vague [de l'épidémie de Covid] use un peu plus les personnels et la situation se dégrade un peu plus", témoigne Rémi Salomon, président de la commission médicale d'établissement (CME) de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et de la conférence de présidents de CME de CHU, contacté mercredi. Et "quand les gens partent, on ne les rattrape pas facilement".
Les urgences "cristallisent tous les problèmes" de l'hôpital et les "difficultés que peut avoir la ville à prendre en charge tout le monde et à toute heure", a-t-il commenté. "Quand ça ne va pas, c'est aux urgences que ça rompt en premier", a-t-il souligné, précisant que la conférence s'est attelée à une analyse de la situation.
"Les remontées que j'ai montrent que ça sature partout", a également rapporté Thierry Godeau, président de la conférence des présidents de CME de centre hospitalier (CH), contacté mercredi par APMnews, en faisant état des "mêmes problèmes" d'un service d'urgence à l'autre.
S'il regrette la fin du doublement du temps additionnel depuis février, le Dr Thierry Godeau a assuré qu'on ne réglerait "pas le problème de l'hôpital qu'avec les rémunérations".
"Le problème majeur, c'est un problème de capacité d'hospitalisation, la capacité de l'hôpital à absorber l'activité des urgences", a expliqué le président de la conférence des PCME de CH, avant d'ajouter que "l'hôpital est aussi saturé parce qu'il y a un problème de sortie".
"Il faut régler le problème de l'accès aux urgences", a-t-il enchaîné en citant l'exemple danois d'une régulation médicale préalable obligatoire avant de se rendre aux urgences, tout en se montrant plus dubitatif face aux récents appels de certaines agences régionales de santé (ARS) demandant aux patients de contacter le 15 avant de se rendre aux urgences.
"Ça entraîne une augmentation d'activité au 15 et le système a ses limites dès lors que les soins non programmés sont saturés, et ça marche moins bien pour ce qui relève des urgences pédiatriques où les parents veulent un avis rapide", a fait remarquer de son côté le Pr Soulat.
Comme Thierry Godeau, il partage l'espoir que le déploiement national du service d'accès aux soins (SAS) pourra soulager les urgences hospitalières en orientant de façon plus adéquate les demandes de soins non programmés entre la médecine de ville et l'hôpital.
Lors d'une rencontre jeudi soir avec les présidents des conférences de PCME de CHU et de CH, le cabinet du ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a indiqué qu'il souhaitait relancer les cellules de crise territoriales là où elles n'avaient pas été réactivées "afin de s'assurer que la ville et le privé prennent autant que possible leur part", a déclaré Thierry Godeau vendredi à APMnews.
Pour le Pr Soulat, les hôpitaux ne pourront pas faire l'économie de nouvelles déprogrammations d'activité à court terme pour faire face aux besoins d'hospitalisations: "Si on libère des lits aux urgences, ça aura des conséquences pour d'autres spécialités et c'est ce qui fait peur aujourd'hui […], il faut soit déprogrammer des patients, soit avoir des patients qui meurent sur brancard comme à Strasbourg récemment, ou ailleurs auparavant."
Une situation qui devient "structurelle"
Interrogée mercredi, la Fédération hospitalière de France (FHF) fait valoir que la situation difficile aux urgences "devient structurelle". Cela "touche toutes les régions et, à des degrés divers, une majorité d'établissements, d'autant plus s'ils avaient des facteurs de fragilité préexistants", a-t-elle souligné.
S'agissant des tensions sur les effectifs non médicaux, le manque de postes n'est "pas plus" fort que dans les autres services, mais les difficultés concernent "notamment" le manque d'infirmiers diplômés d'Etat (IDE) expérimentés. L'ensemble est "aggravé par des taux d'absentéisme élevés".
Contactée jeudi par APMnews, Amélie Roux, responsable du pôle RH de la FHF, précise que les difficultés de recrutement de personnels médicaux ne sont pas récentes aux urgences.
Elle souligne "l'effet cascade" produit par l'allongement des durées de séjour faute de lits d'aval, phénomène qui s'est accru avec "les difficultés de recrutements actuelles". "C'est donc parti pour durer et nous appréhendons beaucoup les périodes de congés scolaires", craint la fédération. Cette dernière fait valoir qu'"à court terme, l'essentiel est de remonter la pente sur le plan RH avec toutes les actions habituelles".
Amélie Roux évoque deux mesures prioritaires, qui font partie des propositions de la plateforme ambition santé 2022 de la FHF à destination des candidats à l'élection présidentielle (cf dépêche du 15/12/2021 à 19:06).
Il s'agit de renforcer la permanence des soins en mettant en place une obligation de participation pour les praticiens de ville pour accueillir plus de patients en dehors des urgences, ainsi que de généraliser les SAS.
gl-jyp-mlb/nc/APMnews