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19/11 2024
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GHT HAUTE-BRETAGNE: LA CONSTRUCTION PAS À PAS D'UNE VRAIE ÉQUIPE TERRITORIALE D'URGENCE

(Par Sylvie LAPOSTOLLE, aux 1res journées nationales des GHT)

LILLE, 19 novembre 2024 (APMnews) - La constitution d'une fédération médicale interhospitalière (FMIH) urgences-Samu-Smur au sein du groupement hospitalier de territoire (GHT) Haute-Bretagne s'est faite pas à pas, a présenté le président de la commission médicale de groupement (CMG), le Dr Nicolas Chauvel, lors des 1res journées nationales des GHT qui se sont tenues à Lille la semaine dernière.

Ce GHT de "bonne taille" (près d'un million d'habitants, 6.400 lits et places, 15.270 équivalents temps plein -ETP-, 10 établissements) compte quatre services d'urgence: le CHU de Rennes, siège du Samu, et les centres hospitaliers (CH) de Fougères, Redon et Vitré (en accès régulé de nuit depuis octobre 2020), plus quatre Smur.

"En 2016, quand on veut faire une équipe territoriale d'urgence, ce n'est pas forcément gagné d'emblée. Le mariage GHT-urgentiste ne va pas se faire tout seul", a relaté le Dr Chauvel qui est aussi président de la commission médicale d'établissement (CME) du CH de Redon (Ille-et-Vilaine).

"On partait d'un tableau hétérogène avec des bons points: la bonne entente entre les chefs de service, un comité stratégique clairement favorable aux équipes médicales de territoire mais des difficultés de plannings médicaux (25% à 50% de plages non couvertes) conduisant à des accès régulés de manière ponctuelle et seulement trois praticiens à temps partagé sur plus de 50 ETP donc ça ne marchait pas avec un risque de rupture de la continuité des soins", a-t-il présenté.

C'est "une démarche de petits pas" qui a été mise en place. En premier lieu, une équipe médicale de territoire sur les urgences a été créée en 2019 avec un règlement intérieur et une coordination médicale qui s'est faite hors établissement support. Il y avait aussi un directeur référent qui n'était pas de l'établissement support.

"Entre 2017 et 2024, on est passés de trois urgentistes en temps partagé à plus de 30 aujourd'hui", a-t-il souligné.

"Cela va assez loin: jusqu'à prioriser un établissement sur un autre dans l'accès régulé, déployer des ressources médicales plutôt sur un établissement qu'un autre. C'est passé par une harmonisation des procédures, des matériels et des achats communs pour avoir le même aménagement de véhicule quand on change d'établissement par exemple."

"Les plannings partagés, ça ne s'est pas fait du jour au lendemain: on a partagé d'abord les carences puis quand on s'est rendu compte qu'on avait trois établissements en carence le même jour et que le jour d'après, ils étaient tous ouverts, on s'est dit que ça pourrait être mieux. Maintenant on a un planning commun territorial où toutes les lignes sont affichées, tous les temps de travail de chacun, plus des règles de management, une charte RH territoriale pour avoir les mêmes règles de rémunération."

Le deuxième cran est venu en 2024 avec la création de la FMIH pour unifier les ressources médicales des hôpitaux avec une gouvernance claire, renforcer la collaboration pour maintenir et améliorer les services de soins non programmés et d'urgence disponibles pour la population et pour garantir la qualité et la sécurité des soins.

L'objectif final est la préparation des conditions de mise en place de la création d'un pôle interétablissements à trois ans, a-t-il annoncé.

Le périmètre géographique pourrait aussi être élargi au territoire Rance-Emeraude.

"En faisant équipe comme on l'a fait, on ne vit plus les difficultés de la même façon. On a récupéré un peu de maîtrise et c'est important pour l'attractivité et la fidélisation des personnels", a-t-il commenté.

"Le GHT a eu un rôle essentiel car c'est vraiment une identité, des valeurs, une stratégie, une équipe, des outils", a-t-il ajouté.

Le GHT Haute-Bretagne porte maintenant le projet d'une "DAM [direction des affaires médicales] de territoire", a-t-il annoncé. Un poste partagé va être financé par l'agence régionale de santé (ARS) Bretagne, dans le cadre du contrat hospitalier de territoire.

Le PMSP, pilier du GHT

"Le GHT, c'est en permanence un défi pour les équipes où chacun trouve à mettre en place des objectifs gagnant-gagnant en interne et en externe", a déclaré Laurence Laignel, présidente de l'Association française des directeurs de soins (AFDS), dans une vidéo diffusée pendant les journées.

"Le PMSP [projet médico-soignant partagé] est le carburant de nos GHT. C'est extrêmement stratégique", a estimé le Dr Jérôme Connault, président de la CMG du GHT 44 (Loire-Atlantique) et modérateur d'une table ronde sur les éléments structurants du PMSP.

Pour le définir, il faut pouvoir se baser sur une analyse des besoins pour les patients du territoire -cette analyse est "le ciment des équipes"- et sur les capacités des équipes à répondre à ces besoins, a défendu le Dr Chauvin.

"Souvent ce qui mobilise l'action, ce sont les difficultés dans les territoires. Un GHT n'est pas une agence d'intérim ni le pompier d'un territoire mais il aide à la réflexion pour réorganiser une offre de soins ou améliorer la gradation", a déclaré Cécile Jaglin-Grimonprez, directrice générale du CHU d'Angers.

En Bretagne, l'ARS attend des GHT qu'ils puissent faire une gestion prévisionnelle des métiers et compétences, a mentionné Malik Lahoucine, directeur général adjoint de l'agence et directeur de l'hospitalisation, de l'autonomie et de la performance.

Il a souligné la fenêtre d'opportunité offerte pour les deuxièmes PMSP avec en même temps le projet régional de santé (PRS) et le Ségur investissement. L'ARS Bretagne a aussi souhaité que les projets d'investissement soient discutés en comités stratégiques pour voir comment ils vont servir les PMSP.

Pour accompagner les GHT, l'ARS Bretagne a développé les contrats hospitaliers de territoire (CHT) qu'elle finance à hauteur de 10 M€ par an. "On se met d'accord sur une priorité publique et l'agence finance par exemple des postes partagés", a noté le DGA d'ARS.

"C'est une aide à la construction d'un projet concerté qui permet de dépasser des obstacles", a approuvé le Dr Chauvel.

Cécile Jaglin-Grimonprez a fait remarquer que la "hiérarchie des normes" était désynchronisée puisqu'il y a eu du retard sur les réformes des autorisations. "Nous n'avons toujours pas les textes pour la périnatalité notamment, ce qui fait que les PMSP ont dû être écrits avant ou en même temps que les PRS", a-t-elle relevé.

Une force pour les projets d'investissement

Pour les projets d'investissement, le GHT est une force en apportant des compétences que des établissements de petite ou moyenne taille n'auraient pas seuls et aussi parce qu'il "aspire les cofinancements" (de la Région, des collectivités locales), a fait remarquer le Pr François-René Pruvot, président du conseil scientifique des investissements en santé (Csis).

Mais ce n'est pas facile de maintenir l'entente au long cours entre les établissements parties car ces projets durent longtemps, a-t-il reconnu.

"Dans les grands projets très coûteux (au-delà de 150 M€) que le conseil scientifique a eus à instruire, sur les 27 expertisés en trois ans, seuls six étaient d'authentiques projets de GHT et c'étaient des projets magnifiques dont trois en Bretagne et deux en Ile-de-France", a-t-il noté.

Cécile Jaglin-Grimonprez a estimé que les GHT avaient passé beaucoup de temps au début sur les achats et qu'il était important maintenant de "revenir à la philosophie de départ, donc le PMSP, la stratégie même du GHT, et considérons que les directions support sont là pour mettre en musique ces PMSP".

Par exemple, "la DAM de territoire, oui, ça a du sens pour homogénéiser les conditions de recrutement des médecins car il est important qu'il n'y ait pas d'iniquité dans le partage de la pénibilité, dans la participation à la permanence des soins pour avoir des écarts de rémunération un peu moins forts qu'aujourd'hui", a-t-elle proposé, évoquant une loi Rist pas tout à fait mise en œuvre dans les établissements de proximité dès qu'il y a un risque de fermeture d'activité.

sl/ab/APMnews

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GHT HAUTE-BRETAGNE: LA CONSTRUCTION PAS À PAS D'UNE VRAIE ÉQUIPE TERRITORIALE D'URGENCE

(Par Sylvie LAPOSTOLLE, aux 1res journées nationales des GHT)

LILLE, 19 novembre 2024 (APMnews) - La constitution d'une fédération médicale interhospitalière (FMIH) urgences-Samu-Smur au sein du groupement hospitalier de territoire (GHT) Haute-Bretagne s'est faite pas à pas, a présenté le président de la commission médicale de groupement (CMG), le Dr Nicolas Chauvel, lors des 1res journées nationales des GHT qui se sont tenues à Lille la semaine dernière.

Ce GHT de "bonne taille" (près d'un million d'habitants, 6.400 lits et places, 15.270 équivalents temps plein -ETP-, 10 établissements) compte quatre services d'urgence: le CHU de Rennes, siège du Samu, et les centres hospitaliers (CH) de Fougères, Redon et Vitré (en accès régulé de nuit depuis octobre 2020), plus quatre Smur.

"En 2016, quand on veut faire une équipe territoriale d'urgence, ce n'est pas forcément gagné d'emblée. Le mariage GHT-urgentiste ne va pas se faire tout seul", a relaté le Dr Chauvel qui est aussi président de la commission médicale d'établissement (CME) du CH de Redon (Ille-et-Vilaine).

"On partait d'un tableau hétérogène avec des bons points: la bonne entente entre les chefs de service, un comité stratégique clairement favorable aux équipes médicales de territoire mais des difficultés de plannings médicaux (25% à 50% de plages non couvertes) conduisant à des accès régulés de manière ponctuelle et seulement trois praticiens à temps partagé sur plus de 50 ETP donc ça ne marchait pas avec un risque de rupture de la continuité des soins", a-t-il présenté.

C'est "une démarche de petits pas" qui a été mise en place. En premier lieu, une équipe médicale de territoire sur les urgences a été créée en 2019 avec un règlement intérieur et une coordination médicale qui s'est faite hors établissement support. Il y avait aussi un directeur référent qui n'était pas de l'établissement support.

"Entre 2017 et 2024, on est passés de trois urgentistes en temps partagé à plus de 30 aujourd'hui", a-t-il souligné.

"Cela va assez loin: jusqu'à prioriser un établissement sur un autre dans l'accès régulé, déployer des ressources médicales plutôt sur un établissement qu'un autre. C'est passé par une harmonisation des procédures, des matériels et des achats communs pour avoir le même aménagement de véhicule quand on change d'établissement par exemple."

"Les plannings partagés, ça ne s'est pas fait du jour au lendemain: on a partagé d'abord les carences puis quand on s'est rendu compte qu'on avait trois établissements en carence le même jour et que le jour d'après, ils étaient tous ouverts, on s'est dit que ça pourrait être mieux. Maintenant on a un planning commun territorial où toutes les lignes sont affichées, tous les temps de travail de chacun, plus des règles de management, une charte RH territoriale pour avoir les mêmes règles de rémunération."

Le deuxième cran est venu en 2024 avec la création de la FMIH pour unifier les ressources médicales des hôpitaux avec une gouvernance claire, renforcer la collaboration pour maintenir et améliorer les services de soins non programmés et d'urgence disponibles pour la population et pour garantir la qualité et la sécurité des soins.

L'objectif final est la préparation des conditions de mise en place de la création d'un pôle interétablissements à trois ans, a-t-il annoncé.

Le périmètre géographique pourrait aussi être élargi au territoire Rance-Emeraude.

"En faisant équipe comme on l'a fait, on ne vit plus les difficultés de la même façon. On a récupéré un peu de maîtrise et c'est important pour l'attractivité et la fidélisation des personnels", a-t-il commenté.

"Le GHT a eu un rôle essentiel car c'est vraiment une identité, des valeurs, une stratégie, une équipe, des outils", a-t-il ajouté.

Le GHT Haute-Bretagne porte maintenant le projet d'une "DAM [direction des affaires médicales] de territoire", a-t-il annoncé. Un poste partagé va être financé par l'agence régionale de santé (ARS) Bretagne, dans le cadre du contrat hospitalier de territoire.

Le PMSP, pilier du GHT

"Le GHT, c'est en permanence un défi pour les équipes où chacun trouve à mettre en place des objectifs gagnant-gagnant en interne et en externe", a déclaré Laurence Laignel, présidente de l'Association française des directeurs de soins (AFDS), dans une vidéo diffusée pendant les journées.

"Le PMSP [projet médico-soignant partagé] est le carburant de nos GHT. C'est extrêmement stratégique", a estimé le Dr Jérôme Connault, président de la CMG du GHT 44 (Loire-Atlantique) et modérateur d'une table ronde sur les éléments structurants du PMSP.

Pour le définir, il faut pouvoir se baser sur une analyse des besoins pour les patients du territoire -cette analyse est "le ciment des équipes"- et sur les capacités des équipes à répondre à ces besoins, a défendu le Dr Chauvin.

"Souvent ce qui mobilise l'action, ce sont les difficultés dans les territoires. Un GHT n'est pas une agence d'intérim ni le pompier d'un territoire mais il aide à la réflexion pour réorganiser une offre de soins ou améliorer la gradation", a déclaré Cécile Jaglin-Grimonprez, directrice générale du CHU d'Angers.

En Bretagne, l'ARS attend des GHT qu'ils puissent faire une gestion prévisionnelle des métiers et compétences, a mentionné Malik Lahoucine, directeur général adjoint de l'agence et directeur de l'hospitalisation, de l'autonomie et de la performance.

Il a souligné la fenêtre d'opportunité offerte pour les deuxièmes PMSP avec en même temps le projet régional de santé (PRS) et le Ségur investissement. L'ARS Bretagne a aussi souhaité que les projets d'investissement soient discutés en comités stratégiques pour voir comment ils vont servir les PMSP.

Pour accompagner les GHT, l'ARS Bretagne a développé les contrats hospitaliers de territoire (CHT) qu'elle finance à hauteur de 10 M€ par an. "On se met d'accord sur une priorité publique et l'agence finance par exemple des postes partagés", a noté le DGA d'ARS.

"C'est une aide à la construction d'un projet concerté qui permet de dépasser des obstacles", a approuvé le Dr Chauvel.

Cécile Jaglin-Grimonprez a fait remarquer que la "hiérarchie des normes" était désynchronisée puisqu'il y a eu du retard sur les réformes des autorisations. "Nous n'avons toujours pas les textes pour la périnatalité notamment, ce qui fait que les PMSP ont dû être écrits avant ou en même temps que les PRS", a-t-elle relevé.

Une force pour les projets d'investissement

Pour les projets d'investissement, le GHT est une force en apportant des compétences que des établissements de petite ou moyenne taille n'auraient pas seuls et aussi parce qu'il "aspire les cofinancements" (de la Région, des collectivités locales), a fait remarquer le Pr François-René Pruvot, président du conseil scientifique des investissements en santé (Csis).

Mais ce n'est pas facile de maintenir l'entente au long cours entre les établissements parties car ces projets durent longtemps, a-t-il reconnu.

"Dans les grands projets très coûteux (au-delà de 150 M€) que le conseil scientifique a eus à instruire, sur les 27 expertisés en trois ans, seuls six étaient d'authentiques projets de GHT et c'étaient des projets magnifiques dont trois en Bretagne et deux en Ile-de-France", a-t-il noté.

Cécile Jaglin-Grimonprez a estimé que les GHT avaient passé beaucoup de temps au début sur les achats et qu'il était important maintenant de "revenir à la philosophie de départ, donc le PMSP, la stratégie même du GHT, et considérons que les directions support sont là pour mettre en musique ces PMSP".

Par exemple, "la DAM de territoire, oui, ça a du sens pour homogénéiser les conditions de recrutement des médecins car il est important qu'il n'y ait pas d'iniquité dans le partage de la pénibilité, dans la participation à la permanence des soins pour avoir des écarts de rémunération un peu moins forts qu'aujourd'hui", a-t-elle proposé, évoquant une loi Rist pas tout à fait mise en œuvre dans les établissements de proximité dès qu'il y a un risque de fermeture d'activité.

sl/ab/APMnews

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