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19/08 2021
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GUADELOUPE: LA GRAVITÉ DE LA SITUATION COVID OBLIGE À REVOIR LA "PRIORISATION" DES PATIENTS ADMIS EN RÉANIMATION

(Par Sylvain LABAUNE)

POINTE-À-PITRE, 19 août 2021 (APMnews) - La gravité de la situation sanitaire en Guadeloupe, due au Covid-19, oblige à revoir les critères de "priorisation" déterminant l'admission en réanimation des patients dans les services de réanimation, a-t-on appris mercredi et jeudi auprès de plusieurs professionnels de santé actuellement en exercice dans l'île.

"La situation est cataclysmique en Guadeloupe" et pour le moment les flux de patients Covid restent "massifs et continus", a expliqué jeudi à APMnews le Dr Marc Valette, chef du service de réanimation du CHU de la Guadeloupe.

Le taux d'occupation des lits de réanimation est "quasiment de 100%", "tous les lits sont occupés dans les 12 heures après avoir été libérés". "Les rares lits que vous voyez parfois inoccupés, c'est parce que l'on prend la photographie à un moment donné, mais dans la journée ils sont occupés", a-t-il continué.

Au CHU, 58 lits de réanimation sont désormais ouverts, contre 57 lundi (cf dépêche du 16/08/2021 à 18:25). "A l'heure actuelle, nous sommes arrivés au bout des capacités techniques" de l'hôpital, "que ce soit en termes de locaux ou de production d'oxygène", a-t-il alerté.

En conséquence, la stratégie est de créer des lits de réanimation dans d'autres établissements publics ou privés de l'île, au centre hospitalier de Basse-Terre (CHBT) ainsi qu'à la clinique des Eaux claires et à la polyclinique de la Guadeloupe, a continué Marc Valette.

"Ni nous ni personne n'avons déjà vu une telle situation au cours de notre carrière." Même "les médecins en renfort qui ont eu à intervenir à Mulhouse [Haut-Rhin]", lors de la première vague de Covid au printemps 2020, "disent que c'est sans comparaison en termes d'intensité".

De nouveaux renforts de personnels de santé partiront vendredi de métropole pour les Antilles, après l'envoi mardi de 120 professionnels répartis entre la Guadeloupe et la Martinique (cf dépêche du 19/08/2021 à 12:37).

Des patients qui auraient été admis il y a un mois ne peuvent plus l'être aujourd'hui

Le flux de patients qui nécessitent des soins de réanimation "est très très supérieur aux capacités d'accueil", "au-delà de ce qui est possible", a averti Marc Valette.

Cela conduit à "avoir dans les services de médecine des patients plus graves qu'à l'accoutumée, qui d'ordinaire sont en réanimation mais qui, là, sont laissés plus longtemps dans les services de médecine", a-t-il poursuivi.

"Malheureusement, [pour] un certain nombre de patients qui, en temps normal, auraient eu accès à la réanimation, nous ne sommes pas en mesure de les admettre à l'heure actuelle", a-t-il déploré.

Les critères qui déterminent l'entrée en réanimation ne reposent "pas sur l'âge", mais sur les "probabilités de succès" de la prise en charge.

"Notre stratégie a été de mener des réunions avec l'Espace de réflexion éthique de Guadeloupe et des Iles du Nord [Eregin]" afin de "voir avec eux comment, dans cette médecine de catastrophe, on pouvait avoir une réflexion éthique pour le bien général".

La question est de savoir "comment continuer de raisonner au mieux, au cas par cas, afin de réserver les lits de réanimation à ceux qui ont le plus de chances de s'en sortir", a développé Marc Valette.

Cette réflexion a été menée sur "plusieurs axes dont les comorbidités, l'âge mais pas seulement, et en fonction de la gravité, [c'est-à-dire] les défaillances présentées au moment de l'appel au réanimateur". Et "donc tous ces facteurs associés nous aident à savoir qui sont les patients qui ont le plus de chances de s'en sortir".

Dans le cas où "le médecin de garde ne sait plus faire un choix car les patients sont trop proches les uns des autres en termes de pronostic, on va déclencher une astreinte dans une cellule de soutien éthique dans laquelle il y a des soignants, des gens qui réfléchissent à l'éthique et des gens de la société civile", a continué le chef du service de réanimation du CHU.

"On leur soumet notre dilemme et, en 20 minutes, ils nous donnent une réponse sur ce qu'ils pensent être la priorisation la plus adaptée", a-t-il précisé.

Il n'y a pas de seuil uniquement en fonction de l'âge, par exemple 60 ans, "comme on a pu le lire cette semaine dans la presse". Dire cela est un "raccourci choc" et "ne correspond pas à la réalité", a-t-il déploré. Par exemple, "nous avons pris cette semaine des patients de 65 et 69 ans".

Pour autant, "nous ne nions pas que la situation est très grave" et il est vrai que "malgré tous nos efforts, certains patients jeunes n'ont pas eu accès à la réanimation" alors que cela aurait été possible "il y a un mois", a regretté Marc Valette.

La réalité est plus complexe et les décisions d'admission en réanimation intègrent plusieurs facteurs, a insisté Marc Valette, sans nier toutefois que les critères sont plus sélectifs.

Interrogé mercredi par APMnews, le directeur général du CHU de la Guadeloupe, Gérard Cotellon, a déclaré qu'il n'y a "aucunement des critères figés" de priorisation tels que l'âge.

"Dans le cadre de la crise sanitaire sans précédent que connaissent les Antilles, le flux de patients requérant des lits de soins critiques dépasse l'offre de soins malgré un capacitaire qui a plus que doublé sur le territoire. Dans ce cadre, une priorisation des malades est nécessaire", a-t-il continué.

"Cette démarche est effectuée par les acteurs du CHU en partenariat avec l'Eregin. Elle a été validée sur le plan institutionnel au niveau local et national par les différentes sociétés savantes des soins critiques", a-t-il ajouté.

Un patient non admis en réanimation "ne va pas forcément mourir" mais ses chances de survie sont plus faibles

Le Dr Amandine Gagneux-Brunon, MCU-PH (maître de conférences des universités-praticien hospitalier) en infectiologie au CHU de Saint-Etienne, est mobilisée en renfort au CHU de la Guadeloupe depuis son arrivée sur l'île mardi 10 août. "Dire qu'il y a une sorte de seuil" déterminant une entrée dans la réanimation aux Antilles, en fonction d'un âge par exemple de 50 ans, "n'est pas complètement vrai", a-t-elle déclaré jeudi à APMnews.

"Avant-hier, j'ai mis en réanimation un patient de 61 ans". L'admission en réanimation "dépend des possibilités et des opportunités. En fonction de la place, les collègues réanimateurs font le tour dans les étages" et "on priorise à la fois en fonction de la gravité et des chances que la réanimation fonctionne", a-t-elle relaté.

"Donc très clairement, plus de 70 ans [c'est] non effectivement, entre 60 et 70 ans, il faut avoir le moins de comorbidités possible, je ne parle pas du diabète mais par exemple d'une insuffisance d'organe". "En dessous, c'est vraiment une discussion au cas par cas", a-t-elle décrit.

"Il y a une discussion qui se veut sur des critères éthiques et des données bibliographiques, pour savoir qui va bénéficier le plus de la réanimation", a-t-elle continué.

Toutefois, "ce n'est pas parce qu'un patient ne va pas en réanimation qu'il va forcément mourir de la Covid", a souligné Amandine Gagneux-Brunon.

Dans les services de médecine, "on essaie de faire au mieux avec des oxygénothérapies". Par exemple avec "des unités intermédiaires qui peuvent faire de l'oxygénation à haut débit, c'est le cas du service des maladies infectieuses" au CHU de la Guadeloupe.

"Nous avons également la possibilité de faire de l'oxygénothérapie au débit maximum dans les services [de médecine] et de mettre en place des thérapeuticités", a-t-elle continué.

"Effectivement, nous ne sommes pas sûrs que la prise en charge [hors réanimation] va marcher, la mortalité va être importante parce que, justement, il n'y a pas d'accès à la réanimation, mais on fait au mieux et sur des critères bien identifiés", mais "qui dépendent aussi de la priorisation".

Par exemple, mercredi, "j'avais deux patients qui étaient éligibles à la réanimation. Les deux n'allaient vraiment pas bien et la question était de savoir, d'heure en heure, lequel était le moins bien" pour accéder à une place de réanimation, "et pas forcément en fonction de l'âge", a-t-elle expliqué.

Des infirmiers en renfort alertent sur les conséquences du manque de places en réanimation

Des infirmiers joints par APMnews se sont montrés plus catégoriques.

Roxane (les soignants cités par leur prénom n'ont n'a pas souhaité communiquer leur nom de famille, NDLR) est infirmière au service de réanimation du CHBT, en renfort depuis mardi 10 août.

La capacité de réanimation de cet hôpital est actuellement de 21 lits, contre 5 initialement, dont seulement "2 ou 3 de libres", a-t-elle indiqué mercredi à APMnews.

Cette capacité ne suffira pas au vu de l'afflux de patients. "Nous sommes en train de diminuer l'âge de ceux qui sont accessibles à la réanimation et à l'intubation, pour faire un maximum de tri et prendre en charge les patients qui ont le maximum de chances de survie", a-t-elle rapporté.

"Dans la nuit de samedi à dimanche, ce week-end, [la consigne] était de ne plus intuber au-dessus de 58 ans. Et dans la nuit de dimanche à lundi, on était au-dessus de 50 ans. Donc ça fait très jeune", a-t-elle déclaré.

Sébastien est infirmier en service de médecine Covid au CHBT, en renfort également depuis la semaine dernière en Guadeloupe.

"Il n'y a plus de places en réanimation. Nous avons eu, par exemple, un patient de 79 ans tout à fait autonome chez lui, qui avait juste un diabète de type 2, sans autres facteurs aggravants. Il a été admis le matin et le soir même il est décédé parce que le Covid a pris le dessus alors qu'il était réanimable", a-t-il affirmé.

"Nous avons téléphoné à la réanimation mais on nous a répondu qu'on ne le prendrait pas du fait notamment de son âge", a-t-il précisé.

Les critères d'intubation sont "d'avoir moins de 60 ans, et de ne pas avoir les trois facteurs aggravants que sont le diabète, de l'hypertension et le cholestérol", a-t-il ajouté.

Une situation également "catastrophique" au CHU de la Martinique

Valérie Reverchon, cadre de santé du CH de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), tout juste arrivée en renfort (par l'avion de mardi), décrit "une situation catastrophique" au CHU de la Martinique, où tous les services sauf la maternité sont transformés en unités Covid. Le personnel, qui doit s'adapter chaque jour, est épuisé, ayant déjà été privé de congés en avril lors de la 3e vague qui s'est compliquée avec une épidémie de dengue. Ils sont tous assignés. Certains sont eux-mêmes touchés par des deuils dans leur famille. L'absentéisme est important.

La prise en charge est compliquée, "avec des services embolisés, un manque de places en réanimation et des patients qui attendent 24 à 48 heures sur des brancards pour pouvoir accéder à la réanimation". La cellule d'urgence médico-psychologique (Cump), qui a été activée il y a deux ou trois semaines pour les patients et les familles, est aussi utile pour les professionnels de santé car ils "vivent des choses très difficiles", assure-t-elle. Cette cellule sera également ouverte aux renforts arrivés de métropole "car ils vont y être confrontés".

syl-sl/nc/APMnews

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(Par Sylvain LABAUNE)

POINTE-À-PITRE, 19 août 2021 (APMnews) - La gravité de la situation sanitaire en Guadeloupe, due au Covid-19, oblige à revoir les critères de "priorisation" déterminant l'admission en réanimation des patients dans les services de réanimation, a-t-on appris mercredi et jeudi auprès de plusieurs professionnels de santé actuellement en exercice dans l'île.

"La situation est cataclysmique en Guadeloupe" et pour le moment les flux de patients Covid restent "massifs et continus", a expliqué jeudi à APMnews le Dr Marc Valette, chef du service de réanimation du CHU de la Guadeloupe.

Le taux d'occupation des lits de réanimation est "quasiment de 100%", "tous les lits sont occupés dans les 12 heures après avoir été libérés". "Les rares lits que vous voyez parfois inoccupés, c'est parce que l'on prend la photographie à un moment donné, mais dans la journée ils sont occupés", a-t-il continué.

Au CHU, 58 lits de réanimation sont désormais ouverts, contre 57 lundi (cf dépêche du 16/08/2021 à 18:25). "A l'heure actuelle, nous sommes arrivés au bout des capacités techniques" de l'hôpital, "que ce soit en termes de locaux ou de production d'oxygène", a-t-il alerté.

En conséquence, la stratégie est de créer des lits de réanimation dans d'autres établissements publics ou privés de l'île, au centre hospitalier de Basse-Terre (CHBT) ainsi qu'à la clinique des Eaux claires et à la polyclinique de la Guadeloupe, a continué Marc Valette.

"Ni nous ni personne n'avons déjà vu une telle situation au cours de notre carrière." Même "les médecins en renfort qui ont eu à intervenir à Mulhouse [Haut-Rhin]", lors de la première vague de Covid au printemps 2020, "disent que c'est sans comparaison en termes d'intensité".

De nouveaux renforts de personnels de santé partiront vendredi de métropole pour les Antilles, après l'envoi mardi de 120 professionnels répartis entre la Guadeloupe et la Martinique (cf dépêche du 19/08/2021 à 12:37).

Des patients qui auraient été admis il y a un mois ne peuvent plus l'être aujourd'hui

Le flux de patients qui nécessitent des soins de réanimation "est très très supérieur aux capacités d'accueil", "au-delà de ce qui est possible", a averti Marc Valette.

Cela conduit à "avoir dans les services de médecine des patients plus graves qu'à l'accoutumée, qui d'ordinaire sont en réanimation mais qui, là, sont laissés plus longtemps dans les services de médecine", a-t-il poursuivi.

"Malheureusement, [pour] un certain nombre de patients qui, en temps normal, auraient eu accès à la réanimation, nous ne sommes pas en mesure de les admettre à l'heure actuelle", a-t-il déploré.

Les critères qui déterminent l'entrée en réanimation ne reposent "pas sur l'âge", mais sur les "probabilités de succès" de la prise en charge.

"Notre stratégie a été de mener des réunions avec l'Espace de réflexion éthique de Guadeloupe et des Iles du Nord [Eregin]" afin de "voir avec eux comment, dans cette médecine de catastrophe, on pouvait avoir une réflexion éthique pour le bien général".

La question est de savoir "comment continuer de raisonner au mieux, au cas par cas, afin de réserver les lits de réanimation à ceux qui ont le plus de chances de s'en sortir", a développé Marc Valette.

Cette réflexion a été menée sur "plusieurs axes dont les comorbidités, l'âge mais pas seulement, et en fonction de la gravité, [c'est-à-dire] les défaillances présentées au moment de l'appel au réanimateur". Et "donc tous ces facteurs associés nous aident à savoir qui sont les patients qui ont le plus de chances de s'en sortir".

Dans le cas où "le médecin de garde ne sait plus faire un choix car les patients sont trop proches les uns des autres en termes de pronostic, on va déclencher une astreinte dans une cellule de soutien éthique dans laquelle il y a des soignants, des gens qui réfléchissent à l'éthique et des gens de la société civile", a continué le chef du service de réanimation du CHU.

"On leur soumet notre dilemme et, en 20 minutes, ils nous donnent une réponse sur ce qu'ils pensent être la priorisation la plus adaptée", a-t-il précisé.

Il n'y a pas de seuil uniquement en fonction de l'âge, par exemple 60 ans, "comme on a pu le lire cette semaine dans la presse". Dire cela est un "raccourci choc" et "ne correspond pas à la réalité", a-t-il déploré. Par exemple, "nous avons pris cette semaine des patients de 65 et 69 ans".

Pour autant, "nous ne nions pas que la situation est très grave" et il est vrai que "malgré tous nos efforts, certains patients jeunes n'ont pas eu accès à la réanimation" alors que cela aurait été possible "il y a un mois", a regretté Marc Valette.

La réalité est plus complexe et les décisions d'admission en réanimation intègrent plusieurs facteurs, a insisté Marc Valette, sans nier toutefois que les critères sont plus sélectifs.

Interrogé mercredi par APMnews, le directeur général du CHU de la Guadeloupe, Gérard Cotellon, a déclaré qu'il n'y a "aucunement des critères figés" de priorisation tels que l'âge.

"Dans le cadre de la crise sanitaire sans précédent que connaissent les Antilles, le flux de patients requérant des lits de soins critiques dépasse l'offre de soins malgré un capacitaire qui a plus que doublé sur le territoire. Dans ce cadre, une priorisation des malades est nécessaire", a-t-il continué.

"Cette démarche est effectuée par les acteurs du CHU en partenariat avec l'Eregin. Elle a été validée sur le plan institutionnel au niveau local et national par les différentes sociétés savantes des soins critiques", a-t-il ajouté.

Un patient non admis en réanimation "ne va pas forcément mourir" mais ses chances de survie sont plus faibles

Le Dr Amandine Gagneux-Brunon, MCU-PH (maître de conférences des universités-praticien hospitalier) en infectiologie au CHU de Saint-Etienne, est mobilisée en renfort au CHU de la Guadeloupe depuis son arrivée sur l'île mardi 10 août. "Dire qu'il y a une sorte de seuil" déterminant une entrée dans la réanimation aux Antilles, en fonction d'un âge par exemple de 50 ans, "n'est pas complètement vrai", a-t-elle déclaré jeudi à APMnews.

"Avant-hier, j'ai mis en réanimation un patient de 61 ans". L'admission en réanimation "dépend des possibilités et des opportunités. En fonction de la place, les collègues réanimateurs font le tour dans les étages" et "on priorise à la fois en fonction de la gravité et des chances que la réanimation fonctionne", a-t-elle relaté.

"Donc très clairement, plus de 70 ans [c'est] non effectivement, entre 60 et 70 ans, il faut avoir le moins de comorbidités possible, je ne parle pas du diabète mais par exemple d'une insuffisance d'organe". "En dessous, c'est vraiment une discussion au cas par cas", a-t-elle décrit.

"Il y a une discussion qui se veut sur des critères éthiques et des données bibliographiques, pour savoir qui va bénéficier le plus de la réanimation", a-t-elle continué.

Toutefois, "ce n'est pas parce qu'un patient ne va pas en réanimation qu'il va forcément mourir de la Covid", a souligné Amandine Gagneux-Brunon.

Dans les services de médecine, "on essaie de faire au mieux avec des oxygénothérapies". Par exemple avec "des unités intermédiaires qui peuvent faire de l'oxygénation à haut débit, c'est le cas du service des maladies infectieuses" au CHU de la Guadeloupe.

"Nous avons également la possibilité de faire de l'oxygénothérapie au débit maximum dans les services [de médecine] et de mettre en place des thérapeuticités", a-t-elle continué.

"Effectivement, nous ne sommes pas sûrs que la prise en charge [hors réanimation] va marcher, la mortalité va être importante parce que, justement, il n'y a pas d'accès à la réanimation, mais on fait au mieux et sur des critères bien identifiés", mais "qui dépendent aussi de la priorisation".

Par exemple, mercredi, "j'avais deux patients qui étaient éligibles à la réanimation. Les deux n'allaient vraiment pas bien et la question était de savoir, d'heure en heure, lequel était le moins bien" pour accéder à une place de réanimation, "et pas forcément en fonction de l'âge", a-t-elle expliqué.

Des infirmiers en renfort alertent sur les conséquences du manque de places en réanimation

Des infirmiers joints par APMnews se sont montrés plus catégoriques.

Roxane (les soignants cités par leur prénom n'ont n'a pas souhaité communiquer leur nom de famille, NDLR) est infirmière au service de réanimation du CHBT, en renfort depuis mardi 10 août.

La capacité de réanimation de cet hôpital est actuellement de 21 lits, contre 5 initialement, dont seulement "2 ou 3 de libres", a-t-elle indiqué mercredi à APMnews.

Cette capacité ne suffira pas au vu de l'afflux de patients. "Nous sommes en train de diminuer l'âge de ceux qui sont accessibles à la réanimation et à l'intubation, pour faire un maximum de tri et prendre en charge les patients qui ont le maximum de chances de survie", a-t-elle rapporté.

"Dans la nuit de samedi à dimanche, ce week-end, [la consigne] était de ne plus intuber au-dessus de 58 ans. Et dans la nuit de dimanche à lundi, on était au-dessus de 50 ans. Donc ça fait très jeune", a-t-elle déclaré.

Sébastien est infirmier en service de médecine Covid au CHBT, en renfort également depuis la semaine dernière en Guadeloupe.

"Il n'y a plus de places en réanimation. Nous avons eu, par exemple, un patient de 79 ans tout à fait autonome chez lui, qui avait juste un diabète de type 2, sans autres facteurs aggravants. Il a été admis le matin et le soir même il est décédé parce que le Covid a pris le dessus alors qu'il était réanimable", a-t-il affirmé.

"Nous avons téléphoné à la réanimation mais on nous a répondu qu'on ne le prendrait pas du fait notamment de son âge", a-t-il précisé.

Les critères d'intubation sont "d'avoir moins de 60 ans, et de ne pas avoir les trois facteurs aggravants que sont le diabète, de l'hypertension et le cholestérol", a-t-il ajouté.

Une situation également "catastrophique" au CHU de la Martinique

Valérie Reverchon, cadre de santé du CH de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), tout juste arrivée en renfort (par l'avion de mardi), décrit "une situation catastrophique" au CHU de la Martinique, où tous les services sauf la maternité sont transformés en unités Covid. Le personnel, qui doit s'adapter chaque jour, est épuisé, ayant déjà été privé de congés en avril lors de la 3e vague qui s'est compliquée avec une épidémie de dengue. Ils sont tous assignés. Certains sont eux-mêmes touchés par des deuils dans leur famille. L'absentéisme est important.

La prise en charge est compliquée, "avec des services embolisés, un manque de places en réanimation et des patients qui attendent 24 à 48 heures sur des brancards pour pouvoir accéder à la réanimation". La cellule d'urgence médico-psychologique (Cump), qui a été activée il y a deux ou trois semaines pour les patients et les familles, est aussi utile pour les professionnels de santé car ils "vivent des choses très difficiles", assure-t-elle. Cette cellule sera également ouverte aux renforts arrivés de métropole "car ils vont y être confrontés".

syl-sl/nc/APMnews

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