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07/09 2018
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HAUTS-DE-FRANCE: UN PROJET POUR AMÉLIORER LA GESTION DES URGENCES PAR LES EHPAD

(Par Emmanuelle DEBELLEIX)

LOOS, HAUBOURDIN (Nord), 7 septembre 2018 (APMnews) - Le projet Assure, piloté par l'agence régionale de santé (ARS) Hauts-de-France, mise sur "l'acculturation des professionnels soignants et médicaux" pour améliorer la gestion des urgences et le recours au Samu par les 620 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de la région, a-t-on appris mercredi auprès d'acteurs du projet.

S'étalant d'avril 2018 à avril 2020, Assure (Amélioration des soins d’urgence en Ehpad) s'apparente à "une démarche de sensibilisation", a expliqué à APMnews Séverine Laboue, directrice du groupe hospitalier (GH) à profil gériatrique de Loos-Haubourdin (Nord), chargé par l'ARS de porter le projet.

Objectif majeur: le recours juste et optimal aux structures d’urgences. Et en filigrane, "le renforcement des coopérations entre les différents acteurs sanitaires et médico-sociaux (services hospitaliers, filières gériatriques, Ehpad, médecins libéraux, etc.) du territoire".

Le projet rejoint en la matière le chantier national relatif à l'organisation territoriale des soins, "axe fort de la stratégie de transformation du système de santé présentée au printemps dernier par la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn" (cf dépêche du 09/03/2018 à 14:20), a fait remarquer la directrice.

Soulignant "l'envergure du projet", qui concerne les 620 Ehpad des Hauts-de-France, "dans un contexte de crise et d’engorgement des structures d’urgences", Séverine Laboue a détaillé les "cinq étapes clés" du déploiement prévu.

La première, "qui a débuté en mars, consiste en la conception d’un kit d’outils spécifiques".

"Outil d’aide à la prise de décision", il comprend trois types de fiches: des fiches-cadres informant sur le fonctionnement des structures d’urgences, des fiches relatives aux conduites à tenir en cas d’urgence (19 fiches réflexes), et des fiches complémentaires axées sur le fonctionnement des Ehpad.

"Pour l'élaborer, le comité de pilotage du projet (universitaires, urgentistes, gériatres, représentants d'Ehpad, directeurs d’établissements de santé et représentants de l’ARS) s'est inspiré, tout en l'enrichissant, de ce qui avait pu se faire dans d'autres régions, qu'il s'agisse des fiches de conduite à tenir diffusées par l'ARS Ile-de-France ou de l'outil Resurca développé en Champagne-Ardenne", a précisé Benjamin Thomas, chargé de mission Assure, également interrogé par APMnews mercredi.

Ce kit s'accompagne d’outils pédagogiques: grille de retour d’expérience, affiches, flyers à destination des médecins traitants des résidents, ou encore un jeu de cartes-jeu de rôle baptisé Cluehpad. "En cours de finalisation, kit et outils ont été testés lors d'une matinée de sensibilisation, le 26 juin, par les professionnels de 11 Ehpad volontaires. Leurs retours à chaud ont été très positifs", s'est félicitée Séverine Laboue.

Deuxième étape: la mobilisation des professionnels urgentistes et gériatres, programmée pour novembre prochain. Trois rencontres sont prévues, pour sensibiliser des binômes "gériatre-urgentiste" de la région, répartis sur les 49 sites d’urgence et les 24 filières gériatriques du territoire.

"Objectif: leur présenter le projet et... selon la méthodologie Train the trainer, leur passer le relais. A charge pour eux de poursuivre le déploiement du projet, en formant à leur tour un trinôme -directeur, médecin coordonnateur, et cadre de santé ou infirmière coordinatrice [Idec]- dans chaque Ehpad du territoire", a détaillé Séverine Laboue.

"Cette sensibilisation des trinômes dans chacun des 620 Ehpad de la région, accompagnée de la diffusion des kits de sensibilisation, est la troisième étape. Elle doit se faire sur un an, par sessions incluant chacune une dizaine d’Ehpad", a-t-elle poursuivi.

Toujours selon la même méthode, l'essaimage doit ensuite, quatrième étape, se faire au sein des Ehpad, les trinômes directeur-médecin coordonnateur-Idec devant à leur tour diffuser le kit et sensibiliser leurs équipes soignantes à la bonne gestion des situations perçues comme urgentes.

Une évaluation à trois mois sera ensuite menée -cinquième étape- dans chaque Ehpad, par les deux chargés de mission du projet et Séverine Laboue elle-même.

"Nous nous rendrons dans chaque établissement pour analyser la façon dont la démarche a été mise en oeuvre, apprécier les éventuelles évolutions à y apporter, et récolter les différents indicateurs de suivi recueillis par les équipes. L’impact sur les passages aux urgences doit lui aussi être évalué, notamment par la commission scientifique de l'observatoire régional des urgences", a expliqué la directrice du GH.

A partir de là, une évaluation plus globale de l’impact du projet sera menée au premier trimestre 2020. "Nombre de passages aux urgences, évolution dans la gestion des appels par les Ehpad, éventuels différentiels selon les statuts des Ehpad, etc. Cette évaluation sera tout à la fois quantitative et qualitative", a souligné Séverine Laboue.

Interrogée sur les modalités de financement du projet, la directrice du GH a indiqué que l’ARS lui avait "confié une enveloppe de 250.000 € pour deux ans, prise sur des crédits FIR [fonds d'intervention régional], afin de rémunérer les deux chargés de mission, le GH de Loos-Haubourdin porteur de projet, les établissements de santé pour leur mise à disposition de temps d’urgentistes et de gériatres, et pour financer la conception des kits et divers outils".

"Le projet a été très bien reçu, de part et d’autre", a-t-elle insisté. "Très bien reçu par les établissements de santé... d’autant que l’ARS a acté le fait que leur participation sera valorisée dans le cadre de la certification. Et par les Ehpad, même si là, pour le moment tout au moins, il n’est pas prévu que leur participation à Assure soit valorisée dans le cadre de la négociation de leur CPOM [contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens]."

La télémédecine pas encore à l'ordre du jour

Questionnée sur l'éventuelle place accordée à la télémédecine dans le projet, Séverine Laboue a répondu que "cela n'était pour le moment pas à l'ordre du jour". Elle est, à ce propos, revenue sur la genèse du projet, expliquant que "les retours d'expérience sur lesquels les professionnels (gériatres, urgentistes...) à l'origine d'Assure avaient travaillé, avaient justement démontré que l'intégration de la télémédecine... se prépare."

"Dans le Nord-Pas-de-Calais, un travail sur les passages aux urgences des résidents d’Ehpad mené depuis près de 10 ans par les Pr Eric Wiel, chef de service des urgences adultes au CHU de Lille, et François Puisieux, chef du pôle gériatrie du CHU de Lille, a ainsi montré qu’en dehors des urgences vitales, près de 30% des passages aux urgences des résidents d’Ehpad étaient évitables", a-t-elle signalé.

Mais en Picardie, "une expérimentation de téléconsultation pour les résidents d’Ehpad, menée par le CHU d’Amiens et le CH de Beauvais, a, elle, conduit à prendre conscience du risque d’engorgement téléphonique en cas de non-préparation des équipes, et donc de la nécessité de faire évoluer les pratiques pour que les professionnels appellent à bon escient".

"Un projet de même nature, mené par le CHU de Nancy, a lui aussi montré que la télémédecine pouvait faire un flop s’il n’existait pas déjà un réel dialogue entre établissements de santé et Ehpad, si les coopérations territoriales n’avaient pas eu le temps de mûrir. Et une expérience menée récemment par le CH de Vienne [Isère] a montré une réduction de 27% du taux de transfert aux urgences provenant de 20 Ehpad, suite à la formation des soignants de ces 20 structures", a renchéri Camille Bonneaux, chargée de mission Assure, également interviewée par APMnews mercredi.

"C'est bien l'ensemble de ces résultats qui nous a convaincus de centrer le projet Assure sur la sensibilisation des professionnels", a de nouveau insisté Séverine Laboue. "La télémédecine... nous l’imaginons plutôt en étape suivante. Tout en étant bien conscients que c’est aujourd’hui que les choses démarrent."

En chiffres

En 2016, 2.247.651 passages aux urgences ont été enregistrés dans la région Hauts-de-France (en hausse de 2,4% par rapport à 2015), dont 198.625 passages de personnes âgées de 75 ans et plus (+1,7%).

La même année, la part d’hospitalisations décidées en urgence en Ehpad s'élevait à 75%, selon l'étude PLEIAD.

ed/nc/APMnews

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HAUTS-DE-FRANCE: UN PROJET POUR AMÉLIORER LA GESTION DES URGENCES PAR LES EHPAD

(Par Emmanuelle DEBELLEIX)

LOOS, HAUBOURDIN (Nord), 7 septembre 2018 (APMnews) - Le projet Assure, piloté par l'agence régionale de santé (ARS) Hauts-de-France, mise sur "l'acculturation des professionnels soignants et médicaux" pour améliorer la gestion des urgences et le recours au Samu par les 620 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de la région, a-t-on appris mercredi auprès d'acteurs du projet.

S'étalant d'avril 2018 à avril 2020, Assure (Amélioration des soins d’urgence en Ehpad) s'apparente à "une démarche de sensibilisation", a expliqué à APMnews Séverine Laboue, directrice du groupe hospitalier (GH) à profil gériatrique de Loos-Haubourdin (Nord), chargé par l'ARS de porter le projet.

Objectif majeur: le recours juste et optimal aux structures d’urgences. Et en filigrane, "le renforcement des coopérations entre les différents acteurs sanitaires et médico-sociaux (services hospitaliers, filières gériatriques, Ehpad, médecins libéraux, etc.) du territoire".

Le projet rejoint en la matière le chantier national relatif à l'organisation territoriale des soins, "axe fort de la stratégie de transformation du système de santé présentée au printemps dernier par la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn" (cf dépêche du 09/03/2018 à 14:20), a fait remarquer la directrice.

Soulignant "l'envergure du projet", qui concerne les 620 Ehpad des Hauts-de-France, "dans un contexte de crise et d’engorgement des structures d’urgences", Séverine Laboue a détaillé les "cinq étapes clés" du déploiement prévu.

La première, "qui a débuté en mars, consiste en la conception d’un kit d’outils spécifiques".

"Outil d’aide à la prise de décision", il comprend trois types de fiches: des fiches-cadres informant sur le fonctionnement des structures d’urgences, des fiches relatives aux conduites à tenir en cas d’urgence (19 fiches réflexes), et des fiches complémentaires axées sur le fonctionnement des Ehpad.

"Pour l'élaborer, le comité de pilotage du projet (universitaires, urgentistes, gériatres, représentants d'Ehpad, directeurs d’établissements de santé et représentants de l’ARS) s'est inspiré, tout en l'enrichissant, de ce qui avait pu se faire dans d'autres régions, qu'il s'agisse des fiches de conduite à tenir diffusées par l'ARS Ile-de-France ou de l'outil Resurca développé en Champagne-Ardenne", a précisé Benjamin Thomas, chargé de mission Assure, également interrogé par APMnews mercredi.

Ce kit s'accompagne d’outils pédagogiques: grille de retour d’expérience, affiches, flyers à destination des médecins traitants des résidents, ou encore un jeu de cartes-jeu de rôle baptisé Cluehpad. "En cours de finalisation, kit et outils ont été testés lors d'une matinée de sensibilisation, le 26 juin, par les professionnels de 11 Ehpad volontaires. Leurs retours à chaud ont été très positifs", s'est félicitée Séverine Laboue.

Deuxième étape: la mobilisation des professionnels urgentistes et gériatres, programmée pour novembre prochain. Trois rencontres sont prévues, pour sensibiliser des binômes "gériatre-urgentiste" de la région, répartis sur les 49 sites d’urgence et les 24 filières gériatriques du territoire.

"Objectif: leur présenter le projet et... selon la méthodologie Train the trainer, leur passer le relais. A charge pour eux de poursuivre le déploiement du projet, en formant à leur tour un trinôme -directeur, médecin coordonnateur, et cadre de santé ou infirmière coordinatrice [Idec]- dans chaque Ehpad du territoire", a détaillé Séverine Laboue.

"Cette sensibilisation des trinômes dans chacun des 620 Ehpad de la région, accompagnée de la diffusion des kits de sensibilisation, est la troisième étape. Elle doit se faire sur un an, par sessions incluant chacune une dizaine d’Ehpad", a-t-elle poursuivi.

Toujours selon la même méthode, l'essaimage doit ensuite, quatrième étape, se faire au sein des Ehpad, les trinômes directeur-médecin coordonnateur-Idec devant à leur tour diffuser le kit et sensibiliser leurs équipes soignantes à la bonne gestion des situations perçues comme urgentes.

Une évaluation à trois mois sera ensuite menée -cinquième étape- dans chaque Ehpad, par les deux chargés de mission du projet et Séverine Laboue elle-même.

"Nous nous rendrons dans chaque établissement pour analyser la façon dont la démarche a été mise en oeuvre, apprécier les éventuelles évolutions à y apporter, et récolter les différents indicateurs de suivi recueillis par les équipes. L’impact sur les passages aux urgences doit lui aussi être évalué, notamment par la commission scientifique de l'observatoire régional des urgences", a expliqué la directrice du GH.

A partir de là, une évaluation plus globale de l’impact du projet sera menée au premier trimestre 2020. "Nombre de passages aux urgences, évolution dans la gestion des appels par les Ehpad, éventuels différentiels selon les statuts des Ehpad, etc. Cette évaluation sera tout à la fois quantitative et qualitative", a souligné Séverine Laboue.

Interrogée sur les modalités de financement du projet, la directrice du GH a indiqué que l’ARS lui avait "confié une enveloppe de 250.000 € pour deux ans, prise sur des crédits FIR [fonds d'intervention régional], afin de rémunérer les deux chargés de mission, le GH de Loos-Haubourdin porteur de projet, les établissements de santé pour leur mise à disposition de temps d’urgentistes et de gériatres, et pour financer la conception des kits et divers outils".

"Le projet a été très bien reçu, de part et d’autre", a-t-elle insisté. "Très bien reçu par les établissements de santé... d’autant que l’ARS a acté le fait que leur participation sera valorisée dans le cadre de la certification. Et par les Ehpad, même si là, pour le moment tout au moins, il n’est pas prévu que leur participation à Assure soit valorisée dans le cadre de la négociation de leur CPOM [contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens]."

La télémédecine pas encore à l'ordre du jour

Questionnée sur l'éventuelle place accordée à la télémédecine dans le projet, Séverine Laboue a répondu que "cela n'était pour le moment pas à l'ordre du jour". Elle est, à ce propos, revenue sur la genèse du projet, expliquant que "les retours d'expérience sur lesquels les professionnels (gériatres, urgentistes...) à l'origine d'Assure avaient travaillé, avaient justement démontré que l'intégration de la télémédecine... se prépare."

"Dans le Nord-Pas-de-Calais, un travail sur les passages aux urgences des résidents d’Ehpad mené depuis près de 10 ans par les Pr Eric Wiel, chef de service des urgences adultes au CHU de Lille, et François Puisieux, chef du pôle gériatrie du CHU de Lille, a ainsi montré qu’en dehors des urgences vitales, près de 30% des passages aux urgences des résidents d’Ehpad étaient évitables", a-t-elle signalé.

Mais en Picardie, "une expérimentation de téléconsultation pour les résidents d’Ehpad, menée par le CHU d’Amiens et le CH de Beauvais, a, elle, conduit à prendre conscience du risque d’engorgement téléphonique en cas de non-préparation des équipes, et donc de la nécessité de faire évoluer les pratiques pour que les professionnels appellent à bon escient".

"Un projet de même nature, mené par le CHU de Nancy, a lui aussi montré que la télémédecine pouvait faire un flop s’il n’existait pas déjà un réel dialogue entre établissements de santé et Ehpad, si les coopérations territoriales n’avaient pas eu le temps de mûrir. Et une expérience menée récemment par le CH de Vienne [Isère] a montré une réduction de 27% du taux de transfert aux urgences provenant de 20 Ehpad, suite à la formation des soignants de ces 20 structures", a renchéri Camille Bonneaux, chargée de mission Assure, également interviewée par APMnews mercredi.

"C'est bien l'ensemble de ces résultats qui nous a convaincus de centrer le projet Assure sur la sensibilisation des professionnels", a de nouveau insisté Séverine Laboue. "La télémédecine... nous l’imaginons plutôt en étape suivante. Tout en étant bien conscients que c’est aujourd’hui que les choses démarrent."

En chiffres

En 2016, 2.247.651 passages aux urgences ont été enregistrés dans la région Hauts-de-France (en hausse de 2,4% par rapport à 2015), dont 198.625 passages de personnes âgées de 75 ans et plus (+1,7%).

La même année, la part d’hospitalisations décidées en urgence en Ehpad s'élevait à 75%, selon l'étude PLEIAD.

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