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24/04 2019
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IDENTIFICATION DES GILETS JAUNES À L'HÔPITAL: L'ORDRE DES MÉDECINS SAISIT LA CNIL, L'AP-HP ET L'ARS SE DÉFENDENT

PARIS, 24 avril 2019 (APMnews) - Le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) a fait savoir vendredi qu'il avait saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) sur l'utilisation faite du système d'identification des victimes SI-VIC dans le cadre des manifestations des Gilets jaunes, tandis que l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et l'agence régionale de santé (ARS) se sont défendues de tout "fichage" au cours du week end.

L'enregistrement de l'identité de manifestants blessés se présentant aux urgences, dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes, fait depuis plusieurs semaines polémique dans les médias et sur les réseaux sociaux, des praticiens ayant dénoncé un "fichage" contraire à la déontologie des soignants et au secret médical.

En janvier, le site d'information Mediapart avait révélé que la direction générale de la santé (DGS) avait activé le dispositif SI-VIC (système d'information d'identification unique des victimes), dont l'objectif est l'identification et le suivi des victimes de situations sanitaires exceptionnelles, comme les attentats.

Dans cet article, dont Libération a repris les éléments dans sa rubrique "Checknews" le 14 avril, la DGS justifiait l'activation du dispositif "en prudentiel" à partir de décembre 2018 lors des manifestations des Gilets jaunes "afin de quantifier l’impact du nombre de blessés sur l’offre de soins et anticiper la mise en place, le cas échéant, des mesures de régulation des flux de blessés ou de renforcement capacitaire des établissements de santé".

Elle démentait le fait que les forces de l’ordre puissent avoir accès aux informations personnelles des Gilets jaunes blessés, en assurant qu'un décret du 9 mars 2018 autorise uniquement l’accès à la base SI-VIC pour les agents du ministère de l’intérieur en cas d’attentat.

Dans Libération, Martin Hirsch, directeur général de l'AP-HP, assurait que la procédure permet de faire "remonter le nombre de blessés dans le cadre des manifestations, mais on ne transfère rien de nominatif".

Plusieurs titres de presse ont rapporté samedi qu'un homme blessé en février à Paris au cours d'une manifestation des Gilets jaunes avait décidé de porter plainte pour "collecte illicite de données à caractère personnel".

"Le Conseil national de l’ordre des médecins a été alerté par des conseils départementaux de l’ordre et par des médecins, notamment responsables de départements d’information médicale ou de services d’urgence, de l’utilisation faite [de] SI-VIC dans le cadre du mouvement social des Gilets jaunes", a déclaré le Cnom vendredi dans un communiqué.

"Partageant les interrogations de ces médecins au regard du secret médical", l'instance a saisi le 15 avril la DGS.

Rappelant que la finalité de SI-VIC est le dénombrement, l’aide à l’identification et le suivi des victimes dans une situation sanitaire exceptionnelle, l’ordre "a demandé à la DGS de lui apporter toutes précisions utiles au sujet de son déploiement dans le contexte du mouvement social dit des Gilets jaunes".

Dans le même temps, il a saisi la Cnil "afin de recueillir son avis sur l’extension du système SI-VIC, qu’elle avait autorisé pour faire face à des situations sanitaires exceptionnelles, dans un contexte qui paraît être bien différent".

L'AP-HP et l'ARS Ile-de-France se sont défendues des accusations de "fichage" dans un communiqué commun diffusé samedi.

"SI-VIC est un dispositif national, géré par le ministère de la santé, qui a pour objectif d’aider les autorités sanitaires à anticiper le nombre de blessés d’un événement et ses conséquences pour l’organisation des hôpitaux, pour répondre aux besoins des patients (par exemple pour organiser les équipes de blocs opératoires)", expliquent-elles.

Le dispositif permet "aussi aux hôpitaux d’anticiper des mesures de régulation des flux de blessés et d’organiser les équipes pour leur prise en charge".

Elles soulignent qu'il est activé à la demande de l'ARS. "L’AP-HP a l’obligation d’alimenter SI-VIC dès lors que le dispositif est déclenché".

Le flou persiste

L'ARS et l'AP-HP précisent que les informations qui figurent dans cette base de données sont: "numéro d’identification AP-HP, sexe, date de naissance/tranche d’âge, nom, prénom, nationalité, adresse et des données relatives à l’hospitalisation (heure d’arrivée, site, statut: retour à domicile, décès, hospitalisation…) et le cas échéant personne à contacter".

"Dans le respect du secret médical", la base "ne comporte pas de données médicales, c’est-à-dire aucune donnée sur la nature des blessures prises en charge", assurent-elles.

"Outil de régulation et d’information sanitaires, SI-VIC a joué son rôle dans une période où toute erreur dans la prise en charge des malades aurait été un élément de renforcement de la violence", pointent les deux signataires. "Chaque groupe hospitalier ne visualise que ses propres malades; le siège de l’AP-HP a visibilité de tous les établissements de l’AP-HP, l’ARS Ile-de-France sur la région, et le ministère de la santé sur le pays."

L'ARS et l'AP-HP ajoutent que "Sinus est un autre dispositif national géré et déclenché par le ministère de l’intérieur (préfet de police à Paris)". Celui-ci "vise à identifier les victimes d’une catastrophe, les compter et suivre leurs parcours tout au long de leur prise en charge à l’aide d’un bracelet à numéro unique et d’un dispositif de saisie informatique. Il est notamment utilisé par les pompiers pour le dénombrement des victimes sur un théâtre de crise, par exemple un incendie ou un attentat".

L'autorité sanitaire et l'AP-HP expliquent que, "dans l’hypothèse d’un événement donnant lieu à l’ouverture simultanée de Sinus et SI-VIC, la Cnil a autorisé les deux dispositifs à partager des informations sur l’identité, le lieu de prise en charge et l’hôpital d’accueil des victimes, ce qui ne s’est jamais produit dans le cadre des événements 'Gilets jaunes'".

Dans son édition de mercredi, le Canard enchaîné apporte des éléments sur les détails des données enregistrées dans SI-VIC. "Les extrait scrutés par le Canard le confirment: à côté des noms, la case 'commentaires' est truffée d'informations médicales", pointe l'hebdomadaire. Dans l'extrait pris pour exemple figurent des mentions comme "tir flashball: plaie arcade", "tuméfaction ORL: plaie oreille", ou encore "traumatisme main gauche".

L'hebdomadaire relève que la liste des personnes susceptibles d'accéder au fichier, selon le décret du 9 mars 2018, dépasse les autorités sanitaires. Le texte précise que "seuls les agents des agences régionales de santé, du ministère chargé de la santé et des ministères de l'intérieur, de la justice et des affaires étrangères nommément désignés et habilités à cet effet par leur directeur sont autorisés à accéder aux données mentionnées [....], dans la stricte mesure où elles sont nécessaires à l'exercice des missions qui leur sont confiées".

Le Canard enchaîné cite un message du 19 avril de la DGS aux hôpitaux et aux Samu, selon lequel les membres des forces de l'ordre "devront faire l'objet d'une fiche victime SI-VIC qui devra être anonymisée [et ne contenir] que leur matricule". Rien n'est mentionné pour les manifestants, relève-t-il.

L'hebdomadaire souligne aussi que, dans sa délibération du 7 décembre 2017 autorisant le ministère des solidarités et de la santé à mettre en oeuvre SI-VIC, la Cnil précisait que les personnes (victimes et proches) doivent être informées du traitement de leurs données et des modalités d’exercice de leurs droits par l’établissement de santé. Plusieurs témoignages réunis dans son article indiquent que cela n'a pas été le cas.

mlb/nc/APMnews

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PARIS, 24 avril 2019 (APMnews) - Le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) a fait savoir vendredi qu'il avait saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) sur l'utilisation faite du système d'identification des victimes SI-VIC dans le cadre des manifestations des Gilets jaunes, tandis que l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et l'agence régionale de santé (ARS) se sont défendues de tout "fichage" au cours du week end.

L'enregistrement de l'identité de manifestants blessés se présentant aux urgences, dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes, fait depuis plusieurs semaines polémique dans les médias et sur les réseaux sociaux, des praticiens ayant dénoncé un "fichage" contraire à la déontologie des soignants et au secret médical.

En janvier, le site d'information Mediapart avait révélé que la direction générale de la santé (DGS) avait activé le dispositif SI-VIC (système d'information d'identification unique des victimes), dont l'objectif est l'identification et le suivi des victimes de situations sanitaires exceptionnelles, comme les attentats.

Dans cet article, dont Libération a repris les éléments dans sa rubrique "Checknews" le 14 avril, la DGS justifiait l'activation du dispositif "en prudentiel" à partir de décembre 2018 lors des manifestations des Gilets jaunes "afin de quantifier l’impact du nombre de blessés sur l’offre de soins et anticiper la mise en place, le cas échéant, des mesures de régulation des flux de blessés ou de renforcement capacitaire des établissements de santé".

Elle démentait le fait que les forces de l’ordre puissent avoir accès aux informations personnelles des Gilets jaunes blessés, en assurant qu'un décret du 9 mars 2018 autorise uniquement l’accès à la base SI-VIC pour les agents du ministère de l’intérieur en cas d’attentat.

Dans Libération, Martin Hirsch, directeur général de l'AP-HP, assurait que la procédure permet de faire "remonter le nombre de blessés dans le cadre des manifestations, mais on ne transfère rien de nominatif".

Plusieurs titres de presse ont rapporté samedi qu'un homme blessé en février à Paris au cours d'une manifestation des Gilets jaunes avait décidé de porter plainte pour "collecte illicite de données à caractère personnel".

"Le Conseil national de l’ordre des médecins a été alerté par des conseils départementaux de l’ordre et par des médecins, notamment responsables de départements d’information médicale ou de services d’urgence, de l’utilisation faite [de] SI-VIC dans le cadre du mouvement social des Gilets jaunes", a déclaré le Cnom vendredi dans un communiqué.

"Partageant les interrogations de ces médecins au regard du secret médical", l'instance a saisi le 15 avril la DGS.

Rappelant que la finalité de SI-VIC est le dénombrement, l’aide à l’identification et le suivi des victimes dans une situation sanitaire exceptionnelle, l’ordre "a demandé à la DGS de lui apporter toutes précisions utiles au sujet de son déploiement dans le contexte du mouvement social dit des Gilets jaunes".

Dans le même temps, il a saisi la Cnil "afin de recueillir son avis sur l’extension du système SI-VIC, qu’elle avait autorisé pour faire face à des situations sanitaires exceptionnelles, dans un contexte qui paraît être bien différent".

L'AP-HP et l'ARS Ile-de-France se sont défendues des accusations de "fichage" dans un communiqué commun diffusé samedi.

"SI-VIC est un dispositif national, géré par le ministère de la santé, qui a pour objectif d’aider les autorités sanitaires à anticiper le nombre de blessés d’un événement et ses conséquences pour l’organisation des hôpitaux, pour répondre aux besoins des patients (par exemple pour organiser les équipes de blocs opératoires)", expliquent-elles.

Le dispositif permet "aussi aux hôpitaux d’anticiper des mesures de régulation des flux de blessés et d’organiser les équipes pour leur prise en charge".

Elles soulignent qu'il est activé à la demande de l'ARS. "L’AP-HP a l’obligation d’alimenter SI-VIC dès lors que le dispositif est déclenché".

Le flou persiste

L'ARS et l'AP-HP précisent que les informations qui figurent dans cette base de données sont: "numéro d’identification AP-HP, sexe, date de naissance/tranche d’âge, nom, prénom, nationalité, adresse et des données relatives à l’hospitalisation (heure d’arrivée, site, statut: retour à domicile, décès, hospitalisation…) et le cas échéant personne à contacter".

"Dans le respect du secret médical", la base "ne comporte pas de données médicales, c’est-à-dire aucune donnée sur la nature des blessures prises en charge", assurent-elles.

"Outil de régulation et d’information sanitaires, SI-VIC a joué son rôle dans une période où toute erreur dans la prise en charge des malades aurait été un élément de renforcement de la violence", pointent les deux signataires. "Chaque groupe hospitalier ne visualise que ses propres malades; le siège de l’AP-HP a visibilité de tous les établissements de l’AP-HP, l’ARS Ile-de-France sur la région, et le ministère de la santé sur le pays."

L'ARS et l'AP-HP ajoutent que "Sinus est un autre dispositif national géré et déclenché par le ministère de l’intérieur (préfet de police à Paris)". Celui-ci "vise à identifier les victimes d’une catastrophe, les compter et suivre leurs parcours tout au long de leur prise en charge à l’aide d’un bracelet à numéro unique et d’un dispositif de saisie informatique. Il est notamment utilisé par les pompiers pour le dénombrement des victimes sur un théâtre de crise, par exemple un incendie ou un attentat".

L'autorité sanitaire et l'AP-HP expliquent que, "dans l’hypothèse d’un événement donnant lieu à l’ouverture simultanée de Sinus et SI-VIC, la Cnil a autorisé les deux dispositifs à partager des informations sur l’identité, le lieu de prise en charge et l’hôpital d’accueil des victimes, ce qui ne s’est jamais produit dans le cadre des événements 'Gilets jaunes'".

Dans son édition de mercredi, le Canard enchaîné apporte des éléments sur les détails des données enregistrées dans SI-VIC. "Les extrait scrutés par le Canard le confirment: à côté des noms, la case 'commentaires' est truffée d'informations médicales", pointe l'hebdomadaire. Dans l'extrait pris pour exemple figurent des mentions comme "tir flashball: plaie arcade", "tuméfaction ORL: plaie oreille", ou encore "traumatisme main gauche".

L'hebdomadaire relève que la liste des personnes susceptibles d'accéder au fichier, selon le décret du 9 mars 2018, dépasse les autorités sanitaires. Le texte précise que "seuls les agents des agences régionales de santé, du ministère chargé de la santé et des ministères de l'intérieur, de la justice et des affaires étrangères nommément désignés et habilités à cet effet par leur directeur sont autorisés à accéder aux données mentionnées [....], dans la stricte mesure où elles sont nécessaires à l'exercice des missions qui leur sont confiées".

Le Canard enchaîné cite un message du 19 avril de la DGS aux hôpitaux et aux Samu, selon lequel les membres des forces de l'ordre "devront faire l'objet d'une fiche victime SI-VIC qui devra être anonymisée [et ne contenir] que leur matricule". Rien n'est mentionné pour les manifestants, relève-t-il.

L'hebdomadaire souligne aussi que, dans sa délibération du 7 décembre 2017 autorisant le ministère des solidarités et de la santé à mettre en oeuvre SI-VIC, la Cnil précisait que les personnes (victimes et proches) doivent être informées du traitement de leurs données et des modalités d’exercice de leurs droits par l’établissement de santé. Plusieurs témoignages réunis dans son article indiquent que cela n'a pas été le cas.

mlb/nc/APMnews

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