Actualités de l'Urgence - APM

INTÉRIM MÉDICAL: LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR L'ACCÈS AUX SOINS POUSSE SAMU URGENCES DE FRANCE DANS SES RETRANCHEMENTS
Le Dr Noizet, chef du SAU et du Smur de Mulhouse (Haut-Rhin), était auditionné dans le cadre d'une table ronde à laquelle participaient le Dr Laurent Maillard, président de la Fédération des observatoires régionaux des urgences (Fedoru), et Marc Van Driesten, représentant de l'Association française des ambulanciers Smur et hospitaliers (Afash).
Il a centré son propos sur les difficultés des SAU, pris "entre une population qui a du mal à se soigner [...] et un système de santé qui a du mal à répondre aux besoins de la population".
"Le système qui existe aujourd'hui date d'il y a plus de 25 ans [...], c'est la raison pour laquelle on a constaté, depuis 2022, des choses que l'on n'avait jamais vues: des fermetures de SAU, de Smur, de lignes", a-t-il appuyé.
"Nous avons des outils qui ne sont pas mis en œuvre", du fait d'une "forme de protectionnisme, le plus souvent territorial", et d'un manque de "courage politique", a-t-il regretté.
Il a ainsi reproché aux urgentistes des petits SAU de s'opposer à leur transformation en antennes de SAU par confort personnel, et a soulevé la question de l'opposition des populations et élus locaux aux fermetures ou transformations des petits SAU, qui empêche de redessiner la carte de ces services, et donc de prévenir leurs fermetures faute de médecins, y compris dans les services très actifs. Le Dr Noizet a ainsi cité les difficultés des SAU varois de l'été 2024, appelées à s'aggraver selon lui cet été, après le départ de "30% des médecins" entre-temps.
"Il y a 700 services d'urgence, nous ne sommes plus en capacité de maintenir ces 700 services. Donc si chacun dit 'je le veux', eh bien on ne change rien!" s'est-il agacé, soulignant que très peu d'antennes de SAU ont été ouvertes sur l'ensemble du territoire, du fait de ces réticences.
Il a toutefois loué le rôle des services d'accès aux soins (SAS) dans la régulation des prises en charge aux SAU et promu le développement de "centres de soins primaires" assurant les soins non programmés, avec un plateau technique limité, pour mieux mailler le territoire et réduire les coûts de prise en charge aux urgences.
Problématique du temps additionnel et de sa rémunération
Dès la première série de questions, le rapporteur lui a notamment demandé si, "pour faire fonctionner les urgences de manière plus souple, ou en tout cas avec beaucoup moins de stress qu'aujourd'hui", il fallait ou non "supprimer le statut d'intérimaire, voire les motifs de type 2 utilisés aujourd'hui" et s'il fallait aussi "régionaliser et la formation et la première affectation".
"Si on est obligé d'en passer par là, c'est que finalement, on ne sait pas être attractifs", tant en termes de conditions de travail que de rémunération", a fait valoir le Dr Noizet.
"On a besoin d'un pool de médecins remplaçants, dont la rémunération doit être sans doute encadrée. La problématique des 'motifs 2', c'est que cela a été une façon de remplacer ces contrats [d'intérim]. On les a fidélisés, on les paie mieux qu'un praticien hospitalier [PH], mais c'est un contrat qui dure six ans et qui ne peut pas être renouvelé. En 2029, nous allons avoir des tas d'établissements qui ont utilisé cette cartouche qui vont être en difficulté de fonctionnement, parce qu'ils vont avoir des départs massifs de médecins qui iront autre part pour retrouver la même rémunération", a-t-il prédit.
"La question de fond, c'est la rémunération du praticien qui a choisi le service public. Aujourd'hui, un praticien qui effectue du temps au-delà de son temps conventionnel [...], son temps de travail additionnel est moins bien payé que le taux horaire du premier échelon de PH. On a une vraie problématique de valorisation et d'attractivité", a-t-il alerté.
Le Dr Laurent Maillard, chef du SAU du centre hospitalier (CH) d'Agen, a regretté que "faire appel à l'intérim, cela veut dire que nos structures reposent sur quelques praticiens hospitaliers qui s'investissent au sein de l'établissement. L'intérimaire n'a pas besoin de s'y investir. Les responsables de SAU font alors moins de gardes, s'investissent beaucoup plus dans l'établissement, et sont finalement rémunérés probablement moins bien que les autres".
"La réponse était un peu facile de dire: 'on a besoin des intérimaires et des motifs 2, par contre il faudrait revaloriser la rémunération des PH'. Je suis d'accord sur ce dernier point, [au vu de] l'investissement qu'ont les PH dans les hôpitaux, mais est-ce que ce n'est pas les deux qu'il faudrait faire? Amener la rémunération d'un PH au niveau d'un 'motif 2' ou d'un intérimaire, à un échelon 13, pour les finances de l'hôpital, ce serait un peu compliqué", a réagi le rapporteur.
"Demain, si on supprimait le statut d'intérimaire et le motif 2, que feraient tous ces médecins? Est-ce qu'ils arrêteraient de travailler, ou iraient dans le privé? Dans ce cas, il y aurait encore plus d'argumentaire pour pousser une PDESES [permanence des soins en établissements de santé] des hôpitaux privés", a souligné Christophe Naegelen.
"On est en train de former un deuxième système à côté"
"Je n'ai pas dit qu'il fallait amener la rémunération des PH à la hauteur de celle des intérimaires [...]. Il faut savoir ce qu'on veut: si on veut avoir des médecins du service public qui assurent leurs missions avec brio, je pense qu'il faut savoir les rémunérer correctement [...]. Je vous ai donné l'exemple du temps additionnel [...], il y a quand même un vrai sujet [...], aujourd'hui, on l'accepte parce qu'il faut faire tourner nos structures, et vous n'avez pas le choix. Les gens le font forcés et contraints", a appuyé le Dr Noizet.
"Je ne vous le cacherai pas, un certain nombre d'établissements ont contourné le sujet et doublent ou triplent ces indemnités de temps additionnel. On est en train de former un deuxième système à côté qui est obscur, qui n'est pas réglementaire, pour garder cette attractivité", a ajouté le syndicaliste.
"Les urgentistes sont les seuls à travailler plus de nuit et le week-end que les jours en semaine", a-t-il poursuivi, faisant valoir que les personnes travaillant de nuit ont statistiquement une durée de vie moindre, ce qui devrait être "reconnu comme facteur de pénibilité particulière", et appelant de ses vœux une majoration de la retraite pour ces médecins.
Le Dr Maillard a fait valoir que les jeunes urgentistes quittaient les SAU de plus en plus jeunes et rechignaient à s'engager à temps plein. "Le sujet qui revient souvent, c'est comment vieillir dans ces structures d'urgence."
"Je reste sur ma faim [...]. Je trouve dommage d'avoir occulté la problématique de l'injustice de traitement entre PH et contractuels de type 2 et intérimaires. Quand je vais sur le terrain, c'est ce dont on me parle, cela m'étonne que les associations représentatives n'en parlent pas", a insisté le député vosgien.
"Je vais vous le dire, je pense que les contrats de type 2 doivent être arrêtés. Je n'ai probablement pas été assez clair dans mes propos. Car effectivement, ils créent une concurrence déloyale dans la rémunération du système public, mais je le redis aussi, il faut continuer à avoir des remplaçants avec une rémunération encadrée", a fini par concéder le Dr Noizet.
bd/lb/APMnews
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INTÉRIM MÉDICAL: LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR L'ACCÈS AUX SOINS POUSSE SAMU URGENCES DE FRANCE DANS SES RETRANCHEMENTS
Le Dr Noizet, chef du SAU et du Smur de Mulhouse (Haut-Rhin), était auditionné dans le cadre d'une table ronde à laquelle participaient le Dr Laurent Maillard, président de la Fédération des observatoires régionaux des urgences (Fedoru), et Marc Van Driesten, représentant de l'Association française des ambulanciers Smur et hospitaliers (Afash).
Il a centré son propos sur les difficultés des SAU, pris "entre une population qui a du mal à se soigner [...] et un système de santé qui a du mal à répondre aux besoins de la population".
"Le système qui existe aujourd'hui date d'il y a plus de 25 ans [...], c'est la raison pour laquelle on a constaté, depuis 2022, des choses que l'on n'avait jamais vues: des fermetures de SAU, de Smur, de lignes", a-t-il appuyé.
"Nous avons des outils qui ne sont pas mis en œuvre", du fait d'une "forme de protectionnisme, le plus souvent territorial", et d'un manque de "courage politique", a-t-il regretté.
Il a ainsi reproché aux urgentistes des petits SAU de s'opposer à leur transformation en antennes de SAU par confort personnel, et a soulevé la question de l'opposition des populations et élus locaux aux fermetures ou transformations des petits SAU, qui empêche de redessiner la carte de ces services, et donc de prévenir leurs fermetures faute de médecins, y compris dans les services très actifs. Le Dr Noizet a ainsi cité les difficultés des SAU varois de l'été 2024, appelées à s'aggraver selon lui cet été, après le départ de "30% des médecins" entre-temps.
"Il y a 700 services d'urgence, nous ne sommes plus en capacité de maintenir ces 700 services. Donc si chacun dit 'je le veux', eh bien on ne change rien!" s'est-il agacé, soulignant que très peu d'antennes de SAU ont été ouvertes sur l'ensemble du territoire, du fait de ces réticences.
Il a toutefois loué le rôle des services d'accès aux soins (SAS) dans la régulation des prises en charge aux SAU et promu le développement de "centres de soins primaires" assurant les soins non programmés, avec un plateau technique limité, pour mieux mailler le territoire et réduire les coûts de prise en charge aux urgences.
Problématique du temps additionnel et de sa rémunération
Dès la première série de questions, le rapporteur lui a notamment demandé si, "pour faire fonctionner les urgences de manière plus souple, ou en tout cas avec beaucoup moins de stress qu'aujourd'hui", il fallait ou non "supprimer le statut d'intérimaire, voire les motifs de type 2 utilisés aujourd'hui" et s'il fallait aussi "régionaliser et la formation et la première affectation".
"Si on est obligé d'en passer par là, c'est que finalement, on ne sait pas être attractifs", tant en termes de conditions de travail que de rémunération", a fait valoir le Dr Noizet.
"On a besoin d'un pool de médecins remplaçants, dont la rémunération doit être sans doute encadrée. La problématique des 'motifs 2', c'est que cela a été une façon de remplacer ces contrats [d'intérim]. On les a fidélisés, on les paie mieux qu'un praticien hospitalier [PH], mais c'est un contrat qui dure six ans et qui ne peut pas être renouvelé. En 2029, nous allons avoir des tas d'établissements qui ont utilisé cette cartouche qui vont être en difficulté de fonctionnement, parce qu'ils vont avoir des départs massifs de médecins qui iront autre part pour retrouver la même rémunération", a-t-il prédit.
"La question de fond, c'est la rémunération du praticien qui a choisi le service public. Aujourd'hui, un praticien qui effectue du temps au-delà de son temps conventionnel [...], son temps de travail additionnel est moins bien payé que le taux horaire du premier échelon de PH. On a une vraie problématique de valorisation et d'attractivité", a-t-il alerté.
Le Dr Laurent Maillard, chef du SAU du centre hospitalier (CH) d'Agen, a regretté que "faire appel à l'intérim, cela veut dire que nos structures reposent sur quelques praticiens hospitaliers qui s'investissent au sein de l'établissement. L'intérimaire n'a pas besoin de s'y investir. Les responsables de SAU font alors moins de gardes, s'investissent beaucoup plus dans l'établissement, et sont finalement rémunérés probablement moins bien que les autres".
"La réponse était un peu facile de dire: 'on a besoin des intérimaires et des motifs 2, par contre il faudrait revaloriser la rémunération des PH'. Je suis d'accord sur ce dernier point, [au vu de] l'investissement qu'ont les PH dans les hôpitaux, mais est-ce que ce n'est pas les deux qu'il faudrait faire? Amener la rémunération d'un PH au niveau d'un 'motif 2' ou d'un intérimaire, à un échelon 13, pour les finances de l'hôpital, ce serait un peu compliqué", a réagi le rapporteur.
"Demain, si on supprimait le statut d'intérimaire et le motif 2, que feraient tous ces médecins? Est-ce qu'ils arrêteraient de travailler, ou iraient dans le privé? Dans ce cas, il y aurait encore plus d'argumentaire pour pousser une PDESES [permanence des soins en établissements de santé] des hôpitaux privés", a souligné Christophe Naegelen.
"On est en train de former un deuxième système à côté"
"Je n'ai pas dit qu'il fallait amener la rémunération des PH à la hauteur de celle des intérimaires [...]. Il faut savoir ce qu'on veut: si on veut avoir des médecins du service public qui assurent leurs missions avec brio, je pense qu'il faut savoir les rémunérer correctement [...]. Je vous ai donné l'exemple du temps additionnel [...], il y a quand même un vrai sujet [...], aujourd'hui, on l'accepte parce qu'il faut faire tourner nos structures, et vous n'avez pas le choix. Les gens le font forcés et contraints", a appuyé le Dr Noizet.
"Je ne vous le cacherai pas, un certain nombre d'établissements ont contourné le sujet et doublent ou triplent ces indemnités de temps additionnel. On est en train de former un deuxième système à côté qui est obscur, qui n'est pas réglementaire, pour garder cette attractivité", a ajouté le syndicaliste.
"Les urgentistes sont les seuls à travailler plus de nuit et le week-end que les jours en semaine", a-t-il poursuivi, faisant valoir que les personnes travaillant de nuit ont statistiquement une durée de vie moindre, ce qui devrait être "reconnu comme facteur de pénibilité particulière", et appelant de ses vœux une majoration de la retraite pour ces médecins.
Le Dr Maillard a fait valoir que les jeunes urgentistes quittaient les SAU de plus en plus jeunes et rechignaient à s'engager à temps plein. "Le sujet qui revient souvent, c'est comment vieillir dans ces structures d'urgence."
"Je reste sur ma faim [...]. Je trouve dommage d'avoir occulté la problématique de l'injustice de traitement entre PH et contractuels de type 2 et intérimaires. Quand je vais sur le terrain, c'est ce dont on me parle, cela m'étonne que les associations représentatives n'en parlent pas", a insisté le député vosgien.
"Je vais vous le dire, je pense que les contrats de type 2 doivent être arrêtés. Je n'ai probablement pas été assez clair dans mes propos. Car effectivement, ils créent une concurrence déloyale dans la rémunération du système public, mais je le redis aussi, il faut continuer à avoir des remplaçants avec une rémunération encadrée", a fini par concéder le Dr Noizet.
bd/lb/APMnews