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20/05 2025
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L'IA POUR AMÉLIORER L'ORGANISATION DES SOINS: DE LA SURVEILLANCE DES RÉSIDENTS À L'ANALYSE DES APPELS D'URGENCE

(Par Sylvie LAPOSTOLLE, à Santexpo)

PARIS, 20 mai 2025 (APMnews) - Les exemples d'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) pour améliorer l'organisation des soins se multiplient, allant de la surveillance des résidents en chambre à l'analyse des appels d'urgence au 15, selon des retours d'expérience présentés mardi au salon Santexpo à Paris-Porte de Versailles.

L'IA offre deux grandes fonctionnalités: des compétences et de la puissance de calcul pour classer et prédire d'une part et un traitement du langage avec un impact sur la saisie et l'analyse d'informations pour générer des documents ou interagir avec le patient d'autre part, a rappelé le Pr David Morquin, directeur médical, responsable de la stratégie IA au CHU de Montpellier, et directeur médical d'Erios, espace de recherche et d'intégration des outils numériques en santé, lors d'une agora intitulée "IA et organisation des soins: apports et perspectives".

On peut en attendre des apports pour prédire précocement des risques de cancer du sein, de fractures ou d'infections nosocomiales ou de l'assistance pour générer des comptes rendus ou des documents. L'intérêt est grand quand on sait qu'au CHU de Montpellier, 6.000 comptes rendus sont produits chaque jour, a-t-il développé.

Plusieurs cas d'usage déjà déployés ou en expérimentation ont été présentés.

Le CHU de Montpellier teste actuellement un système qui génère directement des documents explicatifs pour les familles d'enfants pris en charge aux urgences en temps réel pour essayer d'améliorer la compréhension, l'observance et la tolérance par rapport au passage aux urgences.

"Il ne s'agit pas de remplacer l'humain mais de compléter avec un document qu'une personne pourra relire à tête reposée ou pour l'aidant non présent, qui pourra participer avec les mêmes informations. On étudie la pertinence et la perception de ce type d'approche", a détaillé David Morquin.

Une oreille augmentée des soignants

La Fondation Saint-Hélier à Rennes, qui a une activité sanitaire (de rééducation) et médico-sociale, a intégré en pratique des outils d'aide à la décision sur certains domaines d'expertise.

"Nous sommes en train de transformer des pratiques avec, via l'oralité, la suppression de l'appel malade. C'est intégré en Ehpad, après expérimentation, et on espère travailler aussi sur le sanitaire", a expliqué Laura Bédubourg, directrice "innovation" à la Fondation Saint-Hélier.

La fondation utilise depuis trois ans l'oreille augmentée des soignants de la société OSO-AI, un système d'alerte nocturne qui se fonde sur l'analyse du contexte sonore (chute, appel, vomissement, étouffement, intrusion) pour mieux surveiller les résidents et intervenir au bon moment auprès d'eux et préserver leur sommeil (cf dépêche du 11/10/2024 à 16:09 et dépêche du 23/12/2020 à 09:25).

Ce système est utilisé pour 290 résidents de ses trois Ehpad et pour 30 personnes âgées à domicile suivies dans le cadre du centre de ressources territorial (CRT) autour de la fondation, a témoigné Sophie Lannuzel, aide-soignante de nuit depuis 16 ans à la Fondation Saint-Hélier.

"Nous sommes deux aides-soignantes la nuit pour 82 résidents. Avant OSO-AI, on passait systématiquement dans les chambres à 22h00, 2h00 et 5h00 pour voir s'ils dormaient et malheureusement, on pouvait les réveiller. Maintenant, on regarde le smartphone avant d'entrer et on peut savoir si le résident est réveillé, regarde la télévision ou dort. On n'entre plus pour le changer s'il dort", a-t-elle expliqué. Ainsi, "le résident ne subit plus les changes".

"On a aussi des alertes pour les chuteurs, ce qui permet d'intervenir très rapidement alors qu'avant, le résident pouvait attendre à terre le passage suivant. En intervenant précocement, on évite des complications et des hospitalisations. Même chose pour les OAP [œdèmes aigus pulmonaires]", a-t-elle ajouté.

Les résidents qui n'arrivaient pas à utiliser la sonnette traditionnelle ont juste à dire "A l'aide!" dans leur chambre et l'aide-soignante peut intervenir tout de suite.

"Aujourd'hui, je ne pourrais plus m'en passer. Cela ne remplace pas notre travail, mais cela nous aide à mieux évaluer pour une meilleure prise en charge. On intervient tout de suite auprès du résident", a-t-elle résumé. Les familles le demandent car ça les rassure, a-t-elle noté.

L'expérimentation a aussi montré que le dispositif permettait aux soignants de mieux connaître les résidents et leur rythme de sommeil, a ajouté Laura Bédubourg.

Economiser des minutes vitales lors des appels aux urgences

HighWind, une start-up française qui développe des solutions d'appels d'urgence améliorés grâce à l'IA et aux applications pour smartphone, commence à expérimenter une solution auprès du Samu 13, a indiqué son PDG, Adrien Ricci.

Son objectif est d'améliorer considérablement les chances de survie des patients appelant les services d'urgence en économisant des minutes vitales et en fournissant des photos diagnostiquées par l'IA aux centres d'appels d'urgence.

"Lors de l'appel au 15, pendant le temps de prédécroché, on envoie un texto à l'appelant avec un lien qui va permettre de prendre des photos de sa situation d'urgence, l'objectif étant que le patient puisse agir durant ce temps. Ces photos vont être analysées par notre IA, par computer vision, qui va détecter, suivant la traumatologie, le contexte et les émotions et recouper les éléments détectés pour déterminer une nature et une sévérité de la personne", a décrit Adrien Ricci.

L'objectif est de comprendre, avant même le décroché, le niveau de risque de la situation.

HighWind ambitionne de faciliter le travail des assistants de régulation médicale (ARM) dans un contexte de développement massif des appels au 15.

L'expérimentation va se dérouler en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), dans le cadre d'un consortium formé par HighWind, le Samu 13 (Bouches-du-Rhône) et le centre d'innovation des usages en santé (CIUS). L'assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) est aussi impliquée. Des messages vont être envoyés à la population "d'ici la fin de la semaine" pour expliquer la démarche et l'IA, déjà pré-entraînée sur des terrains militaires (au Mali), va être nourrie d'un million d'appels d'urgence pendant six mois dans ce département.

De nombreuses autres pistes explorées

La Fondation Saint-Hélier, qui dispose d'un "lab" intégré avec une quinzaine de chercheurs, travaille aussi sur la génération de courriers pour les médecins, la reconnaissance vocale ou le classement des documents dans le dossier patient informatisé (DPI). Elle met aussi en place l'IA dans l'expérience patient sur le questionnaire de sortie, le questionnaire de satisfaction e-Satis ou dans des enquêtes auprès des usagers pour améliorer le parcours patient, a cité Laura Bédubourg.

"Pour l'avenir, un des éléments les plus transformants pour l'hôpital, ce sera quand la saisie d'information disparaîtra, c'est-à-dire quand on sera en situation, via la voix ou la capture d'information en mobilité, d'enregistrer des éléments qui auront juste à être validés au retour au poste de soins", a avancé David Morquin.

Pour Laura Bédubourg, le futur, "c'est toute l'exploitation du DPI, notamment le traitement du langage naturel du DPI pour voir comment le transformer en politique de prévention et personnaliser le parcours patient". La Fondation Saint-Hélier va commencer à y travailler.

Les différents intervenants ont toutefois soulevé l'absence de modèle de financement de ces IA en santé. Il existe des appels à projets pour les évaluer mais ensuite, comment les faire perdurer quand elles se sont montrées utiles? a interrogé Laura Bédubourg.

"Le ticket d'entrée pour faire de l'IA à l'hôpital est élevé. Il faut pouvoir associer des éléments technologiques et humains avec des problématiques d'accès aux données, de calcul et de compétences qui ne sont pas encore au cœur des hôpitaux, et les moyens sont limités. Et à chaque fois, il faut réinventer ces briques", a commenté David Morquin.

sl/lb/APMnews

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(Par Sylvie LAPOSTOLLE, à Santexpo)

PARIS, 20 mai 2025 (APMnews) - Les exemples d'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) pour améliorer l'organisation des soins se multiplient, allant de la surveillance des résidents en chambre à l'analyse des appels d'urgence au 15, selon des retours d'expérience présentés mardi au salon Santexpo à Paris-Porte de Versailles.

L'IA offre deux grandes fonctionnalités: des compétences et de la puissance de calcul pour classer et prédire d'une part et un traitement du langage avec un impact sur la saisie et l'analyse d'informations pour générer des documents ou interagir avec le patient d'autre part, a rappelé le Pr David Morquin, directeur médical, responsable de la stratégie IA au CHU de Montpellier, et directeur médical d'Erios, espace de recherche et d'intégration des outils numériques en santé, lors d'une agora intitulée "IA et organisation des soins: apports et perspectives".

On peut en attendre des apports pour prédire précocement des risques de cancer du sein, de fractures ou d'infections nosocomiales ou de l'assistance pour générer des comptes rendus ou des documents. L'intérêt est grand quand on sait qu'au CHU de Montpellier, 6.000 comptes rendus sont produits chaque jour, a-t-il développé.

Plusieurs cas d'usage déjà déployés ou en expérimentation ont été présentés.

Le CHU de Montpellier teste actuellement un système qui génère directement des documents explicatifs pour les familles d'enfants pris en charge aux urgences en temps réel pour essayer d'améliorer la compréhension, l'observance et la tolérance par rapport au passage aux urgences.

"Il ne s'agit pas de remplacer l'humain mais de compléter avec un document qu'une personne pourra relire à tête reposée ou pour l'aidant non présent, qui pourra participer avec les mêmes informations. On étudie la pertinence et la perception de ce type d'approche", a détaillé David Morquin.

Une oreille augmentée des soignants

La Fondation Saint-Hélier à Rennes, qui a une activité sanitaire (de rééducation) et médico-sociale, a intégré en pratique des outils d'aide à la décision sur certains domaines d'expertise.

"Nous sommes en train de transformer des pratiques avec, via l'oralité, la suppression de l'appel malade. C'est intégré en Ehpad, après expérimentation, et on espère travailler aussi sur le sanitaire", a expliqué Laura Bédubourg, directrice "innovation" à la Fondation Saint-Hélier.

La fondation utilise depuis trois ans l'oreille augmentée des soignants de la société OSO-AI, un système d'alerte nocturne qui se fonde sur l'analyse du contexte sonore (chute, appel, vomissement, étouffement, intrusion) pour mieux surveiller les résidents et intervenir au bon moment auprès d'eux et préserver leur sommeil (cf dépêche du 11/10/2024 à 16:09 et dépêche du 23/12/2020 à 09:25).

Ce système est utilisé pour 290 résidents de ses trois Ehpad et pour 30 personnes âgées à domicile suivies dans le cadre du centre de ressources territorial (CRT) autour de la fondation, a témoigné Sophie Lannuzel, aide-soignante de nuit depuis 16 ans à la Fondation Saint-Hélier.

"Nous sommes deux aides-soignantes la nuit pour 82 résidents. Avant OSO-AI, on passait systématiquement dans les chambres à 22h00, 2h00 et 5h00 pour voir s'ils dormaient et malheureusement, on pouvait les réveiller. Maintenant, on regarde le smartphone avant d'entrer et on peut savoir si le résident est réveillé, regarde la télévision ou dort. On n'entre plus pour le changer s'il dort", a-t-elle expliqué. Ainsi, "le résident ne subit plus les changes".

"On a aussi des alertes pour les chuteurs, ce qui permet d'intervenir très rapidement alors qu'avant, le résident pouvait attendre à terre le passage suivant. En intervenant précocement, on évite des complications et des hospitalisations. Même chose pour les OAP [œdèmes aigus pulmonaires]", a-t-elle ajouté.

Les résidents qui n'arrivaient pas à utiliser la sonnette traditionnelle ont juste à dire "A l'aide!" dans leur chambre et l'aide-soignante peut intervenir tout de suite.

"Aujourd'hui, je ne pourrais plus m'en passer. Cela ne remplace pas notre travail, mais cela nous aide à mieux évaluer pour une meilleure prise en charge. On intervient tout de suite auprès du résident", a-t-elle résumé. Les familles le demandent car ça les rassure, a-t-elle noté.

L'expérimentation a aussi montré que le dispositif permettait aux soignants de mieux connaître les résidents et leur rythme de sommeil, a ajouté Laura Bédubourg.

Economiser des minutes vitales lors des appels aux urgences

HighWind, une start-up française qui développe des solutions d'appels d'urgence améliorés grâce à l'IA et aux applications pour smartphone, commence à expérimenter une solution auprès du Samu 13, a indiqué son PDG, Adrien Ricci.

Son objectif est d'améliorer considérablement les chances de survie des patients appelant les services d'urgence en économisant des minutes vitales et en fournissant des photos diagnostiquées par l'IA aux centres d'appels d'urgence.

"Lors de l'appel au 15, pendant le temps de prédécroché, on envoie un texto à l'appelant avec un lien qui va permettre de prendre des photos de sa situation d'urgence, l'objectif étant que le patient puisse agir durant ce temps. Ces photos vont être analysées par notre IA, par computer vision, qui va détecter, suivant la traumatologie, le contexte et les émotions et recouper les éléments détectés pour déterminer une nature et une sévérité de la personne", a décrit Adrien Ricci.

L'objectif est de comprendre, avant même le décroché, le niveau de risque de la situation.

HighWind ambitionne de faciliter le travail des assistants de régulation médicale (ARM) dans un contexte de développement massif des appels au 15.

L'expérimentation va se dérouler en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), dans le cadre d'un consortium formé par HighWind, le Samu 13 (Bouches-du-Rhône) et le centre d'innovation des usages en santé (CIUS). L'assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) est aussi impliquée. Des messages vont être envoyés à la population "d'ici la fin de la semaine" pour expliquer la démarche et l'IA, déjà pré-entraînée sur des terrains militaires (au Mali), va être nourrie d'un million d'appels d'urgence pendant six mois dans ce département.

De nombreuses autres pistes explorées

La Fondation Saint-Hélier, qui dispose d'un "lab" intégré avec une quinzaine de chercheurs, travaille aussi sur la génération de courriers pour les médecins, la reconnaissance vocale ou le classement des documents dans le dossier patient informatisé (DPI). Elle met aussi en place l'IA dans l'expérience patient sur le questionnaire de sortie, le questionnaire de satisfaction e-Satis ou dans des enquêtes auprès des usagers pour améliorer le parcours patient, a cité Laura Bédubourg.

"Pour l'avenir, un des éléments les plus transformants pour l'hôpital, ce sera quand la saisie d'information disparaîtra, c'est-à-dire quand on sera en situation, via la voix ou la capture d'information en mobilité, d'enregistrer des éléments qui auront juste à être validés au retour au poste de soins", a avancé David Morquin.

Pour Laura Bédubourg, le futur, "c'est toute l'exploitation du DPI, notamment le traitement du langage naturel du DPI pour voir comment le transformer en politique de prévention et personnaliser le parcours patient". La Fondation Saint-Hélier va commencer à y travailler.

Les différents intervenants ont toutefois soulevé l'absence de modèle de financement de ces IA en santé. Il existe des appels à projets pour les évaluer mais ensuite, comment les faire perdurer quand elles se sont montrées utiles? a interrogé Laura Bédubourg.

"Le ticket d'entrée pour faire de l'IA à l'hôpital est élevé. Il faut pouvoir associer des éléments technologiques et humains avec des problématiques d'accès aux données, de calcul et de compétences qui ne sont pas encore au cœur des hôpitaux, et les moyens sont limités. Et à chaque fois, il faut réinventer ces briques", a commenté David Morquin.

sl/lb/APMnews

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