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29/11 2024
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L'INFIRMIER EN PRATIQUE AVANCÉE, UN MAILLON INDISPENSABLE DANS LA GESTION DE LA CRISE PSYCHIATRIQUE?

(Par Julie RICHARD, au Congrès français de psychiatrie)

RENNES, 29 novembre 2024 (APMnews) - Trois infirmiers en pratique avancée (IPA) ont détaillé les multiples apports de leur présence dans un service d'urgence psychiatrique pour renforcer la qualité et la continuité des soins, lors d'une conférence du Congrès français de psychiatrie (CFP) qui se tient de mercredi à vendredi à Rennes.

Romain Pérot exerce au Centre psychiatrique d'orientation et d'accueil (CPOA) du GHU Paris Psychiatrie et neurosciences (Paris), Gurvan Queffelec est salarié au centre médico-psychologique (CMP) du CH Paul-Guiraud (Villejuif) et Clément Lucot intervient au sein de l'unité d'accueil d'accompagnement à la crise (UAAC) du CH des Pyrénées-Pau.

Ces trois IPA spécialisés en psychiatrie ont détaillé leur rôle dans l'intensification de la prise en charge en période de crise.

Prévu par la loi de santé de 2016, le périmètre d'intervention des IPA a été successivement étendu au domaine de la psychiatrie et de la santé mentale et des urgences par deux décrets du 12 août 2019 et du 25 octo­bre 2021 (cf dépêche du 13/08/2019 à 14:26 et dépêche du 26/10/2021 à 12:36).

Prévenir et gérer la crise

La présence d'IPA est tout d'abord indispensable en CMP pour "prévenir les crises et ainsi éviter le passage aux urgences psychiatriques", a défendu Gurvan Queffelec.

Nous avons constaté que la présence de trois IPA au sein du CMP permettait "d'éviter les ruptures de parcours et de mieux sécuriser les patients car nous assurons une possibilité de rendez-vous plus fréquents [que les médecins] et qui s'ajustent à la clinique", a-t-il détaillé.

"Nous avons identifié des moments à risque pour la crise (sorties d'hospitalisation, période de déstabilisation, introduction ou modification de traitement ou début de prise en charge) avec l'idée qu'il fallait renforcer la prise en charge et notre présence à ces moments-là", a-t-il poursuivi.

Dans ce cas, "nous avons mis en place beaucoup de choses comme le case management, les directives anticipées en psychiatrie, ou encore l'utilisation du programme Bref (cf dépêche du 24/05/2023 à 15:48) pour les aidants".

Les intervenants ont ensuite défendu l'apport de la présence d'IPA dans l'accueil de première ligne des patients en crise.

L'UAAC de Pau prend en charge les urgences psychiatriques des patients âgés de plus de 13 ans, rappelle-t-on. Les patients sont "accueillis par un infirmier (IDE) avant d'être reçus par l'IPA pour une évaluation individuelle basée sur des entretiens avec le patient et sa famille", a expliqué Clément Lucot.

"Cette évaluation sert de base pour savoir si, avec le médecin de permanence, on décide d'hospitaliser à domicile ou en hospitalisation complète", a-t-il noté.

La présence d'IPA sur place a notamment permis "de dégager du temps aux pédopsychiatres des autres pôles qui n'ont plus besoin de venir sur place pour procéder eux-mêmes à une évaluation médicale", a-t-il défendu. "Bien sûr, si une situation dépasse mes compétences, [le pédopsychiatre] vient pour faire une évaluation médicale. Mais la plupart du temps, la séniorisation se fait par téléphone."

Plus généralement "la présence IPA au sein de l'UAAC a permis une prise en charge plus rapide des patients, mais aussi une fluidification des échanges entre pédopsychiatrie et psychiatrie de l'établissement", a-t-il noté.

Relais avec l'ambulatoire

Les intervenants ont enfin défendu l'apport de leur présence pour assurer un relais plus fluide avec l'ambulatoire après la crise, notamment par la réalisation de "consultations de post-urgence".

"Au CPOA, je réalise des consultations de post-urgence après des patients qui ont besoin d'un suivi et qui sont dans l'attente d'un relais en ambulatoire", a ainsi expliqué Romain Pérot.

"Les psychiatres du CPOA ayant signé le protocole d'organisation adressent les patients à l'IPA et une séniorisation est organisée systématiquement", avec un médecin référent, a-t-il expliqué.

Des consultations de post-urgences réalisées par une IPA ont également été instaurées au sein de l'UAAC.

"Chez nous, les consultations de post-urgence se font soit sur auto-adressage soit sur adressage par les médecins de garde", a expliqué Clément Lucot. Elles visent à prévenir "la récidive suicidaire […], éventuellement réévaluer le traitement du patient qui a été mis en place lors de son passage aux urgences, et une organisation du suivi par la suite".

"Nous avons fixé comme principe un maximum de trois consultations post-urgence par patient afin de ne pas se substituer au suivi en CMP, qui doit en général prendre le relais", a-t-il détaillé.

Malgré la forte demande en CMP et les longs délais, "le relais est facilité par le fait que l'IPA connaît bien les psychiatres des structures ambulatoires", a-t-il précisé.

"Quand j'aimerais par exemple qu'on trouve un relais pour un patient pour qui j'ai déjà fait trois consultations de post-urgence, je mets le pédopsychiatre en copie de la demande, ce qui permet d'avoir une consultation plus rapidement", a-t-il explicité.

"Leadership", "consulting" et incitation à la recherche

Les missions transversales des IPA permettent également de renforcer la fluidité et la rapidité des prises en charge, ont noté les intervenants.

"J'ai l'impression que nous avons un réel leadership clinique auprès des équipes qui nous sollicitent pour des avis complémentaires et éventuellement des évaluations, pour des questions sur la sémiologie, sur des orientations de diagnostic ou encore sur des aspects pharmaco", a observé Gurvan Queffelec.

Outre le leadership, les IPA peuvent également avoir un rôle de "consulting" auprès de l'ensemble des acteurs du territoire, a-t-il défendu.

Un constat partagé par Clément Lucot, qui a souligné l'importance de la présence IPA pour proposer aux acteurs locaux non soignants (éducation nationale, organismes de placement) qui peuvent être confrontés à la crise pédopsychiatrique des "formations" pour "mieux connaître le circuit de soins" et "limiter au maximum les erreurs d'adressage".

Romain Pérot a de son côté insisté sur l'apport de la présence d'IPA pour "renforcer" et "accompagner" la mise en place d'une "culture de la recherche chez les soignants" de son équipe.

"Toutes les six semaines, je participe aux déjeuners de la recherche et pendant deux heures, on organise des ateliers, des lectures critiques d'articles", a-t-il détaillé.

"Je fais également de l'enseignement autour de la crise, de l'urgence, du suicide dans les instituts de formation en soins infirmiers" (Ifsi), a-t-il ajouté. "On va parler de ces thématiques à l'Ifsi pour montrer que la recherche est possible et qu'on peut la faire au quotidien même si on est occupé par notre temps clinique."

jr/nc/APMnews

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(Par Julie RICHARD, au Congrès français de psychiatrie)

RENNES, 29 novembre 2024 (APMnews) - Trois infirmiers en pratique avancée (IPA) ont détaillé les multiples apports de leur présence dans un service d'urgence psychiatrique pour renforcer la qualité et la continuité des soins, lors d'une conférence du Congrès français de psychiatrie (CFP) qui se tient de mercredi à vendredi à Rennes.

Romain Pérot exerce au Centre psychiatrique d'orientation et d'accueil (CPOA) du GHU Paris Psychiatrie et neurosciences (Paris), Gurvan Queffelec est salarié au centre médico-psychologique (CMP) du CH Paul-Guiraud (Villejuif) et Clément Lucot intervient au sein de l'unité d'accueil d'accompagnement à la crise (UAAC) du CH des Pyrénées-Pau.

Ces trois IPA spécialisés en psychiatrie ont détaillé leur rôle dans l'intensification de la prise en charge en période de crise.

Prévu par la loi de santé de 2016, le périmètre d'intervention des IPA a été successivement étendu au domaine de la psychiatrie et de la santé mentale et des urgences par deux décrets du 12 août 2019 et du 25 octo­bre 2021 (cf dépêche du 13/08/2019 à 14:26 et dépêche du 26/10/2021 à 12:36).

Prévenir et gérer la crise

La présence d'IPA est tout d'abord indispensable en CMP pour "prévenir les crises et ainsi éviter le passage aux urgences psychiatriques", a défendu Gurvan Queffelec.

Nous avons constaté que la présence de trois IPA au sein du CMP permettait "d'éviter les ruptures de parcours et de mieux sécuriser les patients car nous assurons une possibilité de rendez-vous plus fréquents [que les médecins] et qui s'ajustent à la clinique", a-t-il détaillé.

"Nous avons identifié des moments à risque pour la crise (sorties d'hospitalisation, période de déstabilisation, introduction ou modification de traitement ou début de prise en charge) avec l'idée qu'il fallait renforcer la prise en charge et notre présence à ces moments-là", a-t-il poursuivi.

Dans ce cas, "nous avons mis en place beaucoup de choses comme le case management, les directives anticipées en psychiatrie, ou encore l'utilisation du programme Bref (cf dépêche du 24/05/2023 à 15:48) pour les aidants".

Les intervenants ont ensuite défendu l'apport de la présence d'IPA dans l'accueil de première ligne des patients en crise.

L'UAAC de Pau prend en charge les urgences psychiatriques des patients âgés de plus de 13 ans, rappelle-t-on. Les patients sont "accueillis par un infirmier (IDE) avant d'être reçus par l'IPA pour une évaluation individuelle basée sur des entretiens avec le patient et sa famille", a expliqué Clément Lucot.

"Cette évaluation sert de base pour savoir si, avec le médecin de permanence, on décide d'hospitaliser à domicile ou en hospitalisation complète", a-t-il noté.

La présence d'IPA sur place a notamment permis "de dégager du temps aux pédopsychiatres des autres pôles qui n'ont plus besoin de venir sur place pour procéder eux-mêmes à une évaluation médicale", a-t-il défendu. "Bien sûr, si une situation dépasse mes compétences, [le pédopsychiatre] vient pour faire une évaluation médicale. Mais la plupart du temps, la séniorisation se fait par téléphone."

Plus généralement "la présence IPA au sein de l'UAAC a permis une prise en charge plus rapide des patients, mais aussi une fluidification des échanges entre pédopsychiatrie et psychiatrie de l'établissement", a-t-il noté.

Relais avec l'ambulatoire

Les intervenants ont enfin défendu l'apport de leur présence pour assurer un relais plus fluide avec l'ambulatoire après la crise, notamment par la réalisation de "consultations de post-urgence".

"Au CPOA, je réalise des consultations de post-urgence après des patients qui ont besoin d'un suivi et qui sont dans l'attente d'un relais en ambulatoire", a ainsi expliqué Romain Pérot.

"Les psychiatres du CPOA ayant signé le protocole d'organisation adressent les patients à l'IPA et une séniorisation est organisée systématiquement", avec un médecin référent, a-t-il expliqué.

Des consultations de post-urgences réalisées par une IPA ont également été instaurées au sein de l'UAAC.

"Chez nous, les consultations de post-urgence se font soit sur auto-adressage soit sur adressage par les médecins de garde", a expliqué Clément Lucot. Elles visent à prévenir "la récidive suicidaire […], éventuellement réévaluer le traitement du patient qui a été mis en place lors de son passage aux urgences, et une organisation du suivi par la suite".

"Nous avons fixé comme principe un maximum de trois consultations post-urgence par patient afin de ne pas se substituer au suivi en CMP, qui doit en général prendre le relais", a-t-il détaillé.

Malgré la forte demande en CMP et les longs délais, "le relais est facilité par le fait que l'IPA connaît bien les psychiatres des structures ambulatoires", a-t-il précisé.

"Quand j'aimerais par exemple qu'on trouve un relais pour un patient pour qui j'ai déjà fait trois consultations de post-urgence, je mets le pédopsychiatre en copie de la demande, ce qui permet d'avoir une consultation plus rapidement", a-t-il explicité.

"Leadership", "consulting" et incitation à la recherche

Les missions transversales des IPA permettent également de renforcer la fluidité et la rapidité des prises en charge, ont noté les intervenants.

"J'ai l'impression que nous avons un réel leadership clinique auprès des équipes qui nous sollicitent pour des avis complémentaires et éventuellement des évaluations, pour des questions sur la sémiologie, sur des orientations de diagnostic ou encore sur des aspects pharmaco", a observé Gurvan Queffelec.

Outre le leadership, les IPA peuvent également avoir un rôle de "consulting" auprès de l'ensemble des acteurs du territoire, a-t-il défendu.

Un constat partagé par Clément Lucot, qui a souligné l'importance de la présence IPA pour proposer aux acteurs locaux non soignants (éducation nationale, organismes de placement) qui peuvent être confrontés à la crise pédopsychiatrique des "formations" pour "mieux connaître le circuit de soins" et "limiter au maximum les erreurs d'adressage".

Romain Pérot a de son côté insisté sur l'apport de la présence d'IPA pour "renforcer" et "accompagner" la mise en place d'une "culture de la recherche chez les soignants" de son équipe.

"Toutes les six semaines, je participe aux déjeuners de la recherche et pendant deux heures, on organise des ateliers, des lectures critiques d'articles", a-t-il détaillé.

"Je fais également de l'enseignement autour de la crise, de l'urgence, du suicide dans les instituts de formation en soins infirmiers" (Ifsi), a-t-il ajouté. "On va parler de ces thématiques à l'Ifsi pour montrer que la recherche est possible et qu'on peut la faire au quotidien même si on est occupé par notre temps clinique."

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