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LA BAISSE DES HOSPITALISATIONS LIÉES À L'ALCOOL SUR 2012-2022 POURRAIT ÊTRE LIÉE À UNE OFFRE DE SOINS INSUFFISANTE

PARIS, 26 mars 2024 (APMnews) - Les hospitalisations liées à l'alcool semblent avoir globalement diminué en France entre 2012 et 2022 mais cette tendance pourrait s'expliquer davantage par une offre de soins insuffisante que par une diminution de la consommation, selon des données de Santé publique France présentées et discutées mardi aux Journées de la Société française d'alcoologie (SFA) à Paris.

La consommation excessive d'alcool a des conséquences sanitaires, sociales et économiques importantes. Une première étude médico-économique avait été publiée en 2015 montrant qu'en 2012, l'alcool était l'une des premières causes d'hospitalisation en France, directement ou comme facteur de risque de pathologies (cf dépêche du 07/07/2015 à 00:01), a rappelé Laure Meurice de Santé publique France (SPF).

SPF a souhaité actualiser ces données. Il s'agissait d'estimer le nombre d'hospitalisations liées à la consommation d'alcool, pour alcoolisations aiguës ou complications chroniques, entre 2012 et 2022 à partir du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) pour la médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO), les soins de suite ou de réadaptation (SSR, devenus en 2022 SMR pour soins médicaux et de réadaptation) et le recueil d'informations médicalisé en psychiatrie (RIM-P).

Pour que les résultats soient comparables, Laure Meurice et ses collègues ont appliqué le même algorithme d'identification des diagnostics en lien avec l'alcool, des séjours hospitaliers et des actes ambulatoires que celui utilisé en 2015.

Selon les premiers résultats présentés, en 2022, en secteur MCO, 572.027 séjours liés à l'alcool ont été identifiés, correspondant à 300.094 patients, soit une diminution de respectivement 2% et 8% par rapport à 2012. Ces séjours représentaient 3% de l'ensemble des séjours MCO en 2022, contre 2,2% en 2012.

Sur l'ensemble des séjours, 22% concernaient une alcoolodépendance (diagnostic principal alcool) et 12% une intoxication alcoolique aiguë, l'alcool étant une comorbidité (diagnostic associé) pour le reste. La durée moyenne de séjours était de respectivement 9,4, 1,4 et 9,3 jours.

En 2022, l'âge moyen pour l'ensemble des patients hospitalisés en MCO en lien avec l'alcool était de 55 ans et le sexe-ratio homme-femme était de 2,9 (mais de 3,3 pour la comorbidité alcool). Les patients hospitalisés pour une alcoolisation aiguë étaient plus jeunes (45 ans en moyenne) et ceux pour l'alcool en comorbidité, plus âgés (59 ans en moyenne).

Entre 2012 et 2022, le nombre de séjours pour alcoolodépendance a progressé de 31,5% et la part des femmes en particulier, passant de 28,2% à 32,8%. En revanche, le nombre de séjours pour intoxication alcoolique aiguë a reculé de 34,1%.

Les taux bruts régionaux d'hospitalisations en lien avec la consommation d'alcool diminuent dans toutes les régions entre 2012 et 2022 sauf en Nouvelle-Aquitaine. D'importantes disparités persistent en 2022, entre l'Ile-de-France qui affiche 257 hospitalisations pour 100.000 personnes-années et les Hauts-de-France, avec 739 hospitalisations pour 100.000. Les taux les plus élevés concernent le nord-ouest du pays.

En SSR, 2.480.523 journées en lien avec l'alcool concernant 50.935 patients ont été identifiées en 2022 (en moyenne, 59 ans et sexe-ratio de 2,9), soit une hausse de 12% des journées mais une baisse de 8% des patients. Elles représentaient 6% de l'ensemble des journées SSR et 31% étaient des journées pour alcoolodépendance. Celles-ci étaient en baisse de 7,9% par rapport à 2012.

Sur l'ensemble des journées en lien avec l'alcool en 2022, 39% concernaient des passages en unités d'addictologie. La majorité (84,4%) concernait des patients vus pour alcoolodépendance, en hausse par rapport à 2012 (66,6%); l'alcool était un diagnostic associé dans 17,3% des cas.

Les données indiquent par ailleurs que le nombre moyen de journées de prise en charge pour alcoolodépendance est passé de 35,3 en 2012 à 42,5 en 2022 et pour la comorbidité alcool, de 38,8 à 49,1.

Les taux bruts régionaux d'hospitalisation en SSR en lien avec la consommation d'alcool a évolué dans les régions, avec toujours des chiffres plus élevés dans le nord-ouest du pays et de fortes disparités, allant de 52 journées pour 100.000 personnes-années en Ile-de-France en 2022 à 113,4 journées pour 100.000 en Normandie.

Enfin en psychiatrie, 2.223.529 journées pour 51.611 patients (48 ans en moyenne, sexe-ratio de 1,9) ont été identifiées en 2022, soit une baisse de respectivement 16% et 17% par rapport à 2012. Ces journées représentent 10% de l'ensemble des journées dans le RIM-P.

Les séjours liés à l'alcoolodépendance représentaient 54% des journées en 2022, en baisse par rapport à 2012 (68,5%). Les actes liés à l'alcoolodépendance étaient en revanche en progression de 3,7%.

Concernant les taux bruts régionaux d'hospitalisation en psychiatrie en lien avec la consommation d'alcool, les disparités étaient moins marquées en 2012. Une baisse est observée dans toutes les régions, avec un taux variant de 46,1 pour 100.000 personnes-années en Ile-de-France à 152,8 pour 100.000 en Bretagne.

"Une érosion permanente du nombre de lits"

Globalement, ces premiers résultats pour 2022 ne sont "pas une grosse révolution par rapport à 2012", a commenté le Pr François Paille de l'université de Lorraine à Vandœuvre-lès-Nancy, qui a participé à cette étude et mené celle de 2015.

Il apparaît "une tendance globalement à la baisse, avec quelques contrastes". En MCO, en particulier, la diminution des séjours en lien avec l'alcool, de 2%, "ce n'est pas considérable mais en nombre, c'est important".

Si le nombre de patients est relativement stable entre 2012 et 2022, les séjours étaient en légère hausse jusqu'en 2019, puis ont chuté en 2020, en lien avec la pandémie de Covid-19, puis ont réaugmenté mais sans retrouver le niveau antérieur. Or, en parallèle, tous les lits n'ont pas rouvert après la crise Covid.

Pour le Pr Paille, "l'érosion permanente du nombre de lits qui s'est accentuée depuis la crise du Covid-19" (cf dépêche du 20/12/2023 à 10:59), en lien notamment avec un manque de personnel, semble limiter l'accès aux soins et pourrait expliquer la baisse des hospitalisations liées à l'alcool, plus qu'une diminution de la consommation d'alcool.

Concernant les séjours pour alcoolisation aiguë en MCO, la baisse observée entre 2012 et 2022 ne s'explique pas par les données épidémiologiques concernant les alcoolisations ponctuelles importantes, a-t-il poursuivi, s'interrogeant sur des difficultés de fonctionnement des services d'accueil des urgences (SAU), accentuées également avec la crise du Covid.

Le chercheur a par ailleurs fait part de la surprise qu'ont suscité la hausse des séjours pour alcoolodépendance en MCO et en parallèle, la baisse du nombre de patients. Il a supposé que le triplement des places en hôpital de jour depuis 2012 pouvait intervenir et que le nombre de séjours par patient augmentait possiblement en lien avec un meilleur repérage, une meilleure orientation et/ou une plus grande sévérité des addictions.

Concernant les chiffres en lien avec l'alcoolodépendance en SSR, le Pr Paille a rappelé que le nombre d'hospitalisations était en légère hausse avant la forte baisse liée à la pandémie en 2020 et reste relativement stable depuis, alors que le nombre de patients qui était globalement stable n'a pas retrouvé sa situation d'avant-crise au cours de laquelle il a fortement diminué (-17,7%). Les patients ont été gardés plus longtemps en SSR ou ils ont effectué des séjours plus nombreux, a-t-il supposé.

Concernant la psychiatrie, la tendance à la baisse est observée à la fois en nombre de journées et de patients de manière proportionnelle. Elle pourrait s'expliquer également par une diminution du nombre de lits et en parallèle, à d'autres solutions proposées en ambulatoire.

Globalement, les hospitalisations liées à l'alcool ont un poids non négligeable: 3% en MCO, 6% en SSR et 10% en RIM-P, a conclu le Pr Paille, faisant observer que la part relative de l'alcool en MCO peut paraître faible mais qu'elle est parmi les plus importantes, avec un poids presque aussi important que le diabète ou l'obésité. Les résultats indiquent également que les hommes restent davantage concernés mais que l'évolution est défavorable chez les femmes.

Des difficultés d'accès aux soins

La baisse en majorité des indicateurs d'hospitalisation ne semble pas liée à celle des consommations d'alcool dans la population compte tenu de son caractère le plus souvent récent, alors que les séjours en MCO pour alcoolodépendance ont augmenté, a poursuivi le chercheur.

Dans la salle, plusieurs personnes ont estimé que les diminutions observées étaient liées à des difficultés d'accès aux soins des patients. Des personnes en état d'alcoolisation aiguë ne sont pas emmenées en SAU lorsqu'elles appellent le Samu, d'autres qui arrivent en SAU ne sont pas prises en charge et repartent sans avoir été vues ou hospitalisées, ce qui permet notamment de diagnostiquer une alcoolodépendance et/ou d'initier une prise en charge.

"Des services d'addictologie ferment sans bruit en raison des départs à la retraite, des SSR aussi ont fermé à cause de la crise du Covid… La réalité du terrain, c'est que les demandes sont constantes et que les listes d'attente s'allongent!", a témoigné un homme dans l'auditoire.

Par ailleurs, les données d'hospitalisations liées à l'alcool sont probablement sous-estimées car la consommation d'alcool n'est pas systématiquement codée à l'entrée de l'hôpital.

Ces conclusions sont provisoires. D'autres analyses et réflexions sont en cours, par exemple sur les hospitalisations de jour, les séjours simples et complexes, les comorbidités, les facteurs impliqués dans les disparités territoriales à l'échelle même du département, a ajouté le Pr Paille. Une estimation du coût de ces séjours sera également réalisée.

Santé publique France doit publier d'autres résultats d'études qu'elle mène sur l'alcool, avait indiqué sa directrice générale, Caroline Semaille, à l'ouverture du congrès. Une étude sur les accidents vasculaires cérébraux (AVC) hémorragiques et les décès liés à l'alcool est attendue "dans les prochains jours", une autre sur les cas d'hypertension artérielle (HTA) attribuables au dépassement des repères de consommation d'alcool dans un numéro spécial du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) sur l'alcool "fin avril", et des résultats issus du baromètre 2021 sur la consommation d'alcool et de tabac pendant la grossesse "dans les semaines qui viennent".

ld/ab/APMnews

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LA BAISSE DES HOSPITALISATIONS LIÉES À L'ALCOOL SUR 2012-2022 POURRAIT ÊTRE LIÉE À UNE OFFRE DE SOINS INSUFFISANTE

PARIS, 26 mars 2024 (APMnews) - Les hospitalisations liées à l'alcool semblent avoir globalement diminué en France entre 2012 et 2022 mais cette tendance pourrait s'expliquer davantage par une offre de soins insuffisante que par une diminution de la consommation, selon des données de Santé publique France présentées et discutées mardi aux Journées de la Société française d'alcoologie (SFA) à Paris.

La consommation excessive d'alcool a des conséquences sanitaires, sociales et économiques importantes. Une première étude médico-économique avait été publiée en 2015 montrant qu'en 2012, l'alcool était l'une des premières causes d'hospitalisation en France, directement ou comme facteur de risque de pathologies (cf dépêche du 07/07/2015 à 00:01), a rappelé Laure Meurice de Santé publique France (SPF).

SPF a souhaité actualiser ces données. Il s'agissait d'estimer le nombre d'hospitalisations liées à la consommation d'alcool, pour alcoolisations aiguës ou complications chroniques, entre 2012 et 2022 à partir du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) pour la médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO), les soins de suite ou de réadaptation (SSR, devenus en 2022 SMR pour soins médicaux et de réadaptation) et le recueil d'informations médicalisé en psychiatrie (RIM-P).

Pour que les résultats soient comparables, Laure Meurice et ses collègues ont appliqué le même algorithme d'identification des diagnostics en lien avec l'alcool, des séjours hospitaliers et des actes ambulatoires que celui utilisé en 2015.

Selon les premiers résultats présentés, en 2022, en secteur MCO, 572.027 séjours liés à l'alcool ont été identifiés, correspondant à 300.094 patients, soit une diminution de respectivement 2% et 8% par rapport à 2012. Ces séjours représentaient 3% de l'ensemble des séjours MCO en 2022, contre 2,2% en 2012.

Sur l'ensemble des séjours, 22% concernaient une alcoolodépendance (diagnostic principal alcool) et 12% une intoxication alcoolique aiguë, l'alcool étant une comorbidité (diagnostic associé) pour le reste. La durée moyenne de séjours était de respectivement 9,4, 1,4 et 9,3 jours.

En 2022, l'âge moyen pour l'ensemble des patients hospitalisés en MCO en lien avec l'alcool était de 55 ans et le sexe-ratio homme-femme était de 2,9 (mais de 3,3 pour la comorbidité alcool). Les patients hospitalisés pour une alcoolisation aiguë étaient plus jeunes (45 ans en moyenne) et ceux pour l'alcool en comorbidité, plus âgés (59 ans en moyenne).

Entre 2012 et 2022, le nombre de séjours pour alcoolodépendance a progressé de 31,5% et la part des femmes en particulier, passant de 28,2% à 32,8%. En revanche, le nombre de séjours pour intoxication alcoolique aiguë a reculé de 34,1%.

Les taux bruts régionaux d'hospitalisations en lien avec la consommation d'alcool diminuent dans toutes les régions entre 2012 et 2022 sauf en Nouvelle-Aquitaine. D'importantes disparités persistent en 2022, entre l'Ile-de-France qui affiche 257 hospitalisations pour 100.000 personnes-années et les Hauts-de-France, avec 739 hospitalisations pour 100.000. Les taux les plus élevés concernent le nord-ouest du pays.

En SSR, 2.480.523 journées en lien avec l'alcool concernant 50.935 patients ont été identifiées en 2022 (en moyenne, 59 ans et sexe-ratio de 2,9), soit une hausse de 12% des journées mais une baisse de 8% des patients. Elles représentaient 6% de l'ensemble des journées SSR et 31% étaient des journées pour alcoolodépendance. Celles-ci étaient en baisse de 7,9% par rapport à 2012.

Sur l'ensemble des journées en lien avec l'alcool en 2022, 39% concernaient des passages en unités d'addictologie. La majorité (84,4%) concernait des patients vus pour alcoolodépendance, en hausse par rapport à 2012 (66,6%); l'alcool était un diagnostic associé dans 17,3% des cas.

Les données indiquent par ailleurs que le nombre moyen de journées de prise en charge pour alcoolodépendance est passé de 35,3 en 2012 à 42,5 en 2022 et pour la comorbidité alcool, de 38,8 à 49,1.

Les taux bruts régionaux d'hospitalisation en SSR en lien avec la consommation d'alcool a évolué dans les régions, avec toujours des chiffres plus élevés dans le nord-ouest du pays et de fortes disparités, allant de 52 journées pour 100.000 personnes-années en Ile-de-France en 2022 à 113,4 journées pour 100.000 en Normandie.

Enfin en psychiatrie, 2.223.529 journées pour 51.611 patients (48 ans en moyenne, sexe-ratio de 1,9) ont été identifiées en 2022, soit une baisse de respectivement 16% et 17% par rapport à 2012. Ces journées représentent 10% de l'ensemble des journées dans le RIM-P.

Les séjours liés à l'alcoolodépendance représentaient 54% des journées en 2022, en baisse par rapport à 2012 (68,5%). Les actes liés à l'alcoolodépendance étaient en revanche en progression de 3,7%.

Concernant les taux bruts régionaux d'hospitalisation en psychiatrie en lien avec la consommation d'alcool, les disparités étaient moins marquées en 2012. Une baisse est observée dans toutes les régions, avec un taux variant de 46,1 pour 100.000 personnes-années en Ile-de-France à 152,8 pour 100.000 en Bretagne.

"Une érosion permanente du nombre de lits"

Globalement, ces premiers résultats pour 2022 ne sont "pas une grosse révolution par rapport à 2012", a commenté le Pr François Paille de l'université de Lorraine à Vandœuvre-lès-Nancy, qui a participé à cette étude et mené celle de 2015.

Il apparaît "une tendance globalement à la baisse, avec quelques contrastes". En MCO, en particulier, la diminution des séjours en lien avec l'alcool, de 2%, "ce n'est pas considérable mais en nombre, c'est important".

Si le nombre de patients est relativement stable entre 2012 et 2022, les séjours étaient en légère hausse jusqu'en 2019, puis ont chuté en 2020, en lien avec la pandémie de Covid-19, puis ont réaugmenté mais sans retrouver le niveau antérieur. Or, en parallèle, tous les lits n'ont pas rouvert après la crise Covid.

Pour le Pr Paille, "l'érosion permanente du nombre de lits qui s'est accentuée depuis la crise du Covid-19" (cf dépêche du 20/12/2023 à 10:59), en lien notamment avec un manque de personnel, semble limiter l'accès aux soins et pourrait expliquer la baisse des hospitalisations liées à l'alcool, plus qu'une diminution de la consommation d'alcool.

Concernant les séjours pour alcoolisation aiguë en MCO, la baisse observée entre 2012 et 2022 ne s'explique pas par les données épidémiologiques concernant les alcoolisations ponctuelles importantes, a-t-il poursuivi, s'interrogeant sur des difficultés de fonctionnement des services d'accueil des urgences (SAU), accentuées également avec la crise du Covid.

Le chercheur a par ailleurs fait part de la surprise qu'ont suscité la hausse des séjours pour alcoolodépendance en MCO et en parallèle, la baisse du nombre de patients. Il a supposé que le triplement des places en hôpital de jour depuis 2012 pouvait intervenir et que le nombre de séjours par patient augmentait possiblement en lien avec un meilleur repérage, une meilleure orientation et/ou une plus grande sévérité des addictions.

Concernant les chiffres en lien avec l'alcoolodépendance en SSR, le Pr Paille a rappelé que le nombre d'hospitalisations était en légère hausse avant la forte baisse liée à la pandémie en 2020 et reste relativement stable depuis, alors que le nombre de patients qui était globalement stable n'a pas retrouvé sa situation d'avant-crise au cours de laquelle il a fortement diminué (-17,7%). Les patients ont été gardés plus longtemps en SSR ou ils ont effectué des séjours plus nombreux, a-t-il supposé.

Concernant la psychiatrie, la tendance à la baisse est observée à la fois en nombre de journées et de patients de manière proportionnelle. Elle pourrait s'expliquer également par une diminution du nombre de lits et en parallèle, à d'autres solutions proposées en ambulatoire.

Globalement, les hospitalisations liées à l'alcool ont un poids non négligeable: 3% en MCO, 6% en SSR et 10% en RIM-P, a conclu le Pr Paille, faisant observer que la part relative de l'alcool en MCO peut paraître faible mais qu'elle est parmi les plus importantes, avec un poids presque aussi important que le diabète ou l'obésité. Les résultats indiquent également que les hommes restent davantage concernés mais que l'évolution est défavorable chez les femmes.

Des difficultés d'accès aux soins

La baisse en majorité des indicateurs d'hospitalisation ne semble pas liée à celle des consommations d'alcool dans la population compte tenu de son caractère le plus souvent récent, alors que les séjours en MCO pour alcoolodépendance ont augmenté, a poursuivi le chercheur.

Dans la salle, plusieurs personnes ont estimé que les diminutions observées étaient liées à des difficultés d'accès aux soins des patients. Des personnes en état d'alcoolisation aiguë ne sont pas emmenées en SAU lorsqu'elles appellent le Samu, d'autres qui arrivent en SAU ne sont pas prises en charge et repartent sans avoir été vues ou hospitalisées, ce qui permet notamment de diagnostiquer une alcoolodépendance et/ou d'initier une prise en charge.

"Des services d'addictologie ferment sans bruit en raison des départs à la retraite, des SSR aussi ont fermé à cause de la crise du Covid… La réalité du terrain, c'est que les demandes sont constantes et que les listes d'attente s'allongent!", a témoigné un homme dans l'auditoire.

Par ailleurs, les données d'hospitalisations liées à l'alcool sont probablement sous-estimées car la consommation d'alcool n'est pas systématiquement codée à l'entrée de l'hôpital.

Ces conclusions sont provisoires. D'autres analyses et réflexions sont en cours, par exemple sur les hospitalisations de jour, les séjours simples et complexes, les comorbidités, les facteurs impliqués dans les disparités territoriales à l'échelle même du département, a ajouté le Pr Paille. Une estimation du coût de ces séjours sera également réalisée.

Santé publique France doit publier d'autres résultats d'études qu'elle mène sur l'alcool, avait indiqué sa directrice générale, Caroline Semaille, à l'ouverture du congrès. Une étude sur les accidents vasculaires cérébraux (AVC) hémorragiques et les décès liés à l'alcool est attendue "dans les prochains jours", une autre sur les cas d'hypertension artérielle (HTA) attribuables au dépassement des repères de consommation d'alcool dans un numéro spécial du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) sur l'alcool "fin avril", et des résultats issus du baromètre 2021 sur la consommation d'alcool et de tabac pendant la grossesse "dans les semaines qui viennent".

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