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19/11 2024
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LA COUR DES COMPTES FORMULE 11 RECOMMANDATIONS POUR AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE AU SEIN DES URGENCES HOSPITALIÈRES

PARIS, 19 novembre 2024 (APMnews) - La Cour des comptes a détaillé 11 recommandations pour soulager les urgences hospitalières dans un rapport publié mardi à l'issue de travaux communs avec les chambres régionales des comptes (CRC) depuis 2023.

La Cour des comptes avait été saisie du sujet en 2023 par l'ancienne présidente de la commission des affaires sociales Charlotte Parmentier-Lecocq (Horizons, Nord), avant que celle-ci soit nommée fin septembre ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, Paul Christophe (cf dépêche du 27/09/2024 à 17:14), pour l'efficacité des mesures adoptées en 2018 au titre de "Ma santé 2022" sur les urgences, complétées par la suite par le "pacte de refondation des urgences" en septembre 2019 (cf dépêche du 09/09/2019 à 17:13).

Ce rapport est issu d'une enquête commune menée par la sixième chambre de la Cour et 11 des 17 CRC, dont certaines s'en sont déjà fait l'écho dans des rapports relatifs à plusieurs hôpitaux (cf dépêche du 07/08/2024 à 18:12, dépêche du 22/07/2024 à 17:07 et dépêche du 29/10/2024 à 19:17), avec pour objectifs de dresser "un état des lieux du fonctionnement des structures des urgences (à l'exception des urgences spécialisées en psychiatrie, obstétrique et pédiatrie) et de la mise en œuvre" de ces plans d'action.

Dans son propos liminaire, la Cour note que malgré ces mesures et celles engagées à la suite de la mission flash sur les urgences et les soins non programmés menée à l'été 2022 par le président de Samu-urgences de France, François Braun (cf dépêche du 01/06/2022 à 08:18 et dépêche du 23/11/2022 à 12:38), les urgences hospitalières ont continué de connaître "des difficultés" en raison de "deux phénomènes majeurs qui ne faiblissent pas, qui se conjuguent et vont s'intensifier au cours des prochaines années […]: la diminution de l'accessibilité des médecins sur une grande partie du territoire national et l'accroissement de la demande de soins en relation avec l'augmentation et le vieillissement de la population".

La sur-sollicitation subséquente des urgences hospitalières est à l'origine de plusieurs conséquences délétères dans la prise en charge des patients: durées de passage augmentées, source de surmorbidité et de surmortalité pour les patients de plus de 75 ans, augmentation des déclarations d'événements indésirables graves associés aux soins (EIGS), et des fermetures temporaires et des restrictions d'accès aux urgences, constate la Cour.

Une "distorsion croissante entre l'offre et la demande"

Elle souligne ainsi que la "distorsion croissante entre l'offre et la demande de soins de ville engendre des tensions rejaillissant en besoin de soins non programmés et, en l'absence de réponse suffisante à ce stade, d'accueil aux urgences", en pointant les "24% seulement des territoires couverts en nuit profonde" par la permanence des soins ambulatoires (PDSA).

"Pour réduire la pression sur les urgences sur des plages horaires où la demande est forte, comme en début de soirée ou en fin de semaine, des mesures de nature à mieux couvrir ces périodes sensibles comme le samedi matin, en articulation étroite avec la régulation par le service d'accès aux soins (SAS), seraient opportunes", ajoute le rapport.

La Cour des comptes et les chambres régionales dressent dans ce rapport un bilan très contrasté des effets des mesures de régulation des admissions aux urgences, en appelant à mieux les encadrer et les sécuriser (cf dépêche du 19/11/2024 à 18:39).

Elle s'inquiète par ailleurs de l'essor non encadré des centres de soins non programmés: "Leur développement, souvent sans articulation avec l'offre de soins existante sur le territoire (pas de participation à la permanence des soins ambulatoires, absence de coopération avec les hôpitaux et les maisons médicales de garde) peut engendrer des effets contre-productifs."

"En favorisant le consumérisme médical, ils peuvent encourager le contournement du médecin traitant et entraîner un déséquilibre de l'activité de ces derniers, concentrée de ce fait sur la prise en charge des cas les plus lourds et les plus complexes", poursuit le rapport. "Ils peuvent aussi capter les ressources humaines des hôpitaux, en particulier le personnel médical, ou engendrer des tensions avec les maisons médicales de garde implantées à proximité dont ils viennent déstabiliser l'activité."

Au vu de ces constats, la Cour formule une première série de quatre recommandations:

  • publier annuellement un bilan global, au niveau national, des EIGS intervenus dans les structures d'urgences
  • coordonner la gestion des équipes de médecins intervenant dans la PDSA avec celles mobilisables par le SAS, pour concentrer le service sur les périodes qui correspondent le mieux aux besoins de la population
  • systématiser les filières d'hospitalisation directe pour éviter les passages aux urgences des personnes âgées et en contrôler l'effectivité par un indicateur de résultat
  • établir un régime d'autorisation spécifique pour les centres de soins non programmés, les intégrant dans le cadre de la régulation de l'offre de soins (SAS, PDSA…).

Le rapport de la Cour décrit par la suite les tensions en ressources humaines rencontrées au sein de service d'urgence, et plus particulièrement la pénurie de ressource en médecins urgentistes qui "constitue un facteur aggravant de l'inadéquation de l'offre à la demande".

Cette désaffection "pour l'exercice de cette spécialité à l'hôpital résulte, pour une part, des exigences propres à l'activité en termes d'intensité, d'horaires et de permanences et, pour une autre part, des tensions et dysfonctionnements qui parasitent cet exercice, parmi lesquels la recherche de lits d'aval et, de manière croissante, les incivilités et la violence verbale ou physique des patients ou de leurs accompagnants", résume la Cour.

Une hausse paradoxale du nombre d'urgentistes

"En mobilisant les données issues de la Drees [direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques] le nombre d'équivalents temps plein médicaux exerçant au sein des structures des urgences peut être estimé à 6.049 en 2018 et à 6.480 en 2021, ce qui correspond à une progression de 7%", note toutefois le rapport.

Interrogé par APMnews sur ce paradoxe lors d'une conférence de presse organisée mardi matin par la Cour des comptes, le directeur de la sixième chambre, Bernard Lejeune, a expliqué que "la maquette des urgentistes a[vait] bougé, donc les modalités de travail ont bougé, ce qui générait plus de besoins, et la population à accueillir a bougé, [avec] beaucoup plus de personnes âgées et donc du coup, il faut l'avoir en tête".

"C'est un point central du rapport, les personnes âgées sont un point de forte difficulté dans les urgences, qui pèse de plus en plus et […] qui fait qu'aujourd'hui le circuit des personnes âgées est beaucoup plus long, beaucoup plus complexe à prendre en charge", a-t-il ajouté. "C'est ce qui explique ce paradoxe d'une augmentation de 7%, d'un nombre de postes vacants important [20%] parce que le nombre de postes créés est beaucoup plus important, et c'est cet ensemble de désaffection des médecins et d'une charge supplémentaire qui fait qu'effectivement, la hausse de 7% ne permet pas de suivre le rythme de la hausse des besoins."

En se penchant sur l'organisation des structures d'urgence, la Cour note que "la rénovation des bâtiments, l'organisation spatiale des services, la sécurisation du personnel et des patients progressent".

"L'enquête réalisée auprès des agences régionales de santé [ARS] a mis en évidence un effort important d'adaptation des locaux", souligne-t-elle, en mentionnant 156 opérations recensées sur la période 2017-2023, "concernant 40% des hôpitaux, en moyenne, sur les huit régions au sein desquelles cet indicateur a été recueilli (de 22% en Centre-Val de Loire à près de 50% en Nouvelle-Aquitaine, ou en région Hauts-de-France)".

"Seuls 50 projets spécifiques "urgences" ont pu être isolés, pour un montant évalué à 300 M€ (millions d'euros)", complète le rapport, en indiquant que leur financement a été soutenu par les ARS, soit par la mobilisation du fonds d'intervention régional [FIR], soit au titre du "Ségur investissement", dans des proportions "pouvant dépasser la moitié du montant total de l'opération (de 36% du coût, en région Bretagne, jusqu'à 60%, en région Hauts-de-France)".

En s'appuyant notamment sur les travaux de l'observatoire régional des urgences (ORU) du Grand Est (Est-Rescue), le rapport note que "le nombre d'admissions n'est pas le seul facteur influant sur la saturation de la structure des urgences; celle-ci résulte même davantage de l'insuffisance de disponibilité de lits d'aval que d'un excès d'entrées dans le service".

Une intervention plus forte de la gouvernance pour appliquer le BJML

Interrogée par APMnews sur l'utilisation encore parcellaire du besoin journalier minimum en lits (BJML), comme l'avait mis en évidence la Fédération nationale des observatoires régionaux des urgences (Fedoru) en avril (cf dépêche du 04/04/2024 à 17:26), la Cour a convenu que le BJML était "insuffisamment utilisé par les équipes hospitalières", en se prononçant pour "une intervention plus forte de la gouvernance hospitalière et le fait que, à la fois les directeurs d'établissement, les présidents de commission médicale d'établissement [PCME] au travers des structures comme les commissions des activités non programmées puissent imposer" l'utilisation du BJML.

Pour assurer une meilleure prévision et mobilisation des moyens disponibles pour les urgences, la Cour propose donc trois nouvelles recommandations:

  • établir précisément les besoins à moyen terme en médecins des structures des urgences
  • généraliser les équipes territoriales d'urgence sur l'ensemble du territoire
  • poursuivre, à un rythme annuel, l'enquête nationale sur la gestion des lits en aval des urgences pour vérifier la performance de la fonction d'ordonnancement des lits à l'échelle de chaque établissement.

Dans un troisième temps, le rapport se penche sur la fiabilité du recueil et du traitement des données des données d'activité et de facturation, en estimant qu'il est "essentiel que les dispositifs de recueil et d'exploitation des données de régulation, de passages aux urgences [RPU], de financement à l'activité, de disponibilité en lits et en personnel médical soient modernisés et unifiés".

Pierre Moscovici a ainsi déploré une qualité inégale et lacunaire de renseignement et de contrôle de ces données: "Entre les soins résumés dans le résumé de passage aux urgences et la facturation, ces enregistrements sont non recoupés entre eux, ce qui est source d'incohérence, ce qui facilite les erreurs, les fraudes et complique très fortement les contrôles, pourtant ces derniers sont notoirement insuffisants."

La Cour estime par ailleurs que la réforme du financement des urgences engagées en 2022 est "ambitieuse mais appliquée timidement" (cf dépêche du 19/11/2024 à 18:40).

Elle formule en conséquence une dernière série de préconisations:

  • améliorer la fiabilité des données au service de la qualité et de l'efficacité de l'activité des urgences
  • achever la nouvelle version du RPU en la liant au programme de médicalisation des systèmes d'information [PSMI] pour suivre l'activité et fonder la facturation
  • interfacer les données des RPU avec les données enregistrées par les Smur, les SAS et les Centres 15-Samu et les données du PMSI pour "faciliter l'orientation, la prise en charge et le suivi des personnes se présentant aux urgences"
  • contrôler systématiquement la cohérence entre les déclarations des établissements destinées au suivi de l'activité sanitaire et les cotations des passages aux urgences destinées à la facturation.

Enfin, en s'inspirant notamment de l'exemple du Québec, la Cour estime nécessaire que le public "auquel le service des urgences s'adresse" soit "informé de manière transparente des paramètres d'activité, de disponibilité, de sécurité des structures des urgences".

Elle préconise donc de "mettre à la disposition des usagers, en continu, les données concernant les urgences telles que les structures ouvertes à proximité de leur localisation, le temps d'attente observé dans celles-ci, le nombre de passages, les services fermés…"

"L'accueil et le traitement des urgences à l'hôpital: des services saturés, une transformation indispensable du parcours des patients" (Rapport de la Cour des comptes)

gl/ab/APMnews

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LA COUR DES COMPTES FORMULE 11 RECOMMANDATIONS POUR AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE AU SEIN DES URGENCES HOSPITALIÈRES

PARIS, 19 novembre 2024 (APMnews) - La Cour des comptes a détaillé 11 recommandations pour soulager les urgences hospitalières dans un rapport publié mardi à l'issue de travaux communs avec les chambres régionales des comptes (CRC) depuis 2023.

La Cour des comptes avait été saisie du sujet en 2023 par l'ancienne présidente de la commission des affaires sociales Charlotte Parmentier-Lecocq (Horizons, Nord), avant que celle-ci soit nommée fin septembre ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, Paul Christophe (cf dépêche du 27/09/2024 à 17:14), pour l'efficacité des mesures adoptées en 2018 au titre de "Ma santé 2022" sur les urgences, complétées par la suite par le "pacte de refondation des urgences" en septembre 2019 (cf dépêche du 09/09/2019 à 17:13).

Ce rapport est issu d'une enquête commune menée par la sixième chambre de la Cour et 11 des 17 CRC, dont certaines s'en sont déjà fait l'écho dans des rapports relatifs à plusieurs hôpitaux (cf dépêche du 07/08/2024 à 18:12, dépêche du 22/07/2024 à 17:07 et dépêche du 29/10/2024 à 19:17), avec pour objectifs de dresser "un état des lieux du fonctionnement des structures des urgences (à l'exception des urgences spécialisées en psychiatrie, obstétrique et pédiatrie) et de la mise en œuvre" de ces plans d'action.

Dans son propos liminaire, la Cour note que malgré ces mesures et celles engagées à la suite de la mission flash sur les urgences et les soins non programmés menée à l'été 2022 par le président de Samu-urgences de France, François Braun (cf dépêche du 01/06/2022 à 08:18 et dépêche du 23/11/2022 à 12:38), les urgences hospitalières ont continué de connaître "des difficultés" en raison de "deux phénomènes majeurs qui ne faiblissent pas, qui se conjuguent et vont s'intensifier au cours des prochaines années […]: la diminution de l'accessibilité des médecins sur une grande partie du territoire national et l'accroissement de la demande de soins en relation avec l'augmentation et le vieillissement de la population".

La sur-sollicitation subséquente des urgences hospitalières est à l'origine de plusieurs conséquences délétères dans la prise en charge des patients: durées de passage augmentées, source de surmorbidité et de surmortalité pour les patients de plus de 75 ans, augmentation des déclarations d'événements indésirables graves associés aux soins (EIGS), et des fermetures temporaires et des restrictions d'accès aux urgences, constate la Cour.

Une "distorsion croissante entre l'offre et la demande"

Elle souligne ainsi que la "distorsion croissante entre l'offre et la demande de soins de ville engendre des tensions rejaillissant en besoin de soins non programmés et, en l'absence de réponse suffisante à ce stade, d'accueil aux urgences", en pointant les "24% seulement des territoires couverts en nuit profonde" par la permanence des soins ambulatoires (PDSA).

"Pour réduire la pression sur les urgences sur des plages horaires où la demande est forte, comme en début de soirée ou en fin de semaine, des mesures de nature à mieux couvrir ces périodes sensibles comme le samedi matin, en articulation étroite avec la régulation par le service d'accès aux soins (SAS), seraient opportunes", ajoute le rapport.

La Cour des comptes et les chambres régionales dressent dans ce rapport un bilan très contrasté des effets des mesures de régulation des admissions aux urgences, en appelant à mieux les encadrer et les sécuriser (cf dépêche du 19/11/2024 à 18:39).

Elle s'inquiète par ailleurs de l'essor non encadré des centres de soins non programmés: "Leur développement, souvent sans articulation avec l'offre de soins existante sur le territoire (pas de participation à la permanence des soins ambulatoires, absence de coopération avec les hôpitaux et les maisons médicales de garde) peut engendrer des effets contre-productifs."

"En favorisant le consumérisme médical, ils peuvent encourager le contournement du médecin traitant et entraîner un déséquilibre de l'activité de ces derniers, concentrée de ce fait sur la prise en charge des cas les plus lourds et les plus complexes", poursuit le rapport. "Ils peuvent aussi capter les ressources humaines des hôpitaux, en particulier le personnel médical, ou engendrer des tensions avec les maisons médicales de garde implantées à proximité dont ils viennent déstabiliser l'activité."

Au vu de ces constats, la Cour formule une première série de quatre recommandations:

  • publier annuellement un bilan global, au niveau national, des EIGS intervenus dans les structures d'urgences
  • coordonner la gestion des équipes de médecins intervenant dans la PDSA avec celles mobilisables par le SAS, pour concentrer le service sur les périodes qui correspondent le mieux aux besoins de la population
  • systématiser les filières d'hospitalisation directe pour éviter les passages aux urgences des personnes âgées et en contrôler l'effectivité par un indicateur de résultat
  • établir un régime d'autorisation spécifique pour les centres de soins non programmés, les intégrant dans le cadre de la régulation de l'offre de soins (SAS, PDSA…).

Le rapport de la Cour décrit par la suite les tensions en ressources humaines rencontrées au sein de service d'urgence, et plus particulièrement la pénurie de ressource en médecins urgentistes qui "constitue un facteur aggravant de l'inadéquation de l'offre à la demande".

Cette désaffection "pour l'exercice de cette spécialité à l'hôpital résulte, pour une part, des exigences propres à l'activité en termes d'intensité, d'horaires et de permanences et, pour une autre part, des tensions et dysfonctionnements qui parasitent cet exercice, parmi lesquels la recherche de lits d'aval et, de manière croissante, les incivilités et la violence verbale ou physique des patients ou de leurs accompagnants", résume la Cour.

Une hausse paradoxale du nombre d'urgentistes

"En mobilisant les données issues de la Drees [direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques] le nombre d'équivalents temps plein médicaux exerçant au sein des structures des urgences peut être estimé à 6.049 en 2018 et à 6.480 en 2021, ce qui correspond à une progression de 7%", note toutefois le rapport.

Interrogé par APMnews sur ce paradoxe lors d'une conférence de presse organisée mardi matin par la Cour des comptes, le directeur de la sixième chambre, Bernard Lejeune, a expliqué que "la maquette des urgentistes a[vait] bougé, donc les modalités de travail ont bougé, ce qui générait plus de besoins, et la population à accueillir a bougé, [avec] beaucoup plus de personnes âgées et donc du coup, il faut l'avoir en tête".

"C'est un point central du rapport, les personnes âgées sont un point de forte difficulté dans les urgences, qui pèse de plus en plus et […] qui fait qu'aujourd'hui le circuit des personnes âgées est beaucoup plus long, beaucoup plus complexe à prendre en charge", a-t-il ajouté. "C'est ce qui explique ce paradoxe d'une augmentation de 7%, d'un nombre de postes vacants important [20%] parce que le nombre de postes créés est beaucoup plus important, et c'est cet ensemble de désaffection des médecins et d'une charge supplémentaire qui fait qu'effectivement, la hausse de 7% ne permet pas de suivre le rythme de la hausse des besoins."

En se penchant sur l'organisation des structures d'urgence, la Cour note que "la rénovation des bâtiments, l'organisation spatiale des services, la sécurisation du personnel et des patients progressent".

"L'enquête réalisée auprès des agences régionales de santé [ARS] a mis en évidence un effort important d'adaptation des locaux", souligne-t-elle, en mentionnant 156 opérations recensées sur la période 2017-2023, "concernant 40% des hôpitaux, en moyenne, sur les huit régions au sein desquelles cet indicateur a été recueilli (de 22% en Centre-Val de Loire à près de 50% en Nouvelle-Aquitaine, ou en région Hauts-de-France)".

"Seuls 50 projets spécifiques "urgences" ont pu être isolés, pour un montant évalué à 300 M€ (millions d'euros)", complète le rapport, en indiquant que leur financement a été soutenu par les ARS, soit par la mobilisation du fonds d'intervention régional [FIR], soit au titre du "Ségur investissement", dans des proportions "pouvant dépasser la moitié du montant total de l'opération (de 36% du coût, en région Bretagne, jusqu'à 60%, en région Hauts-de-France)".

En s'appuyant notamment sur les travaux de l'observatoire régional des urgences (ORU) du Grand Est (Est-Rescue), le rapport note que "le nombre d'admissions n'est pas le seul facteur influant sur la saturation de la structure des urgences; celle-ci résulte même davantage de l'insuffisance de disponibilité de lits d'aval que d'un excès d'entrées dans le service".

Une intervention plus forte de la gouvernance pour appliquer le BJML

Interrogée par APMnews sur l'utilisation encore parcellaire du besoin journalier minimum en lits (BJML), comme l'avait mis en évidence la Fédération nationale des observatoires régionaux des urgences (Fedoru) en avril (cf dépêche du 04/04/2024 à 17:26), la Cour a convenu que le BJML était "insuffisamment utilisé par les équipes hospitalières", en se prononçant pour "une intervention plus forte de la gouvernance hospitalière et le fait que, à la fois les directeurs d'établissement, les présidents de commission médicale d'établissement [PCME] au travers des structures comme les commissions des activités non programmées puissent imposer" l'utilisation du BJML.

Pour assurer une meilleure prévision et mobilisation des moyens disponibles pour les urgences, la Cour propose donc trois nouvelles recommandations:

  • établir précisément les besoins à moyen terme en médecins des structures des urgences
  • généraliser les équipes territoriales d'urgence sur l'ensemble du territoire
  • poursuivre, à un rythme annuel, l'enquête nationale sur la gestion des lits en aval des urgences pour vérifier la performance de la fonction d'ordonnancement des lits à l'échelle de chaque établissement.

Dans un troisième temps, le rapport se penche sur la fiabilité du recueil et du traitement des données des données d'activité et de facturation, en estimant qu'il est "essentiel que les dispositifs de recueil et d'exploitation des données de régulation, de passages aux urgences [RPU], de financement à l'activité, de disponibilité en lits et en personnel médical soient modernisés et unifiés".

Pierre Moscovici a ainsi déploré une qualité inégale et lacunaire de renseignement et de contrôle de ces données: "Entre les soins résumés dans le résumé de passage aux urgences et la facturation, ces enregistrements sont non recoupés entre eux, ce qui est source d'incohérence, ce qui facilite les erreurs, les fraudes et complique très fortement les contrôles, pourtant ces derniers sont notoirement insuffisants."

La Cour estime par ailleurs que la réforme du financement des urgences engagées en 2022 est "ambitieuse mais appliquée timidement" (cf dépêche du 19/11/2024 à 18:40).

Elle formule en conséquence une dernière série de préconisations:

  • améliorer la fiabilité des données au service de la qualité et de l'efficacité de l'activité des urgences
  • achever la nouvelle version du RPU en la liant au programme de médicalisation des systèmes d'information [PSMI] pour suivre l'activité et fonder la facturation
  • interfacer les données des RPU avec les données enregistrées par les Smur, les SAS et les Centres 15-Samu et les données du PMSI pour "faciliter l'orientation, la prise en charge et le suivi des personnes se présentant aux urgences"
  • contrôler systématiquement la cohérence entre les déclarations des établissements destinées au suivi de l'activité sanitaire et les cotations des passages aux urgences destinées à la facturation.

Enfin, en s'inspirant notamment de l'exemple du Québec, la Cour estime nécessaire que le public "auquel le service des urgences s'adresse" soit "informé de manière transparente des paramètres d'activité, de disponibilité, de sécurité des structures des urgences".

Elle préconise donc de "mettre à la disposition des usagers, en continu, les données concernant les urgences telles que les structures ouvertes à proximité de leur localisation, le temps d'attente observé dans celles-ci, le nombre de passages, les services fermés…"

"L'accueil et le traitement des urgences à l'hôpital: des services saturés, une transformation indispensable du parcours des patients" (Rapport de la Cour des comptes)

gl/ab/APMnews

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