Actualités de l'Urgence - APM

LA MORT SUBITE RESPONSABLE D'AU MOINS 1 DÉCÈS MATERNEL SUR 11 EN FRANCE
La publication du prochain rapport du Comité national d'experts sur la mortalité maternelle (Cnemm) est prévue pour la mi-juin. A cette occasion, une réunion scientifique sur ce thème a été organisée jeudi par Santé publique France, l'Inserm, l'université Paris-Descartes et le Centre de recherche épidémiologie et statistique Sorbonne Paris Cité.
Au total, 256 décès maternels ont été recensés lors de l'enquête confidentielle menée entre 2010 et 2012 -soit une moyenne de 85 décès par an-, représentant un ratio de 10,3 décès maternels pour 100.000 naissances, a indiqué Catherine Deneux de l'Inserm équipe EPOPE à Paris, coordinatrice scientifique de l'enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles.
Ce chiffre est stable par rapport aux 2 dernières enquêtes réalisées en 2007-2009 et en 2001-2003. Mais, par rapport à la statistique officielle, il est bien plus élevé: 7 décès maternels pour 100.000 naissances sont officiellement recensés, "ce qui serait très satisfaisant" mais apparaît donc sous-estimé, a commenté la chercheuse.
Les variations régionales persistent, la mortalité maternelle dans les départements d'outre-mer étant 4 fois plus élevée qu'en métropole, sans tendance à la baisse, et celle en Ile-de-France étant 1,5 fois plus élevée, inchangée également. Or "cela ne s'explique pas par les caractéristiques individuelles des femmes, c'est davantage lié au contenu ou à l'organisation des soins", a indiqué Catherine Deneux.
Le taux de mortalité est également significativement plus élevé chez les 35-39 ans (17,7 pour 100.000) et les plus de 40 ans (21,7 pour 100.000), que chez les 25-29 ans (7,5 pour 100.000). Une des raisons pour lesquelles la mortalité maternelle ne diminue pas est qu'il y a de plus en plus de naissances à 35 ans et plus, a observé la chercheuse.
Pour l'analyse des caractéristiques des décès, une entité émergente a été identifiée parmi les causes de décès, celle des morts subites inexpliquées. Elles représentent 9% des décès maternels et "mérite d'être étudiée", a souligné la chercheuse.
Le Cnemm a changé d'attitude par rapport à cette entité et de plus en plus souvent, désormais, les morts subites sont gardées dans la classification des décès maternels, a expliqué Estelle Moreau (CHU de Montpellier), qui a évoqué ces cas plus en détail.
Les femmes enceintes représentent une sous-population très peu étudiée parmi les morts subites, définies par un arrêt cardiaque inattendu sans cause extracardiaque évidente, survenant moins d'1 heure après l'apparition des premiers symptômes. Le registre national des arrêts cardiorespiratoires ne comporte pas la case "femme enceinte", a-t-elle noté.
En analysant les dossiers des décès maternels au cours des trois années étudiées, la chercheuse a trouvé 23 cas correspondant à une mort subite -certains classés dans les cause cardiovasculaires ou de pathologies épileptiques. "Il est probable qu'il y en ait plus que cela dans le triennum", a-t-elle estimé.
=3Une campagne de sensibilisation spécifique serait nécessaire
Dans 16 cas, des témoins étaient présents, mais seulement 5 ont débuté une réanimation cardiopulmonaire, a-t-elle indiqué.
"On a l'impression que, pour ces patientes enceintes, il y a une certaine inhibition à démarrer la réanimation cardiopulmonaire parce que la patiente est enceinte. En population générale, la mise en place de manoeuvres de réanimation, le fait de démarrer une chaîne de survie immédiatement par les gens qui sont présents, est passé de 60% à 75% d'après le registre des morts subites, grâce aux nombreuses campagnes de sensibilisation sur l'arrêt cardiorespiratoire", a-t-elle souligné.
"Pourtant il n'y a pas de contre-indication, pas de difficulté technique supplémentaire, c'est quand même une patiente jeune a priori avec un statut de base bon, donc les chances de survie sont importantes".
La chercheuse a suggéré de mettre en place une campagne de sensibilisation spécifique sur la réanimation cardiopulmonaire des femmes enceintes, à déployer notamment dans les maternités.
"Il y a probablement une nécessaire médiatisation de la prise en charge de l'arrêt cardio-respiratoire chez la femme enceinte auprès du grand public. Il faut probablement travailler en réseau avec les premiers secours sur la notion de réanimation de la mort subite de la femme enceinte" a-t-elle déclaré.
Sur les 23 cas identifiés, seules 3 autopsies ont été réalisées, mais qui n'étaient pas contributives.
"Cette recherche étiologique est indispensable pour la société pour comprendre pourquoi il y a des morts subites chez la femme enceinte, peut-être que les étiologies ne sont pas du tout les mêmes qu'en population générale, en particulier peut-être y a-t-il une surmortalité de mort subite par épilepsie pendant la grossesse, c'est important de le savoir pour la descendance et les ascendants, notamment si c'est une cause potentiellement génétique", a-t-elle ajouté.
Les autres résultats de l'enquête confirment la tendance à la baisse des causes directes de mortalité maternelle, déjà observée dans le précédent rapport, grâce en particulier à la diminution des décès par hémorragie du post-partum. Ceux-ci représentent 11,3% des décès maternels dans la dernière enquête, contre 15,4% en 2007-2009 et 21% en 2001-2003.
Mais des progrès restent à faire sur ce plan, car "sur les 23 dossiers expertisés, 13 décès étaient évitables et 10 peut-être évitables", a indiqué Michel Dreyfus du CHU de Caen.
Par ailleurs, une évolution de la mortalité maternelle en fonction du pays de naissance est observée. Chez les femmes nées en France, la mortalité maternelle est de 8 pour 100.000. Elle passe à 28 pour 100.000 chez les femmes nées en Afrique sub-saharienne, alors qu'elle n'est pas différente pour les femmes nées en Afrique du Nord. Ce constat, déjà fait lors des précédentes enquêtes, continue d'être alarmant et n'a pas tendance à décroître, a souligné Catherine Deneux.
En outre, on observe dans le dernier rapport une augmentation de la mortalité maternelle chez les femmes nées dans des pays autres qu'en Afrique ou en Europe. Leur taux de mortalité maternelle atteint aussi 28 pour 100.000, alors qu'en 2007-2009 il n'était pas significativement différent du taux observé chez les femmes nées en France.
"Il faut comprendre ce qui se passe dans ces groupes de migration", a-t-elle conclu.
cd/eh/APMnews
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LA MORT SUBITE RESPONSABLE D'AU MOINS 1 DÉCÈS MATERNEL SUR 11 EN FRANCE
La publication du prochain rapport du Comité national d'experts sur la mortalité maternelle (Cnemm) est prévue pour la mi-juin. A cette occasion, une réunion scientifique sur ce thème a été organisée jeudi par Santé publique France, l'Inserm, l'université Paris-Descartes et le Centre de recherche épidémiologie et statistique Sorbonne Paris Cité.
Au total, 256 décès maternels ont été recensés lors de l'enquête confidentielle menée entre 2010 et 2012 -soit une moyenne de 85 décès par an-, représentant un ratio de 10,3 décès maternels pour 100.000 naissances, a indiqué Catherine Deneux de l'Inserm équipe EPOPE à Paris, coordinatrice scientifique de l'enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles.
Ce chiffre est stable par rapport aux 2 dernières enquêtes réalisées en 2007-2009 et en 2001-2003. Mais, par rapport à la statistique officielle, il est bien plus élevé: 7 décès maternels pour 100.000 naissances sont officiellement recensés, "ce qui serait très satisfaisant" mais apparaît donc sous-estimé, a commenté la chercheuse.
Les variations régionales persistent, la mortalité maternelle dans les départements d'outre-mer étant 4 fois plus élevée qu'en métropole, sans tendance à la baisse, et celle en Ile-de-France étant 1,5 fois plus élevée, inchangée également. Or "cela ne s'explique pas par les caractéristiques individuelles des femmes, c'est davantage lié au contenu ou à l'organisation des soins", a indiqué Catherine Deneux.
Le taux de mortalité est également significativement plus élevé chez les 35-39 ans (17,7 pour 100.000) et les plus de 40 ans (21,7 pour 100.000), que chez les 25-29 ans (7,5 pour 100.000). Une des raisons pour lesquelles la mortalité maternelle ne diminue pas est qu'il y a de plus en plus de naissances à 35 ans et plus, a observé la chercheuse.
Pour l'analyse des caractéristiques des décès, une entité émergente a été identifiée parmi les causes de décès, celle des morts subites inexpliquées. Elles représentent 9% des décès maternels et "mérite d'être étudiée", a souligné la chercheuse.
Le Cnemm a changé d'attitude par rapport à cette entité et de plus en plus souvent, désormais, les morts subites sont gardées dans la classification des décès maternels, a expliqué Estelle Moreau (CHU de Montpellier), qui a évoqué ces cas plus en détail.
Les femmes enceintes représentent une sous-population très peu étudiée parmi les morts subites, définies par un arrêt cardiaque inattendu sans cause extracardiaque évidente, survenant moins d'1 heure après l'apparition des premiers symptômes. Le registre national des arrêts cardiorespiratoires ne comporte pas la case "femme enceinte", a-t-elle noté.
En analysant les dossiers des décès maternels au cours des trois années étudiées, la chercheuse a trouvé 23 cas correspondant à une mort subite -certains classés dans les cause cardiovasculaires ou de pathologies épileptiques. "Il est probable qu'il y en ait plus que cela dans le triennum", a-t-elle estimé.
=3Une campagne de sensibilisation spécifique serait nécessaire
Dans 16 cas, des témoins étaient présents, mais seulement 5 ont débuté une réanimation cardiopulmonaire, a-t-elle indiqué.
"On a l'impression que, pour ces patientes enceintes, il y a une certaine inhibition à démarrer la réanimation cardiopulmonaire parce que la patiente est enceinte. En population générale, la mise en place de manoeuvres de réanimation, le fait de démarrer une chaîne de survie immédiatement par les gens qui sont présents, est passé de 60% à 75% d'après le registre des morts subites, grâce aux nombreuses campagnes de sensibilisation sur l'arrêt cardiorespiratoire", a-t-elle souligné.
"Pourtant il n'y a pas de contre-indication, pas de difficulté technique supplémentaire, c'est quand même une patiente jeune a priori avec un statut de base bon, donc les chances de survie sont importantes".
La chercheuse a suggéré de mettre en place une campagne de sensibilisation spécifique sur la réanimation cardiopulmonaire des femmes enceintes, à déployer notamment dans les maternités.
"Il y a probablement une nécessaire médiatisation de la prise en charge de l'arrêt cardio-respiratoire chez la femme enceinte auprès du grand public. Il faut probablement travailler en réseau avec les premiers secours sur la notion de réanimation de la mort subite de la femme enceinte" a-t-elle déclaré.
Sur les 23 cas identifiés, seules 3 autopsies ont été réalisées, mais qui n'étaient pas contributives.
"Cette recherche étiologique est indispensable pour la société pour comprendre pourquoi il y a des morts subites chez la femme enceinte, peut-être que les étiologies ne sont pas du tout les mêmes qu'en population générale, en particulier peut-être y a-t-il une surmortalité de mort subite par épilepsie pendant la grossesse, c'est important de le savoir pour la descendance et les ascendants, notamment si c'est une cause potentiellement génétique", a-t-elle ajouté.
Les autres résultats de l'enquête confirment la tendance à la baisse des causes directes de mortalité maternelle, déjà observée dans le précédent rapport, grâce en particulier à la diminution des décès par hémorragie du post-partum. Ceux-ci représentent 11,3% des décès maternels dans la dernière enquête, contre 15,4% en 2007-2009 et 21% en 2001-2003.
Mais des progrès restent à faire sur ce plan, car "sur les 23 dossiers expertisés, 13 décès étaient évitables et 10 peut-être évitables", a indiqué Michel Dreyfus du CHU de Caen.
Par ailleurs, une évolution de la mortalité maternelle en fonction du pays de naissance est observée. Chez les femmes nées en France, la mortalité maternelle est de 8 pour 100.000. Elle passe à 28 pour 100.000 chez les femmes nées en Afrique sub-saharienne, alors qu'elle n'est pas différente pour les femmes nées en Afrique du Nord. Ce constat, déjà fait lors des précédentes enquêtes, continue d'être alarmant et n'a pas tendance à décroître, a souligné Catherine Deneux.
En outre, on observe dans le dernier rapport une augmentation de la mortalité maternelle chez les femmes nées dans des pays autres qu'en Afrique ou en Europe. Leur taux de mortalité maternelle atteint aussi 28 pour 100.000, alors qu'en 2007-2009 il n'était pas significativement différent du taux observé chez les femmes nées en France.
"Il faut comprendre ce qui se passe dans ces groupes de migration", a-t-elle conclu.
cd/eh/APMnews