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04/12 2023
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LA PANDÉMIE DE COVID-19 A DES EFFETS PERSISTANTS SUR LA SANTÉ MENTALE DES ENFANTS ET ADOLESCENTS TROIS ANS APRÈS

LYON, 4 décembre 2023 (APMnews) - La pandémie de Covid-19 a des effets persistants sur la santé mentale des enfants et adolescents, en particulier les filles, trois ans après, et des actions restent nécessaires pour répondre aux besoins, selon des données présentées au Congrès français de psychiatrie, la semaine dernière à Lyon.

Depuis le début de la crise Covid-19, de nombreux services de soins, de professionnels de la santé et de l'enfance ont alerté sur la situation de la santé mentale des enfants et adolescents, notamment en France. De nombreux articles de presse et d'articles scientifiques ont été publiés, mettant en lumière l'augmentation de la demande de soins de cette population pour des problèmes de santé mentale mais aussi le mauvais état de santé de la psychiatrie de l'enfance et de l'adolescence en France, a rappelé le Dr Vincent Trebossen, psychiatre de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital Robert-Debré à Paris (AP-HP) lors d'une session orale sur les troubles pédopsychiatriques et neurodéveloppementaux.

Avant la pandémie, il y avait déjà une augmentation des consultations et des passages aux urgences pour tentative de suicide en particulier chez les enfants et les adolescents, dans plusieurs pays et notamment en France à Robert-Debré, puis l'accélération a été très importante en 2020 et 2021.

Le Dr Trebossen et ses collègues ont voulu savoir quelle était la situation trois ans après le début de la pandémie. Pour cela, ils ont mené une étude de cohorte nationale à partir des données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) sur cinq périodes, prépandémique de janvier 2016 à février 2020, lors du confinement strict de mars à mai 2020, lors de la première année post-confinement de juin 2020 à mai 2021 puis les deux années suivantes de juin 2021 à mai 2022 et de juin 2022 à mai 2023, ainsi que de la base des résumés de passage aux urgences (RPU).

Au total, l'analyse a porté sur 474.999 séjours d'hospitalisation et 345.563 passages au service d'accueil des urgences (SAU) pour un motif de santé mentale et il apparaît notamment qu'après la pandémie, plus de patients avec un niveau socio-économique bas ont consulté.

Le taux mensuel d'hospitalisations pour santé mentale par mois, qui était de 51,6 pour 100.000 en période prépandémique, et celui du passage en SAU, initialement de 42,3 pour 100.000, ont baissé d'environ 3% et 6% en cumulé respectivement lors de la première année de pandémie par rapport avec ce qui était attendu, en raison de la fermeture des lits d'hospitalisation et les difficultés d'accès aux soins en général dans le contexte du confinement.

Puis les hospitalisations et les passages aux urgences ont réaugmenté puis rediminué au cours de la dernière période, avec quasi un retour à la normale pour l'ensemble de la population, tous âges et sexes confondus.

Les adolescentes, un groupe particulièrement vulnérable

Cependant, l'analyse par sous-groupe montre que chez les jeunes filles de 12 à 17 ans, les hospitalisations pour motif de santé mentale et les passages au SAU pour tous motifs ont augmenté un an, deux ans et même trois ans après le début de la pandémie. Les taux sont en particulier plus importants la deuxième année (respectivement +20% et +14,6% en cumulé) par rapport à ce qui était attendu à partir de l'évolution antérieure puis diminuent mais tout en restant supérieur à ce qui était attendu (respectivement +11% et +6,7%).

Concernant les motifs d'hospitalisation et de passage aux urgences, les troubles des conduites alimentaires et du sommeil sont ceux qui ont le plus augmenté et cette hausse reste encore très importante. Les troubles de l'humeur ont également augmenté mais on revient à des taux proches de ce qui est attendu, a précisé le Dr Trebossen. Par ailleurs, il apparaît une hausse des passages aux SAU pour des troubles du spectre de l'autisme et troubles du langage et des apprentissages, ce qui n'était pas attendu.

Les données sont différentes pour les tentatives de suicide. Après une diminution pendant le confinement, les taux mensuels d'hospitalisation et de passage au SAU sont "en nette augmentation", avec en cumulé respectivement +8% et +10% la première année, puis +39% et +46,5% la deuxième et +29% et +42% la troisième par rapport à ce qui était attendu.

L'analyse par sous-groupe montre que ce sont encore les adolescentes qui portent principalement cette tendance mais aussi les filles de 6-11 ans pour les passages en SAU en particulier.

Selon les données de la littérature, parmi les facteurs de vulnérabilité en santé mentale chez l'enfant et l'adolescent figurent notamment un niveau socio-économique bas, l'isolement social, la séparation, le deuil, la perte des routines familiales et scolaires ainsi que des antécédents de traumatisme et de troubles psychiatriques et les besoins spécifiques (enfants avec troubles du neurodéveloppement par exemple), a rappelé le Dr Trebossen.

Le rôle des réseaux sociaux pose par ailleurs question car les enfants et adolescents les ont beaucoup plus utilisés pendant le confinement et cette utilisation accrue s'est maintenue après. Or, plusieurs études suggèrent que le temps passé sur les réseaux sociaux est associé à des symptômes dépressifs et anxieux voire des idées suicidaires.

Un autre facteur à examiner, c'est le rôle des violences et du harcèlement, a ajouté le psychiatre, rappelant que les violences intrafamiliales ont augmenté pendant le confinement mais aussi le harcèlement et le cyberharcèlement chez les jeunes.

L'ensemble de ces données montre que la crise Covid a un impact persistant à distance sur la santé mentale des enfants et adolescents. Trois ans après le début de la pandémie, les hospitalisations et passages aux SAU pour motif de santé mentale se sont stabilisées mais à un niveau plus élevé qu'attendu, en particulier les tentatives de suicide, les filles constituant un groupe à risque à surveiller, a conclu le psychiatre.

Les facteurs sous-jacents restent à déterminer donc il faut continuer à suivre cette population et ces indicateurs pour également mieux cibler les actions de prévention et continuer à réorganiser le système de soins pour répondre aux besoins, a-t-il ajouté.

ld/nc/APMnews

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LYON, 4 décembre 2023 (APMnews) - La pandémie de Covid-19 a des effets persistants sur la santé mentale des enfants et adolescents, en particulier les filles, trois ans après, et des actions restent nécessaires pour répondre aux besoins, selon des données présentées au Congrès français de psychiatrie, la semaine dernière à Lyon.

Depuis le début de la crise Covid-19, de nombreux services de soins, de professionnels de la santé et de l'enfance ont alerté sur la situation de la santé mentale des enfants et adolescents, notamment en France. De nombreux articles de presse et d'articles scientifiques ont été publiés, mettant en lumière l'augmentation de la demande de soins de cette population pour des problèmes de santé mentale mais aussi le mauvais état de santé de la psychiatrie de l'enfance et de l'adolescence en France, a rappelé le Dr Vincent Trebossen, psychiatre de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital Robert-Debré à Paris (AP-HP) lors d'une session orale sur les troubles pédopsychiatriques et neurodéveloppementaux.

Avant la pandémie, il y avait déjà une augmentation des consultations et des passages aux urgences pour tentative de suicide en particulier chez les enfants et les adolescents, dans plusieurs pays et notamment en France à Robert-Debré, puis l'accélération a été très importante en 2020 et 2021.

Le Dr Trebossen et ses collègues ont voulu savoir quelle était la situation trois ans après le début de la pandémie. Pour cela, ils ont mené une étude de cohorte nationale à partir des données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) sur cinq périodes, prépandémique de janvier 2016 à février 2020, lors du confinement strict de mars à mai 2020, lors de la première année post-confinement de juin 2020 à mai 2021 puis les deux années suivantes de juin 2021 à mai 2022 et de juin 2022 à mai 2023, ainsi que de la base des résumés de passage aux urgences (RPU).

Au total, l'analyse a porté sur 474.999 séjours d'hospitalisation et 345.563 passages au service d'accueil des urgences (SAU) pour un motif de santé mentale et il apparaît notamment qu'après la pandémie, plus de patients avec un niveau socio-économique bas ont consulté.

Le taux mensuel d'hospitalisations pour santé mentale par mois, qui était de 51,6 pour 100.000 en période prépandémique, et celui du passage en SAU, initialement de 42,3 pour 100.000, ont baissé d'environ 3% et 6% en cumulé respectivement lors de la première année de pandémie par rapport avec ce qui était attendu, en raison de la fermeture des lits d'hospitalisation et les difficultés d'accès aux soins en général dans le contexte du confinement.

Puis les hospitalisations et les passages aux urgences ont réaugmenté puis rediminué au cours de la dernière période, avec quasi un retour à la normale pour l'ensemble de la population, tous âges et sexes confondus.

Les adolescentes, un groupe particulièrement vulnérable

Cependant, l'analyse par sous-groupe montre que chez les jeunes filles de 12 à 17 ans, les hospitalisations pour motif de santé mentale et les passages au SAU pour tous motifs ont augmenté un an, deux ans et même trois ans après le début de la pandémie. Les taux sont en particulier plus importants la deuxième année (respectivement +20% et +14,6% en cumulé) par rapport à ce qui était attendu à partir de l'évolution antérieure puis diminuent mais tout en restant supérieur à ce qui était attendu (respectivement +11% et +6,7%).

Concernant les motifs d'hospitalisation et de passage aux urgences, les troubles des conduites alimentaires et du sommeil sont ceux qui ont le plus augmenté et cette hausse reste encore très importante. Les troubles de l'humeur ont également augmenté mais on revient à des taux proches de ce qui est attendu, a précisé le Dr Trebossen. Par ailleurs, il apparaît une hausse des passages aux SAU pour des troubles du spectre de l'autisme et troubles du langage et des apprentissages, ce qui n'était pas attendu.

Les données sont différentes pour les tentatives de suicide. Après une diminution pendant le confinement, les taux mensuels d'hospitalisation et de passage au SAU sont "en nette augmentation", avec en cumulé respectivement +8% et +10% la première année, puis +39% et +46,5% la deuxième et +29% et +42% la troisième par rapport à ce qui était attendu.

L'analyse par sous-groupe montre que ce sont encore les adolescentes qui portent principalement cette tendance mais aussi les filles de 6-11 ans pour les passages en SAU en particulier.

Selon les données de la littérature, parmi les facteurs de vulnérabilité en santé mentale chez l'enfant et l'adolescent figurent notamment un niveau socio-économique bas, l'isolement social, la séparation, le deuil, la perte des routines familiales et scolaires ainsi que des antécédents de traumatisme et de troubles psychiatriques et les besoins spécifiques (enfants avec troubles du neurodéveloppement par exemple), a rappelé le Dr Trebossen.

Le rôle des réseaux sociaux pose par ailleurs question car les enfants et adolescents les ont beaucoup plus utilisés pendant le confinement et cette utilisation accrue s'est maintenue après. Or, plusieurs études suggèrent que le temps passé sur les réseaux sociaux est associé à des symptômes dépressifs et anxieux voire des idées suicidaires.

Un autre facteur à examiner, c'est le rôle des violences et du harcèlement, a ajouté le psychiatre, rappelant que les violences intrafamiliales ont augmenté pendant le confinement mais aussi le harcèlement et le cyberharcèlement chez les jeunes.

L'ensemble de ces données montre que la crise Covid a un impact persistant à distance sur la santé mentale des enfants et adolescents. Trois ans après le début de la pandémie, les hospitalisations et passages aux SAU pour motif de santé mentale se sont stabilisées mais à un niveau plus élevé qu'attendu, en particulier les tentatives de suicide, les filles constituant un groupe à risque à surveiller, a conclu le psychiatre.

Les facteurs sous-jacents restent à déterminer donc il faut continuer à suivre cette population et ces indicateurs pour également mieux cibler les actions de prévention et continuer à réorganiser le système de soins pour répondre aux besoins, a-t-il ajouté.

ld/nc/APMnews

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