Actualités de l'Urgence - APM

07/08 2023
Retour

LA RÉALITÉ AUGMENTÉE AU PROFIT DU TRAITEMENT DES FISTULES ANALES

PARIS, 7 août 2023 (APMnews) - Dans le traitement des fistules anales liées à la maladie de Crohn par la thérapie cellulaire Alofisel* (darvadstrocel, Takeda), le recours à la réalité augmentée aiderait à réaliser les injections et pourrait améliorer les résultats pour les patients, comme cela a été testé mi-juillet par l'équipe de proctologie de l'hôpital Paris Saint-Joseph avec l'aide de la société Visible Patient.

Alofisel* est une thérapie cellulaire constituée de cellules souches mésenchymateuses humaines allogéniques autorisée dans le traitement des fistules péri-anales complexes chez les patients adultes atteints d'une maladie de Crohn luminale inactive ou légèrement active, rappelle-t-on. Ce traitement doit être injecté aux patients en profondeur, le long des trajets fistuleux.

D'ordinaire, pour réaliser les injections, le Dr Nadia Fathallah de l'hôpital Paris Saint-Joseph se base sur son expérience clinique (elle a déjà injecté quelque 70 patients) et sur les images d'IRM, qu'elle réétudie juste avant d'opérer. "On repère les trajets fistuleux et les diverticules et on essaye d'orienter nos injections sur les trajets fistuleux un peu à l'aveugle", explique-t-elle à APMnews.

"Le laboratoire Takeda qui nous accompagne a vu qu'il y avait quelques difficultés pour savoir le trajet fistuleux" et "nous a mis en contact avec la société Visible Patient", raconte-t-elle: cette société strasbourgeoise, spécialisée dans la modélisation 3D personnalisée des patients, a utilisé les images d'IRM de deux patients pour créer une image en 3D permettant de visualiser les trajets fistuleux de façon simplifiée.

Le 19 juillet dernier, le Dr Nadia Fathallah a réalisé des injections sur ces deux patients. Equipée du casque HoloLens* (Microsoft) de réalité augmentée, la spécialiste raconte qu'elle était ainsi capable de consulter les images en peropératoire, en les superposant sur le patient ou en les regardant de côté.

Elle décrit pouvoir différencier sur la modélisation 3D les os, muscles, nerfs, sphincters, etc., des patients, et tourner le pelvis dans tous les plans de l'espace, "ce qui nous permet de voir où il faut qu'on se dirige".

Une technologie déjà bien en place

Interviewé lundi par APMnews, le Pr Luc Soler de l'institut hospitalo-universitaire (IHU) de Strasbourg et président de Visible Patient explique que leurs modélisations, distribuées par Johnson & Johnson à un marché principalement européen, sont utilisées dans 70 hôpitaux en France.

Leur technologie permet de modéliser n'importe quel organe et peut ainsi être utilisée dans "n'importe quelle pathologie visible dans une image médicale". Les demandes concernent principalement des opérations de cancer (thoracique, hépatique, pancréatique, biliaire…) et des opérations pédiatriques de tout type. Plus rarement, Visible patient a été utilisé pour des pathologies osseuses et des cancers atypiques, comme les neuroblastomes.

Sur le plan technique, la société Visible Patient utilise généralement des images scanner dont la résolution spatiale est meilleure pour concevoir les modélisations 3D. Dans le cas des fistules anales (et des opérations du pelvis en général), les images d'IRM sont préférées car elles offrent un meilleur contraste sur les tissus mous.

Il est néanmoins nécessaire de réaliser une acquisition spécifique, avec une résolution de 1 millimètre entre deux coupes, ce qui prend plus de temps qu'une IRM classique (environ 5 mm entre deux coupes). Ce problème ne se pose pas avec le scanner, de bonne résolution en quelques secondes.

Luc Soler raconte qu'avant ces deux patients, la modélisation 3D avait déjà été utilisée en coloproctologie, pour des fermetures plus classiques de fistules, mais qu'il n'y avait pas vraiment de bénéfices cliniques -l'opération étant principalement superficielle-, et donc peu de demandes.

En revanche, il estime que cela pourrait avoir un intérêt dans ce traitement par injection à cause de sa difficulté opératoire beaucoup plus importante. La Dr Fathallah confirme en effet le besoin de réaliser des "injections très localisées" car une meilleure efficacité a été montrée quand les injections sont faites directement au site lésionnel.

De potentiels bénéfices cliniques pour les patients

Sur le plan clinique, le chercheur strasbourgeois explique que des études évaluant l'intérêt de Visible Patient ont déjà été menées dans d'autres spécialités et que plusieurs bénéfices ont été démontrés:

  • moins de changements de choix thérapeutique durant l'intervention liés à une variation anatomique non repérée avant
  • un temps opératoire réduit grâce à la connaissance précise de l'anatomie spécifique du patient, de 30 minutes au moins pour une opération de 3 heures
  • une réduction des saignements opératoires (et donc du recours à la transfusion)
  • moins de complications post-opératoires.

Il ajoute à cela des bénéfices non cliniques, comme une meilleure communication entre le chirurgien et son patient grâce à une image en couleur et en 3D, ou un confort opératoire pour le médecin.

A l'hôpital Paris Saint-Joseph, une étude va justement être menée pour évaluer l'intérêt de la réalité augmentée pour l'opération de patients traités avec Alofisel*. Nadia Fathallah explique que 20 patients vont être opérés en ayant recours à cette technologie puis comparés à d'anciens patients déjà inclus dans un protocole d'étude et suivis de façon rapprochée.

"Si ça améliore les résultats, évidemment il y a un intérêt, sinon ça pourrait être un gadget sans avenir", avance-t-elle, mais reconnaît déjà une amélioration du confort opératoire.

De plus, "si on montre que c'est bien, on pourrait l'utiliser pour plein d'autres indications [en coloproctologie]", estime la spécialiste. "Ce n'est pas spécifiquement pour l'injection de cellules souches mais ça nous permettrait également d'opérer les patients en phase d'abcès ou pour le drainage de fistules complexes. Le but est d'utiliser cette technologie pour améliorer la prise en charge de tous les patients."

Une entrée complexe dans le droit commun

Le coût d'une modélisation varie entre 500 € et 700 €, montants qui sont actuellement pris en charge par les mutuelles et assurances privées. Mais "on voudrait que l'Etat prenne en charge une partie du coût", avance le Pr Soler. Des discussions à cette fin seraient en cours.

Le problème est qu'il n'est pas possible de mener une vraie étude multicentrique randomisée démontrant le bénéfice médico-économique du service car la modélisation 3D change à chaque patient, explique-t-il, estimant être face à "un mur de difficultés pratiques et théoriques".

Dans les études déjà menées, il a été demandé aux chirurgiens de préparer leur opération sans modèle 3D, puis de consulter la modélisation juste avant l'opération et en peropératoire, explique Luc Soler. Les patients étaient ainsi "leur propre contrôle", et un tiers des médecins changeaient de stratégie opératoire avec les informations 3D. Mais ces études non randomisées n'ont pas de valeur pour la sécurité sociale, déplore le président de Visible Patient.

"On essaye de trouver des solutions pour contourner le système actuel, grâce aux financements de l'Etat sur la e-santé notamment, et sur les innovations thérapeutiques."

De plus, il rappelle que tous les bénéfices associés à l'utilisation de cette technologie, comme la réduction du temps opératoire ou du recours à la transfusion, sont économiquement très rentables.

Le spécialiste précise cependant bien qu'il n'est pas question de prendre en charge la reconstruction 3D en général mais en fonction de l'acte, de façon à ne prendre en charge que les cas pour lesquels cela a un intérêt clinique.

pl/ab/APMnews

Les données APM Santé sont la propriété de APM International. Toute copie, republication ou redistribution des données APM Santé, notamment via la mise en antémémoire, l'encadrement ou des moyens similaires, est expressément interdite sans l'accord préalable écrit de APM. APM ne sera pas responsable des erreurs ou des retards dans les données ou de toutes actions entreprises en fonction de celles-ci ou toutes décisions prises sur la base du service. APM, APM Santé et le logo APM International, sont des marques d'APM International dans le monde. Pour de plus amples informations sur les autres services d'APM, veuillez consulter le site Web public d'APM à l'adresse www.apmnews.com

Copyright © APM-Santé - Tous droits réservés.

Informations professionnelles

07/08 2023
Retour

LA RÉALITÉ AUGMENTÉE AU PROFIT DU TRAITEMENT DES FISTULES ANALES

PARIS, 7 août 2023 (APMnews) - Dans le traitement des fistules anales liées à la maladie de Crohn par la thérapie cellulaire Alofisel* (darvadstrocel, Takeda), le recours à la réalité augmentée aiderait à réaliser les injections et pourrait améliorer les résultats pour les patients, comme cela a été testé mi-juillet par l'équipe de proctologie de l'hôpital Paris Saint-Joseph avec l'aide de la société Visible Patient.

Alofisel* est une thérapie cellulaire constituée de cellules souches mésenchymateuses humaines allogéniques autorisée dans le traitement des fistules péri-anales complexes chez les patients adultes atteints d'une maladie de Crohn luminale inactive ou légèrement active, rappelle-t-on. Ce traitement doit être injecté aux patients en profondeur, le long des trajets fistuleux.

D'ordinaire, pour réaliser les injections, le Dr Nadia Fathallah de l'hôpital Paris Saint-Joseph se base sur son expérience clinique (elle a déjà injecté quelque 70 patients) et sur les images d'IRM, qu'elle réétudie juste avant d'opérer. "On repère les trajets fistuleux et les diverticules et on essaye d'orienter nos injections sur les trajets fistuleux un peu à l'aveugle", explique-t-elle à APMnews.

"Le laboratoire Takeda qui nous accompagne a vu qu'il y avait quelques difficultés pour savoir le trajet fistuleux" et "nous a mis en contact avec la société Visible Patient", raconte-t-elle: cette société strasbourgeoise, spécialisée dans la modélisation 3D personnalisée des patients, a utilisé les images d'IRM de deux patients pour créer une image en 3D permettant de visualiser les trajets fistuleux de façon simplifiée.

Le 19 juillet dernier, le Dr Nadia Fathallah a réalisé des injections sur ces deux patients. Equipée du casque HoloLens* (Microsoft) de réalité augmentée, la spécialiste raconte qu'elle était ainsi capable de consulter les images en peropératoire, en les superposant sur le patient ou en les regardant de côté.

Elle décrit pouvoir différencier sur la modélisation 3D les os, muscles, nerfs, sphincters, etc., des patients, et tourner le pelvis dans tous les plans de l'espace, "ce qui nous permet de voir où il faut qu'on se dirige".

Une technologie déjà bien en place

Interviewé lundi par APMnews, le Pr Luc Soler de l'institut hospitalo-universitaire (IHU) de Strasbourg et président de Visible Patient explique que leurs modélisations, distribuées par Johnson & Johnson à un marché principalement européen, sont utilisées dans 70 hôpitaux en France.

Leur technologie permet de modéliser n'importe quel organe et peut ainsi être utilisée dans "n'importe quelle pathologie visible dans une image médicale". Les demandes concernent principalement des opérations de cancer (thoracique, hépatique, pancréatique, biliaire…) et des opérations pédiatriques de tout type. Plus rarement, Visible patient a été utilisé pour des pathologies osseuses et des cancers atypiques, comme les neuroblastomes.

Sur le plan technique, la société Visible Patient utilise généralement des images scanner dont la résolution spatiale est meilleure pour concevoir les modélisations 3D. Dans le cas des fistules anales (et des opérations du pelvis en général), les images d'IRM sont préférées car elles offrent un meilleur contraste sur les tissus mous.

Il est néanmoins nécessaire de réaliser une acquisition spécifique, avec une résolution de 1 millimètre entre deux coupes, ce qui prend plus de temps qu'une IRM classique (environ 5 mm entre deux coupes). Ce problème ne se pose pas avec le scanner, de bonne résolution en quelques secondes.

Luc Soler raconte qu'avant ces deux patients, la modélisation 3D avait déjà été utilisée en coloproctologie, pour des fermetures plus classiques de fistules, mais qu'il n'y avait pas vraiment de bénéfices cliniques -l'opération étant principalement superficielle-, et donc peu de demandes.

En revanche, il estime que cela pourrait avoir un intérêt dans ce traitement par injection à cause de sa difficulté opératoire beaucoup plus importante. La Dr Fathallah confirme en effet le besoin de réaliser des "injections très localisées" car une meilleure efficacité a été montrée quand les injections sont faites directement au site lésionnel.

De potentiels bénéfices cliniques pour les patients

Sur le plan clinique, le chercheur strasbourgeois explique que des études évaluant l'intérêt de Visible Patient ont déjà été menées dans d'autres spécialités et que plusieurs bénéfices ont été démontrés:

  • moins de changements de choix thérapeutique durant l'intervention liés à une variation anatomique non repérée avant
  • un temps opératoire réduit grâce à la connaissance précise de l'anatomie spécifique du patient, de 30 minutes au moins pour une opération de 3 heures
  • une réduction des saignements opératoires (et donc du recours à la transfusion)
  • moins de complications post-opératoires.

Il ajoute à cela des bénéfices non cliniques, comme une meilleure communication entre le chirurgien et son patient grâce à une image en couleur et en 3D, ou un confort opératoire pour le médecin.

A l'hôpital Paris Saint-Joseph, une étude va justement être menée pour évaluer l'intérêt de la réalité augmentée pour l'opération de patients traités avec Alofisel*. Nadia Fathallah explique que 20 patients vont être opérés en ayant recours à cette technologie puis comparés à d'anciens patients déjà inclus dans un protocole d'étude et suivis de façon rapprochée.

"Si ça améliore les résultats, évidemment il y a un intérêt, sinon ça pourrait être un gadget sans avenir", avance-t-elle, mais reconnaît déjà une amélioration du confort opératoire.

De plus, "si on montre que c'est bien, on pourrait l'utiliser pour plein d'autres indications [en coloproctologie]", estime la spécialiste. "Ce n'est pas spécifiquement pour l'injection de cellules souches mais ça nous permettrait également d'opérer les patients en phase d'abcès ou pour le drainage de fistules complexes. Le but est d'utiliser cette technologie pour améliorer la prise en charge de tous les patients."

Une entrée complexe dans le droit commun

Le coût d'une modélisation varie entre 500 € et 700 €, montants qui sont actuellement pris en charge par les mutuelles et assurances privées. Mais "on voudrait que l'Etat prenne en charge une partie du coût", avance le Pr Soler. Des discussions à cette fin seraient en cours.

Le problème est qu'il n'est pas possible de mener une vraie étude multicentrique randomisée démontrant le bénéfice médico-économique du service car la modélisation 3D change à chaque patient, explique-t-il, estimant être face à "un mur de difficultés pratiques et théoriques".

Dans les études déjà menées, il a été demandé aux chirurgiens de préparer leur opération sans modèle 3D, puis de consulter la modélisation juste avant l'opération et en peropératoire, explique Luc Soler. Les patients étaient ainsi "leur propre contrôle", et un tiers des médecins changeaient de stratégie opératoire avec les informations 3D. Mais ces études non randomisées n'ont pas de valeur pour la sécurité sociale, déplore le président de Visible Patient.

"On essaye de trouver des solutions pour contourner le système actuel, grâce aux financements de l'Etat sur la e-santé notamment, et sur les innovations thérapeutiques."

De plus, il rappelle que tous les bénéfices associés à l'utilisation de cette technologie, comme la réduction du temps opératoire ou du recours à la transfusion, sont économiquement très rentables.

Le spécialiste précise cependant bien qu'il n'est pas question de prendre en charge la reconstruction 3D en général mais en fonction de l'acte, de façon à ne prendre en charge que les cas pour lesquels cela a un intérêt clinique.

pl/ab/APMnews

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites.