Actualités de l'Urgence - APM
LA SFN ALERTE SUR UN CAPACITAIRE ET DES RESSOURCES HUMAINES TRÈS INSUFFISANTS POUR LES SOINS CRITIQUES NÉONATALS
Devant les résultats de ses travaux, la SFN demande que la direction générale de l'offre de soins (DGOS) rouvre urgemment les discussions avec elle "pour revoir l'organisation des soins critiques en néonatologie".
Face au constat de l'augmentation de la mortalité néonatale depuis 10 ans en France, la SFN a mené une série d'enquêtes entre 2021 et 2023 sur l'offre de soins en néonatologie, en particulier en soins critiques (services de type 3), portant sur le taux d'occupation des lits (un jour donné par semaine), la qualité de vie et charge au travail des néonatologistes, le capacitaire (taux d'occupation, effectifs médicaux, permanences des soins) et la charge en soins des infirmiers. Les résultats en sont "très préoccupants", signale-t-elle.
La position de la France a reculé en Europe de la troisième place des pays à la plus faible mortalité infantile en 1996-2000 à la 20e place en 2022. Cet excès est majoritairement dû à un excès de mortalité néonatale, qui représente 74% des décès survenus avant l'âge d'un an, une concentration qui s'accentue au fil des années, rappelle la société savante.
Il y a plusieurs explications possibles à cette hausse de la mortalité néonatale: augmentation de l'âge maternel, des grossesses multiples, des situations de précarité, mais aussi dégradation du circuit de soins.
"Contrairement à la réanimation adulte et pédiatrique, l'organisation des soins critiques en néonatologie repose sur des décrets qui datent de 1998 et qui n'ont pas été revus", souligne la SFN.
Selon les données Insee 2022, le nombre de lits de réanimation néonatale pour 1.000 naissances varie du simple au double dans les régions de la métropole, entre 0,60 et 1,28 (et de 0,96 à 2,84 outre-mer). Il est en outre très inférieur au taux observé aux Etats-Unis ou en Chine.
"Malgré la baisse récente de la natalité, l'offre de soins critiques néonatals reste insuffisante d'autant que l'on observe des fermetures de lits par manque de personnel, fermetures qui représentaient en moyenne 5% des lits de soins critiques en juin 2023."
La SFN pointe également le recul des limites d'âge gestationnel pour la prise en charge de l'extrême prématurité, ainsi que l'augmentation des poursuites de grossesses affectées par une malformation fœtale grave et incurable (+200% en 10 ans selon l'Agence de la biomédecine). Ces facteurs augmentent le nombre de nouveau-nés nécessitant des soins critiques.
Elle a relevé dans son audit des taux d'occupation des lits "très élevés", de 91,3% à 93,8% pour les soins critiques, et supérieur à 100% en réanimation pendant environ 20% du temps. Entre 43% et 44% des unités ont un taux d'occupation d'au moins 95%, et 23% des services refusent régulièrement des entrées critiques, faute de place.
"Ces chiffres sont préoccupants car des taux d'occupation élevés sont associés à une augmentation du risque de morbidité sévère et de mortalité chez les grands prématurés", souligne la SFN.
Des effectifs insuffisants et fragiles
Du côté des ressources humaines, 72% des services de type 3 ont des difficultés à assurer la permanence des soins et 80% des services partenaires des types 3 (les services de type 2B) ont des difficultés à constituer leurs listes de garde.
Il existe au moins un poste de pédiatre néonatologiste vacant dans 73% des services de type 3, et deux ou plus dans 46% des services.
Huit pédiatres néonatologistes sur 10 déclarent travailler plus de 50 heures par semaine et 13% plus de 75 h. Près de la moitié font cinq gardes ou plus par mois et un sur cinq travaille trois ou quatre week-ends par mois. La moitié de néonatologistes font part de troubles du sommeil en lien avec leur travail, et 17% ont eu un épisode de burn-out ou de dépression.
Les effectifs infirmiers sont constitués pour un tiers de personnel ayant moins de deux ans d'expérience (considéré comme le niveau de compétence suffisant), dans 80% des services de type 3. En outre, la pédiatrie et la néonatologie ont été supprimées du programme d'enseignement du diplôme d'Etat d'infirmier, en 2009.
La SFN a évalué la charge en soins pour 7.031 enfants hospitalisés en soins critiques en juin 2023, à l'aide de la grille WANNNT, "utilisée en routine au Québec pour adapter les ressources humaines en néonatologie".
Le rapport médian entre effectifs infirmiers réels et effectifs théoriques souhaitables (calculés en fonction du niveau de charge en soins selon les catégories de l'échelle WANNNT) était de 0,85. En se basant sur les effectifs théoriques fixés par les décrets de 1998, le rapport entre effectifs réels et effectifs théoriques était de 0,95.
"Quel que soit le mode de calcul (WANNNT ou décrets de 1998), la majorité des journées étaient en sous-effectif infirmier (NPR [Nurse Provision Ratio] <1)": cela concernait jusqu'à 70,5% des journées quand on considère la charge en soins, et 58,8% quand on évalue les besoins à partir des décrets.
"Le sous-effectif était sévère (NPR<0,8) pour près de 40% des journées quand on considère la charge en soins." Les effectifs infirmiers recommandés par les décrets de 1998 étaient inadaptés à la charge en soins réelle dans 90% des cas, le plus souvent ils étaient sous-estimés.
Qualité des soins et sécurité des nouveau-nés requérant des soins critiques: état des lieux en 2023
cd/ab/APMnews
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LA SFN ALERTE SUR UN CAPACITAIRE ET DES RESSOURCES HUMAINES TRÈS INSUFFISANTS POUR LES SOINS CRITIQUES NÉONATALS
Devant les résultats de ses travaux, la SFN demande que la direction générale de l'offre de soins (DGOS) rouvre urgemment les discussions avec elle "pour revoir l'organisation des soins critiques en néonatologie".
Face au constat de l'augmentation de la mortalité néonatale depuis 10 ans en France, la SFN a mené une série d'enquêtes entre 2021 et 2023 sur l'offre de soins en néonatologie, en particulier en soins critiques (services de type 3), portant sur le taux d'occupation des lits (un jour donné par semaine), la qualité de vie et charge au travail des néonatologistes, le capacitaire (taux d'occupation, effectifs médicaux, permanences des soins) et la charge en soins des infirmiers. Les résultats en sont "très préoccupants", signale-t-elle.
La position de la France a reculé en Europe de la troisième place des pays à la plus faible mortalité infantile en 1996-2000 à la 20e place en 2022. Cet excès est majoritairement dû à un excès de mortalité néonatale, qui représente 74% des décès survenus avant l'âge d'un an, une concentration qui s'accentue au fil des années, rappelle la société savante.
Il y a plusieurs explications possibles à cette hausse de la mortalité néonatale: augmentation de l'âge maternel, des grossesses multiples, des situations de précarité, mais aussi dégradation du circuit de soins.
"Contrairement à la réanimation adulte et pédiatrique, l'organisation des soins critiques en néonatologie repose sur des décrets qui datent de 1998 et qui n'ont pas été revus", souligne la SFN.
Selon les données Insee 2022, le nombre de lits de réanimation néonatale pour 1.000 naissances varie du simple au double dans les régions de la métropole, entre 0,60 et 1,28 (et de 0,96 à 2,84 outre-mer). Il est en outre très inférieur au taux observé aux Etats-Unis ou en Chine.
"Malgré la baisse récente de la natalité, l'offre de soins critiques néonatals reste insuffisante d'autant que l'on observe des fermetures de lits par manque de personnel, fermetures qui représentaient en moyenne 5% des lits de soins critiques en juin 2023."
La SFN pointe également le recul des limites d'âge gestationnel pour la prise en charge de l'extrême prématurité, ainsi que l'augmentation des poursuites de grossesses affectées par une malformation fœtale grave et incurable (+200% en 10 ans selon l'Agence de la biomédecine). Ces facteurs augmentent le nombre de nouveau-nés nécessitant des soins critiques.
Elle a relevé dans son audit des taux d'occupation des lits "très élevés", de 91,3% à 93,8% pour les soins critiques, et supérieur à 100% en réanimation pendant environ 20% du temps. Entre 43% et 44% des unités ont un taux d'occupation d'au moins 95%, et 23% des services refusent régulièrement des entrées critiques, faute de place.
"Ces chiffres sont préoccupants car des taux d'occupation élevés sont associés à une augmentation du risque de morbidité sévère et de mortalité chez les grands prématurés", souligne la SFN.
Des effectifs insuffisants et fragiles
Du côté des ressources humaines, 72% des services de type 3 ont des difficultés à assurer la permanence des soins et 80% des services partenaires des types 3 (les services de type 2B) ont des difficultés à constituer leurs listes de garde.
Il existe au moins un poste de pédiatre néonatologiste vacant dans 73% des services de type 3, et deux ou plus dans 46% des services.
Huit pédiatres néonatologistes sur 10 déclarent travailler plus de 50 heures par semaine et 13% plus de 75 h. Près de la moitié font cinq gardes ou plus par mois et un sur cinq travaille trois ou quatre week-ends par mois. La moitié de néonatologistes font part de troubles du sommeil en lien avec leur travail, et 17% ont eu un épisode de burn-out ou de dépression.
Les effectifs infirmiers sont constitués pour un tiers de personnel ayant moins de deux ans d'expérience (considéré comme le niveau de compétence suffisant), dans 80% des services de type 3. En outre, la pédiatrie et la néonatologie ont été supprimées du programme d'enseignement du diplôme d'Etat d'infirmier, en 2009.
La SFN a évalué la charge en soins pour 7.031 enfants hospitalisés en soins critiques en juin 2023, à l'aide de la grille WANNNT, "utilisée en routine au Québec pour adapter les ressources humaines en néonatologie".
Le rapport médian entre effectifs infirmiers réels et effectifs théoriques souhaitables (calculés en fonction du niveau de charge en soins selon les catégories de l'échelle WANNNT) était de 0,85. En se basant sur les effectifs théoriques fixés par les décrets de 1998, le rapport entre effectifs réels et effectifs théoriques était de 0,95.
"Quel que soit le mode de calcul (WANNNT ou décrets de 1998), la majorité des journées étaient en sous-effectif infirmier (NPR [Nurse Provision Ratio] <1)": cela concernait jusqu'à 70,5% des journées quand on considère la charge en soins, et 58,8% quand on évalue les besoins à partir des décrets.
"Le sous-effectif était sévère (NPR<0,8) pour près de 40% des journées quand on considère la charge en soins." Les effectifs infirmiers recommandés par les décrets de 1998 étaient inadaptés à la charge en soins réelle dans 90% des cas, le plus souvent ils étaient sous-estimés.
Qualité des soins et sécurité des nouveau-nés requérant des soins critiques: état des lieux en 2023
cd/ab/APMnews