Actualités de l'Urgence - APM

05/12 2024
Retour

LA TÉLÉ-EXPERTISE SANS EFFET SUR LE RECOURS AUX URGENCES POUR MOTIF DERMATOLOGIQUE

(Par Luu-Ly DO-QUANG, au congrès de la Société française de dermatologie)

PARIS, 5 décembre 2024 (APMnews) - La mise en place de la télé-expertise dermatologique au CHU d'Angers ainsi qu'à l'hôpital de Lorient ne s'est pas traduite par une réduction des passages ou admissions au service d'accueil des urgences (SAU) pour motif dermatologique, selon des études présentées au congrès de la Société française de dermatologie (SFD), qui se tient cette semaine à Paris.

La pandémie de Covid-19 a poussé de nombreux hôpitaux à mettre en place rapidement une solution de télé-expertise pour assurer la continuité des soins mais sans anticiper les conséquences, et peu d'études ont évalué l'impact de ces nouveaux outils sur les parcours de soins, a rappelé le Dr Edmond Démoulins du CHU d'Angers lors d'une session orale des Journées dermatologiques de Paris (JDP).

Il est nécessaire de s'y intéresser pour déterminer si cet outil permet de soulager les dermatologues qui l'utilisent face à la démographie médicale déclinante et s'il permet de réduire la fréquentation du SAU.

Le Dr Démoulins et ses collègues ont mené une étude rétrospective sur les demandes de télé-expertise adressées au CHU d'Angers à partir d'un échantillon de quatre mois sur 2023 (janvier, février, mai et septembre, mois sans vacances scolaires).

L'analyse a porté sur 839 demandes qui concernaient des patients de 49 ans en moyenne (38% de plus de 65 ans et 15% d'enfants), dont 44% étaient des hommes, et étaient émises par 286 médecins, généralistes dans 95%.

Les demandent concernaient principalement une lésion suspecte (39%) suivie par des infections cutanées (15%), des éruptions cutanées (12%), des poussées de maladies chroniques déjà connues (10%), des plaies (5%), des suspicions de maladies systémiques (4%) et des toxidermies (1%). Pour 14%, les motifs étaient trop divers pour être catégorisés.

Depuis la mise en place du service de télé-expertise dermatologique en 2020, le nombre de demandes a augmenté, avec une difficulté à convoquer les patients lorsqu'un examen présentiel est nécessaire. Pour y faire face, de nouvelles plages de consultation post-télé-expertises ont été ouvertes.

Du côté du SAU, le nombre de passages pour motifs dermatologiques a augmenté, passant de 1.569 en 2021 à 1.608 en 2022 et 1.729 en 2023. Donc, il n'y a pas de lien entre l'activité de la télé-expertise et celle du SAU.

Du côté du dermatologue, celui-ci a pu donner une conduite à tenir pour 86,4% des demandes. Concernant les "échecs" de la télé-expertise, il apparaît que le principal motif est un problème de photos, dont la qualité est trop mauvaise (42%). Une amélioration est possible sur ce point comme sur les autres motifs cités, comme le manque d'informations transmises par le requérant (8%), l'absence de dermatoscopie (9%) ou une demande non adaptée (demande de rendez-vous simplement par exemple, 7%). Dans 31% de ces échecs, le diagnostic n'était pas univoque et dans 3%, des examens complémentaires étaient nécessaires.

Le service de dermatologie a convoqué en consultation 34,6% des patients ayant fait l'objet d'une télé-expertise (avec un délai de rendez-vous inférieur à un mois dans les deux tiers des cas) et 91% d'entre eux se sont présentés. A terme, 8% des patients sont entrés dans la file active, ce qui signifie que pour 92%, la télé-expertise, avec éventuellement une consultation, peut suffire à apporter une réponse à la demande.

Ajoutant que 89% des demandes émanaient du groupement hospitalier de territoire (GHT), le Dr Démoulins a estimé qu'il y avait encore une marge de progression sur le taux de réponses, notamment avec une formation des généralistes à la réalisation de photographies de qualité et qu'il est important d'organiser l'aval pour assurer les consultations post-télé-expertise.

A Lorient, forte part de la dermatologie dans la télé-expertise

Les résultats présentés sur poster par le Dr Kevin Chassain et ses collègues du groupe hospitalier Bretagne Sud à Lorient vont dans le même sens. Le service de dermatologie propose une télé-expertise depuis juillet 2021 et en avril 2024, la spécialité représentait 41,4% du volume total de télé-expertise sur l'établissement.

Entre janvier 2022 et avril 2024, 8.841 patients ont fait l'objet d'une demande de télé-expertise par un total de 610 requérants dont 94,7% de médecins généralistes, 4% de spécialistes d'organe et 1,3% de sages-femmes.

Le nombre moyen de demandes par semaine est passé de 55,7 en 2022, à 87,9 en 2023 puis 98,2 en 2024. Mais comme au CHU d'Angers, le nombre d'admissions au SAU pour motif dermatologique n'a pas baissé en parallèle: entre 2021 et 2023, il est resté globalement stable, passant de 1.697 à 1.659 admissions.

Concernant l'analyse des demandes de télé-expertise, il apparaît que la réactivité est importante, avec un délai de réponse de 11 heures en moyenne et 2 heures en médiane; aucune demande n'est restée sans réponse à sept jours.

La grande majorité des demandes (80,4%) proviennent du territoire de santé concernant l'établissement.

Les lésions suspectes représentaient le principal motif de demande de télé-expertise, avec des carcinomes ou lésions précancéreuses pour 25%, des lésions bénignes pigmentées dans 16%, des lésions bénignes non pigmentées dans 10%, un mélanome dans 3%, un eczéma dans 12%, un psoriasis dans 4%, une autre pathologie inflammatoire dans 17%, une plaie dans 3% et une pelade dans 1%.

Enfin, selon l'analyse, une consultation physique est proposée dans 27,8% des demandes et la demande de télé-expertise est rejetée dans 2,6% des cas.

Globalement, ces données montrent l'apport de la télé-expertise à la médecine de ville, un peu au-delà de la zone théorique d'activité de l'établissement. Cette activité se fait au prix d'une augmentation du temps de travail individuel des experts puisqu'elle est en sus d'une activité clinique stable mais le plateau n'est pas encore atteint, commentent les auteurs.

ld/ab/APMnews

Les données APM Santé sont la propriété de APM International. Toute copie, republication ou redistribution des données APM Santé, notamment via la mise en antémémoire, l'encadrement ou des moyens similaires, est expressément interdite sans l'accord préalable écrit de APM. APM ne sera pas responsable des erreurs ou des retards dans les données ou de toutes actions entreprises en fonction de celles-ci ou toutes décisions prises sur la base du service. APM, APM Santé et le logo APM International, sont des marques d'APM International dans le monde. Pour de plus amples informations sur les autres services d'APM, veuillez consulter le site Web public d'APM à l'adresse www.apmnews.com

Copyright © APM-Santé - Tous droits réservés.

Informations professionnelles

05/12 2024
Retour

LA TÉLÉ-EXPERTISE SANS EFFET SUR LE RECOURS AUX URGENCES POUR MOTIF DERMATOLOGIQUE

(Par Luu-Ly DO-QUANG, au congrès de la Société française de dermatologie)

PARIS, 5 décembre 2024 (APMnews) - La mise en place de la télé-expertise dermatologique au CHU d'Angers ainsi qu'à l'hôpital de Lorient ne s'est pas traduite par une réduction des passages ou admissions au service d'accueil des urgences (SAU) pour motif dermatologique, selon des études présentées au congrès de la Société française de dermatologie (SFD), qui se tient cette semaine à Paris.

La pandémie de Covid-19 a poussé de nombreux hôpitaux à mettre en place rapidement une solution de télé-expertise pour assurer la continuité des soins mais sans anticiper les conséquences, et peu d'études ont évalué l'impact de ces nouveaux outils sur les parcours de soins, a rappelé le Dr Edmond Démoulins du CHU d'Angers lors d'une session orale des Journées dermatologiques de Paris (JDP).

Il est nécessaire de s'y intéresser pour déterminer si cet outil permet de soulager les dermatologues qui l'utilisent face à la démographie médicale déclinante et s'il permet de réduire la fréquentation du SAU.

Le Dr Démoulins et ses collègues ont mené une étude rétrospective sur les demandes de télé-expertise adressées au CHU d'Angers à partir d'un échantillon de quatre mois sur 2023 (janvier, février, mai et septembre, mois sans vacances scolaires).

L'analyse a porté sur 839 demandes qui concernaient des patients de 49 ans en moyenne (38% de plus de 65 ans et 15% d'enfants), dont 44% étaient des hommes, et étaient émises par 286 médecins, généralistes dans 95%.

Les demandent concernaient principalement une lésion suspecte (39%) suivie par des infections cutanées (15%), des éruptions cutanées (12%), des poussées de maladies chroniques déjà connues (10%), des plaies (5%), des suspicions de maladies systémiques (4%) et des toxidermies (1%). Pour 14%, les motifs étaient trop divers pour être catégorisés.

Depuis la mise en place du service de télé-expertise dermatologique en 2020, le nombre de demandes a augmenté, avec une difficulté à convoquer les patients lorsqu'un examen présentiel est nécessaire. Pour y faire face, de nouvelles plages de consultation post-télé-expertises ont été ouvertes.

Du côté du SAU, le nombre de passages pour motifs dermatologiques a augmenté, passant de 1.569 en 2021 à 1.608 en 2022 et 1.729 en 2023. Donc, il n'y a pas de lien entre l'activité de la télé-expertise et celle du SAU.

Du côté du dermatologue, celui-ci a pu donner une conduite à tenir pour 86,4% des demandes. Concernant les "échecs" de la télé-expertise, il apparaît que le principal motif est un problème de photos, dont la qualité est trop mauvaise (42%). Une amélioration est possible sur ce point comme sur les autres motifs cités, comme le manque d'informations transmises par le requérant (8%), l'absence de dermatoscopie (9%) ou une demande non adaptée (demande de rendez-vous simplement par exemple, 7%). Dans 31% de ces échecs, le diagnostic n'était pas univoque et dans 3%, des examens complémentaires étaient nécessaires.

Le service de dermatologie a convoqué en consultation 34,6% des patients ayant fait l'objet d'une télé-expertise (avec un délai de rendez-vous inférieur à un mois dans les deux tiers des cas) et 91% d'entre eux se sont présentés. A terme, 8% des patients sont entrés dans la file active, ce qui signifie que pour 92%, la télé-expertise, avec éventuellement une consultation, peut suffire à apporter une réponse à la demande.

Ajoutant que 89% des demandes émanaient du groupement hospitalier de territoire (GHT), le Dr Démoulins a estimé qu'il y avait encore une marge de progression sur le taux de réponses, notamment avec une formation des généralistes à la réalisation de photographies de qualité et qu'il est important d'organiser l'aval pour assurer les consultations post-télé-expertise.

A Lorient, forte part de la dermatologie dans la télé-expertise

Les résultats présentés sur poster par le Dr Kevin Chassain et ses collègues du groupe hospitalier Bretagne Sud à Lorient vont dans le même sens. Le service de dermatologie propose une télé-expertise depuis juillet 2021 et en avril 2024, la spécialité représentait 41,4% du volume total de télé-expertise sur l'établissement.

Entre janvier 2022 et avril 2024, 8.841 patients ont fait l'objet d'une demande de télé-expertise par un total de 610 requérants dont 94,7% de médecins généralistes, 4% de spécialistes d'organe et 1,3% de sages-femmes.

Le nombre moyen de demandes par semaine est passé de 55,7 en 2022, à 87,9 en 2023 puis 98,2 en 2024. Mais comme au CHU d'Angers, le nombre d'admissions au SAU pour motif dermatologique n'a pas baissé en parallèle: entre 2021 et 2023, il est resté globalement stable, passant de 1.697 à 1.659 admissions.

Concernant l'analyse des demandes de télé-expertise, il apparaît que la réactivité est importante, avec un délai de réponse de 11 heures en moyenne et 2 heures en médiane; aucune demande n'est restée sans réponse à sept jours.

La grande majorité des demandes (80,4%) proviennent du territoire de santé concernant l'établissement.

Les lésions suspectes représentaient le principal motif de demande de télé-expertise, avec des carcinomes ou lésions précancéreuses pour 25%, des lésions bénignes pigmentées dans 16%, des lésions bénignes non pigmentées dans 10%, un mélanome dans 3%, un eczéma dans 12%, un psoriasis dans 4%, une autre pathologie inflammatoire dans 17%, une plaie dans 3% et une pelade dans 1%.

Enfin, selon l'analyse, une consultation physique est proposée dans 27,8% des demandes et la demande de télé-expertise est rejetée dans 2,6% des cas.

Globalement, ces données montrent l'apport de la télé-expertise à la médecine de ville, un peu au-delà de la zone théorique d'activité de l'établissement. Cette activité se fait au prix d'une augmentation du temps de travail individuel des experts puisqu'elle est en sus d'une activité clinique stable mais le plateau n'est pas encore atteint, commentent les auteurs.

ld/ab/APMnews

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites.