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06/09 2021
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LE 13 NOVEMBRE 2015, LA NUIT OÙ SAMU ET HÔPITAUX FRANCILIENS SONT ENTRÉS DANS UN "TUNNEL DE SOINS" FACE À UN "MASSACRE MONSTRUEUX"

PARIS, 6 septembre 2021 (APMnews) - France Info a rendu publique la semaine dernière une bande son d'une vingtaine de minutes synthétisant des appels qui, dans la nuit du 13 novembre 2015, ont transité par la plateforme du Samu de Paris, en les articulant autour du témoignage clé du médecin régulateur de garde.

Ce document sonore est tiré des 13 heures de bandes son que le Dr Nicolas Poirot, médecin régulateur au Samu de Paris depuis 2006, a confiées à la radio. Il a été réalisé à l'occasion de l'ouverture, mercredi, du procès lié à ces attentats devant la cour d'assises spéciale de Paris.

Ce soir-là, Paris est frappée par plusieurs attaques terroristes qui feront 130 morts et 350 blessés.

Les enregistrements qu'il a conservés contiennent tous les appels qui ont transité par la plateforme du Samu 75 à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) cette nuit-là: témoins, victimes mais aussi les échanges de l’ensemble des services de secours, pompiers, police, hôpitaux, équipes sur place qui se sont mis en action pour sauver le plus de monde possible. Il a mis plus d'un an avant de les écouter et les utilise maintenant pour des formations, précise France Info.

"Il est 21h26 au centre d'appel. Le médecin régulateur s'apprête à vivre la nuit la plus difficile de sa carrière", annonce le document.

Ce vendredi-là, il fait beau dans la capitale, les terrasses sont bondées. Au siège du Samu de Paris, à l’hôpital Necker, "on a très peu d’appels, et pas mal de moyens disponibles", se souvient Nicolas Poirot. A 21h17, la première explosion entendue au Stade de France, à Saint-Denis, met en alerte les professionnels. Dans la foulée, les premiers appels d'une fusillade dans le Xe arrondissement de Paris parviennent au centre d’appel du Samu 75.

Nicolas Poirot relate comment il comprend très vite que des attentats ont lieu dans la capitale et qu'il faut organiser les secours rapidement pour faire face à "la phase initiale" et déclencher toute la chaîne d'alerte en expliquant aux autres services et Samu que, "dans Paris, ça pète" et "qu'il y a des fusillades dans plusieurs endroits".

Il explique que son "obsession" était de "comprendre ce qui se passe", de savoir où "ça tirait" et d'établir "une carte", soulignant qu'avec des tireurs qui se déplaçaient dans les rues, "envoyer des équipes un peu au hasard conduisait à prendre des risques" pour elles. "On engage donc d'abord peu de véhicules pour faire un état de la situation, en gardant de la réserve pour pouvoir réallouer des moyens".

Puis, au fur et à mesure que la soirée s'écoule, "le nombre d'appels devient exponentiel" et le Samu n'ayant que 5 opérateurs alors en poste, n'a plus la capacité de "décrocher tous les appels", ce qui "est terrible".

C'est le Samu qui prévient également l'administrateur de garde de l'AP-HP qui n'était pas encore au courant et lui demande l'ouverture de la cellule de crise centrale pour alerter "tous les hôpitaux".

"J'ai compris très vite qu'il y aurait beaucoup de victimes", relate Nicolas Poirot. "J'alerte les cadres de mon service, les autres Samu, je fais alerter les hôpitaux, les pompiers". "C'est plus compliqué avec la police avec qui on n'a pas de ligne rouge ou bleue, ce qui m'agace beaucoup."

La bande son fournit également des demandes à rappeler tous les "chirs dispos", un échange avec le directeur de cabinet de Martin Hirsch (directeur général de l'AP-HP) qui annonce que le DG déclenche le plan blanc.

Le médecin régulateur salue la réactivité des hôpitaux qui "ont été capables de prendre en charge des dizaines de blessés", "chose qu'ils n'auraient pas imaginée une demi-heure avant". "Chacun a trouvé des solutions opérationnelles pour gérer les flux", met-il en avant.

Un peu avant 22h, des appels arrivent pour prévenir de coups de feu et d'une prise d'otages au Bataclan, lors d'un concert. "On ne sait pas ce qu'il s'y passe tout de suite. On ne sait pas qu'il y a autant de morts et de blessés".

A ce moment là, Nicolas Poirot part lui-même "sur le terrain" avec "la deuxième vague" d'ambulanciers. Il rejoint le poste médical avancé (PMA) qui a été installé rue des Filles du Calvaire, c'est-à-dire "là où on regroupe les blessés pour commencer à les soigner".

"Moins d'une heure après l'assaut" du Bataclan, Nicolas Poirot rentre par la sortie de service de la salle de concert. Il évoque la "vision d'apocalypse" que les urgentistes découvrent. "Il ne reste plus que les morts" dont le nombre est "effarant". Il retourne donc au PMA et avec son équipe, commence à ranger le matériel sans trop savoir quelle va être la suite.

A 2h33, l’urgentiste est rappelé au centre de régulation pour finir sa nuit de garde. La salle de crise est fermée et il n’y a plus d’appels. Tous les blessés ont été transportés dans les hôpitaux, les personnes décédées sont prises en charge par la police et l’identité judicaire. Pour le Samu de Paris, la mission est terminée.

"On fait un métier où on voit des choses assez terribles mais cette nuit, je n'ai jamais vu autant de morts de ma vie, c'était abominable", témoigne le médecin régulateur auprès de France Info.

Il tire cependant une leçon positive constatant que "tous les gens, qu'il s'agisse des secours, des témoins ou des victimes, ont donné le meilleur d'eux-mêmes et ont été aidants pour faire face à ce massacre monstrueux".

Près de 680 personnes accueillies par les hôpitaux de l'AP-HP

A la suite de ces attentats, l'AP-HP a annoncé que ses hôpitaux avaient pris en charge 679 personnes cette nuit, en incluant les personnes ayant subi un choc psychologique et qui se sont présentées d'elles-mêmes, en particulier à l'accueil dédié à l'Hôtel-Dieu (cf dépêche du 27/11/2015 à 08:34).

Plusieurs études décrivant l'organisation de la prise en charge des blessés ont été également publiées dans des revues scientifiques par la suite.

En 2015 puis en juillet 2017, dans The Lancet, les équipes médicales confrontées aux attentats terroristes de Paris en novembre 2015 et de Nice en juillet 2016 ont fait part de leur retour d'expérience commun (cf dépêche du 26/07/2017 à 14:57 et dépêche du 24/11/2015 à 17:48).

Une autre, publiée dans la revue Intensive Care Medicine en 2019, a porté sur une analyse de la réponse médicale déployée lors des attentats parisiens, laquelle a montré que les ressources engagées avaient été liées aux types d'attaque à l'origine des blessures, fournissant ainsi des éclairages pour adapter les plans d'urgence (cf dépêche du 20/09/2019 à 09:44).

Une étude, publiée dans l'European Journal of Emergency Medicine fin 2020, a montré que la priorisation binaire (urgence absolue/urgence relative) préhospitalière proposée pour la prise en charge des victimes des attentats du 13 novembre 2015 à Paris apparaissait simple à mettre en oeuvre dans un tel contexte et permettait de catégoriser correctement la plupart des victimes (cf dépêche du 09/12/2020 à 18:25).

Des responsables hospitaliers ont également témoigné en 2016 devant une commission d'enquête de l'Assemblée nationale, dont le DG de l'AP-HP (cf dépêche du 01/03/2016 à 16:27).

san/ab/APMnews

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PARIS, 6 septembre 2021 (APMnews) - France Info a rendu publique la semaine dernière une bande son d'une vingtaine de minutes synthétisant des appels qui, dans la nuit du 13 novembre 2015, ont transité par la plateforme du Samu de Paris, en les articulant autour du témoignage clé du médecin régulateur de garde.

Ce document sonore est tiré des 13 heures de bandes son que le Dr Nicolas Poirot, médecin régulateur au Samu de Paris depuis 2006, a confiées à la radio. Il a été réalisé à l'occasion de l'ouverture, mercredi, du procès lié à ces attentats devant la cour d'assises spéciale de Paris.

Ce soir-là, Paris est frappée par plusieurs attaques terroristes qui feront 130 morts et 350 blessés.

Les enregistrements qu'il a conservés contiennent tous les appels qui ont transité par la plateforme du Samu 75 à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) cette nuit-là: témoins, victimes mais aussi les échanges de l’ensemble des services de secours, pompiers, police, hôpitaux, équipes sur place qui se sont mis en action pour sauver le plus de monde possible. Il a mis plus d'un an avant de les écouter et les utilise maintenant pour des formations, précise France Info.

"Il est 21h26 au centre d'appel. Le médecin régulateur s'apprête à vivre la nuit la plus difficile de sa carrière", annonce le document.

Ce vendredi-là, il fait beau dans la capitale, les terrasses sont bondées. Au siège du Samu de Paris, à l’hôpital Necker, "on a très peu d’appels, et pas mal de moyens disponibles", se souvient Nicolas Poirot. A 21h17, la première explosion entendue au Stade de France, à Saint-Denis, met en alerte les professionnels. Dans la foulée, les premiers appels d'une fusillade dans le Xe arrondissement de Paris parviennent au centre d’appel du Samu 75.

Nicolas Poirot relate comment il comprend très vite que des attentats ont lieu dans la capitale et qu'il faut organiser les secours rapidement pour faire face à "la phase initiale" et déclencher toute la chaîne d'alerte en expliquant aux autres services et Samu que, "dans Paris, ça pète" et "qu'il y a des fusillades dans plusieurs endroits".

Il explique que son "obsession" était de "comprendre ce qui se passe", de savoir où "ça tirait" et d'établir "une carte", soulignant qu'avec des tireurs qui se déplaçaient dans les rues, "envoyer des équipes un peu au hasard conduisait à prendre des risques" pour elles. "On engage donc d'abord peu de véhicules pour faire un état de la situation, en gardant de la réserve pour pouvoir réallouer des moyens".

Puis, au fur et à mesure que la soirée s'écoule, "le nombre d'appels devient exponentiel" et le Samu n'ayant que 5 opérateurs alors en poste, n'a plus la capacité de "décrocher tous les appels", ce qui "est terrible".

C'est le Samu qui prévient également l'administrateur de garde de l'AP-HP qui n'était pas encore au courant et lui demande l'ouverture de la cellule de crise centrale pour alerter "tous les hôpitaux".

"J'ai compris très vite qu'il y aurait beaucoup de victimes", relate Nicolas Poirot. "J'alerte les cadres de mon service, les autres Samu, je fais alerter les hôpitaux, les pompiers". "C'est plus compliqué avec la police avec qui on n'a pas de ligne rouge ou bleue, ce qui m'agace beaucoup."

La bande son fournit également des demandes à rappeler tous les "chirs dispos", un échange avec le directeur de cabinet de Martin Hirsch (directeur général de l'AP-HP) qui annonce que le DG déclenche le plan blanc.

Le médecin régulateur salue la réactivité des hôpitaux qui "ont été capables de prendre en charge des dizaines de blessés", "chose qu'ils n'auraient pas imaginée une demi-heure avant". "Chacun a trouvé des solutions opérationnelles pour gérer les flux", met-il en avant.

Un peu avant 22h, des appels arrivent pour prévenir de coups de feu et d'une prise d'otages au Bataclan, lors d'un concert. "On ne sait pas ce qu'il s'y passe tout de suite. On ne sait pas qu'il y a autant de morts et de blessés".

A ce moment là, Nicolas Poirot part lui-même "sur le terrain" avec "la deuxième vague" d'ambulanciers. Il rejoint le poste médical avancé (PMA) qui a été installé rue des Filles du Calvaire, c'est-à-dire "là où on regroupe les blessés pour commencer à les soigner".

"Moins d'une heure après l'assaut" du Bataclan, Nicolas Poirot rentre par la sortie de service de la salle de concert. Il évoque la "vision d'apocalypse" que les urgentistes découvrent. "Il ne reste plus que les morts" dont le nombre est "effarant". Il retourne donc au PMA et avec son équipe, commence à ranger le matériel sans trop savoir quelle va être la suite.

A 2h33, l’urgentiste est rappelé au centre de régulation pour finir sa nuit de garde. La salle de crise est fermée et il n’y a plus d’appels. Tous les blessés ont été transportés dans les hôpitaux, les personnes décédées sont prises en charge par la police et l’identité judicaire. Pour le Samu de Paris, la mission est terminée.

"On fait un métier où on voit des choses assez terribles mais cette nuit, je n'ai jamais vu autant de morts de ma vie, c'était abominable", témoigne le médecin régulateur auprès de France Info.

Il tire cependant une leçon positive constatant que "tous les gens, qu'il s'agisse des secours, des témoins ou des victimes, ont donné le meilleur d'eux-mêmes et ont été aidants pour faire face à ce massacre monstrueux".

Près de 680 personnes accueillies par les hôpitaux de l'AP-HP

A la suite de ces attentats, l'AP-HP a annoncé que ses hôpitaux avaient pris en charge 679 personnes cette nuit, en incluant les personnes ayant subi un choc psychologique et qui se sont présentées d'elles-mêmes, en particulier à l'accueil dédié à l'Hôtel-Dieu (cf dépêche du 27/11/2015 à 08:34).

Plusieurs études décrivant l'organisation de la prise en charge des blessés ont été également publiées dans des revues scientifiques par la suite.

En 2015 puis en juillet 2017, dans The Lancet, les équipes médicales confrontées aux attentats terroristes de Paris en novembre 2015 et de Nice en juillet 2016 ont fait part de leur retour d'expérience commun (cf dépêche du 26/07/2017 à 14:57 et dépêche du 24/11/2015 à 17:48).

Une autre, publiée dans la revue Intensive Care Medicine en 2019, a porté sur une analyse de la réponse médicale déployée lors des attentats parisiens, laquelle a montré que les ressources engagées avaient été liées aux types d'attaque à l'origine des blessures, fournissant ainsi des éclairages pour adapter les plans d'urgence (cf dépêche du 20/09/2019 à 09:44).

Une étude, publiée dans l'European Journal of Emergency Medicine fin 2020, a montré que la priorisation binaire (urgence absolue/urgence relative) préhospitalière proposée pour la prise en charge des victimes des attentats du 13 novembre 2015 à Paris apparaissait simple à mettre en oeuvre dans un tel contexte et permettait de catégoriser correctement la plupart des victimes (cf dépêche du 09/12/2020 à 18:25).

Des responsables hospitaliers ont également témoigné en 2016 devant une commission d'enquête de l'Assemblée nationale, dont le DG de l'AP-HP (cf dépêche du 01/03/2016 à 16:27).

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