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23/11 2023
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LE MOUVEMENT DE GRÈVE SE POURSUIT AUX URGENCES DU CHU DE BREST

(Par Sylvie LAPOSTOLLE)

BREST, MORLAIX (Finistère), QUIMPER, 23 novembre 2023 (APMnews) - Le mouvement de grève des médecins urgentistes du CHU de Brest-Carhaix se poursuit, conduisant l'établissement à adapter son fonctionnement, dans un département où plusieurs services d'urgence sont en souffrance du fait du manque de médecins, selon une enquête d'APMnews.

Au CHU de Brest-Carhaix, le mouvement social a débuté le 7 novembre. L'ensemble des personnels médicaux du département ont arrêté d'effectuer du temps de travail additionnel au-delà des 48 heures hebdomadaires pour protester contre le manque de médecins dans ce service (sous-effectif de 13 équivalents temps plein -ETP- sur une équipe de 54), ce qui a contraint la direction à passer ses urgences en régulation puis à déclencher le plan blanc vendredi, de manière à pouvoir solliciter des médecins d'autres services, rappelle-t-on (cf dépêche du 20/11/2023 à 18:44).

La direction du CHU explique que la mise en œuvre en avril de la loi Rist limitant les rémunérations des intérimaires s'est traduite par une diminution de leur participation à l'activité de médecine d'urgence conduisant les urgentistes du CHU à réaliser de très nombreuses heures supplémentaires de jour comme de nuit pour compenser les postes vacants et les arrêts maladie, "situation qui s'est accentuée ces derniers mois par des départs supplémentaires de titulaires et de contractuels".

"Cette charge de travail excessive est source d'un épuisement professionnel important qui impose de réorganiser le fonctionnement des services d'urgences sur l'ensemble des sites pris en charge par l'équipe médicale du département de médecine d'urgences pour continuer d'assurer le fonctionnement du maximum de missions au service de la population", poursuit la direction dans un communiqué diffusé mercredi.

La direction et la présidence de commission médicale d'établissement (CME) se sont engagées à travailler des propositions concrètes avec comme objectif partagé d'arriver à recruter le plus rapidement possible des médecins urgentistes pour reconstituer l'effectif et ainsi permettre un retour progressif et total des activités, en lien avec les besoins sanitaires du territoire.

"Les discussions sont toujours en cours à cette date afin de parvenir à un accord permettant de tracer un chemin collectif dans la durée pour surmonter les difficultés", a indiqué la direction mercredi.

Pour assurer la continuité et la sécurité des soins, le CHU est contraint d'adapter le fonctionnement de ses organisations. Sur le site de Brest, certaines activités sont dégradées avec une ligne en moins de Smur de journée (3e ligne), une ligne en moins de régulation du Samu départemental de journée (2e ligne) et une ligne médicale en moins à l'accueil des urgences en journée.

En revanche, le Samu départemental et le Smur fonctionnent avec "cependant un déficit de médecins présents donc possiblement un délai de mise en relation avec le médecin régulateur plus long". L'accueil des urgences de Brest est assuré mais avec un médecin de moins en journée donc possiblement également des délais d'attente allongés. Les urgences vitales sont prises en charge.

A Carhaix, un médecin urgentiste est présent pour assurer le Smur/urgences vitales et après régulation médicale préalable, l'accueil des urgences.

Un arrêt total évité de justesse

"Le week-end dernier, les services d'urgence du CHU de Brest et le Samu-SAS 29 sont passés très proches d'un arrêt total de leur fonctionnement", décrivent les médecins urgentistes en grève dans un communiqué transmis à APMnews.

"Cet événement grave et inédit a été la conséquence de la décision inattendue, et incompréhensible, de revenir sur l'un des accords majeurs pourtant obtenu la veille par les médecins urgentistes, lors des négociations entamées dans le cadre du mouvement de grève initié le 7 novembre", développent-ils.

"Malgré l'extrême fragilité persistante, les discussions entre la gouvernance du CHU et le collectif des médecins urgentistes se poursuivent activement, avec l'espoir d'une sortie de crise rapide, accompagnée de mesures fortes et adaptées à la sévérité de la situation", ajoutent-ils.

"La principale motivation du mouvement est le besoin de récupérer la mainmise sur notre organisation sur la gestion des lignes de garde", a expliqué un médecin urgentiste à APMnews. "La direction a imposé une organisation avec un fonctionnement qui ne nous convient pas. Nous soutenons une autre organisation qui nous semble être plus efficace dans l'attente des recrutements qui nous permettront de rouvrir toutes les lignes", a-t-il détaillé.

Les urgentistes demandent aussi la mise en place de la régulation sur le long terme tant que les recrutements ne sont pas faits. Enfin, ils réclament des mesures d'attractivité qui permettraient des recrutements comme une amélioration du salaire et un niveau acceptable d'heures supplémentaires avec une contractualisation.

Débutées le 13 novembre, les négociations avaient abouti sur la première demande; l'organisation des lignes de garde devait repasser sous la responsabilité du chef de service mais avec le revirement "inattendu" de la direction, le mouvement s'est durci avec des arrêts maladie, conduisant la direction à déclencher le plan blanc vendredi pour faire appel à d'autres médecins, a rapporté le médecin.

"La situation était catastrophique avec un seul urgentiste sur les trois nécessaires plus deux médecins réquisitionnés dans d'autres services", a relaté l'urgentiste.

Depuis, la principale revendication a été "validée dans un protocole d'accord temporaire qui reste soumis à une validation définitive" et les négociations continuent.

Une grève illimitée au CH de Morlaix

Le syndicat Samu-Urgences de France (SUdF) soutient le mouvement des urgences de Brest, de même que celui en cours au CH de Morlaix, a indiqué à APMnews Marc Noizet, président de SUdF.

Le CH de Morlaix connaît aussi une grève illimitée en solidarité avec Brest mais avec une situation différente. "Les revendications ne sont pas les mêmes. Elles portent sur des travaux à mener dans le service d'urgence pour créer une zone d'attente couchée respectant les recommandations de la HAS [Haute autorité de santé] sur l'intimité des patients", a indiqué mercredi à APMnews Fabrice Liszak de Maszary, directeur de l'établissement.

"Nous sommes tout à fait d'accord mais cela nécessite un investissement de 350.000 € et le recrutement de personnels pour surveiller ces patients. La grève a permis de faire un appel à la tutelle pour nous aider à financer ces postes", a-t-il ajouté. Cela représente trois infirmières et trois médecins pour assurer la présence d'un médecin et une infirmière jour et nuit en plus.

S'agissant des médecins, le service des urgences est au complet avec 13 équivalents temps plein (ETP). Mais le service répond actuellement à une population plus large que celle de son bassin, étant donné les régulations qui touchent les CH de Lannion, Guingamp et Carhaix.

La grève n'a pas de répercussion pour la population car les médecins sont assignés. L'hôpital qui avait gardé actif son plan blanc initialement déclenché au moment de la tempête Ciaran, est repassé en "hôpital sous tension" avec 15 lits supplémentaires ouverts pour fluidifier.

La demande de financement a été "prise en considération" par l'agence régionale de santé (ARS), note le directeur.

Une situation "intenable" aux urgences de Quimper

Dans le Finistère également, les urgences du CH de Cornouaille à Quimper-Concarneau souffrent d'un sous-effectif depuis des mois.

"La situation est devenue intenable", malgré "des alertes maintes fois répétées […] et pourtant on continue à tirer sur la corde", a dénoncé l'équipe du service dans une lettre ouverte publiée lundi.

Ce courrier cherchait à expliquer la situation à la population et aux élus pour ne recourir aux urgences qu'en cas de nécessité impérieuse. Le service fonctionne avec un tiers de l'effectif médical manquant qui oblige à adapter en permanence l'organisation pour limiter l'impact sur la population. Comme ailleurs, les urgences doivent absorber le manque de recours en ville et le déficit d'aval.

"Une journée type aux urgences ne débute pas avec des locaux vides. En fin de nuit, il existe au moins une cinquantaine de patients présents aux urgences de Cornouaille dont plus de la moitié nécessite une hospitalisation. […] Chaque jour, plusieurs patients subissent les conséquences de cette situation", décrit l'équipe en rappelant une étude publiée début novembre qui montre qu'au-delà de 75 ans, un patient qui reste plus de 24 heures aux urgences sur un brancard augmente son risque de décès de 40% (cf dépêche du 06/11/2023 à 18:55).

Le CH de Cornouaille est en dispositif hôpital en tension de niveau 3 sur 4 depuis près de deux ans. Le fait de ne plus bien soigner les patients et même de ne plus bien les accueillir pèse sur le personnel en plus de la charge de travail éprouvante. Des toilettes sont souvent faites dans les couloirs; des patients restent plus de 10 heures sans manger, sans boire; les patients qui passent 3, 4, 5 jours aux urgences sont vus par des tas de médecins différents avec le risque d'une perte d'information, a décrit un médecin urgentiste joint par APMnews.

"Faute de moyens mis en place à court terme, le CH de Quimper s'alignera sur les modalités" de grève du CHU de Brest, conclut l'équipe dans son courrier.

Une rencontre a eu lieu avec la direction du CH et l'ARS du Finistère à la suite de ce courrier. "Tout le monde cherche des solutions. On nous a parlé d'ouvrir un service d'orthopédie de 10 lits qui ferme le week-end pour héberger les patients des urgences", a rapporté le médecin qui ne voit cependant pas de mesures rapides. "Ces 10 lits qui seront ouverts quand on aura trouvé le personnel ne suffiront pas face aux 20-30 patients qu'on a dans les couloirs", se désole-t-il.

"C'est comme si nous avions un service de 30 patients à tenir en plus des urgences", illustre-t-il. Le service n'arrive pas à recruter et les départs de ceux qui ne supportent plus ces conditions de travail accroissent les difficultés.

Contactée par APMnews, la direction du CH de Cornouaille relate une réunion "constructive: les personnels médicaux ont pu évoquer leurs difficultés; des pistes d'amélioration ont été proposées et nous allons formaliser un plan d'action" pour ce service dont 13 postes d'urgentistes sur 35 ne sont pas pourvus.

Elle se dit "constamment mobilisée pour trouver des solutions opérationnelles et adapter pour limiter le nombre de patients en attente d'un lit" grâce à la cellule de gestion des flux. Le CH a déjà mis en place un cadre et trois infirmiers de flux 7 jours sur 7; il a ouvert une unité de parcours socio-médicale et 15 lits en anticipation de la période hivernale et épidémique. Il travaille aussi avec ses partenaires du territoire pour favoriser les transferts.

Les effectifs paramédicaux et de logisticiens ont été renforcés aux urgences. une équipe est en soutien pour le ré-adressage vers SOS Médecins et la ville. De plus, de premiers travaux ont été engagés en novembre pour améliorer l'accueil des patients alités, en attendant des travaux plus importants prévus dans le schéma directeur immobilier.

sl/ab/APMnews

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(Par Sylvie LAPOSTOLLE)

BREST, MORLAIX (Finistère), QUIMPER, 23 novembre 2023 (APMnews) - Le mouvement de grève des médecins urgentistes du CHU de Brest-Carhaix se poursuit, conduisant l'établissement à adapter son fonctionnement, dans un département où plusieurs services d'urgence sont en souffrance du fait du manque de médecins, selon une enquête d'APMnews.

Au CHU de Brest-Carhaix, le mouvement social a débuté le 7 novembre. L'ensemble des personnels médicaux du département ont arrêté d'effectuer du temps de travail additionnel au-delà des 48 heures hebdomadaires pour protester contre le manque de médecins dans ce service (sous-effectif de 13 équivalents temps plein -ETP- sur une équipe de 54), ce qui a contraint la direction à passer ses urgences en régulation puis à déclencher le plan blanc vendredi, de manière à pouvoir solliciter des médecins d'autres services, rappelle-t-on (cf dépêche du 20/11/2023 à 18:44).

La direction du CHU explique que la mise en œuvre en avril de la loi Rist limitant les rémunérations des intérimaires s'est traduite par une diminution de leur participation à l'activité de médecine d'urgence conduisant les urgentistes du CHU à réaliser de très nombreuses heures supplémentaires de jour comme de nuit pour compenser les postes vacants et les arrêts maladie, "situation qui s'est accentuée ces derniers mois par des départs supplémentaires de titulaires et de contractuels".

"Cette charge de travail excessive est source d'un épuisement professionnel important qui impose de réorganiser le fonctionnement des services d'urgences sur l'ensemble des sites pris en charge par l'équipe médicale du département de médecine d'urgences pour continuer d'assurer le fonctionnement du maximum de missions au service de la population", poursuit la direction dans un communiqué diffusé mercredi.

La direction et la présidence de commission médicale d'établissement (CME) se sont engagées à travailler des propositions concrètes avec comme objectif partagé d'arriver à recruter le plus rapidement possible des médecins urgentistes pour reconstituer l'effectif et ainsi permettre un retour progressif et total des activités, en lien avec les besoins sanitaires du territoire.

"Les discussions sont toujours en cours à cette date afin de parvenir à un accord permettant de tracer un chemin collectif dans la durée pour surmonter les difficultés", a indiqué la direction mercredi.

Pour assurer la continuité et la sécurité des soins, le CHU est contraint d'adapter le fonctionnement de ses organisations. Sur le site de Brest, certaines activités sont dégradées avec une ligne en moins de Smur de journée (3e ligne), une ligne en moins de régulation du Samu départemental de journée (2e ligne) et une ligne médicale en moins à l'accueil des urgences en journée.

En revanche, le Samu départemental et le Smur fonctionnent avec "cependant un déficit de médecins présents donc possiblement un délai de mise en relation avec le médecin régulateur plus long". L'accueil des urgences de Brest est assuré mais avec un médecin de moins en journée donc possiblement également des délais d'attente allongés. Les urgences vitales sont prises en charge.

A Carhaix, un médecin urgentiste est présent pour assurer le Smur/urgences vitales et après régulation médicale préalable, l'accueil des urgences.

Un arrêt total évité de justesse

"Le week-end dernier, les services d'urgence du CHU de Brest et le Samu-SAS 29 sont passés très proches d'un arrêt total de leur fonctionnement", décrivent les médecins urgentistes en grève dans un communiqué transmis à APMnews.

"Cet événement grave et inédit a été la conséquence de la décision inattendue, et incompréhensible, de revenir sur l'un des accords majeurs pourtant obtenu la veille par les médecins urgentistes, lors des négociations entamées dans le cadre du mouvement de grève initié le 7 novembre", développent-ils.

"Malgré l'extrême fragilité persistante, les discussions entre la gouvernance du CHU et le collectif des médecins urgentistes se poursuivent activement, avec l'espoir d'une sortie de crise rapide, accompagnée de mesures fortes et adaptées à la sévérité de la situation", ajoutent-ils.

"La principale motivation du mouvement est le besoin de récupérer la mainmise sur notre organisation sur la gestion des lignes de garde", a expliqué un médecin urgentiste à APMnews. "La direction a imposé une organisation avec un fonctionnement qui ne nous convient pas. Nous soutenons une autre organisation qui nous semble être plus efficace dans l'attente des recrutements qui nous permettront de rouvrir toutes les lignes", a-t-il détaillé.

Les urgentistes demandent aussi la mise en place de la régulation sur le long terme tant que les recrutements ne sont pas faits. Enfin, ils réclament des mesures d'attractivité qui permettraient des recrutements comme une amélioration du salaire et un niveau acceptable d'heures supplémentaires avec une contractualisation.

Débutées le 13 novembre, les négociations avaient abouti sur la première demande; l'organisation des lignes de garde devait repasser sous la responsabilité du chef de service mais avec le revirement "inattendu" de la direction, le mouvement s'est durci avec des arrêts maladie, conduisant la direction à déclencher le plan blanc vendredi pour faire appel à d'autres médecins, a rapporté le médecin.

"La situation était catastrophique avec un seul urgentiste sur les trois nécessaires plus deux médecins réquisitionnés dans d'autres services", a relaté l'urgentiste.

Depuis, la principale revendication a été "validée dans un protocole d'accord temporaire qui reste soumis à une validation définitive" et les négociations continuent.

Une grève illimitée au CH de Morlaix

Le syndicat Samu-Urgences de France (SUdF) soutient le mouvement des urgences de Brest, de même que celui en cours au CH de Morlaix, a indiqué à APMnews Marc Noizet, président de SUdF.

Le CH de Morlaix connaît aussi une grève illimitée en solidarité avec Brest mais avec une situation différente. "Les revendications ne sont pas les mêmes. Elles portent sur des travaux à mener dans le service d'urgence pour créer une zone d'attente couchée respectant les recommandations de la HAS [Haute autorité de santé] sur l'intimité des patients", a indiqué mercredi à APMnews Fabrice Liszak de Maszary, directeur de l'établissement.

"Nous sommes tout à fait d'accord mais cela nécessite un investissement de 350.000 € et le recrutement de personnels pour surveiller ces patients. La grève a permis de faire un appel à la tutelle pour nous aider à financer ces postes", a-t-il ajouté. Cela représente trois infirmières et trois médecins pour assurer la présence d'un médecin et une infirmière jour et nuit en plus.

S'agissant des médecins, le service des urgences est au complet avec 13 équivalents temps plein (ETP). Mais le service répond actuellement à une population plus large que celle de son bassin, étant donné les régulations qui touchent les CH de Lannion, Guingamp et Carhaix.

La grève n'a pas de répercussion pour la population car les médecins sont assignés. L'hôpital qui avait gardé actif son plan blanc initialement déclenché au moment de la tempête Ciaran, est repassé en "hôpital sous tension" avec 15 lits supplémentaires ouverts pour fluidifier.

La demande de financement a été "prise en considération" par l'agence régionale de santé (ARS), note le directeur.

Une situation "intenable" aux urgences de Quimper

Dans le Finistère également, les urgences du CH de Cornouaille à Quimper-Concarneau souffrent d'un sous-effectif depuis des mois.

"La situation est devenue intenable", malgré "des alertes maintes fois répétées […] et pourtant on continue à tirer sur la corde", a dénoncé l'équipe du service dans une lettre ouverte publiée lundi.

Ce courrier cherchait à expliquer la situation à la population et aux élus pour ne recourir aux urgences qu'en cas de nécessité impérieuse. Le service fonctionne avec un tiers de l'effectif médical manquant qui oblige à adapter en permanence l'organisation pour limiter l'impact sur la population. Comme ailleurs, les urgences doivent absorber le manque de recours en ville et le déficit d'aval.

"Une journée type aux urgences ne débute pas avec des locaux vides. En fin de nuit, il existe au moins une cinquantaine de patients présents aux urgences de Cornouaille dont plus de la moitié nécessite une hospitalisation. […] Chaque jour, plusieurs patients subissent les conséquences de cette situation", décrit l'équipe en rappelant une étude publiée début novembre qui montre qu'au-delà de 75 ans, un patient qui reste plus de 24 heures aux urgences sur un brancard augmente son risque de décès de 40% (cf dépêche du 06/11/2023 à 18:55).

Le CH de Cornouaille est en dispositif hôpital en tension de niveau 3 sur 4 depuis près de deux ans. Le fait de ne plus bien soigner les patients et même de ne plus bien les accueillir pèse sur le personnel en plus de la charge de travail éprouvante. Des toilettes sont souvent faites dans les couloirs; des patients restent plus de 10 heures sans manger, sans boire; les patients qui passent 3, 4, 5 jours aux urgences sont vus par des tas de médecins différents avec le risque d'une perte d'information, a décrit un médecin urgentiste joint par APMnews.

"Faute de moyens mis en place à court terme, le CH de Quimper s'alignera sur les modalités" de grève du CHU de Brest, conclut l'équipe dans son courrier.

Une rencontre a eu lieu avec la direction du CH et l'ARS du Finistère à la suite de ce courrier. "Tout le monde cherche des solutions. On nous a parlé d'ouvrir un service d'orthopédie de 10 lits qui ferme le week-end pour héberger les patients des urgences", a rapporté le médecin qui ne voit cependant pas de mesures rapides. "Ces 10 lits qui seront ouverts quand on aura trouvé le personnel ne suffiront pas face aux 20-30 patients qu'on a dans les couloirs", se désole-t-il.

"C'est comme si nous avions un service de 30 patients à tenir en plus des urgences", illustre-t-il. Le service n'arrive pas à recruter et les départs de ceux qui ne supportent plus ces conditions de travail accroissent les difficultés.

Contactée par APMnews, la direction du CH de Cornouaille relate une réunion "constructive: les personnels médicaux ont pu évoquer leurs difficultés; des pistes d'amélioration ont été proposées et nous allons formaliser un plan d'action" pour ce service dont 13 postes d'urgentistes sur 35 ne sont pas pourvus.

Elle se dit "constamment mobilisée pour trouver des solutions opérationnelles et adapter pour limiter le nombre de patients en attente d'un lit" grâce à la cellule de gestion des flux. Le CH a déjà mis en place un cadre et trois infirmiers de flux 7 jours sur 7; il a ouvert une unité de parcours socio-médicale et 15 lits en anticipation de la période hivernale et épidémique. Il travaille aussi avec ses partenaires du territoire pour favoriser les transferts.

Les effectifs paramédicaux et de logisticiens ont été renforcés aux urgences. une équipe est en soutien pour le ré-adressage vers SOS Médecins et la ville. De plus, de premiers travaux ont été engagés en novembre pour améliorer l'accueil des patients alités, en attendant des travaux plus importants prévus dans le schéma directeur immobilier.

sl/ab/APMnews

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