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04/12 2023
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LE RISQUE D'ANAPHYLAXIE ALIMENTAIRE DOIT ÊTRE MIEUX PRIS EN COMPTE CHEZ LES SENIORS

PARIS, 4 décembre 2023 (APMnews) - Avec le vieillissement global de la population, il est important de mieux prendre en compte le risque d'anaphylaxie d'origine alimentaire chez les seniors, notamment dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), selon une communication présentée au congrès du Réseau d'allergovigilance, vendredi à Paris.

La population mondiale vieillit mais les données sur les allergies alimentaires chez les seniors sont parcellaires et variables, selon qu'on considère les personnes âgées à partir de 60 ans ou plus, a indiqué le Dr Martine Morisset du CHU d'Angers. Dans la littérature, elle a identifié une dizaine d'études avec exploration allergologique complète menées après 60 ans, aboutissant à des prévalences qui varient entre 3% et 20%.

L'allergie alimentaire chez le senior apparaît comme "un phénomène considéré comme mineur, qui n'est même pas mentionné dans certaines revues gériatriques", alors que l'asthme, la rhinite allergique ou la dermatite atopique sont étudiés.

Reprenant des études menées en population adulte recouvrant des seniors, le Dr Morisset a notamment relevé que l'allergie alimentaire chez la personne âgée semble être associée à une gastrite atrophique, ce qui diminue la sécrétion de pepsine.

Le pH intestinal devenant trop alcalin, les protéines ne sont plus dénaturées et arrivent intactes au niveau de la muqueuse intestinale, avec en parallèle une immunosénescence, des difficultés d'absorption et une dénutrition, les seniors présentent un risque accru d'allergie alimentaire, a-t-elle expliqué.

L'allergologue a fait observer que le Seipa aigu, le syndrome d'entérocolite induite par les protéines alimentaires, qui est une forme d'allergie alimentaire non IgE dépendante, est désormais reconnu chez l'adulte. "Même si aucun cas de plus de 60 ans n'a été publié, on l'observe fréquemment dans nos consultations!" Et un premier cas de Seipa chronique chez l'adulte a été rapporté en 2020, a-t-elle rappelé.

L'allergie alimentaire chez le senior, selon une mini-revue de la littérature publiée en 2014, les 65 ans et plus présentent moins d'atopie mais semblent développer des réactions anaphylactiques plus graves, avec admission aux urgences voire en soins intensifs, avec parfois intubation. Les données suggèrent que ce risque d'anaphylaxie plus grave est associé à la présence d'une maladie cardiaque ou pulmonaire ainsi qu'à certains médicaments.

Selon une étude américaine, une allergie alimentaire peut se développer à un âge avancé, rarement, mais s'avère plus sévère. Les données du réseau européen NORA (Network for Online Registration of Anaphylaxis) entre 2007 et 2017 confirment également davantage de réactions de grade III et IV chez les 65 ans et plus par rapport aux autres adultes (respectivement 47% vs 37% et 4% vs 3%), avec comme principaux allergènes par ordre décroissant, les venins d'hyménoptère, les médicaments et les aliments.

Toujours selon les données du NORA, les réactions anaphylactiques chez les seniors sont associées à moins de douleurs abdominales mais plus de troubles sphinctériens, moins de dyspnée, moins de prurit et d'urticaire, mais davantage de perte de connaissance, de problèmes hémodynamiques, qui contribuent à la gravité de la réaction, a souligné le Dr Morisset.

Les données sur 20 ans du réseau d'allergovigilance vont également dans ce sens. Entre 2002 et 2022, 214 cas d'anaphylaxie chez des personnes entre 60 et 93 ans ont été rapportés au réseau, avec 50,5% de grade III et 3% de grade IV (46,5% de grade II) ainsi qu'un décès. Une prise en charge médicale a été assurée pour 87% des cas mais l'adrénaline utilisée seulement dans 37%!

Risque accru avec certains médicaments et l'alcool

Il apparaît qu'une comorbidité cardiaque est un facteur de sévérité et l'atopie, un facteur protecteur. Parmi les quatre cas de grade IV, un patient avait un trouble du rythme cardiaque et un autre, une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO); deux patients avaient un traitement cardiaque, l'un un bêta-bloquant et l'autre un inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC), et deux avaient bu de l'alcool.

L'alcool est un cofacteur connu de l'anaphylaxie et augmente la sensibilisation IgE médiée aux aliments. Or, même si la consommation globale diminue en France, 10% des adultes déclaraient boire de l'alcool tous les jours en 2017 et ils étaient 26% chez les 65-75 ans. Même si elle date de 1996, l'étude Paquid menée dans le Bordelais avait identifié une consommation régulière d'alcool chez les plus de 65 ans, et notamment jusqu'à 25% de ceux vivant en institution, a souligné le Dr Morisset.

Les autres cofacteurs d'anaphylaxie connus sont les bêta-bloquants, les IEC et les sartans, les AINS, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et l'exercice.

Concernant les aliments provoquant des anaphylaxies chez les seniors dans le réseau d'allergovigilance, ce sont principalement des produits de la mer (17,8%), des viandes (15,4%), des légumineuses (15%), des fruits et légumes (14,5%), des fruits à coques (9,8%), des céréales (9,3%) et des graines (4,7%).

L'allergologue a souligné que les compléments alimentaires hyperprotéinés parfois donnés en institution peuvent contenir des allergènes cachés, notamment du soja, et rappelé l'existence des réactions croisées, notamment chez les personnes allergiques au pollen de bouleau lorsqu'elles mangent certains aliments.

La malnutrition/dénutrition étant en outre fréquente chez les résidents d'Ehpad mais aussi les seniors en long séjour, sans compter les patients en perte d'autonomie, elle a souligné l'importance de former les diététiciens et nutritionnistes qui suivent cette population à l'allergie alimentaire, en particulier en cas de troubles cognitifs, et s'est interrogée sur l'application du règlement concernant l'information du consommateur sur les denrées alimentaires (INCO) en établissement.

Outre cette formation, le Dr Morisset a souligné l'importance de former également les soignants à l'anaphylaxie, y compris en cas de troubles cognitifs, mais aussi les aidants, et de mettre en place un projet d'accueil individualisé (PAI), en particulier en cas d'hospitalisation. "Il faut un PAI pour papi", a-t-elle conclu.

ld/nc/APMnews

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PARIS, 4 décembre 2023 (APMnews) - Avec le vieillissement global de la population, il est important de mieux prendre en compte le risque d'anaphylaxie d'origine alimentaire chez les seniors, notamment dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), selon une communication présentée au congrès du Réseau d'allergovigilance, vendredi à Paris.

La population mondiale vieillit mais les données sur les allergies alimentaires chez les seniors sont parcellaires et variables, selon qu'on considère les personnes âgées à partir de 60 ans ou plus, a indiqué le Dr Martine Morisset du CHU d'Angers. Dans la littérature, elle a identifié une dizaine d'études avec exploration allergologique complète menées après 60 ans, aboutissant à des prévalences qui varient entre 3% et 20%.

L'allergie alimentaire chez le senior apparaît comme "un phénomène considéré comme mineur, qui n'est même pas mentionné dans certaines revues gériatriques", alors que l'asthme, la rhinite allergique ou la dermatite atopique sont étudiés.

Reprenant des études menées en population adulte recouvrant des seniors, le Dr Morisset a notamment relevé que l'allergie alimentaire chez la personne âgée semble être associée à une gastrite atrophique, ce qui diminue la sécrétion de pepsine.

Le pH intestinal devenant trop alcalin, les protéines ne sont plus dénaturées et arrivent intactes au niveau de la muqueuse intestinale, avec en parallèle une immunosénescence, des difficultés d'absorption et une dénutrition, les seniors présentent un risque accru d'allergie alimentaire, a-t-elle expliqué.

L'allergologue a fait observer que le Seipa aigu, le syndrome d'entérocolite induite par les protéines alimentaires, qui est une forme d'allergie alimentaire non IgE dépendante, est désormais reconnu chez l'adulte. "Même si aucun cas de plus de 60 ans n'a été publié, on l'observe fréquemment dans nos consultations!" Et un premier cas de Seipa chronique chez l'adulte a été rapporté en 2020, a-t-elle rappelé.

L'allergie alimentaire chez le senior, selon une mini-revue de la littérature publiée en 2014, les 65 ans et plus présentent moins d'atopie mais semblent développer des réactions anaphylactiques plus graves, avec admission aux urgences voire en soins intensifs, avec parfois intubation. Les données suggèrent que ce risque d'anaphylaxie plus grave est associé à la présence d'une maladie cardiaque ou pulmonaire ainsi qu'à certains médicaments.

Selon une étude américaine, une allergie alimentaire peut se développer à un âge avancé, rarement, mais s'avère plus sévère. Les données du réseau européen NORA (Network for Online Registration of Anaphylaxis) entre 2007 et 2017 confirment également davantage de réactions de grade III et IV chez les 65 ans et plus par rapport aux autres adultes (respectivement 47% vs 37% et 4% vs 3%), avec comme principaux allergènes par ordre décroissant, les venins d'hyménoptère, les médicaments et les aliments.

Toujours selon les données du NORA, les réactions anaphylactiques chez les seniors sont associées à moins de douleurs abdominales mais plus de troubles sphinctériens, moins de dyspnée, moins de prurit et d'urticaire, mais davantage de perte de connaissance, de problèmes hémodynamiques, qui contribuent à la gravité de la réaction, a souligné le Dr Morisset.

Les données sur 20 ans du réseau d'allergovigilance vont également dans ce sens. Entre 2002 et 2022, 214 cas d'anaphylaxie chez des personnes entre 60 et 93 ans ont été rapportés au réseau, avec 50,5% de grade III et 3% de grade IV (46,5% de grade II) ainsi qu'un décès. Une prise en charge médicale a été assurée pour 87% des cas mais l'adrénaline utilisée seulement dans 37%!

Risque accru avec certains médicaments et l'alcool

Il apparaît qu'une comorbidité cardiaque est un facteur de sévérité et l'atopie, un facteur protecteur. Parmi les quatre cas de grade IV, un patient avait un trouble du rythme cardiaque et un autre, une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO); deux patients avaient un traitement cardiaque, l'un un bêta-bloquant et l'autre un inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC), et deux avaient bu de l'alcool.

L'alcool est un cofacteur connu de l'anaphylaxie et augmente la sensibilisation IgE médiée aux aliments. Or, même si la consommation globale diminue en France, 10% des adultes déclaraient boire de l'alcool tous les jours en 2017 et ils étaient 26% chez les 65-75 ans. Même si elle date de 1996, l'étude Paquid menée dans le Bordelais avait identifié une consommation régulière d'alcool chez les plus de 65 ans, et notamment jusqu'à 25% de ceux vivant en institution, a souligné le Dr Morisset.

Les autres cofacteurs d'anaphylaxie connus sont les bêta-bloquants, les IEC et les sartans, les AINS, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et l'exercice.

Concernant les aliments provoquant des anaphylaxies chez les seniors dans le réseau d'allergovigilance, ce sont principalement des produits de la mer (17,8%), des viandes (15,4%), des légumineuses (15%), des fruits et légumes (14,5%), des fruits à coques (9,8%), des céréales (9,3%) et des graines (4,7%).

L'allergologue a souligné que les compléments alimentaires hyperprotéinés parfois donnés en institution peuvent contenir des allergènes cachés, notamment du soja, et rappelé l'existence des réactions croisées, notamment chez les personnes allergiques au pollen de bouleau lorsqu'elles mangent certains aliments.

La malnutrition/dénutrition étant en outre fréquente chez les résidents d'Ehpad mais aussi les seniors en long séjour, sans compter les patients en perte d'autonomie, elle a souligné l'importance de former les diététiciens et nutritionnistes qui suivent cette population à l'allergie alimentaire, en particulier en cas de troubles cognitifs, et s'est interrogée sur l'application du règlement concernant l'information du consommateur sur les denrées alimentaires (INCO) en établissement.

Outre cette formation, le Dr Morisset a souligné l'importance de former également les soignants à l'anaphylaxie, y compris en cas de troubles cognitifs, mais aussi les aidants, et de mettre en place un projet d'accueil individualisé (PAI), en particulier en cas d'hospitalisation. "Il faut un PAI pour papi", a-t-elle conclu.

ld/nc/APMnews

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