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15/04 2025
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LE SOIN PSYCHIATRIQUE AU TÉLÉPHONE: VALÉRIE BAR, INFIRMIÈRE, RÉPONDANTE AU SAS PSY DU SAMU 59 (ÉPISODE 2)

(Par Valérie LESPEZ, au CHU de Lille)

LILLE, 15 avril 2025 (APMnews) - A Prisme, le service d'accès aux soins (SAS) psychiatrique du Samu 59, l'énergique infirmière Valérie Bar répond aux appels au 15 nécessitant une expertise psychiatrique, transmis par les assistants de régulation médicale (ARM) installés dans la pièce à côté.

Cet article est le deuxième épisode d'une série APMnews consacrée aux répondants des antennes nordistes de trois dispositifs psychiatriques nationaux, le numéro de prévention du suicide 3114 (cf dépêche du 14/04/2025 à 11:00, avec bonus audio), le service d'accès aux soins (SAS) psychiatrique du Samu 59, et le dispositif de prévention de la récidive suicidaire VigilanS (cf APM VL4SU76M9, avec bonus audio). Leur particularité, au CHU de Lille, est d'être installés sur le même plateau, et à deux pas de celui du Samu.

Dans ce grand open space au sein du CHU de Lille, l'îlot réservé au SAS psy, au milieu, côtoie à une extrémité les répondants du numéro national de prévention du suicide, le 3114, et à l'autre ceux de VigilanS, le dispositif de prévention de la récidive suicidaire.

C'est là qu'officie Valérie Bar, 57 ans, répondante depuis la création du dispositif, petit dernier du plateau, né en août 2024 et encore en montée en charge (cf dépêche du 12/12/2024 à 09:45).

"Une bonne culture de la psychopathologie"

Valérie Bar. Photo: Valérie Lespez
Valérie Bar. Photo: Valérie Lespez

A Prisme, contrairement au 3114 et à VigilanS, on est toujours dans l'urgence, et "les appels sont très variés; cela va d'un patient psychotique qui décompense à une grosse crise familiale, une crise d'angoisse d'adolescent, des crises suicidaires, effectivement", donne Valérie Bar en exemple, relevant aussi les nombreuses situations d'"agressivité".

Prisme est pour l'instant ouvert en semaine de 9h à 17h. Les répondants -tous infirmiers- sont toujours au moins deux en même temps, comme au 3114 et à VigilanS, mais, spécificité par rapport aux deux autres dispositifs, ils sont supervisés par un psychiatre présent sur l'îlot toute la journée. Prisme reçoit "six à sept appels par jour pour l'instant, mais cela va monter en charge, l'idée étant d'ouvrir jusqu'à 21h, car on sent monter les appels à partir de 15h30-16h", relaie Valérie Bar.

L'équipe étant encore en cours de constitution, la Dr Marion Ledieu, psychiatre coordinatrice de Prisme, répond aussi exceptionnellement au téléphone aux côtés de Valérie Bar, ce jeudi après-midi. Le lendemain matin, ce sera avec la Dr Deborah Baschmidt que l'infirmière se partagera les appels.

Dès lors qu'un appel au 15 ne concerne pas le somatique, il est transféré à Prisme. En clair, "les ARM nous passent tous ces appels; il n'y a pas de tri", résume Marion Ledieu, selon le principe de "l'inconditionnalité", comme le dit Valérie Bar. C'est la marque de fabrique de Prisme par rapport aux autres SAS psychiatriques.

Pour répondre aux appels de Prisme, il faut "une bonne culture de la psychopathologie, une très bonne connaissance du système de soins pour faire les orientations et les adressages, rester empathique face à toutes les situations, et ne pas juger le patient. C'est un travail de l'urgence et on peut vite se sentir dépassé, il faut donc être outillé pour recevoir et gérer ces situations", synthétise Marion Ledieu, sans cacher son admiration pour ceux qui exercent ce "métier difficile".

Le plus important, "c'est l'écoute, l'empathie, le non-jugement, ne pas être dans le 'y a qu'à, faut qu'on', être le plus objectif possible", complète Valérie Bar. "Rien que d'écouter et de rebondir sur des questionnements qui peuvent faire cheminer le patient, cela peut désamorcer beaucoup de choses."

Il s'agit aussi, comme au 3114 et à VigilanS, de savoir décrypter ce que l'on ne peut pas voir, écouter l'environnement, "s'il y a du bruit, des enfants en bas âge, si la personne est en voiture…", assure Valérie Bar. Il s'agit tant d'évaluer la situation globale de l'appelant que d'anticiper les conditions d'un éventuel envoi des secours.

Il faut également "être assez solide psychologiquement, avoir la capacité à prendre du recul par rapport aux situations, savoir gérer ses émotions, se remettre en question, ne pas avoir de certitudes, et surtout être en capacité d'exprimer ses difficultés et de passer le relais", souligne l'infirmière.

"Ce n'est pas le genre de poste que j'aurais pris jeune diplômée", observe celle qui cumule plus de 30 ans d'expérience dans différents services du CHU de Lille, dont les urgences psychiatriques. "Je suis plus sereine sur les appels car j'ai toute mon antériorité clinique en présentiel", souligne-t-elle.

Quant à la composante téléphone, "j'avais déjà, dans mes postes antérieurs [comme infirmière en centre médico-psychologique -CMP-, au centre régional du psychotraumatisme -CRP- ou à VigilanS], une pratique de l'évaluation clinique téléphonique".

"Le temps de la désescalade"

Même si "les gens qui appellent le 15 veulent une réponse rapide, immédiate, on a le temps de la désescalade", résume Valérie Bar. Contrairement aux ARM, "nous ne sommes pas minutés. On a cette chance de prendre le temps nécessaire pour traiter la situation."

"Je suis infirmière, donc mon but n'est pas de poser un diagnostic", précise-t-elle. "Je repère les symptômes, les éléments d'inquiétude. Le but de Prisme est d'être très réactif; s'il y a urgence, évidemment, on envoie les [secours]." En cas de doute ou quand "je ne suis pas très sereine sur une situation, avoir des psychiatres à nos côtés, qui peuvent aussi reprendre l'appel en cas de difficulté" est "un vrai confort, un filet de sécurité", approuve-t-elle. "Cela me protège aussi au plan médico-légal", ajoute-t-elle, assurant "connaître les limites de [sa] profession".

Le pôle de Prisme avec la Dr Marion Ledieu et Valérie Bar. Photo: Valérie Lespez
Le pôle de Prisme avec la Dr Marion Ledieu et Valérie Bar. Photo: Valérie Lespez

"Je suis plus dans une démarche d'accompagnement, de compréhension et d'analyse de la situation et de voir comment je peux aider le patient au mieux. Le psychiatre est dans cette même démarche, mais il va tout de suite avoir la dimension clinique et psychopathologie en tête", analyse-t-elle. "Face à l'agressivité ou l'émotion des patients, on ne raisonne pas forcément avec toute la dimension clinique; on ressent les choses." Et parfois, dit-elle en jetant un œil malicieux à Marion Ledieu, tout sourire et tout ouïe, "on peut être en désaccord avec le psychiatre. Mais l'avantage, avec cette équipe, c'est qu'on peut échanger nos points de vue".

A écouter les conversations entre Valérie Bar et Marion Ledieu, comme avec Deborah Baschmidt, on sent une véritable coopération et une estime réciproque.

"Des relations "fluides" avec les ARM

A la création du dispositif, les répondants de Prisme étaient installés au-dessus de la salle de régulation du Samu. Ce n'est que depuis peu que le SAS psy, VigilanS et le 3114 ont investi cet espace au même étage. Entre Prisme et le Samu, une salle de pause, vite traversée. "Depuis qu'on est sur ce plateau, les relations avec les ARM sont beaucoup plus fluides", approuve Valérie Bar. "Je vais facilement les voir sur des dossiers, et eux viennent de plus en plus. On commence à bien se connaître."

"Quand une situation les a touchés, certains ARM se déplacent pour savoir ce qu'on a fait avec le patient", rapporte-t-elle aussi. "Ces échanges permettent de réfléchir ensemble sur la situation, et d'adapter nos réponses pour d'autres appels." Il n'est pas rare, effectivement, de voir passer dans l'open space des assistants de régulation, reconnaissables à leur gilet jaune, certains s'arrêtant pour poser une question, papoter quelques minutes ou lancer une plaisanterie.

De même qu'il n'est pas rare qu'une répondante du 3114 s'enquière d'une situation, rapporte Valérie Bar, donnant l'exemple de ce jour où "j'étais au téléphone avec un patient et ma collègue à côté m'a dit 'mais nous aussi, on l'a eu!'". Une réunion formelle est organisée tous les trois mois entre Prisme et le 3114. "Nous discutons de nos cas complexes communs pour justement avoir une démarche commune et délivrer à ces patients la même réponse, car on s'est rendu compte que, parfois, nous ne leur tenions pas le même discours."

Pour un appel entrant, jusqu'à trois ou quatre appels sortants

Puisqu'il s'agit de limiter les passages évitables aux urgences, et de donner la bonne orientation au patient, les répondants de Prisme doivent connaître l'offre de soins locale sur le bout des doigts.

La "bible" de Prisme. Photo: Valérie Lespez
La "bible" de Prisme. Photo: Valérie Lespez

"On connaît très bien le secteur du 59, et on a aussi notre 'bible' avec toutes les coordonnées des lieux de soins du département, un listing d'associations, des lignes d'écoute", décrit Valérie Bar, montrant une dizaine de pages agrafées remplies de numéros de téléphone.

Hors urgences, "on peut solliciter les CMP [centres médico-psychologiques], les équipes mobiles, les associations, les infirmières libérales, les CCAS [centres communaux d'action sociale] pour les personnes âgées, les médecins généralistes, etc.", égrène-t-elle. "Je dis au patient que je vais appeler pour lui untel ou untel et je le rappelle ensuite pour lui expliquer."

Résultat, pour un appel entrant, trois ou quatre coups de fil sortants peuvent être nécessaires, le traitement d'un appel à Prisme s'élevant à 45 minutes, en moyenne. "Ce matin, j'ai eu la situation d'une jeune fille de 15 ans qui vit seule avec son père, et qui a appelé le 15 car son père était très alcoolisé, faisait des chutes, etc. J'ai fait le relais avec la Maison Nord Solidarités [service du département] pour voir si cette famille bénéficiait d'une mesure sociale. Effectivement, il y en avait une, donc j'ai transmis des informations. J'ai aussi transmis [des éléments] aux infirmières de l'hôpital de D. qui était très inquiètes pour la jeune fille, sachant qu'elles connaissent bien le père, qui arrive régulièrement alcoolisé aux urgences", raconte-t-elle.

Pour autant, "nous ne faisons pas le suivi", précise Valérie Bar. "On analyse la situation et on mobilise le réseau à un instant T."

"Pour les 'appels fréquents'", qui désignent les patients psychiatriques sollicitant très souvent le 15 sans réelle urgence, l'équipe consigne dans "un petit cahier" leurs noms et les personnes et institutions qui les suivent, afin d'éviter de mobiliser les secours pour rien. "Toutes les 48 heures, les dossiers Samu sont archivés, donc on n'y a plus accès", explique l'infirmière. Mais "un logiciel spécifique à Prisme dans l'appli Samu va bientôt nous permettre de bénéficier de l'antériorité des dossiers et d'y consigner ce qui a été fait pour les patients", se réjouit-elle.

vl/nc/APMnews

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(Par Valérie LESPEZ, au CHU de Lille)

LILLE, 15 avril 2025 (APMnews) - A Prisme, le service d'accès aux soins (SAS) psychiatrique du Samu 59, l'énergique infirmière Valérie Bar répond aux appels au 15 nécessitant une expertise psychiatrique, transmis par les assistants de régulation médicale (ARM) installés dans la pièce à côté.

Cet article est le deuxième épisode d'une série APMnews consacrée aux répondants des antennes nordistes de trois dispositifs psychiatriques nationaux, le numéro de prévention du suicide 3114 (cf dépêche du 14/04/2025 à 11:00, avec bonus audio), le service d'accès aux soins (SAS) psychiatrique du Samu 59, et le dispositif de prévention de la récidive suicidaire VigilanS (cf APM VL4SU76M9, avec bonus audio). Leur particularité, au CHU de Lille, est d'être installés sur le même plateau, et à deux pas de celui du Samu.

Dans ce grand open space au sein du CHU de Lille, l'îlot réservé au SAS psy, au milieu, côtoie à une extrémité les répondants du numéro national de prévention du suicide, le 3114, et à l'autre ceux de VigilanS, le dispositif de prévention de la récidive suicidaire.

C'est là qu'officie Valérie Bar, 57 ans, répondante depuis la création du dispositif, petit dernier du plateau, né en août 2024 et encore en montée en charge (cf dépêche du 12/12/2024 à 09:45).

"Une bonne culture de la psychopathologie"

Valérie Bar. Photo: Valérie Lespez
Valérie Bar. Photo: Valérie Lespez

A Prisme, contrairement au 3114 et à VigilanS, on est toujours dans l'urgence, et "les appels sont très variés; cela va d'un patient psychotique qui décompense à une grosse crise familiale, une crise d'angoisse d'adolescent, des crises suicidaires, effectivement", donne Valérie Bar en exemple, relevant aussi les nombreuses situations d'"agressivité".

Prisme est pour l'instant ouvert en semaine de 9h à 17h. Les répondants -tous infirmiers- sont toujours au moins deux en même temps, comme au 3114 et à VigilanS, mais, spécificité par rapport aux deux autres dispositifs, ils sont supervisés par un psychiatre présent sur l'îlot toute la journée. Prisme reçoit "six à sept appels par jour pour l'instant, mais cela va monter en charge, l'idée étant d'ouvrir jusqu'à 21h, car on sent monter les appels à partir de 15h30-16h", relaie Valérie Bar.

L'équipe étant encore en cours de constitution, la Dr Marion Ledieu, psychiatre coordinatrice de Prisme, répond aussi exceptionnellement au téléphone aux côtés de Valérie Bar, ce jeudi après-midi. Le lendemain matin, ce sera avec la Dr Deborah Baschmidt que l'infirmière se partagera les appels.

Dès lors qu'un appel au 15 ne concerne pas le somatique, il est transféré à Prisme. En clair, "les ARM nous passent tous ces appels; il n'y a pas de tri", résume Marion Ledieu, selon le principe de "l'inconditionnalité", comme le dit Valérie Bar. C'est la marque de fabrique de Prisme par rapport aux autres SAS psychiatriques.

Pour répondre aux appels de Prisme, il faut "une bonne culture de la psychopathologie, une très bonne connaissance du système de soins pour faire les orientations et les adressages, rester empathique face à toutes les situations, et ne pas juger le patient. C'est un travail de l'urgence et on peut vite se sentir dépassé, il faut donc être outillé pour recevoir et gérer ces situations", synthétise Marion Ledieu, sans cacher son admiration pour ceux qui exercent ce "métier difficile".

Le plus important, "c'est l'écoute, l'empathie, le non-jugement, ne pas être dans le 'y a qu'à, faut qu'on', être le plus objectif possible", complète Valérie Bar. "Rien que d'écouter et de rebondir sur des questionnements qui peuvent faire cheminer le patient, cela peut désamorcer beaucoup de choses."

Il s'agit aussi, comme au 3114 et à VigilanS, de savoir décrypter ce que l'on ne peut pas voir, écouter l'environnement, "s'il y a du bruit, des enfants en bas âge, si la personne est en voiture…", assure Valérie Bar. Il s'agit tant d'évaluer la situation globale de l'appelant que d'anticiper les conditions d'un éventuel envoi des secours.

Il faut également "être assez solide psychologiquement, avoir la capacité à prendre du recul par rapport aux situations, savoir gérer ses émotions, se remettre en question, ne pas avoir de certitudes, et surtout être en capacité d'exprimer ses difficultés et de passer le relais", souligne l'infirmière.

"Ce n'est pas le genre de poste que j'aurais pris jeune diplômée", observe celle qui cumule plus de 30 ans d'expérience dans différents services du CHU de Lille, dont les urgences psychiatriques. "Je suis plus sereine sur les appels car j'ai toute mon antériorité clinique en présentiel", souligne-t-elle.

Quant à la composante téléphone, "j'avais déjà, dans mes postes antérieurs [comme infirmière en centre médico-psychologique -CMP-, au centre régional du psychotraumatisme -CRP- ou à VigilanS], une pratique de l'évaluation clinique téléphonique".

"Le temps de la désescalade"

Même si "les gens qui appellent le 15 veulent une réponse rapide, immédiate, on a le temps de la désescalade", résume Valérie Bar. Contrairement aux ARM, "nous ne sommes pas minutés. On a cette chance de prendre le temps nécessaire pour traiter la situation."

"Je suis infirmière, donc mon but n'est pas de poser un diagnostic", précise-t-elle. "Je repère les symptômes, les éléments d'inquiétude. Le but de Prisme est d'être très réactif; s'il y a urgence, évidemment, on envoie les [secours]." En cas de doute ou quand "je ne suis pas très sereine sur une situation, avoir des psychiatres à nos côtés, qui peuvent aussi reprendre l'appel en cas de difficulté" est "un vrai confort, un filet de sécurité", approuve-t-elle. "Cela me protège aussi au plan médico-légal", ajoute-t-elle, assurant "connaître les limites de [sa] profession".

Le pôle de Prisme avec la Dr Marion Ledieu et Valérie Bar. Photo: Valérie Lespez
Le pôle de Prisme avec la Dr Marion Ledieu et Valérie Bar. Photo: Valérie Lespez

"Je suis plus dans une démarche d'accompagnement, de compréhension et d'analyse de la situation et de voir comment je peux aider le patient au mieux. Le psychiatre est dans cette même démarche, mais il va tout de suite avoir la dimension clinique et psychopathologie en tête", analyse-t-elle. "Face à l'agressivité ou l'émotion des patients, on ne raisonne pas forcément avec toute la dimension clinique; on ressent les choses." Et parfois, dit-elle en jetant un œil malicieux à Marion Ledieu, tout sourire et tout ouïe, "on peut être en désaccord avec le psychiatre. Mais l'avantage, avec cette équipe, c'est qu'on peut échanger nos points de vue".

A écouter les conversations entre Valérie Bar et Marion Ledieu, comme avec Deborah Baschmidt, on sent une véritable coopération et une estime réciproque.

"Des relations "fluides" avec les ARM

A la création du dispositif, les répondants de Prisme étaient installés au-dessus de la salle de régulation du Samu. Ce n'est que depuis peu que le SAS psy, VigilanS et le 3114 ont investi cet espace au même étage. Entre Prisme et le Samu, une salle de pause, vite traversée. "Depuis qu'on est sur ce plateau, les relations avec les ARM sont beaucoup plus fluides", approuve Valérie Bar. "Je vais facilement les voir sur des dossiers, et eux viennent de plus en plus. On commence à bien se connaître."

"Quand une situation les a touchés, certains ARM se déplacent pour savoir ce qu'on a fait avec le patient", rapporte-t-elle aussi. "Ces échanges permettent de réfléchir ensemble sur la situation, et d'adapter nos réponses pour d'autres appels." Il n'est pas rare, effectivement, de voir passer dans l'open space des assistants de régulation, reconnaissables à leur gilet jaune, certains s'arrêtant pour poser une question, papoter quelques minutes ou lancer une plaisanterie.

De même qu'il n'est pas rare qu'une répondante du 3114 s'enquière d'une situation, rapporte Valérie Bar, donnant l'exemple de ce jour où "j'étais au téléphone avec un patient et ma collègue à côté m'a dit 'mais nous aussi, on l'a eu!'". Une réunion formelle est organisée tous les trois mois entre Prisme et le 3114. "Nous discutons de nos cas complexes communs pour justement avoir une démarche commune et délivrer à ces patients la même réponse, car on s'est rendu compte que, parfois, nous ne leur tenions pas le même discours."

Pour un appel entrant, jusqu'à trois ou quatre appels sortants

Puisqu'il s'agit de limiter les passages évitables aux urgences, et de donner la bonne orientation au patient, les répondants de Prisme doivent connaître l'offre de soins locale sur le bout des doigts.

La "bible" de Prisme. Photo: Valérie Lespez
La "bible" de Prisme. Photo: Valérie Lespez

"On connaît très bien le secteur du 59, et on a aussi notre 'bible' avec toutes les coordonnées des lieux de soins du département, un listing d'associations, des lignes d'écoute", décrit Valérie Bar, montrant une dizaine de pages agrafées remplies de numéros de téléphone.

Hors urgences, "on peut solliciter les CMP [centres médico-psychologiques], les équipes mobiles, les associations, les infirmières libérales, les CCAS [centres communaux d'action sociale] pour les personnes âgées, les médecins généralistes, etc.", égrène-t-elle. "Je dis au patient que je vais appeler pour lui untel ou untel et je le rappelle ensuite pour lui expliquer."

Résultat, pour un appel entrant, trois ou quatre coups de fil sortants peuvent être nécessaires, le traitement d'un appel à Prisme s'élevant à 45 minutes, en moyenne. "Ce matin, j'ai eu la situation d'une jeune fille de 15 ans qui vit seule avec son père, et qui a appelé le 15 car son père était très alcoolisé, faisait des chutes, etc. J'ai fait le relais avec la Maison Nord Solidarités [service du département] pour voir si cette famille bénéficiait d'une mesure sociale. Effectivement, il y en avait une, donc j'ai transmis des informations. J'ai aussi transmis [des éléments] aux infirmières de l'hôpital de D. qui était très inquiètes pour la jeune fille, sachant qu'elles connaissent bien le père, qui arrive régulièrement alcoolisé aux urgences", raconte-t-elle.

Pour autant, "nous ne faisons pas le suivi", précise Valérie Bar. "On analyse la situation et on mobilise le réseau à un instant T."

"Pour les 'appels fréquents'", qui désignent les patients psychiatriques sollicitant très souvent le 15 sans réelle urgence, l'équipe consigne dans "un petit cahier" leurs noms et les personnes et institutions qui les suivent, afin d'éviter de mobiliser les secours pour rien. "Toutes les 48 heures, les dossiers Samu sont archivés, donc on n'y a plus accès", explique l'infirmière. Mais "un logiciel spécifique à Prisme dans l'appli Samu va bientôt nous permettre de bénéficier de l'antériorité des dossiers et d'y consigner ce qui a été fait pour les patients", se réjouit-elle.

vl/nc/APMnews

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