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27/05 2019
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LE SYSTÈME DE SANTÉ DANOIS, UN EXEMPLE POUR LA FRANCE?

(Par Sabine NEULAT-ISARD, à la Paris Healthcare Week)

PARIS, 27 mai 2019 (APMnews) - L'organisation des soins au Danemark s'est retrouvée au coeur d'un débat sur le système de santé français, lors d'une table ronde organisée à la Paris Healthcare Week la semaine dernière.

Cette table ronde s'est tenue sur le stand de la Fédération hospitalière de France (FHF) en présence de l'ambassadeur du Danemark en France. Anne Smetana, directrice adjointe de la santé au Danemark (Healthcare Denmark), a rappelé que son pays avait effectué une importante réforme de son organisation territoriale en 2007, avec la suppression des 14 départements, un nombre de régions qui est passé de 13 à 5 et un nombre de municipalités qui a été fortement réduit, de 271 à 98.

Les régions ont la responsabilité des hôpitaux et de la médecine générale libérale. Les municipalités, qui couvrent, en moyenne, un bassin de 50.000 habitants, jouent des rôles importants dans les domaines de la prévention et de la réadaptation ainsi que dans l'organisation et le financement des structures prenant en charge les personnes âgées. Cette position dans le secteur de l'aval est importante puisque la durée de séjour à l'hôpital est de 3 jours, a-t-elle relevé.

Le secteur hospitalier danois représente un budget annuel de 5,6 milliards d'euros, le gouvernement en apportant 60% et le reste étant financé par les régions.

Anne Smetana a précisé que le Danemark s'était lancé en 2007 dans le programme "super hôpital" qui porte sur la construction ou reconstruction de 16 hôpitaux (somatiques et psychiatriques) avec des projets situés dans différentes régions du pays, dans l'idée de réaliser "l'hôpital du futur", pour des surfaces allant de 50.000 m² à 250.000 m².

Alors que le Danemark disposait de 128 hôpitaux en 1981, il n'en avait plus que 61 en 2018 et en comptera plus que 53 en 2025. "Même si ce n'est pas la taille qui fait tout, nous sommes sûrs qu'il faut concentrer les ressources des hôpitaux et avoir l'oeil sur le secteur primaire", a souligné la directrice adjointe de la santé.

Une importante concentration des spécialités médicales a été effectuée, en particulier dans le domaine des urgences puisque le nombre d'hôpitaux accueillant des urgences va passer de 40 à 21. "Cela veut dire que les Danois acceptent de mettre parfois une heure" pour y accéder, a observé Anne Smetana, qui a aussi évoqué une plus grande utilisation des hélicoptères.

Parmi les autres grandes caractéristiques du secteur de la santé danois est le fort développement du numérique dans les établissements et le "très bon fonctionnement" du dossier médical partagé au plan national, notamment pour les relations ville-hôpital.

Au Danemark, "les médecins généralistes, qui sont au nombre de 3.500, jouent un rôle clé dans le système de santé", a poursuivi Anne Smetana. Ils jouent par exemple un rôle important dans la prise en charge des petites urgences. "On ne se presse pas aux urgences tout seul mais on passe par les médecins généralistes qui sont de garde", a-t-elle expliqué.

Elle a précisé que les médecins généralistes qui doivent avoir une file active de 1.600 patients, "gèrent 87% déjà des tâches médicales". Le Danemark "rêve d'avoir des médecins généralistes encore plus proactifs pour qu'ils renvoient davantage les patients vers les municipalités et les structures gérées par elles", a-t-elle expliqué.

Le pays connaît cependant des problèmes de démographie médicale dans certains territoires et a accepté l'ouverture d'une cinquantaine de cliniques privées, a-t-elle précisé.

Des évolutions sont rendues possibles grâce au comité de santé qui est réuni dans chaque région tous les 4 ans et qui comprend les médecins généralistes, les hôpitaux et les municipalités.

"Si une région a trouvé un bon modèle, il est dupliqué dans une autre région", a-t-elle précisé.

Ces accords de santé permettent de vraies discussions sur les réponses aux besoins, notamment les "besoins spéciaux". Par exemple, sur les maladies chroniques, "nous avons travaillé à un accord public-privé qui va permettre de créer de nouveaux centres public/privés pour les patients diabétiques", a rapporté Anne Smetana.

Le président de la FMF "séduit" par le système danois

Appelé à réagir cette présentation, le président de la Fédération des médecins de France (FMF), le Dr Jean-Paul Hamon, qui s'est lui-même rendu au Danemark, a salué tout d'abord la réforme qui a été faite en 2007 sur le plan territorial, et ce "sans augmenter le nombre de fonctionnaires".

"Ce qui m'a aussi épaté, c'est de voir deux infirmières qui étaient directrices d'hôpital [...]. Si [en France] on prenait des gens de terrain qui savent comment on soigne les gens, cela marcherait aussi certainement mieux", a affirmé le représentant du syndicat de médecins libéraux, en saluant aussi le fonctionnement des urgences.

Jean-Paul Hamon s'est aussi déclaré "impressionné" par le cabinet de médecins généralistes qu'il a visité. "J'ai été impressionné de voir que les patients passaient leur carte de santé au secrétariat et étaient enregistrés directement avant de se rendre à la salle d'attente. J'ai vu des médecins qui avaient les moyens d'exercer dans des locaux corrects et avec des horaires nettement inférieurs à la moyenne en France", a-t-il aussi raconté.

Il a reconnu que le Danemark appliquait le tiers payant total mais dans un système où les médecins ont un rôle "central", une "vraie collaboration avec l'hôpital" et "ont des revenus autrement plus importants que les médecins généralistes français", a-t-il souligné en trouvant le système danois "extrêmement séduisant".

Désaccords sur le chemin parcouru en France

Le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux, et le député Thomas Mesnier, présents à la table ronde, ont reconnu qu'ils ne s'étaient pas rendus au Danemark mais ont considéré que la France s'orientait vers un tel système.

Frédéric Valletoux a observé que l'objectif de la réforme française était d'instaurer un système de graduation des soins et en particulier de "réhabiliter et reconstruire un système de soin de proximité".

"La grande fragilité, c'est la proximité et l'accès aux soins des Français", a insisté le président de la FHF qui a estimé que cela concernait aussi l'hôpital que la médecine libérale.

"Les Danois ont de l'avance sur nous", a reconnu le député et médecin urgentiste Thomas Mesnier.

"On a toutefois fait des choses depuis 19 ans", comme créer les agences régionales de santé (ARS) "avec une organisation déconcentrée sur les territoires", a-t-il souligné.

Il a ajouté que de "nouvelles étapes" arrivaient, notamment avec l'organisation des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) autour de la médecine de ville, en vue d'instaurer un "maillage au plus près du territoire sur le plan de l'organisation des soins".

Le président de la FMF s'est élevé contre la comparaison entre la réforme lancée en France et le système danois, considérant notamment que les CPTS constituaient "la victoire de l'administration".

"Il faut supprimer la concurrence entre la ville et l'hôpital mais il faut que le gens qui nous gouvernent sachent quel métier fait le médecin généraliste et qu'ils ne pensent pas que la médecine générale est une section de bobologie", a-t-il souligné. Or, pour lui, "c'est cela que l'on voit" avec les nouvelles tâches qui sont confiées aux infirmières ou pharmaciens, s'est-il insurgé.

S'agissant du travail entamé pour définir les nouveaux hôpitaux de proximité, Jean-Paul Hamon a indiqué que son organisation avait été invitée "seulement à la troisième réunion" au ministère. "Et on a découvert que ces hôpitaux étaient présentés comme le premier recours", a-t-il dénoncé.

"Dans le système où le médecin généraliste est le premier étage d'entrée, cela veut dire qu'il assume des missions de service public, participe à la permanence des soins et prend en charge des patients qu'il n'a pas forcément envie de prendre en charge", lui a rétorqué Frédéric Valletoux. "Qui a des droits a aussi des devoirs", a-t-il insisté.

"On veut bosser avec l'hôpital mais il faut nous donner les moyens", lui a répondu Jean-Paul Hamon.

En conclusion, la directrice adjointe de la santé au Danemark a indiqué qu'elle n'acceptait pas l'argument selon lequel le modèle danois ne pouvait être dupliqué en France du fait de la différence de taille entre les deux pays.

Pour elle, c'est "la complexité de la France", avec ses 36.000 communes, "qui fait que vous ne pouvez pas changer". "Si vous gardez 36.000 municipalités, je ne comprends pas comment vous allez faire cette réforme", "mais vous allez la faire, car vous êtes obligés", a-t-elle assuré.

san/nc/APMnews

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LE SYSTÈME DE SANTÉ DANOIS, UN EXEMPLE POUR LA FRANCE?

(Par Sabine NEULAT-ISARD, à la Paris Healthcare Week)

PARIS, 27 mai 2019 (APMnews) - L'organisation des soins au Danemark s'est retrouvée au coeur d'un débat sur le système de santé français, lors d'une table ronde organisée à la Paris Healthcare Week la semaine dernière.

Cette table ronde s'est tenue sur le stand de la Fédération hospitalière de France (FHF) en présence de l'ambassadeur du Danemark en France. Anne Smetana, directrice adjointe de la santé au Danemark (Healthcare Denmark), a rappelé que son pays avait effectué une importante réforme de son organisation territoriale en 2007, avec la suppression des 14 départements, un nombre de régions qui est passé de 13 à 5 et un nombre de municipalités qui a été fortement réduit, de 271 à 98.

Les régions ont la responsabilité des hôpitaux et de la médecine générale libérale. Les municipalités, qui couvrent, en moyenne, un bassin de 50.000 habitants, jouent des rôles importants dans les domaines de la prévention et de la réadaptation ainsi que dans l'organisation et le financement des structures prenant en charge les personnes âgées. Cette position dans le secteur de l'aval est importante puisque la durée de séjour à l'hôpital est de 3 jours, a-t-elle relevé.

Le secteur hospitalier danois représente un budget annuel de 5,6 milliards d'euros, le gouvernement en apportant 60% et le reste étant financé par les régions.

Anne Smetana a précisé que le Danemark s'était lancé en 2007 dans le programme "super hôpital" qui porte sur la construction ou reconstruction de 16 hôpitaux (somatiques et psychiatriques) avec des projets situés dans différentes régions du pays, dans l'idée de réaliser "l'hôpital du futur", pour des surfaces allant de 50.000 m² à 250.000 m².

Alors que le Danemark disposait de 128 hôpitaux en 1981, il n'en avait plus que 61 en 2018 et en comptera plus que 53 en 2025. "Même si ce n'est pas la taille qui fait tout, nous sommes sûrs qu'il faut concentrer les ressources des hôpitaux et avoir l'oeil sur le secteur primaire", a souligné la directrice adjointe de la santé.

Une importante concentration des spécialités médicales a été effectuée, en particulier dans le domaine des urgences puisque le nombre d'hôpitaux accueillant des urgences va passer de 40 à 21. "Cela veut dire que les Danois acceptent de mettre parfois une heure" pour y accéder, a observé Anne Smetana, qui a aussi évoqué une plus grande utilisation des hélicoptères.

Parmi les autres grandes caractéristiques du secteur de la santé danois est le fort développement du numérique dans les établissements et le "très bon fonctionnement" du dossier médical partagé au plan national, notamment pour les relations ville-hôpital.

Au Danemark, "les médecins généralistes, qui sont au nombre de 3.500, jouent un rôle clé dans le système de santé", a poursuivi Anne Smetana. Ils jouent par exemple un rôle important dans la prise en charge des petites urgences. "On ne se presse pas aux urgences tout seul mais on passe par les médecins généralistes qui sont de garde", a-t-elle expliqué.

Elle a précisé que les médecins généralistes qui doivent avoir une file active de 1.600 patients, "gèrent 87% déjà des tâches médicales". Le Danemark "rêve d'avoir des médecins généralistes encore plus proactifs pour qu'ils renvoient davantage les patients vers les municipalités et les structures gérées par elles", a-t-elle expliqué.

Le pays connaît cependant des problèmes de démographie médicale dans certains territoires et a accepté l'ouverture d'une cinquantaine de cliniques privées, a-t-elle précisé.

Des évolutions sont rendues possibles grâce au comité de santé qui est réuni dans chaque région tous les 4 ans et qui comprend les médecins généralistes, les hôpitaux et les municipalités.

"Si une région a trouvé un bon modèle, il est dupliqué dans une autre région", a-t-elle précisé.

Ces accords de santé permettent de vraies discussions sur les réponses aux besoins, notamment les "besoins spéciaux". Par exemple, sur les maladies chroniques, "nous avons travaillé à un accord public-privé qui va permettre de créer de nouveaux centres public/privés pour les patients diabétiques", a rapporté Anne Smetana.

Le président de la FMF "séduit" par le système danois

Appelé à réagir cette présentation, le président de la Fédération des médecins de France (FMF), le Dr Jean-Paul Hamon, qui s'est lui-même rendu au Danemark, a salué tout d'abord la réforme qui a été faite en 2007 sur le plan territorial, et ce "sans augmenter le nombre de fonctionnaires".

"Ce qui m'a aussi épaté, c'est de voir deux infirmières qui étaient directrices d'hôpital [...]. Si [en France] on prenait des gens de terrain qui savent comment on soigne les gens, cela marcherait aussi certainement mieux", a affirmé le représentant du syndicat de médecins libéraux, en saluant aussi le fonctionnement des urgences.

Jean-Paul Hamon s'est aussi déclaré "impressionné" par le cabinet de médecins généralistes qu'il a visité. "J'ai été impressionné de voir que les patients passaient leur carte de santé au secrétariat et étaient enregistrés directement avant de se rendre à la salle d'attente. J'ai vu des médecins qui avaient les moyens d'exercer dans des locaux corrects et avec des horaires nettement inférieurs à la moyenne en France", a-t-il aussi raconté.

Il a reconnu que le Danemark appliquait le tiers payant total mais dans un système où les médecins ont un rôle "central", une "vraie collaboration avec l'hôpital" et "ont des revenus autrement plus importants que les médecins généralistes français", a-t-il souligné en trouvant le système danois "extrêmement séduisant".

Désaccords sur le chemin parcouru en France

Le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux, et le député Thomas Mesnier, présents à la table ronde, ont reconnu qu'ils ne s'étaient pas rendus au Danemark mais ont considéré que la France s'orientait vers un tel système.

Frédéric Valletoux a observé que l'objectif de la réforme française était d'instaurer un système de graduation des soins et en particulier de "réhabiliter et reconstruire un système de soin de proximité".

"La grande fragilité, c'est la proximité et l'accès aux soins des Français", a insisté le président de la FHF qui a estimé que cela concernait aussi l'hôpital que la médecine libérale.

"Les Danois ont de l'avance sur nous", a reconnu le député et médecin urgentiste Thomas Mesnier.

"On a toutefois fait des choses depuis 19 ans", comme créer les agences régionales de santé (ARS) "avec une organisation déconcentrée sur les territoires", a-t-il souligné.

Il a ajouté que de "nouvelles étapes" arrivaient, notamment avec l'organisation des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) autour de la médecine de ville, en vue d'instaurer un "maillage au plus près du territoire sur le plan de l'organisation des soins".

Le président de la FMF s'est élevé contre la comparaison entre la réforme lancée en France et le système danois, considérant notamment que les CPTS constituaient "la victoire de l'administration".

"Il faut supprimer la concurrence entre la ville et l'hôpital mais il faut que le gens qui nous gouvernent sachent quel métier fait le médecin généraliste et qu'ils ne pensent pas que la médecine générale est une section de bobologie", a-t-il souligné. Or, pour lui, "c'est cela que l'on voit" avec les nouvelles tâches qui sont confiées aux infirmières ou pharmaciens, s'est-il insurgé.

S'agissant du travail entamé pour définir les nouveaux hôpitaux de proximité, Jean-Paul Hamon a indiqué que son organisation avait été invitée "seulement à la troisième réunion" au ministère. "Et on a découvert que ces hôpitaux étaient présentés comme le premier recours", a-t-il dénoncé.

"Dans le système où le médecin généraliste est le premier étage d'entrée, cela veut dire qu'il assume des missions de service public, participe à la permanence des soins et prend en charge des patients qu'il n'a pas forcément envie de prendre en charge", lui a rétorqué Frédéric Valletoux. "Qui a des droits a aussi des devoirs", a-t-il insisté.

"On veut bosser avec l'hôpital mais il faut nous donner les moyens", lui a répondu Jean-Paul Hamon.

En conclusion, la directrice adjointe de la santé au Danemark a indiqué qu'elle n'acceptait pas l'argument selon lequel le modèle danois ne pouvait être dupliqué en France du fait de la différence de taille entre les deux pays.

Pour elle, c'est "la complexité de la France", avec ses 36.000 communes, "qui fait que vous ne pouvez pas changer". "Si vous gardez 36.000 municipalités, je ne comprends pas comment vous allez faire cette réforme", "mais vous allez la faire, car vous êtes obligés", a-t-elle assuré.

san/nc/APMnews

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