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LE TÉLÉ-AVC S'EST FORTEMENT DÉVELOPPÉ EN FRANCE MAIS SON FINANCEMENT RESTE PRÉCAIRE
DIJON, 20 novembre 2025 (APMnews) - Le recours à la télémédecine pour la prise en charge à la phase aiguë des accidents vasculaires cérébraux (AVC) s'est fortement développé en France depuis 2015 mais son financement reste précaire, montrent les résultats d'une enquête présentés à la journée nationale des référents et animateurs ARS des filières AVC organisée mercredi dans le cadre du congrès de la Société française neurovasculaire (SFNV) à Dijon.
Les nombreuses zones rurales sur le territoire français, avec des zones blanches en expertise vasculaire, ont conduit au développement rapide de la télémédecine dans la prise en charge de l'AVC mais ce que les professionnels appellent "le télé-AVC" est à présent "victime de son succès", fragilisant les centres experts, ce qui doit pousser à réfléchir aux modèles d'organisation et à son financement, a exposé en introduction la Dr Katia Hardenberg, médecin urgentiste au CHU de Dijon et animatrice du réseau Bourgogne AVC.
L'équipe d'animateurs de la filière en Bourgogne-Franche-Comté a souhaité faire le point sur la situation, les données disponibles datant de la campagne des indicateurs de qualité et sécurité des soins Ipaqss de 2015, a poursuivi le Dr Benjamin Bouamra du CHU de Besançon et médecin coordonnateur du réseau des urgences neurologiques de Franche-Comté (RUN-FC).
Parmi les 112 établissements ayant alors déclaré du télé-AVC, dont 44 avec une unité neurovasculaire (UNV) et 68 sans, seulement 75 étaient actifs. Il n'y avait par ailleurs aucune donnée sur les modèles d'organisation ou le financement.
Un questionnaire a été envoyé à l'ensemble des référents ARS des filières AVC et l'ensemble des 13 régions ont répondu sauf la Corse. Au total, il existe 140 UNV dont 41 de recours (29%) et 99 de proximité (71%), et 50 centres de neuroradiologie interventionnelle (NRI), avec un total de 2.864 lits dans les UNV (18 lits en médiane, entre 2 et 60 lits selon la taille de l'UNV), dont 1.004 lits de soins intensifs (unités de soins intensifs neurovasculaires, USINV) et 1.860 lits post-soins intensifs.
Les référents ont rapporté 35 réseaux de télé-AVC fonctionnels sur les 60 déclarés par les ARS. Tous utilisent un système vidéo pour l'examen clinique à distance et un système de transfert des examens d'imagerie cérébrale. Deux réseaux n'ont pas mis en place de protocole d'utilisation du télé-AVC et 14 (40%) n'assurent pas de formation à l'outil.
La grande majorité des réseaux (32, 91,5%) réalisent de la télé-thrombolyse et autant proposent de l'aide à la décision pour la thrombectomie.
La moitié des réseaux (52%) fonctionnent un modèle organisationnel avec un seul niveau d'expertise et moins d'un tiers (31%) à plusieurs niveaux d'expertise. Il existe quelques réseaux avec des modèles moins courants, avec expertise tournante ou externalisée ou une UNV mobile de télé-AVC.
Plus de 250 établissements impliqués dans 35 réseaux
Dans ces 35 réseaux figurent 56 centres requis, essentiellement des UNV de recours, et 198 centres demandeurs, dont 120 sans UNV (60,6%) et 78 avec une UNV de proximité (39,4%), soit un rapport moyen de 3,5 centres demandeurs pour un centre requis, 2 en médiane, avec de tout petits réseaux, avec un seul centre demandeur pour le plus petit, et jusqu'à 15 centres demandeurs par centre requis.
La distance entre les centres requis et les requérants est de 99 km en moyenne et de 65,5 km en médiane, allant jusqu'à 4.600 km, mais cette très longue distance concerne une situation exceptionnelle puisqu'il s'agit du centre de Saint-Pierre-et-Miquelon qui interagit avec le CHU de Besançon.
Après un pic suivant le lancement du plan AVC 2010-2014, la création des réseaux s'est essoufflée et "leur nombre stagne, probablement en raison d'une saturation ou de difficultés structurelles pour en mettre en place de nouveaux", a commenté le Dr Bouamra, rappelant que le plus ancien réseau avait été créé en 2000 en Bourgogne sous l'impulsion du Pr Thierry Moulin du CHU de Besançon.
Concernant l'activité des réseaux, il est difficile de récupérer des données fiables exhaustives mais les équipes chargées du télé-AVC "rapportent une tension certaine qui pèse sur elles, en plus de leur activité propre au sein de l'établissement".
Parmi les 29 réseaux ayant répondu à la question sur le nombre d'actes, chacun réalise 417 actes en moyenne par an et 235 en médiane, avec un maximum de 2.248. Parmi les 28 renseignant la télé-thrombolyse, chacun en effectue 53 en moyenne par an et 41,5 en médiane, avec un maximum de 173 et pour les 14 centres de NRI répondants, chacun procède à 75,4 thrombectomies par an en moyenne et 31 en médiane, avec un maximum de 456.
Au total, le nombre d'établissements impliqués dans des réseaux de télé-AVC a été multiplié par 2,3 environ entre 2015 et 2024, passant de 112 à 254, ceux avec des UNV ont plus que triplé, passant de 44 à 134, et ceux sans UNV ont presque doublé, passant de 68 à 120.
Les cartes de l'implantation de ces établissements montrent un bon maillage des zones rurales. "Des UNV de proximité fragiles, menacées de fermeture, ont probablement mis en place le télé-AVC afin de déléguer des actes et maintenir la permanence des soins", a fait observer le neurologue.
Le télé-AVC permet en outre d'assurer une meilleure couverture des territoires, avec une plus grande proportion d'établissements accessibles en moins de 45 min par la route (93,6% avec UNV et/ou site de télé-AVC vs 88,2% avec UNV seulement).
"Cependant, il reste des zones non couvertes, notamment dans le quart sud-est de la France et des gains sont encore possibles lorsqu'on voit le nombre d'établissements sans UNV ou télé-AVC", a commenté le Dr Bouamra.
Un financement insuffisant du matériel et des ressources humaines
Les réponses au questionnaire montrent par ailleurs qu'une partie des réseaux mutualise l'outil de télé-AVC, 31,4% à l'ensemble des urgences neurologiques et 25,7% aux urgences neurochirurgicales. Dans quelques cas, l'outil sert également à des demandes non urgentes, notamment provenant de la médecine de ville, ainsi qu'aux programmes de suivi post-AVC.
Enfin, concernant le financement du matériel, l'ARS assure la totalité pour seulement 10 réseaux et partiellement pour les autres, avec un complément par les groupements régionaux d'appui au développement de l'e-santé (Grades). Un réseau déclare n'avoir aucun financement de l'ARS.
Du côté des ressources humaines, l'ARS finance la totalité de deux réseaux et une partie pour deux autres. L'établissement intervient aussi parfois, mais "de manière non calibrée". Une prestation inter-établissements est prévue à l'acte dans neuf réseaux et au forfait pour cinq. Mais aucun financement n'est identifié pour 15 centres.
Globalement, cette enquête montre que le télé-AVC s'est développé en France, probablement sous l'impulsion du plan AVC 2010-2014, avec une hausse de 130% des sites, même de 190% en se limitant aux sites actifs. L'innovation se poursuit, avec par exemple une UNV mobile dans le cadre du projet francilien ASPHALT (cf dépêche du 04/12/2023 à 09:52), a commenté le Dr Bouamra. Dans le Grand Est, le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne a lancé un dispositif de télémédecine pour les accidents ischémiques transitoires (AIT) avec le CU de Reims.
Le télé-AVC intervient en support des UNV de proximité pour assurer la permanence des soins mais cette activité est peu visible et les financements sont précaires. Une valorisation à l'échelle nationale est nécessaire et elle pourrait intervenir dans le cadre d'un nouveau plan, recommandé par la Cour des comptes dans un rapport publié fin octobre (cf dépêche du 28/10/2025 à 20:00), a-t-il conclu.
Dans l'auditoire, il a par ailleurs été souligné qu'il était nécessaire de développer une formation homogène aux professionnels des services d'accueil des urgences mais aussi d'homogénéiser les outils informatiques, notamment en raison d'un taux de rotation important dans les petits établissements.
ld/nc/APMnews
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LE TÉLÉ-AVC S'EST FORTEMENT DÉVELOPPÉ EN FRANCE MAIS SON FINANCEMENT RESTE PRÉCAIRE
DIJON, 20 novembre 2025 (APMnews) - Le recours à la télémédecine pour la prise en charge à la phase aiguë des accidents vasculaires cérébraux (AVC) s'est fortement développé en France depuis 2015 mais son financement reste précaire, montrent les résultats d'une enquête présentés à la journée nationale des référents et animateurs ARS des filières AVC organisée mercredi dans le cadre du congrès de la Société française neurovasculaire (SFNV) à Dijon.
Les nombreuses zones rurales sur le territoire français, avec des zones blanches en expertise vasculaire, ont conduit au développement rapide de la télémédecine dans la prise en charge de l'AVC mais ce que les professionnels appellent "le télé-AVC" est à présent "victime de son succès", fragilisant les centres experts, ce qui doit pousser à réfléchir aux modèles d'organisation et à son financement, a exposé en introduction la Dr Katia Hardenberg, médecin urgentiste au CHU de Dijon et animatrice du réseau Bourgogne AVC.
L'équipe d'animateurs de la filière en Bourgogne-Franche-Comté a souhaité faire le point sur la situation, les données disponibles datant de la campagne des indicateurs de qualité et sécurité des soins Ipaqss de 2015, a poursuivi le Dr Benjamin Bouamra du CHU de Besançon et médecin coordonnateur du réseau des urgences neurologiques de Franche-Comté (RUN-FC).
Parmi les 112 établissements ayant alors déclaré du télé-AVC, dont 44 avec une unité neurovasculaire (UNV) et 68 sans, seulement 75 étaient actifs. Il n'y avait par ailleurs aucune donnée sur les modèles d'organisation ou le financement.
Un questionnaire a été envoyé à l'ensemble des référents ARS des filières AVC et l'ensemble des 13 régions ont répondu sauf la Corse. Au total, il existe 140 UNV dont 41 de recours (29%) et 99 de proximité (71%), et 50 centres de neuroradiologie interventionnelle (NRI), avec un total de 2.864 lits dans les UNV (18 lits en médiane, entre 2 et 60 lits selon la taille de l'UNV), dont 1.004 lits de soins intensifs (unités de soins intensifs neurovasculaires, USINV) et 1.860 lits post-soins intensifs.
Les référents ont rapporté 35 réseaux de télé-AVC fonctionnels sur les 60 déclarés par les ARS. Tous utilisent un système vidéo pour l'examen clinique à distance et un système de transfert des examens d'imagerie cérébrale. Deux réseaux n'ont pas mis en place de protocole d'utilisation du télé-AVC et 14 (40%) n'assurent pas de formation à l'outil.
La grande majorité des réseaux (32, 91,5%) réalisent de la télé-thrombolyse et autant proposent de l'aide à la décision pour la thrombectomie.
La moitié des réseaux (52%) fonctionnent un modèle organisationnel avec un seul niveau d'expertise et moins d'un tiers (31%) à plusieurs niveaux d'expertise. Il existe quelques réseaux avec des modèles moins courants, avec expertise tournante ou externalisée ou une UNV mobile de télé-AVC.
Plus de 250 établissements impliqués dans 35 réseaux
Dans ces 35 réseaux figurent 56 centres requis, essentiellement des UNV de recours, et 198 centres demandeurs, dont 120 sans UNV (60,6%) et 78 avec une UNV de proximité (39,4%), soit un rapport moyen de 3,5 centres demandeurs pour un centre requis, 2 en médiane, avec de tout petits réseaux, avec un seul centre demandeur pour le plus petit, et jusqu'à 15 centres demandeurs par centre requis.
La distance entre les centres requis et les requérants est de 99 km en moyenne et de 65,5 km en médiane, allant jusqu'à 4.600 km, mais cette très longue distance concerne une situation exceptionnelle puisqu'il s'agit du centre de Saint-Pierre-et-Miquelon qui interagit avec le CHU de Besançon.
Après un pic suivant le lancement du plan AVC 2010-2014, la création des réseaux s'est essoufflée et "leur nombre stagne, probablement en raison d'une saturation ou de difficultés structurelles pour en mettre en place de nouveaux", a commenté le Dr Bouamra, rappelant que le plus ancien réseau avait été créé en 2000 en Bourgogne sous l'impulsion du Pr Thierry Moulin du CHU de Besançon.
Concernant l'activité des réseaux, il est difficile de récupérer des données fiables exhaustives mais les équipes chargées du télé-AVC "rapportent une tension certaine qui pèse sur elles, en plus de leur activité propre au sein de l'établissement".
Parmi les 29 réseaux ayant répondu à la question sur le nombre d'actes, chacun réalise 417 actes en moyenne par an et 235 en médiane, avec un maximum de 2.248. Parmi les 28 renseignant la télé-thrombolyse, chacun en effectue 53 en moyenne par an et 41,5 en médiane, avec un maximum de 173 et pour les 14 centres de NRI répondants, chacun procède à 75,4 thrombectomies par an en moyenne et 31 en médiane, avec un maximum de 456.
Au total, le nombre d'établissements impliqués dans des réseaux de télé-AVC a été multiplié par 2,3 environ entre 2015 et 2024, passant de 112 à 254, ceux avec des UNV ont plus que triplé, passant de 44 à 134, et ceux sans UNV ont presque doublé, passant de 68 à 120.
Les cartes de l'implantation de ces établissements montrent un bon maillage des zones rurales. "Des UNV de proximité fragiles, menacées de fermeture, ont probablement mis en place le télé-AVC afin de déléguer des actes et maintenir la permanence des soins", a fait observer le neurologue.
Le télé-AVC permet en outre d'assurer une meilleure couverture des territoires, avec une plus grande proportion d'établissements accessibles en moins de 45 min par la route (93,6% avec UNV et/ou site de télé-AVC vs 88,2% avec UNV seulement).
"Cependant, il reste des zones non couvertes, notamment dans le quart sud-est de la France et des gains sont encore possibles lorsqu'on voit le nombre d'établissements sans UNV ou télé-AVC", a commenté le Dr Bouamra.
Un financement insuffisant du matériel et des ressources humaines
Les réponses au questionnaire montrent par ailleurs qu'une partie des réseaux mutualise l'outil de télé-AVC, 31,4% à l'ensemble des urgences neurologiques et 25,7% aux urgences neurochirurgicales. Dans quelques cas, l'outil sert également à des demandes non urgentes, notamment provenant de la médecine de ville, ainsi qu'aux programmes de suivi post-AVC.
Enfin, concernant le financement du matériel, l'ARS assure la totalité pour seulement 10 réseaux et partiellement pour les autres, avec un complément par les groupements régionaux d'appui au développement de l'e-santé (Grades). Un réseau déclare n'avoir aucun financement de l'ARS.
Du côté des ressources humaines, l'ARS finance la totalité de deux réseaux et une partie pour deux autres. L'établissement intervient aussi parfois, mais "de manière non calibrée". Une prestation inter-établissements est prévue à l'acte dans neuf réseaux et au forfait pour cinq. Mais aucun financement n'est identifié pour 15 centres.
Globalement, cette enquête montre que le télé-AVC s'est développé en France, probablement sous l'impulsion du plan AVC 2010-2014, avec une hausse de 130% des sites, même de 190% en se limitant aux sites actifs. L'innovation se poursuit, avec par exemple une UNV mobile dans le cadre du projet francilien ASPHALT (cf dépêche du 04/12/2023 à 09:52), a commenté le Dr Bouamra. Dans le Grand Est, le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne a lancé un dispositif de télémédecine pour les accidents ischémiques transitoires (AIT) avec le CU de Reims.
Le télé-AVC intervient en support des UNV de proximité pour assurer la permanence des soins mais cette activité est peu visible et les financements sont précaires. Une valorisation à l'échelle nationale est nécessaire et elle pourrait intervenir dans le cadre d'un nouveau plan, recommandé par la Cour des comptes dans un rapport publié fin octobre (cf dépêche du 28/10/2025 à 20:00), a-t-il conclu.
Dans l'auditoire, il a par ailleurs été souligné qu'il était nécessaire de développer une formation homogène aux professionnels des services d'accueil des urgences mais aussi d'homogénéiser les outils informatiques, notamment en raison d'un taux de rotation important dans les petits établissements.
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