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06/09 2022
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LES "EFFETS CONTRASTÉS" DE LA CRISE SANITAIRE SUR LES CONDUITES SUICIDAIRES (OBSERVATOIRE NATIONAL DU SUICIDE)

PARIS, 6 septembre 2022 (APMnews) - La crise sanitaire a eu des "effets contrastés" sur les conduites suicidaires, estime l'Observatoire national du suicide (ONS), dans un rapport publié mardi, constatant que si les indicateurs de ces conduites sont restés relativement stables en population générale, cela masque "une dégradation de la situation des plus jeunes".

Dans son cinquième rapport, de 306 pages (cf dépêche du 10/06/2020 à 18:01), l'ONS se penche sur l'impact de la crise sanitaire liée au Covid 19.

Ce document est divisé en trois parties. Les deux premières explorent deux "grands dossiers"; "une revue de la littérature nationale et internationale sur les conduites suicidaires lors de la pandémie de Covid-19" et "la restitution de quatre recherches sur la prévention du suicide des jeunes" (cf dépêche du 06/09/2022 à 11:01). La troisième partie regroupe 18 fiches thématiques.

Dans son communiqué, l'observatoire constate que les effets de la crise sanitaire sont "contrastés au sein de la population".

L'ONS relève ainsi dans son rapport que les décès par suicide en France ont baissé respectivement de 20% et 8% durant les deux confinements de 2020 par rapport aux années précédentes.

Cependant, "sur les 15 mois écoulés de début janvier 2020 à fin mars 2021, le nombre global de décès par suicide, leur répartition selon l'âge ou le lieu du décès ne paraissent pas avoir été affectés par la pandémie" (11.210 décès par suicide au cours de cette période, dont 75% d'hommes, cf dépêche du 06/09/2022 à 10:58).

Les "taux d'hospitalisation en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO) pour geste auto-infligé" sont "inférieurs" en 2020 à ceux de la période 2017-2019.

Alors que le nombre de séjours hospitaliers pour tentative de suicide (séjours comportant un diagnostic associé de lésion auto-infligée) était de 88.000 par an entre 2017 et 2019, il est de 79.749 en 2020 (-10%). L'observatoire rappelle ici que les patients passés aux urgences après une tentative de suicide et n'ayant pas été hospitalisés par la suite ne sont pas pris en compte.

En 2020, le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide chez les femmes était de 38,8 pour 10.000 femmes âgées de 15 à 19 ans. Source: ONS
En 2020, le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide chez les femmes était de 38,8 pour 10.000 femmes âgées de 15 à 19 ans. Source: ONS

Concernant les décès par suicide ou les tentatives de suicide, l'ONS invite néanmoins dès sa synthèse à interpréter ces chiffres "avec précaution", car ces données peuvent être sous-estimées. Pour les tentatives de suicide, ces chiffres peuvent par exemple "masquer une augmentation de la part des gestes ne conduisant pas à l'hôpital".

Enfin, concernant "le recours aux urgences pour idée suicidaire", l'ONS observe qu'il "a augmenté" en 2020 "par rapport aux deux années précédentes, sauf pendant le premier confinement".

Selon les données du réseau Oscour, "le nombre de passages aux urgences pour idée suicidaire progresse de 22% dans la population générale (13.596 passages en 2020 contre une moyenne de 11.182 en 2018-2019) et dans toutes les classes d'âge, avec une hausse plus marquée chez les personnes âgées de 18 à 24 ans (+32%)".

Pour l'ONS, "cette augmentation s'inscrit dans une hausse tendancielle antérieure à la pandémie, potentiellement liée à une amélioration du codage de ce type de symptôme lors du passage aux urgences".

Il note d'ailleurs que cette tendance "n'est pas confirmée par le Baromètre santé de Santé publique France [enquête déclarative] qui indique une baisse de la prévalence des pensées suicidaires en 2020 par rapport à 2017 et, plus encore, par rapport à 2014, sauf chez les personnes âgées de moins de 25 ans".

"Ces résultats apparemment contradictoires pourraient se comprendre comme une aggravation de la situation des personnes les plus exposées au risque suicidaire, malgré la poursuite du recul de la fréquence des idées suicidaires dans l'ensemble de la population" ajoute-t-il.

Par ailleurs, si les indicateurs de conduite suicidaire en population générale sont relativement stables, cela "masque", selon l'ONS, "une dégradation de la situation des plus jeunes".

Des jeunes très touchés

"L'augmentation du nombre de passages aux urgences pour geste suicidaire, pour idée suicidaire ou pour trouble de l'humeur est ainsi nettement supérieure à la moyenne chez les collégiens et chez les lycéens", observe-t-il.

Et "la santé mentale des jeunes femmes a été particulièrement affectée par le premier confinement, avec une hausse des syndromes dépressifs, qui n'ont pas retrouvé les niveaux antérieurs à la pandémie une fois passées ses phases les plus aiguës, et avec une forte augmentation des hospitalisations pour lésion auto-infligée après le second confinement", ajoute-t-il (cf dépêche du 11/01/2022 à 12:21).

"De même, la forte augmentation des appels aux centres antipoison pour tentative de suicide en 2021 repose essentiellement sur la hausse importante des appels concernant les jeunes femmes âgées de 12 à 24 ans, dont la moyenne annuelle de 2021 est supérieure de moitié à celle des trois années précédentes", continue-t-il.

S'agissant plus largement de la santé mentale des mineurs et jeunes adultes, "les travaux scientifiques montrent des taux d'atteinte à la santé mentale particulièrement forts dès le début de la crise sanitaire en 2020, avec des pics pendant les épisodes de confinement, suivis d'un reflux au cours de la deuxième partie de l'année".

Selon les derniers résultats disponibles (fin 2021 ou début 2022, selon les indicateurs), "la situation reste dégradée par rapport à la période prépandémique, laissant ouverte la possibilité d'une hausse ultérieure des conduites suicidaires", estime l'ONS.

De "très fortes inégalités" face au risque suicidaire

Dans son rapport, au-delà des effets de la crise sanitaire, l'ONS documente "la différenciation sociale du risque suicidaire".

Les données de l'EDP-Santé pour les années 2015-2017 permettent, "pour la première fois", de mesurer "les très fortes inégalités face au risque suicidaire liées au niveau de vie, au statut d'activité et à la catégorie socioprofessionnelle".

Le taux de tentative de suicide décroît à mesure que le niveau de vie augmente. Source: ONS
Le taux de tentative de suicide décroît à mesure que le niveau de vie augmente. Source: ONS

Selon ces données par exemple, "le taux de tentative de suicide des femmes âgées de 15 à 19 ans faisant partie des 25% les plus pauvres de la population s'établit ainsi à près de huit fois le taux observé pour les hommes du même âge appartenant aux 25% les plus aisés".

Dans ce rapport, l'ONS détaille par ailleurs le "projet de refonte générale des statistiques sur les causes médicales de décès" (cf dépêche du 06/09/2022 à 10:58).

"Suicide: mesurer l'impact de la crise sanitaire liée au Covid-19 - Effets contrastés au sein de la population et mal-être chez les jeunes"

af/nc/APMnews

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LES "EFFETS CONTRASTÉS" DE LA CRISE SANITAIRE SUR LES CONDUITES SUICIDAIRES (OBSERVATOIRE NATIONAL DU SUICIDE)

PARIS, 6 septembre 2022 (APMnews) - La crise sanitaire a eu des "effets contrastés" sur les conduites suicidaires, estime l'Observatoire national du suicide (ONS), dans un rapport publié mardi, constatant que si les indicateurs de ces conduites sont restés relativement stables en population générale, cela masque "une dégradation de la situation des plus jeunes".

Dans son cinquième rapport, de 306 pages (cf dépêche du 10/06/2020 à 18:01), l'ONS se penche sur l'impact de la crise sanitaire liée au Covid 19.

Ce document est divisé en trois parties. Les deux premières explorent deux "grands dossiers"; "une revue de la littérature nationale et internationale sur les conduites suicidaires lors de la pandémie de Covid-19" et "la restitution de quatre recherches sur la prévention du suicide des jeunes" (cf dépêche du 06/09/2022 à 11:01). La troisième partie regroupe 18 fiches thématiques.

Dans son communiqué, l'observatoire constate que les effets de la crise sanitaire sont "contrastés au sein de la population".

L'ONS relève ainsi dans son rapport que les décès par suicide en France ont baissé respectivement de 20% et 8% durant les deux confinements de 2020 par rapport aux années précédentes.

Cependant, "sur les 15 mois écoulés de début janvier 2020 à fin mars 2021, le nombre global de décès par suicide, leur répartition selon l'âge ou le lieu du décès ne paraissent pas avoir été affectés par la pandémie" (11.210 décès par suicide au cours de cette période, dont 75% d'hommes, cf dépêche du 06/09/2022 à 10:58).

Les "taux d'hospitalisation en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO) pour geste auto-infligé" sont "inférieurs" en 2020 à ceux de la période 2017-2019.

Alors que le nombre de séjours hospitaliers pour tentative de suicide (séjours comportant un diagnostic associé de lésion auto-infligée) était de 88.000 par an entre 2017 et 2019, il est de 79.749 en 2020 (-10%). L'observatoire rappelle ici que les patients passés aux urgences après une tentative de suicide et n'ayant pas été hospitalisés par la suite ne sont pas pris en compte.

En 2020, le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide chez les femmes était de 38,8 pour 10.000 femmes âgées de 15 à 19 ans. Source: ONS
En 2020, le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide chez les femmes était de 38,8 pour 10.000 femmes âgées de 15 à 19 ans. Source: ONS

Concernant les décès par suicide ou les tentatives de suicide, l'ONS invite néanmoins dès sa synthèse à interpréter ces chiffres "avec précaution", car ces données peuvent être sous-estimées. Pour les tentatives de suicide, ces chiffres peuvent par exemple "masquer une augmentation de la part des gestes ne conduisant pas à l'hôpital".

Enfin, concernant "le recours aux urgences pour idée suicidaire", l'ONS observe qu'il "a augmenté" en 2020 "par rapport aux deux années précédentes, sauf pendant le premier confinement".

Selon les données du réseau Oscour, "le nombre de passages aux urgences pour idée suicidaire progresse de 22% dans la population générale (13.596 passages en 2020 contre une moyenne de 11.182 en 2018-2019) et dans toutes les classes d'âge, avec une hausse plus marquée chez les personnes âgées de 18 à 24 ans (+32%)".

Pour l'ONS, "cette augmentation s'inscrit dans une hausse tendancielle antérieure à la pandémie, potentiellement liée à une amélioration du codage de ce type de symptôme lors du passage aux urgences".

Il note d'ailleurs que cette tendance "n'est pas confirmée par le Baromètre santé de Santé publique France [enquête déclarative] qui indique une baisse de la prévalence des pensées suicidaires en 2020 par rapport à 2017 et, plus encore, par rapport à 2014, sauf chez les personnes âgées de moins de 25 ans".

"Ces résultats apparemment contradictoires pourraient se comprendre comme une aggravation de la situation des personnes les plus exposées au risque suicidaire, malgré la poursuite du recul de la fréquence des idées suicidaires dans l'ensemble de la population" ajoute-t-il.

Par ailleurs, si les indicateurs de conduite suicidaire en population générale sont relativement stables, cela "masque", selon l'ONS, "une dégradation de la situation des plus jeunes".

Des jeunes très touchés

"L'augmentation du nombre de passages aux urgences pour geste suicidaire, pour idée suicidaire ou pour trouble de l'humeur est ainsi nettement supérieure à la moyenne chez les collégiens et chez les lycéens", observe-t-il.

Et "la santé mentale des jeunes femmes a été particulièrement affectée par le premier confinement, avec une hausse des syndromes dépressifs, qui n'ont pas retrouvé les niveaux antérieurs à la pandémie une fois passées ses phases les plus aiguës, et avec une forte augmentation des hospitalisations pour lésion auto-infligée après le second confinement", ajoute-t-il (cf dépêche du 11/01/2022 à 12:21).

"De même, la forte augmentation des appels aux centres antipoison pour tentative de suicide en 2021 repose essentiellement sur la hausse importante des appels concernant les jeunes femmes âgées de 12 à 24 ans, dont la moyenne annuelle de 2021 est supérieure de moitié à celle des trois années précédentes", continue-t-il.

S'agissant plus largement de la santé mentale des mineurs et jeunes adultes, "les travaux scientifiques montrent des taux d'atteinte à la santé mentale particulièrement forts dès le début de la crise sanitaire en 2020, avec des pics pendant les épisodes de confinement, suivis d'un reflux au cours de la deuxième partie de l'année".

Selon les derniers résultats disponibles (fin 2021 ou début 2022, selon les indicateurs), "la situation reste dégradée par rapport à la période prépandémique, laissant ouverte la possibilité d'une hausse ultérieure des conduites suicidaires", estime l'ONS.

De "très fortes inégalités" face au risque suicidaire

Dans son rapport, au-delà des effets de la crise sanitaire, l'ONS documente "la différenciation sociale du risque suicidaire".

Les données de l'EDP-Santé pour les années 2015-2017 permettent, "pour la première fois", de mesurer "les très fortes inégalités face au risque suicidaire liées au niveau de vie, au statut d'activité et à la catégorie socioprofessionnelle".

Le taux de tentative de suicide décroît à mesure que le niveau de vie augmente. Source: ONS
Le taux de tentative de suicide décroît à mesure que le niveau de vie augmente. Source: ONS

Selon ces données par exemple, "le taux de tentative de suicide des femmes âgées de 15 à 19 ans faisant partie des 25% les plus pauvres de la population s'établit ainsi à près de huit fois le taux observé pour les hommes du même âge appartenant aux 25% les plus aisés".

Dans ce rapport, l'ONS détaille par ailleurs le "projet de refonte générale des statistiques sur les causes médicales de décès" (cf dépêche du 06/09/2022 à 10:58).

"Suicide: mesurer l'impact de la crise sanitaire liée au Covid-19 - Effets contrastés au sein de la population et mal-être chez les jeunes"

af/nc/APMnews

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