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20/11 2025
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LES INTERVENANTS DU SMUR ET DU SAMU ONT UN "RÔLE SPÉCIFIQUE À JOUER" DANS LE DÉPISTAGE DES VIOLENCES CONJUGALES

PARIS, 20 novembre 2025 (APMnews) - Les intervenants du Samu et du Smur ont "un rôle spécifique à jouer" dans le repérage des violences conjugales car ils sont en "première ligne" et peuvent être "témoins d'indices souvent invisibles pour d'autres services", a déclaré la Dr Charlotte Gorgiard, cheffe de service de l'unité médico-judiciaire (UMJ) de l'hôpital Hôtel-Dieu (Paris, AP-HP), lors du séminaire de l'Observatoire régional des soins non programmés (ORSNP) Ile-de-France organisé mardi à Paris.

Elle intervenait dans le cadre d'une session thématique consacrée aux violences faites aux femmes après la présentation des résultats d'une expérimentation menée par l'ORSNP Ile-de-France, révélant que les violences conjugales restaient sous-dépistées dans les services d'urgence franciliens (cf dépêche du 20/11/2025 à 10:17).

Plusieurs recommandations pour repérer les violences conjugales en préhospitalier, à l'attention notamment des personnels des Smur et Samu, ont été détaillées par la Dr Gorgiard.

Tout d'abord, certains signes cliniques peuvent être évocateurs, notamment des lésions physiques incompatibles avec le mécanisme annoncé, "surtout quand il y a des lésions traumatiques au niveau du visage, du cou, du thorax, des seins et des organes génitaux car ce sont des cibles particulièrement atteintes dans les cas de violences conjugales", a-t-elle développé.

D'autres signaux peuvent également alerter comme les traumatismes répétés à différents stades de cicatrisation, des retards dans la demande de soins, les fausses couches ou les douleurs pelviennes car "les grossesses constituent une période fortement à risque de violences conjugales pour les femmes".

Elle a également appelé à la vigilance dans le cas d'une patiente craintive, anxieuse ou avec des difficultés à s'exprimer en présence du conjoint, qui évite le regard, en hypervigilance ou avec une tendance à minimiser les faits par rapport aux lésions.

Dans l'attitude du partenaire, elle a invité à repérer une tendance à la surprotection, une hostilité ou une méfiance vis-à-vis de l'équipe soignante, une volonté de contrôler la conversation en prenant la parole à la place de la victime présumée.

Les éléments de contexte comme des interventions régulières pour des motifs flous -chute, crise d'angoisse, malaise… -, des traces de lutte, un domicile en désordre, un climat de tension palpable et l'attitude des enfants -apeurés, en retrait- doivent aussi être pris en considération.

Repérer un risque imminent de féminicide

"En préhospitalier, l'enjeu est d'évaluer la situation pour savoir s'il y a une situation d'urgence d'un point de vue médico-légal", a noté cette médecin légiste. Elle a alors détaillé "les éléments qui sont, dans la littérature, vraiment prédictifs d'un risque de féminicide et à côté desquels vous ne devez pas passer".

La localisation des lésions est importante à repérer, les lésions crânio-cérébrales, aux cervicales, au niveau des seins, des organes génitaux, des membres supérieurs et en nombre important, les traces de strangulation, même minimes, sont des signes de risque de féminicide.

"Plus important que les lésions c'est le contexte", a déclaré la cheffe de service, notamment lorsqu'il est caractérisé par:

  • un historique de violences sévères ou de violences sexuelles par le partenaire
  • la possession d'une arme à feu par le partenaire (chasseur, collectionneur d'armes, policier…)
  • des menaces de mort formulées par le conjoint
  • des violences économiques, un contrôle coercitif et un isolement social de la potentielle victime
  • une séparation ou tentative de rupture
  • une consommation excessive d'alcool ou de drogues par l'agresseur présumé
  • des antécédents judiciaires du conjoint pour violences.

En cas de décès, elle a attiré l'attention de l'audience sur le "syndrome over-killing", lorsque le nombre de blessures est bien supérieur à ce qui serait minimalement nécessaire pour entraîner la mort, marqueur d'un potentiel féminicide.

"Dans le cas d'une situation grave, il faut impérativement mettre en place des mesures de protection, appeler la police (17), décider d'une hospitalisation immédiate ou d'une mise en sécurité. Parfois, si l'absence de blessures physiques ne justifie pas un envoi aux urgences, on peut solliciter des associations d'hébergement d'urgence, le 115 par exemple peut réorienter vers des associations d'hébergement puis vous pouvez informer la personne qu'elle a le droit de quitter le domicile et de partir avec les enfants et qu'elle peut demander, sans dépôt de plainte, une ordonnance de protection", a détaillé la Dr Gorgiard.

En l'absence d'un danger immédiat, elle a suggéré d'orienter vers le 3919, numéro d'écoute national, d'informer le médecin traitant et de proposer la transmission à l'hôpital avec le relais social et médical.

Sur la conduite à tenir vis-à-vis de la patiente, la Dr Gorgiard a conseillé de créer un climat de confiance et de confidentialité, notamment en l'isolant et en l'éloignant du partenaire pour le motif de l'examen médical, puis de poser des questions ouvertes et bienveillantes: "comment vous sentez-vous à la maison?", "vous sentez-vous en sécurité?", "est-ce que quelqu'un vous a déjà fait du mal?", a-t-elle proposé.

Pour tracer les observations faites lors de l'intervention, elle a recommandé de mentionner "objectivement" les constatations dans le bilan médical en décrivant précisément les lésions "sans interprétation" et en citant les propos exacts de la victime entre guillemets.

Interrogée sur une potentielle violation du secret médical lors d'un appel à la police par une membre de l'assistance, l'intervenante a conseillé, dans le cadre d'une intervention du Smur ou du Samu, de prendre une décision concertée avec le médecin régulateur, en cas de danger immédiat ou dans des situations particulières.

"Parfois, si l'officier de police judiciaire [OPJ] se rend tout de suite au domicile, il va avoir des preuves sur le plan matériel qui vont être extrêmement intéressantes dans la procédure. Par exemple, si vous prenez en charge une personne qui vient de se prendre des coups de couteau, même si le conjoint est parti, si le couteau est encore là, l'appartement complètement ravagé, des traces de sang présentes, ces éléments doivent être 'figés' tout de suite par l'OPJ, sinon ils se perdent et après c'est trop tard. Ensuite, l'agresseur présumé pourra arguer qu'il n'a pas donné de coups de couteau, qu'il tenait simplement le couteau, que la victime s'est jetée sur lui… Ce sont des discours que l'on entend", a illustré la Dr Gorgiard.

Elle a reconnu que plusieurs éléments pouvaient gêner le travail du Samu ou du Smur, notamment la contrainte du temps, la présence du partenaire, un environnement non sécurisé lors de l'intervention et les difficultés de suivi et de relais.

ah/sl/APMnews

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PARIS, 20 novembre 2025 (APMnews) - Les intervenants du Samu et du Smur ont "un rôle spécifique à jouer" dans le repérage des violences conjugales car ils sont en "première ligne" et peuvent être "témoins d'indices souvent invisibles pour d'autres services", a déclaré la Dr Charlotte Gorgiard, cheffe de service de l'unité médico-judiciaire (UMJ) de l'hôpital Hôtel-Dieu (Paris, AP-HP), lors du séminaire de l'Observatoire régional des soins non programmés (ORSNP) Ile-de-France organisé mardi à Paris.

Elle intervenait dans le cadre d'une session thématique consacrée aux violences faites aux femmes après la présentation des résultats d'une expérimentation menée par l'ORSNP Ile-de-France, révélant que les violences conjugales restaient sous-dépistées dans les services d'urgence franciliens (cf dépêche du 20/11/2025 à 10:17).

Plusieurs recommandations pour repérer les violences conjugales en préhospitalier, à l'attention notamment des personnels des Smur et Samu, ont été détaillées par la Dr Gorgiard.

Tout d'abord, certains signes cliniques peuvent être évocateurs, notamment des lésions physiques incompatibles avec le mécanisme annoncé, "surtout quand il y a des lésions traumatiques au niveau du visage, du cou, du thorax, des seins et des organes génitaux car ce sont des cibles particulièrement atteintes dans les cas de violences conjugales", a-t-elle développé.

D'autres signaux peuvent également alerter comme les traumatismes répétés à différents stades de cicatrisation, des retards dans la demande de soins, les fausses couches ou les douleurs pelviennes car "les grossesses constituent une période fortement à risque de violences conjugales pour les femmes".

Elle a également appelé à la vigilance dans le cas d'une patiente craintive, anxieuse ou avec des difficultés à s'exprimer en présence du conjoint, qui évite le regard, en hypervigilance ou avec une tendance à minimiser les faits par rapport aux lésions.

Dans l'attitude du partenaire, elle a invité à repérer une tendance à la surprotection, une hostilité ou une méfiance vis-à-vis de l'équipe soignante, une volonté de contrôler la conversation en prenant la parole à la place de la victime présumée.

Les éléments de contexte comme des interventions régulières pour des motifs flous -chute, crise d'angoisse, malaise… -, des traces de lutte, un domicile en désordre, un climat de tension palpable et l'attitude des enfants -apeurés, en retrait- doivent aussi être pris en considération.

Repérer un risque imminent de féminicide

"En préhospitalier, l'enjeu est d'évaluer la situation pour savoir s'il y a une situation d'urgence d'un point de vue médico-légal", a noté cette médecin légiste. Elle a alors détaillé "les éléments qui sont, dans la littérature, vraiment prédictifs d'un risque de féminicide et à côté desquels vous ne devez pas passer".

La localisation des lésions est importante à repérer, les lésions crânio-cérébrales, aux cervicales, au niveau des seins, des organes génitaux, des membres supérieurs et en nombre important, les traces de strangulation, même minimes, sont des signes de risque de féminicide.

"Plus important que les lésions c'est le contexte", a déclaré la cheffe de service, notamment lorsqu'il est caractérisé par:

  • un historique de violences sévères ou de violences sexuelles par le partenaire
  • la possession d'une arme à feu par le partenaire (chasseur, collectionneur d'armes, policier…)
  • des menaces de mort formulées par le conjoint
  • des violences économiques, un contrôle coercitif et un isolement social de la potentielle victime
  • une séparation ou tentative de rupture
  • une consommation excessive d'alcool ou de drogues par l'agresseur présumé
  • des antécédents judiciaires du conjoint pour violences.

En cas de décès, elle a attiré l'attention de l'audience sur le "syndrome over-killing", lorsque le nombre de blessures est bien supérieur à ce qui serait minimalement nécessaire pour entraîner la mort, marqueur d'un potentiel féminicide.

"Dans le cas d'une situation grave, il faut impérativement mettre en place des mesures de protection, appeler la police (17), décider d'une hospitalisation immédiate ou d'une mise en sécurité. Parfois, si l'absence de blessures physiques ne justifie pas un envoi aux urgences, on peut solliciter des associations d'hébergement d'urgence, le 115 par exemple peut réorienter vers des associations d'hébergement puis vous pouvez informer la personne qu'elle a le droit de quitter le domicile et de partir avec les enfants et qu'elle peut demander, sans dépôt de plainte, une ordonnance de protection", a détaillé la Dr Gorgiard.

En l'absence d'un danger immédiat, elle a suggéré d'orienter vers le 3919, numéro d'écoute national, d'informer le médecin traitant et de proposer la transmission à l'hôpital avec le relais social et médical.

Sur la conduite à tenir vis-à-vis de la patiente, la Dr Gorgiard a conseillé de créer un climat de confiance et de confidentialité, notamment en l'isolant et en l'éloignant du partenaire pour le motif de l'examen médical, puis de poser des questions ouvertes et bienveillantes: "comment vous sentez-vous à la maison?", "vous sentez-vous en sécurité?", "est-ce que quelqu'un vous a déjà fait du mal?", a-t-elle proposé.

Pour tracer les observations faites lors de l'intervention, elle a recommandé de mentionner "objectivement" les constatations dans le bilan médical en décrivant précisément les lésions "sans interprétation" et en citant les propos exacts de la victime entre guillemets.

Interrogée sur une potentielle violation du secret médical lors d'un appel à la police par une membre de l'assistance, l'intervenante a conseillé, dans le cadre d'une intervention du Smur ou du Samu, de prendre une décision concertée avec le médecin régulateur, en cas de danger immédiat ou dans des situations particulières.

"Parfois, si l'officier de police judiciaire [OPJ] se rend tout de suite au domicile, il va avoir des preuves sur le plan matériel qui vont être extrêmement intéressantes dans la procédure. Par exemple, si vous prenez en charge une personne qui vient de se prendre des coups de couteau, même si le conjoint est parti, si le couteau est encore là, l'appartement complètement ravagé, des traces de sang présentes, ces éléments doivent être 'figés' tout de suite par l'OPJ, sinon ils se perdent et après c'est trop tard. Ensuite, l'agresseur présumé pourra arguer qu'il n'a pas donné de coups de couteau, qu'il tenait simplement le couteau, que la victime s'est jetée sur lui… Ce sont des discours que l'on entend", a illustré la Dr Gorgiard.

Elle a reconnu que plusieurs éléments pouvaient gêner le travail du Samu ou du Smur, notamment la contrainte du temps, la présence du partenaire, un environnement non sécurisé lors de l'intervention et les difficultés de suivi et de relais.

ah/sl/APMnews

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