Actualités de l'Urgence - APM

LES PRATIQUES DE RÉGULATION DE L'ACCÈS AUX URGENCES DOIVENT ÊTRE "MIEUX ENCADRÉES ET SÉCURISÉES" (COUR DES COMPTES)
La Cour des comptes formule dans ce rapport 11 recommandations pour améliorer la prise en charge au sein des urgences hospitalières (cf dépêche du 19/11/2024 à 18:41).
Décrivant des services d'urgence "saturés", allant de pair avec "une dégradation de la prise en charge", elle rappelle que de "nombreux" établissements de santé ont pris, à partir de l'été 2022, des mesures de "restriction à l'entrée des urgences", prenant des formes "disparates". Ces mesures "ont eu pour incidence d'amoindrir sérieusement le principe d'accueil inconditionnel et permanent jusqu'alors assumé par ces services", observe-t-elle.
L'instruction ministérielle, dite "Braun", diffusée à l'été 2022 (cf dépêche du 11/07/2022 à 18:43), permettait, à titre expérimental, "sur autorisation expresse du directeur général de l'agence régionale de santé, de réguler l'accès aux urgences pour les cas ne nécessitant pas de plateau technique".
"Cette instruction a aussi ouvert la possibilité de fermetures ponctuelles de structures d'urgence, sur autorisation du directeur général de l'[ARS]: les patients ne sont plus reçus à certains horaires, sous réserve du maintien de la capacité d'accueil des urgences vitales et d'une structure mobile d'urgence et de réanimation (Smur)", ajoute la Cour.
"Ces mesures ont été pérennisées et intégrées au code de la santé publique par deux décrets du 29 décembre 2023 portant réforme des autorisations d'activité de médecine d'urgence", rappelle-t-elle (cf dépêche du 02/01/2024 à 19:27). Elle ajoute que ces décrets ont par ailleurs créé une nouvelle catégorie de services d'urgence, les "antennes de médecine d'urgence", n'ouvrant qu'une partie de la journée (12 heures au minimum de service continu).
Les informations transmises à la Cour par les ARS, s'agissant de juillet et août 2023, montrent que le phénomène de restrictions d'accès aux urgences hospitalières "touche la plupart des régions".
Mais "son ampleur et ses conséquences sont difficiles à appréhender, faute de données consolidées sur les types de restrictions mises en œuvre et sur le nombre de jours concernés par ces mesures". "Les premiers résultats de l'enquête Urgences 2023, publiés par la Drees le 10 juillet 2024, en donnent cependant un aperçu", souligne la rue Cambon.
Trois formes de régulation
Elle indique les restrictions ont pris schématiquement trois formes:
- la fermeture pure et simple du service des urgences. Par exemple en Normandie, 17 établissements hospitaliers ont fermé leurs urgences sur une période d'au moins 12 heures en 2023.
- la régulation de l'accueil via le centre-15, l'accès direct au service des urgences étant fermé au public. En Bourgogne-Franche Comté, avec l'accord de l'ARS, le CHU de Dijon a ainsi organisé en 2023 un accès continûment régulé, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept; en Normandie, en 2023, 10 établissements ont organisé un accès régulé à leur service d'urgences, certains d'entre eux sur l'année entière.
- le maintien de l'ouverture de service mais avec filtrage à l'accueil et organisation d'une réorientation vers la médecine de ville à l'entrée. La Cour des comptes cite l'exemple du CHU de Nancy qui s'est appuyé sur un logiciel spécifique de réorientation pour rediriger les patients se présentant aux urgences vers des professionnels de ville proposant des soins non programmés.
Elle évoque aussi l'expérimentation de l'ARS Grand Est, du CHU de Nancy et du dispositif d'appui à la coordination (DAC) de Meurthe-et-Moselle, appelée "Dispositif d'accompagnement pour les utilisateurs multiples des urgences" (Daum) qui a pour objectif de mieux identifier, de comprendre et d'optimiser le parcours de santé des patients se rendant très souvent et régulièrement aux urgences (cf dépêche du 22/02/2024 à 18:06). "Depuis novembre 2022, près de 600 patients ont ainsi été détectés et signalés au DAC, et près de 150 sont inclus dans le dispositif", précise la Cour, ajoutant que le bilan de cette expérimentation est en cours.
Mais "les effets des différentes mesures de restriction de l'accès aux urgences sur le service lui-même n'ont pas fait l'objet d'une étude nationale", constate-t-elle.
Quelques retours par les ORU
En revanche, des études régionales conduites par les ORU, ainsi que les contrôles effectués par les chambres régionales des comptes dans des établissements de santé, "donnent un aperçu des principaux effets de ces mesures".
Cet aperçu permet de constater "une baisse du nombre de passages aux urgences pouvant aller de 15% à plus de 30% selon les organisations mises en place", comme dans le Lot-et-Garonne et le Grand Est.
Autre effet noté: "une baisse de la proportion de patients se rendant aux urgences par leurs propres moyens et une augmentation corrélative des patients véhiculés par une ambulance".
La Cour évoque aussi "une baisse importante de la prise en charge des patients de faible gravité cotés CCMU 1 et 2 (de 15 à 30% selon les établissements objets des études) et une baisse encore plus importante des patients identifiés comme relevant d'une prise en charge en ville dits "PRPV" (patients relevant potentiellement de la ville) (jusqu'à 35% pour le CHR de Metz-Thionville sur la période régulée, de juillet à décembre 2023)".
Enfin, elle mentionne des taux d'hospitalisation "plus élevés et une augmentation du nombre de patients allongés sur un brancard, apprécié à partir d'un indicateur appelé 'lit-brancard estimé' (LBE) attestant de la prise en charge de patients plus graves".
Si ces mesures ont eu des effets "positifs", comme de permettre "un recentrage de ces services sur leur cœur d'activité, un plus grand confort de travail pour les équipes et, donc, de meilleures conditions de prise en charge des patients", elles ont toutefois "peu d'effets sur les taux d'hospitalisation et sur les tensions de lits d'aval, les cas les plus graves n'entrant pas dans le cadre de ces régulations", observe-t-elle.
Elles portent aussi des "conséquences sur les acteurs du système de soins (Samu, établissements limitrophes, médecine de ville, etc.) et sur les patients des territoires concernés", mais qui "sont mal documentées".
"Certains travaux conduits par les ORU en donnent un premier aperçu qu'il convient d'appréhender avec précaution au regard des limites des échantillons étudiés", souligne-t-elle.
La Cour cite en exemple une étude réalisée par l'ORU Auvergne-Rhône-Alpes sur les conséquences de la fermeture de deux services d'urgence sur les établissements limitrophes.
Elle indique que dans le premier cas examiné, le nombre de passages de patients bénéficiant d'un transport sanitaire a modérément augmenté (près de 10%), de même que le niveau de gravité des cas accueillis et le taux d'hospitalisation dans les établissements proches (surplus de deux patients hospitalisés par jour pour l'établissement le plus touché), cette augmentation de l'activité des établissements voisins étant confirmée par les contrôles réalisés par les cours régionales des comptes. Elle précise que le centre hospitalier Alpes-Léman (Haute-Savoie) a constaté une augmentation de 13 à 25% d'activité supplémentaire sur les périodes de fermeture des urgences de l'hôpital privé de Savoie.
Toutefois, le deuxième cas étudié ne conduit pas aux mêmes conclusions: aucun effet n'a été constaté dans les établissements proches, sur le nombre total des passages et sur le niveau de gravité; en revanche, un nombre plus élevé de patients âgés de plus de 75 ans et une augmentation des temps d'accès aux urgences ont été notés.
Les mesures adoptées "produisent de premiers résultats positifs mais leur plein effet reste suspendu à la possibilité de n'orienter vers les urgences que les patients qui en relèvent vraiment, c'est-à-dire de proposer aux autres une consultation en ville, quelle qu'en soit la forme", estime donc la Cour.
La diminution des flux à l'entrée "ne résoudra cependant qu'une partie les difficultés propres aux structures des urgences", ajoute la Cour.
La fluidité des sorties -tout particulièrement pour les patients âgés- étant en effet, désormais, "la préoccupation dominante", "l'accent doit donc être mis sur le juste soin à prodiguer aux patients âgés", insiste la Cour qui appelle à une généralisation des dispositifs contribuant à éviter les hospitalisations à temps plein qui ont fait leurs preuves (comme l'hospitalisation à domicile, concernant aussi les Ehpad) et l'organisation de l'admission directe en hospitalisation non programmée, en cas d'aggravation soudaine de l'état d'un patient.
san/ab/APMnews
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LES PRATIQUES DE RÉGULATION DE L'ACCÈS AUX URGENCES DOIVENT ÊTRE "MIEUX ENCADRÉES ET SÉCURISÉES" (COUR DES COMPTES)
La Cour des comptes formule dans ce rapport 11 recommandations pour améliorer la prise en charge au sein des urgences hospitalières (cf dépêche du 19/11/2024 à 18:41).
Décrivant des services d'urgence "saturés", allant de pair avec "une dégradation de la prise en charge", elle rappelle que de "nombreux" établissements de santé ont pris, à partir de l'été 2022, des mesures de "restriction à l'entrée des urgences", prenant des formes "disparates". Ces mesures "ont eu pour incidence d'amoindrir sérieusement le principe d'accueil inconditionnel et permanent jusqu'alors assumé par ces services", observe-t-elle.
L'instruction ministérielle, dite "Braun", diffusée à l'été 2022 (cf dépêche du 11/07/2022 à 18:43), permettait, à titre expérimental, "sur autorisation expresse du directeur général de l'agence régionale de santé, de réguler l'accès aux urgences pour les cas ne nécessitant pas de plateau technique".
"Cette instruction a aussi ouvert la possibilité de fermetures ponctuelles de structures d'urgence, sur autorisation du directeur général de l'[ARS]: les patients ne sont plus reçus à certains horaires, sous réserve du maintien de la capacité d'accueil des urgences vitales et d'une structure mobile d'urgence et de réanimation (Smur)", ajoute la Cour.
"Ces mesures ont été pérennisées et intégrées au code de la santé publique par deux décrets du 29 décembre 2023 portant réforme des autorisations d'activité de médecine d'urgence", rappelle-t-elle (cf dépêche du 02/01/2024 à 19:27). Elle ajoute que ces décrets ont par ailleurs créé une nouvelle catégorie de services d'urgence, les "antennes de médecine d'urgence", n'ouvrant qu'une partie de la journée (12 heures au minimum de service continu).
Les informations transmises à la Cour par les ARS, s'agissant de juillet et août 2023, montrent que le phénomène de restrictions d'accès aux urgences hospitalières "touche la plupart des régions".
Mais "son ampleur et ses conséquences sont difficiles à appréhender, faute de données consolidées sur les types de restrictions mises en œuvre et sur le nombre de jours concernés par ces mesures". "Les premiers résultats de l'enquête Urgences 2023, publiés par la Drees le 10 juillet 2024, en donnent cependant un aperçu", souligne la rue Cambon.
Trois formes de régulation
Elle indique les restrictions ont pris schématiquement trois formes:
- la fermeture pure et simple du service des urgences. Par exemple en Normandie, 17 établissements hospitaliers ont fermé leurs urgences sur une période d'au moins 12 heures en 2023.
- la régulation de l'accueil via le centre-15, l'accès direct au service des urgences étant fermé au public. En Bourgogne-Franche Comté, avec l'accord de l'ARS, le CHU de Dijon a ainsi organisé en 2023 un accès continûment régulé, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept; en Normandie, en 2023, 10 établissements ont organisé un accès régulé à leur service d'urgences, certains d'entre eux sur l'année entière.
- le maintien de l'ouverture de service mais avec filtrage à l'accueil et organisation d'une réorientation vers la médecine de ville à l'entrée. La Cour des comptes cite l'exemple du CHU de Nancy qui s'est appuyé sur un logiciel spécifique de réorientation pour rediriger les patients se présentant aux urgences vers des professionnels de ville proposant des soins non programmés.
Elle évoque aussi l'expérimentation de l'ARS Grand Est, du CHU de Nancy et du dispositif d'appui à la coordination (DAC) de Meurthe-et-Moselle, appelée "Dispositif d'accompagnement pour les utilisateurs multiples des urgences" (Daum) qui a pour objectif de mieux identifier, de comprendre et d'optimiser le parcours de santé des patients se rendant très souvent et régulièrement aux urgences (cf dépêche du 22/02/2024 à 18:06). "Depuis novembre 2022, près de 600 patients ont ainsi été détectés et signalés au DAC, et près de 150 sont inclus dans le dispositif", précise la Cour, ajoutant que le bilan de cette expérimentation est en cours.
Mais "les effets des différentes mesures de restriction de l'accès aux urgences sur le service lui-même n'ont pas fait l'objet d'une étude nationale", constate-t-elle.
Quelques retours par les ORU
En revanche, des études régionales conduites par les ORU, ainsi que les contrôles effectués par les chambres régionales des comptes dans des établissements de santé, "donnent un aperçu des principaux effets de ces mesures".
Cet aperçu permet de constater "une baisse du nombre de passages aux urgences pouvant aller de 15% à plus de 30% selon les organisations mises en place", comme dans le Lot-et-Garonne et le Grand Est.
Autre effet noté: "une baisse de la proportion de patients se rendant aux urgences par leurs propres moyens et une augmentation corrélative des patients véhiculés par une ambulance".
La Cour évoque aussi "une baisse importante de la prise en charge des patients de faible gravité cotés CCMU 1 et 2 (de 15 à 30% selon les établissements objets des études) et une baisse encore plus importante des patients identifiés comme relevant d'une prise en charge en ville dits "PRPV" (patients relevant potentiellement de la ville) (jusqu'à 35% pour le CHR de Metz-Thionville sur la période régulée, de juillet à décembre 2023)".
Enfin, elle mentionne des taux d'hospitalisation "plus élevés et une augmentation du nombre de patients allongés sur un brancard, apprécié à partir d'un indicateur appelé 'lit-brancard estimé' (LBE) attestant de la prise en charge de patients plus graves".
Si ces mesures ont eu des effets "positifs", comme de permettre "un recentrage de ces services sur leur cœur d'activité, un plus grand confort de travail pour les équipes et, donc, de meilleures conditions de prise en charge des patients", elles ont toutefois "peu d'effets sur les taux d'hospitalisation et sur les tensions de lits d'aval, les cas les plus graves n'entrant pas dans le cadre de ces régulations", observe-t-elle.
Elles portent aussi des "conséquences sur les acteurs du système de soins (Samu, établissements limitrophes, médecine de ville, etc.) et sur les patients des territoires concernés", mais qui "sont mal documentées".
"Certains travaux conduits par les ORU en donnent un premier aperçu qu'il convient d'appréhender avec précaution au regard des limites des échantillons étudiés", souligne-t-elle.
La Cour cite en exemple une étude réalisée par l'ORU Auvergne-Rhône-Alpes sur les conséquences de la fermeture de deux services d'urgence sur les établissements limitrophes.
Elle indique que dans le premier cas examiné, le nombre de passages de patients bénéficiant d'un transport sanitaire a modérément augmenté (près de 10%), de même que le niveau de gravité des cas accueillis et le taux d'hospitalisation dans les établissements proches (surplus de deux patients hospitalisés par jour pour l'établissement le plus touché), cette augmentation de l'activité des établissements voisins étant confirmée par les contrôles réalisés par les cours régionales des comptes. Elle précise que le centre hospitalier Alpes-Léman (Haute-Savoie) a constaté une augmentation de 13 à 25% d'activité supplémentaire sur les périodes de fermeture des urgences de l'hôpital privé de Savoie.
Toutefois, le deuxième cas étudié ne conduit pas aux mêmes conclusions: aucun effet n'a été constaté dans les établissements proches, sur le nombre total des passages et sur le niveau de gravité; en revanche, un nombre plus élevé de patients âgés de plus de 75 ans et une augmentation des temps d'accès aux urgences ont été notés.
Les mesures adoptées "produisent de premiers résultats positifs mais leur plein effet reste suspendu à la possibilité de n'orienter vers les urgences que les patients qui en relèvent vraiment, c'est-à-dire de proposer aux autres une consultation en ville, quelle qu'en soit la forme", estime donc la Cour.
La diminution des flux à l'entrée "ne résoudra cependant qu'une partie les difficultés propres aux structures des urgences", ajoute la Cour.
La fluidité des sorties -tout particulièrement pour les patients âgés- étant en effet, désormais, "la préoccupation dominante", "l'accent doit donc être mis sur le juste soin à prodiguer aux patients âgés", insiste la Cour qui appelle à une généralisation des dispositifs contribuant à éviter les hospitalisations à temps plein qui ont fait leurs preuves (comme l'hospitalisation à domicile, concernant aussi les Ehpad) et l'organisation de l'admission directe en hospitalisation non programmée, en cas d'aggravation soudaine de l'état d'un patient.
san/ab/APMnews