Actualités de l'Urgence - APM

LES PROFESSIONNELS DU PRÉLÈVEMENT ET DE LA GREFFE INQUIETS DE LA RÉFORME DE L'INDEMNISATION DES ASTREINTES
PARIS, 29 septembre 2025 (APMnews) - Les médecins impliqués dans le prélèvement et la greffe d'organes regrettent de ne pas avoir été consultés sur la mise en œuvre de la réforme de l'indemnisation des astreintes médicales et redoutent que son application entraîne des conséquences négatives sur leur activité, ont-ils fait savoir jeudi lors des Assises de la transplantation, organisées à Paris.
Un arrêté, publié début juillet au Journal officiel et devant entrer en vigueur au 1er novembre, a détaillé la mise en œuvre de la refonte de l'indemnisation des astreintes médicales dans la fonction publique hospitalière (cf dépêche du 09/07/2025 à 16:42).
L'application de cette réforme aux équipes de prélèvement d'organes et de greffes inquiète la Société francophone de transplantation (SFT), qui déplore ne pas avoir été consultée.
Elle estime que la réforme ne tient pas compte des nombreuses spécificités de son activité, qui est souvent réalisée "la nuit", "n'est pas programmée", "faite en dehors de nos structures habituelles", qui est "complexe et de haute technologie"… énumère le Pr Antoine Thierry du CHU de Poitiers, président de la société savante.
Actuellement, ces contraintes sont prises en considération de façon très hétérogène en matière de rémunération par les établissements de santé. Par exemple, pour le prélèvement de foie et de pancréas, il existe 25 modes de rémunération différents, allant de 0 € à 950 €, avec une majorité percevant entre 250 € et 450 €, rapporte le Pr Lionel Badet des Hospices civils de Lyon (HCL) et ancien président de la SFT.
Ces données sont issues d'un questionnaire qu'il a présenté lors des Assises et auquel ont répondu les équipes impliquées dans cette activité -avec ici un retour des 84 équipes participant au prélèvement de foie et de pancréas. Concernant le rein, les réponses révèlent aussi une grande hétérogénéité.
Le Pr Badet craint ainsi que la réforme ait un effet négatif dans les centres qui valorisent actuellement bien cette activité et pressent que ces équipes "vont devoir chercher un complément de financement auprès de leur direction pour atteindre le niveau de rémunération qui est actuellement le leur".
"La réforme va continuer à centrer la décision sur le directeur d'hôpital", déplore-t-il. "On expose les équipes à une forme de variabilité qui est liée à l'âge du capitaine et au sens du vent. Si vous avez un directeur général qui n'est pas convaincu que l'activité de transplantation et de prélèvement est importante pour le collectif et pour son établissement, vous n'aurez probablement pas grand-chose."
Les Prs Thierry et Badet ont ainsi regretté auprès d'APMnews que la direction générale de l'offre de soins (DGOS) n'ait pas fait de recommandations aux directions hospitalières qui soient "incitatives" en faveur de l'activité de prélèvement et de greffe et qui garantiraient que "les équipes ne soient pas perdantes sur le plan de la rémunération au 1er novembre par rapport à ce qu'elles [percevaient]".
Invité aux Assises de la transplantation, Raymond Le Moign, directeur général des HCL et ancien directeur de cabinet au ministère de la santé, a tenté de rassurer les professionnels présents en soulignant à plusieurs reprises qu'il n'était pas censé y avoir "des perdants dans la réforme". Il a néanmoins reconnu que "la communication sur cette réforme n'est pas très bonne".
La SFT estime également que la mise en œuvre de la réforme ne va pas dans le sens de l'objectif de mutualisation de l'activité -qui ambitionne d'avoir des chirurgiens pouvant prélever à la fois les reins, le foie et le pancréas d'un donneur, plutôt que d'avoir plusieurs équipes se succédant pour faire les différents prélèvements.
"Cette avancée possible est pour l'instant bloquée par un certain nombre d'éléments techniques, dont celui de la rémunération, parce que les équipes ne se mobiliseront pas tant qu'on n'aura pas mis en perspective une valorisation des astreintes", commente le Pr Badet.
Pourtant, cette mutualisation "va générer des économies", assure Antoine Thierry, mais dans le modèle actuel, "le risque est qu'un établissement rémunère un chirurgien [pour faire l'ensemble des prélèvements] alors que ce sont plusieurs [autres] établissements qui en bénéficieront de matière totalement gratuite".
De nouvelles évolutions attendues pour le forfait annuel greffe
Au-delà de la rémunération des astreintes, la question globale du financement de l'activité réalisée par les équipes a été au cœur des débats jeudi matin lors de ces Assises.
Hélène Logerot, cheffe du pôle "Organisation et financement des activités de soin" à l'Agence de la biomédecine (ABM), est notamment revenue longuement sur le forfait annuel greffe (FAG) qui est versé chaque année aux établissements en couverture de leur activité de l'année précédente, et qui vient en sus du financement des groupes homogènes de séjours (GHS) et des médicaments onéreux.
En 2025, cela a représenté près de 74 millions d'euros (M€), dont la majorité correspond au financement de l'activité d'inscription des patients sur la liste d'attente de greffe (35,6 M€, soit 48%) et à l'activité de greffes à partir de greffons de donneurs décédés (27,4 M€, 37%). Cela inclut également 53,7 M€ (73%) de financement liés à l'activité de greffe rénale, avec dans ce cas un fort poids du forfait d'inscription des patients (30,2 M€, 84%).
On rappelle que 6.034 greffes ont été réalisées en France en 2024, dont 3.757 greffes de rein (62%) (cf dépêche du 13/02/2025 à 17:22).
Les tarifs du FAG ont significativement augmenté depuis 2022, notamment sous l'impulsion du plan greffe 2022-2026 et grâce à la garantie de financement sur l'activité en 2022, 2023 et 2024. L'évolution totale du FAG depuis 2022 a ainsi été de 24% (+14,8 M€).
Plusieurs nouvelles évolutions du FAG sont actuellement à l'arbitrage et pourraient entrer en vigueur en 2026, a présenté Hélène Logerot.
Cela comprend d'abord la création d'un FAG "perfusion cardiaque", permettant de financer l'utilisation de machines à perfusion pour les greffons cardiaques. Cette perfusion sera absolument nécessaire en cas d'autorisation du prélèvement cardiaque sur les donneurs de type Maastricht III (donneurs décédés après un arrêt cardiaque à la suite d'une décision d'arrêt des traitements).
Une nouvelle ligne de forfait est également à l'arbitrage pour le financement du déplacement des équipes de réanimation pour la pose d'une circulation régionale normothermique (CRN) mobile, ce qui permettrait de favoriser les prélèvements sur donneurs "Maastricht III".
Le supplément consacré aux réseaux opérationnels de prélèvement (ROP) -qui rassemblent des hôpitaux non autorisés au prélèvement d'organes mais qui sont satellites de centres autorisés et dans lesquels les équipes de coordination se déplacent afin d'identifier de potentiels donneurs- pourrait se voir conditionné "à un vrai travail de réseau", ce qui serait vérifié par les correspondants locaux de l'ABM. Un financement de l'identification de donneurs dans ces établissements satellites est aussi à l'étude.
L'ABM se félicite également d'avoir été entendue par la DGOS concernant les actes HLA -toujours financés par le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN) alors qu'ils ne sont plus innovants-, afin qu'ils soient enfin évalués par la Haute autorité de santé (HAS) pour passage ensuite dans la nomenclature.
Enfin, l'Agence va lancer un grand travail de médico-économie avec les directions financières de plusieurs établissements dans l'objectif de montrer que la greffe n'est pas une activité déficitaire. Les HCL, le CHU de Montpellier, le CHU de Bordeaux et l'Hôpital Foch (à Suresnes, Hauts-de-Seine, établissement privé non lucratif) devraient participer à cette étude, a annoncé Hélène Logerot.
pl/lb/APMnews
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LES PROFESSIONNELS DU PRÉLÈVEMENT ET DE LA GREFFE INQUIETS DE LA RÉFORME DE L'INDEMNISATION DES ASTREINTES
PARIS, 29 septembre 2025 (APMnews) - Les médecins impliqués dans le prélèvement et la greffe d'organes regrettent de ne pas avoir été consultés sur la mise en œuvre de la réforme de l'indemnisation des astreintes médicales et redoutent que son application entraîne des conséquences négatives sur leur activité, ont-ils fait savoir jeudi lors des Assises de la transplantation, organisées à Paris.
Un arrêté, publié début juillet au Journal officiel et devant entrer en vigueur au 1er novembre, a détaillé la mise en œuvre de la refonte de l'indemnisation des astreintes médicales dans la fonction publique hospitalière (cf dépêche du 09/07/2025 à 16:42).
L'application de cette réforme aux équipes de prélèvement d'organes et de greffes inquiète la Société francophone de transplantation (SFT), qui déplore ne pas avoir été consultée.
Elle estime que la réforme ne tient pas compte des nombreuses spécificités de son activité, qui est souvent réalisée "la nuit", "n'est pas programmée", "faite en dehors de nos structures habituelles", qui est "complexe et de haute technologie"… énumère le Pr Antoine Thierry du CHU de Poitiers, président de la société savante.
Actuellement, ces contraintes sont prises en considération de façon très hétérogène en matière de rémunération par les établissements de santé. Par exemple, pour le prélèvement de foie et de pancréas, il existe 25 modes de rémunération différents, allant de 0 € à 950 €, avec une majorité percevant entre 250 € et 450 €, rapporte le Pr Lionel Badet des Hospices civils de Lyon (HCL) et ancien président de la SFT.
Ces données sont issues d'un questionnaire qu'il a présenté lors des Assises et auquel ont répondu les équipes impliquées dans cette activité -avec ici un retour des 84 équipes participant au prélèvement de foie et de pancréas. Concernant le rein, les réponses révèlent aussi une grande hétérogénéité.
Le Pr Badet craint ainsi que la réforme ait un effet négatif dans les centres qui valorisent actuellement bien cette activité et pressent que ces équipes "vont devoir chercher un complément de financement auprès de leur direction pour atteindre le niveau de rémunération qui est actuellement le leur".
"La réforme va continuer à centrer la décision sur le directeur d'hôpital", déplore-t-il. "On expose les équipes à une forme de variabilité qui est liée à l'âge du capitaine et au sens du vent. Si vous avez un directeur général qui n'est pas convaincu que l'activité de transplantation et de prélèvement est importante pour le collectif et pour son établissement, vous n'aurez probablement pas grand-chose."
Les Prs Thierry et Badet ont ainsi regretté auprès d'APMnews que la direction générale de l'offre de soins (DGOS) n'ait pas fait de recommandations aux directions hospitalières qui soient "incitatives" en faveur de l'activité de prélèvement et de greffe et qui garantiraient que "les équipes ne soient pas perdantes sur le plan de la rémunération au 1er novembre par rapport à ce qu'elles [percevaient]".
Invité aux Assises de la transplantation, Raymond Le Moign, directeur général des HCL et ancien directeur de cabinet au ministère de la santé, a tenté de rassurer les professionnels présents en soulignant à plusieurs reprises qu'il n'était pas censé y avoir "des perdants dans la réforme". Il a néanmoins reconnu que "la communication sur cette réforme n'est pas très bonne".
La SFT estime également que la mise en œuvre de la réforme ne va pas dans le sens de l'objectif de mutualisation de l'activité -qui ambitionne d'avoir des chirurgiens pouvant prélever à la fois les reins, le foie et le pancréas d'un donneur, plutôt que d'avoir plusieurs équipes se succédant pour faire les différents prélèvements.
"Cette avancée possible est pour l'instant bloquée par un certain nombre d'éléments techniques, dont celui de la rémunération, parce que les équipes ne se mobiliseront pas tant qu'on n'aura pas mis en perspective une valorisation des astreintes", commente le Pr Badet.
Pourtant, cette mutualisation "va générer des économies", assure Antoine Thierry, mais dans le modèle actuel, "le risque est qu'un établissement rémunère un chirurgien [pour faire l'ensemble des prélèvements] alors que ce sont plusieurs [autres] établissements qui en bénéficieront de matière totalement gratuite".
De nouvelles évolutions attendues pour le forfait annuel greffe
Au-delà de la rémunération des astreintes, la question globale du financement de l'activité réalisée par les équipes a été au cœur des débats jeudi matin lors de ces Assises.
Hélène Logerot, cheffe du pôle "Organisation et financement des activités de soin" à l'Agence de la biomédecine (ABM), est notamment revenue longuement sur le forfait annuel greffe (FAG) qui est versé chaque année aux établissements en couverture de leur activité de l'année précédente, et qui vient en sus du financement des groupes homogènes de séjours (GHS) et des médicaments onéreux.
En 2025, cela a représenté près de 74 millions d'euros (M€), dont la majorité correspond au financement de l'activité d'inscription des patients sur la liste d'attente de greffe (35,6 M€, soit 48%) et à l'activité de greffes à partir de greffons de donneurs décédés (27,4 M€, 37%). Cela inclut également 53,7 M€ (73%) de financement liés à l'activité de greffe rénale, avec dans ce cas un fort poids du forfait d'inscription des patients (30,2 M€, 84%).
On rappelle que 6.034 greffes ont été réalisées en France en 2024, dont 3.757 greffes de rein (62%) (cf dépêche du 13/02/2025 à 17:22).
Les tarifs du FAG ont significativement augmenté depuis 2022, notamment sous l'impulsion du plan greffe 2022-2026 et grâce à la garantie de financement sur l'activité en 2022, 2023 et 2024. L'évolution totale du FAG depuis 2022 a ainsi été de 24% (+14,8 M€).
Plusieurs nouvelles évolutions du FAG sont actuellement à l'arbitrage et pourraient entrer en vigueur en 2026, a présenté Hélène Logerot.
Cela comprend d'abord la création d'un FAG "perfusion cardiaque", permettant de financer l'utilisation de machines à perfusion pour les greffons cardiaques. Cette perfusion sera absolument nécessaire en cas d'autorisation du prélèvement cardiaque sur les donneurs de type Maastricht III (donneurs décédés après un arrêt cardiaque à la suite d'une décision d'arrêt des traitements).
Une nouvelle ligne de forfait est également à l'arbitrage pour le financement du déplacement des équipes de réanimation pour la pose d'une circulation régionale normothermique (CRN) mobile, ce qui permettrait de favoriser les prélèvements sur donneurs "Maastricht III".
Le supplément consacré aux réseaux opérationnels de prélèvement (ROP) -qui rassemblent des hôpitaux non autorisés au prélèvement d'organes mais qui sont satellites de centres autorisés et dans lesquels les équipes de coordination se déplacent afin d'identifier de potentiels donneurs- pourrait se voir conditionné "à un vrai travail de réseau", ce qui serait vérifié par les correspondants locaux de l'ABM. Un financement de l'identification de donneurs dans ces établissements satellites est aussi à l'étude.
L'ABM se félicite également d'avoir été entendue par la DGOS concernant les actes HLA -toujours financés par le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN) alors qu'ils ne sont plus innovants-, afin qu'ils soient enfin évalués par la Haute autorité de santé (HAS) pour passage ensuite dans la nomenclature.
Enfin, l'Agence va lancer un grand travail de médico-économie avec les directions financières de plusieurs établissements dans l'objectif de montrer que la greffe n'est pas une activité déficitaire. Les HCL, le CHU de Montpellier, le CHU de Bordeaux et l'Hôpital Foch (à Suresnes, Hauts-de-Seine, établissement privé non lucratif) devraient participer à cette étude, a annoncé Hélène Logerot.
pl/lb/APMnews