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16/03 2023
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LES SÉNATEURS RABOTENT EN COMMISSION LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE CARTE DE SÉJOUR POUR LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ ÉTRANGERS

PARIS, 16 mars 2023 (APMnews) - La commission des lois du Sénat a revu et corrigé mercredi les dispositions du projet de loi sur l'immigration prévoyant la création d'une carte de séjour "talent-professions médicales et de la pharmacie" pour les étrangers, tout en apportant des restrictions aux droits des étrangers malades.

Le projet de loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration", présenté le 1er février en conseil des ministres (cf dépêche du 01/02/2023 à 19:02), doit être examiné à partir du mardi 28 mars en séance publique par la chambre haute.

Ses articles 6 et 7 tendaient à substituer un nouveau dispositif à la carte de séjour pluriannuelle "passeport talent" créée par la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

L'article 7 modifiait en ce sens le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), et instituait une carte de séjour pluriannuelle portant la mention "talent-professions médicales et de la pharmacie", à destination des médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et des pharmaciens.

En commission, sous l'égide des corapporteurs Muriel Jourda (LR, Morbihan) et Philippe Bonnecarrère (Union centriste, Tarn), les sénateurs ont fortement revu à la baisse les ambitions du gouvernement.

Leur amendement supprime le visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) de 13 mois et l'autorisation dérogatoire d'exercice accordée pour des praticiens n'ayant pas encore réussi leurs épreuves de vérification des connaissances (EVC).

La mesure devait bénéficier à environ 400 praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) venus pour exercer en établissement public de santé ou en établissement de santé privé d'intérêt collectif (Espic).

Pour les deux corraporteurs, cette nouvelle autorisation dérogatoire "ne semble pas conforme aux objectifs fixés par le législateur" dans la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, dite "Ma santé 2022" de 2019 (cf dépêche du 25/03/2019 à 18:03) qui entendait régulariser l'exercice des Padhue mais aussi le limiter "aux seuls lauréats des EVC".

"D'autre part, en l'état, le titre de séjour lié à cette autorisation dérogatoire d'exercice offre aux Padhue concernés le bénéfice de la procédure de 'famille accompagnante', modalité simplifiée de procéder à un regroupement familial", relèvent-ils.

"Alors que leur maintien sur le territoire français est lié à la réussite aux EVC, ne présentant donc pas de garantie pérenne, et que des moyens effectifs de contrôle en cas de maintien irrégulier sur le territoire ne semblent pas présents, procéder à un tel rapprochement semblerait disproportionné", développent les sénateurs.

L'amendement supprime par ailleurs l'intégralité des dispositions visant à déconcentrer, au bénéfice des agences régionales de santé, la compétence pour délivrer les autorisations d'exercer en France pour les personnes titulaires d'un diplôme étranger.

"L'ensemble des ordres professionnels consultés par les rapporteurs ont indiqué leur particulière opposition à une telle disposition, qui semble de nature à créer des divergences d'appréciation à l'échelle du territoire sur des cas pourtant similaires".

Les sénateurs n'ont finalement conservé que la possibilité de délivrer aux lauréats des EVC un visa de quatre ans maximum pour ceux qui bénéficient d'une décision d'affectation, d'une attestation permettant un exercice temporaire ou d'une autorisation d'exercer prévue dans le code de la santé publique. La mesure pourrait concerner 2.000 praticiens chaque année, selon l'étude d'impact.

Nouvelle offensive contre l'aide médicale de l'Etat

Les sénateurs ont par ailleurs adopté un article additionnel, proposé par Françoise Dumont (LR, Var) supprimant l'aide médicale de l'Etat (AME) pour lui substituer un dispositif moins favorable.

L'amendement de la sénatrice instaure une "aide médicale d'urgence" accessible aux étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire depuis plus de trois mois et sous condition de ressource, à l'instar du dispositif voté chaque année depuis 2018 au Sénat, contre l'avis du gouvernement, lors de l'examen du budget.

Cette "AMU" serait "centrée sur la prise en charge des situations les plus graves et sous réserve du paiement d'un droit de timbre".

Le dispositif reprend les contours de celui proposé par Roger Karoutchi (LR, Hauts-de-Seine) en octobre 2015 puis juin 2018 dans les projets de loi relatifs à l'immigration, et repris par Alain Joyandet (LR, Haute-Saône) dans les PLF 2018, 2019, 2020 et 2021 et Christian Klinger (LR, Haut-Rhin) dans le PLF 2023 (cf dépêche du 30/11/2022 à 14:29).

Un droit d'entrée de 30 euros avait été instauré en 2011 puis supprimé en juillet 2012 juste après le retour de la gauche au pouvoir (cf dépêche du 20/07/2012 à 11:26).

Le périmètre de l'AME avait toutefois été revu sous l'impulsion du gouvernement de Jean Castex à l'occasion du budget 2020, afin de lutter contre son "dévoiement", en s'appuyant sur des recommandations présentées par les inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) (cf dépêche du 07/11/2019 à 17:47).

Mise en place en 2000 sous le gouvernement Jospin, l'AME est un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins. La droite et l'extrême droite réclament de longue date la suppression de cette prestation qui bénéficiait à 380.762 personnes fin 2021, pour un montant prévisionnel de 1,2 milliard d'euros pour 2023 (+12,4%) (cf dépêche du 24/10/2022 à 15:21).

Pour Françoise Dumont, la transformation de l'AME est justifiée au regard du budget qui lui est consacré, "alors que le ministre de l'intérieur lui-même a estimé 'entre 600.000 et 900.000' le nombre d'étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire national".

Déremboursement des soins pour le titre de séjour "étranger malade"

La commission a par ailleurs adopté deux amendements des corapporteurs renforçant les conditions d'admission au séjour au bénéfice du titre dit "étranger malade".

Le premier revient à la situation antérieure à 2016 pour le principal critère ouvrant droit au titre de séjour "étranger malade", en préférant l'absence de traitement dans le pays d'origine au "défaut d'accès effectif aux soins" dans ce même pays.

"En effet, l'ouverture de l'offre de soins à des ressortissants de pays développés, qui sont en mesure de proposer des soins d'une qualité équivalente à celle ayant cours en France, mais n'en garantissant pas l'accès à l'ensemble de leurs concitoyens, semble excessive", justifient Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère dans l'exposé des motifs.

"Il ne revient pas à la solidarité nationale de financer le défaut de prise en charge de pays tiers, particulièrement quand ceux-ci sont développés", estiment-ils.

Aussi l'amendement prévoit-il la fin de la prise en charge de l'assurance maladie pour les soins des étrangers titulaires de ce titre de séjour, et renvoie au gouvernement le soin de négocier des conventions bilatérales permettant "de déterminer les conditions dans lesquelles les systèmes assurantiels étrangers peuvent financer cette prise en charge".

Il autorise par ailleurs les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) "à demander les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de leur mission aux professionnels de santé qui en disposent, sans l'accord de l'étranger" et ce afin de faciliter l'exercice de leurs missions.

L'autre amendement renforce les dispositions encadrant la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raison de santé.

Le Ceseda dispose qu'"un étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' d'une durée d'un an".

L'amendement adopté fixe au niveau législatif les "conséquences d'une exceptionnelle gravité", aujourd'hui définies par arrêté. Elles seraient appréciées "compte tenu du risque que le défaut de prise en charge médicale fait peser sur le pronostic vital de l'étranger ou l'altération significative de l'une de ses fonctions importantes, mais également de la probabilité et du délai présumé de survenance de ces conséquences".

vg/nc/APMnews

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PARIS, 16 mars 2023 (APMnews) - La commission des lois du Sénat a revu et corrigé mercredi les dispositions du projet de loi sur l'immigration prévoyant la création d'une carte de séjour "talent-professions médicales et de la pharmacie" pour les étrangers, tout en apportant des restrictions aux droits des étrangers malades.

Le projet de loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration", présenté le 1er février en conseil des ministres (cf dépêche du 01/02/2023 à 19:02), doit être examiné à partir du mardi 28 mars en séance publique par la chambre haute.

Ses articles 6 et 7 tendaient à substituer un nouveau dispositif à la carte de séjour pluriannuelle "passeport talent" créée par la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

L'article 7 modifiait en ce sens le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), et instituait une carte de séjour pluriannuelle portant la mention "talent-professions médicales et de la pharmacie", à destination des médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et des pharmaciens.

En commission, sous l'égide des corapporteurs Muriel Jourda (LR, Morbihan) et Philippe Bonnecarrère (Union centriste, Tarn), les sénateurs ont fortement revu à la baisse les ambitions du gouvernement.

Leur amendement supprime le visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) de 13 mois et l'autorisation dérogatoire d'exercice accordée pour des praticiens n'ayant pas encore réussi leurs épreuves de vérification des connaissances (EVC).

La mesure devait bénéficier à environ 400 praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) venus pour exercer en établissement public de santé ou en établissement de santé privé d'intérêt collectif (Espic).

Pour les deux corraporteurs, cette nouvelle autorisation dérogatoire "ne semble pas conforme aux objectifs fixés par le législateur" dans la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, dite "Ma santé 2022" de 2019 (cf dépêche du 25/03/2019 à 18:03) qui entendait régulariser l'exercice des Padhue mais aussi le limiter "aux seuls lauréats des EVC".

"D'autre part, en l'état, le titre de séjour lié à cette autorisation dérogatoire d'exercice offre aux Padhue concernés le bénéfice de la procédure de 'famille accompagnante', modalité simplifiée de procéder à un regroupement familial", relèvent-ils.

"Alors que leur maintien sur le territoire français est lié à la réussite aux EVC, ne présentant donc pas de garantie pérenne, et que des moyens effectifs de contrôle en cas de maintien irrégulier sur le territoire ne semblent pas présents, procéder à un tel rapprochement semblerait disproportionné", développent les sénateurs.

L'amendement supprime par ailleurs l'intégralité des dispositions visant à déconcentrer, au bénéfice des agences régionales de santé, la compétence pour délivrer les autorisations d'exercer en France pour les personnes titulaires d'un diplôme étranger.

"L'ensemble des ordres professionnels consultés par les rapporteurs ont indiqué leur particulière opposition à une telle disposition, qui semble de nature à créer des divergences d'appréciation à l'échelle du territoire sur des cas pourtant similaires".

Les sénateurs n'ont finalement conservé que la possibilité de délivrer aux lauréats des EVC un visa de quatre ans maximum pour ceux qui bénéficient d'une décision d'affectation, d'une attestation permettant un exercice temporaire ou d'une autorisation d'exercer prévue dans le code de la santé publique. La mesure pourrait concerner 2.000 praticiens chaque année, selon l'étude d'impact.

Nouvelle offensive contre l'aide médicale de l'Etat

Les sénateurs ont par ailleurs adopté un article additionnel, proposé par Françoise Dumont (LR, Var) supprimant l'aide médicale de l'Etat (AME) pour lui substituer un dispositif moins favorable.

L'amendement de la sénatrice instaure une "aide médicale d'urgence" accessible aux étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire depuis plus de trois mois et sous condition de ressource, à l'instar du dispositif voté chaque année depuis 2018 au Sénat, contre l'avis du gouvernement, lors de l'examen du budget.

Cette "AMU" serait "centrée sur la prise en charge des situations les plus graves et sous réserve du paiement d'un droit de timbre".

Le dispositif reprend les contours de celui proposé par Roger Karoutchi (LR, Hauts-de-Seine) en octobre 2015 puis juin 2018 dans les projets de loi relatifs à l'immigration, et repris par Alain Joyandet (LR, Haute-Saône) dans les PLF 2018, 2019, 2020 et 2021 et Christian Klinger (LR, Haut-Rhin) dans le PLF 2023 (cf dépêche du 30/11/2022 à 14:29).

Un droit d'entrée de 30 euros avait été instauré en 2011 puis supprimé en juillet 2012 juste après le retour de la gauche au pouvoir (cf dépêche du 20/07/2012 à 11:26).

Le périmètre de l'AME avait toutefois été revu sous l'impulsion du gouvernement de Jean Castex à l'occasion du budget 2020, afin de lutter contre son "dévoiement", en s'appuyant sur des recommandations présentées par les inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) (cf dépêche du 07/11/2019 à 17:47).

Mise en place en 2000 sous le gouvernement Jospin, l'AME est un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins. La droite et l'extrême droite réclament de longue date la suppression de cette prestation qui bénéficiait à 380.762 personnes fin 2021, pour un montant prévisionnel de 1,2 milliard d'euros pour 2023 (+12,4%) (cf dépêche du 24/10/2022 à 15:21).

Pour Françoise Dumont, la transformation de l'AME est justifiée au regard du budget qui lui est consacré, "alors que le ministre de l'intérieur lui-même a estimé 'entre 600.000 et 900.000' le nombre d'étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire national".

Déremboursement des soins pour le titre de séjour "étranger malade"

La commission a par ailleurs adopté deux amendements des corapporteurs renforçant les conditions d'admission au séjour au bénéfice du titre dit "étranger malade".

Le premier revient à la situation antérieure à 2016 pour le principal critère ouvrant droit au titre de séjour "étranger malade", en préférant l'absence de traitement dans le pays d'origine au "défaut d'accès effectif aux soins" dans ce même pays.

"En effet, l'ouverture de l'offre de soins à des ressortissants de pays développés, qui sont en mesure de proposer des soins d'une qualité équivalente à celle ayant cours en France, mais n'en garantissant pas l'accès à l'ensemble de leurs concitoyens, semble excessive", justifient Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère dans l'exposé des motifs.

"Il ne revient pas à la solidarité nationale de financer le défaut de prise en charge de pays tiers, particulièrement quand ceux-ci sont développés", estiment-ils.

Aussi l'amendement prévoit-il la fin de la prise en charge de l'assurance maladie pour les soins des étrangers titulaires de ce titre de séjour, et renvoie au gouvernement le soin de négocier des conventions bilatérales permettant "de déterminer les conditions dans lesquelles les systèmes assurantiels étrangers peuvent financer cette prise en charge".

Il autorise par ailleurs les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) "à demander les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de leur mission aux professionnels de santé qui en disposent, sans l'accord de l'étranger" et ce afin de faciliter l'exercice de leurs missions.

L'autre amendement renforce les dispositions encadrant la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raison de santé.

Le Ceseda dispose qu'"un étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' d'une durée d'un an".

L'amendement adopté fixe au niveau législatif les "conséquences d'une exceptionnelle gravité", aujourd'hui définies par arrêté. Elles seraient appréciées "compte tenu du risque que le défaut de prise en charge médicale fait peser sur le pronostic vital de l'étranger ou l'altération significative de l'une de ses fonctions importantes, mais également de la probabilité et du délai présumé de survenance de ces conséquences".

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