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22/08 2025
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LES URGENTISTES DU CH AGEN-NÉRAC MENACENT DE BAISSER LE RIDEAU APRÈS UN ÉTÉ BIEN AU-DELÀ DU TEMPS DE TRAVAIL LÉGAL

AGEN, 22 août 2025 (APMnews) - Les médecins urgentistes du centre hospitalier (CH) Agen-Nérac ont fait part de leur épuisement et de leur exaspération après avoir effectué 5.700 heures de temps de travail additionnel (TTA) pour assurer la continuité des soins dans le Lot-et-Garonne et le Gers durant l'été, a-t-on appris jeudi auprès du chef du service d'urgence de l'hôpital, le Dr Laurent Maillard.

"On nous fait travailler dans des conditions d'exercices complètement hors norme", a soufflé le chef du service d'urgence du CH Agen-Nérac, Laurent Maillard, joint jeudi par APMnews.

Durant l'été, son équipe médicale a assuré le fonctionnement du service d'urgence d'Agen, mais également les Smur d'Agen et Nérac, le Samu du Lot-et-Garonne et le Samu du Gers la nuit.

"Tout cet été, on s'est retrouvé avec la fermeture du service d'urgence d'Auch, qui est l'établissement de recours", a-t-il souligné, en ajoutant que, dans ces circonstances, la régulation du Samu devait négocier avec les hôpitaux de Montauban, Tarbes, Pau, Toulouse et Mont-de-Marsan pour faire hospitaliser les patients, parfois à 100 km de leur lieu de prise en charge.

En mentionnant également les fermetures perlées des urgences de la clinique Esquirol Saint-Hilaire (Elsan) à Agen et celles de Smur dans le Gers et le Lot-et-Garonne, cette situation a engendré du "burn-out" dans ces équipes en raison de la dégradation de la permanence des soins en établissements de santé (PDSES) au cours de l'été "avec toute la complexité que peut apporter ce type de désorganisation".

"Le deuxième sujet qui a cristallisé les choses, c'est que face à l'ensemble de ces problèmes, notre administration a expliqué que du fait de l'évolution réglementaire, notre rémunération diminuerait cet été", a-t-il poursuivi. "Donc ça a été assez mal vécu: sur tout le dispositif mis en place pour assurer la qualité de prise en charge des patients, la réglementation, tout le monde s'en fout."

Alors que les médecins de l'équipe d'urgentistes du CH d'Agen-Nérac s'étaient organisés pour assurer un planning estival complet jusqu'à lundi, tous les urgentistes exercent en heures supplémentaires depuis pour pouvoir assurer le fonctionnement du service.

SUdF et l'Amuf dénoncent la "surcharge des services d'urgence encore ouverts"

"Les conditions d'exercice et le temps de travail additionnel des urgentistes pour l'été 2025 ne sont plus tenables", s'étaient précédemment alarmés Samu-Urgences de France (SUdF) et l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), dans un communiqué diffusé lundi, mentionnant notamment la situation du CH Agen-Nérac.

"Ce n'est pas quelque chose qui flambe aujourd'hui, par contre, ce qui fait flamber, ce sont les propos édulcorés du ministre qui nous annonce que cet été ne sera pas pire que l'année dernière, car pour nous, ça n'avait déjà pas été un bel été", a développé le président de SUdF, Marc Noizet, contacté mercredi par APMnews.

"C'est l'aveu d'une chronicisation de nos problèmes et de la non-prise en compte de ce que cela signifie pour les patients et pour les professionnels", a-t-il enchaîné.

"La deuxième chose, c'est qu'en raison des restrictions [des finances publiques] et de leur impact sur la santé, il y a sans aucun doute des notes financières qui ont été transmises aux directeurs d'établissements, qui reviennent sur la survalorisation financière du TTA qui avait été attribuée aux équipes qui payaient le plus cher le maintien de leur structure", a-t-il complété.

Dans leur communiqué, l'Amuf et SUdF se désolaient ainsi que le forfait horaire du TTA à 33,76 € brut au-delà de 48 heures soit "inférieur au taux horaire de base d'un praticien premier échelon et loin des promesses présidentielles d'alignement avec le privé".

"Le sujet de fond, c'est de dire qu'il ne faut plus de TTA et la seule façon pour qu'il n'y en ait plus, c'est de revoir le maillage territorial", a repris Marc Noizet. "On a des tas de services d'urgence de très petite taille où il y a deux médecins la nuit, et l'activité ne justifie pas la présence de deux médecins."

L'impossible révision du maillage des services d'urgence

"Evidemment, c'est bien confortable pour ces médecins-là, au détriment des plus grosses structures qui accueillent plus de passage et qui sont en difficulté pour faire tourner parce qu'ils ont du mal à trouver des médecins", a-t-il pointé, en reprenant ainsi la position qu'il avait défendue en mai devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative à l'organisation du système de santé et aux difficultés d'accès aux soins (cf dépêche du 28/05/2025 à 19:12).

"Il faudrait que quasiment tous les services d'urgence en dessous de 20.000 passages soient transformés en antenne de médecine d'urgence, sauf si c'est le seul établissement d'un territoire, avec un plateau technique très structuré et qui porte l'ensemble des filières", a abondé le Dr Laurent Maillard. "Il n'est pas normal qu'un service comme Auch ferme, alors que le petit hôpital de Condom, à côté, reste ouvert 24h/24."

"On fait croire à tout le monde qu'il y a des services d'urgence partout, mais personne ne va gratter pour voir que ces services dysfonctionnent", s'est-il désespéré.

Alors qu'une révision du maillage des services d'urgence pourrait intervenir avec l'actualisation de projets régionaux de santé (PRS) à l'automne, en convertissant certains services d'urgence en antennes de médecine d'urgence -un nouveau type de structure intermédiaire créé avec la réforme des conditions d'implantation et de fonctionnement de l'activité de médecine d'urgence en décembre 2023 (cf dépêche du 02/01/2024 à 19:27)-, les deux urgentistes n'y croient plus.

"Notre souci, c'est [...] qu'il n'y aura aucun courage politique sur le sujet, avec des maires qui vont faire croire qu'ils sont les meilleurs parce qu'ils ont réussi à garder leur service d'urgence", redoute Laurent Maillard. "Condom, c'est 20% de la population du Gers, les 80% restants ont été délaissés; si c'est ce qu'ils veulent et que chacun se bat pour soi, demain il n'y aura plus de service d'urgence."

"C'est une occasion manquée car [la révision des PRS] coïncide avec les municipales", s'est désolé Marc Noizet.

"Tous les directeurs généraux d'ARS [agence régionale de santé] sont ultra-protectionnistes pour ne pas créer de mouvement électoral en défaveur du gouvernement", a-t-il assuré. "C'est pour ça qu'on dit qu'il faut du courage politique."

"On poursuit les discussions avec l'ARS et notre direction parce qu'on veut des réponses claires sur l'avenir de nos organisations", a rapporté de son côté le Dr Laurent Maillard, alors que le directeur général de l'ARS Nouvelle-Aquitaine, Benoît Elleboode, doit se rendre mardi au CH Agen-Nérac.

Pendant ce temps, le service d'urgence de l'hôpital fonctionne avec une visibilité de 48 heures sur son planning, en raison de l'épuisement des équipes, a expliqué son chef de service: "On ne peut pas aller au-delà de samedi parce qu'on a des médecins qui vont travailler demain [vendredi] et auxquels on va probablement demander de bosser dimanche et ils m'ont dit clairement 'On verra comment on finit notre garde'."

De son côté, le Dr Noizet a prévenu qu'il ne pourrait "y avoir d'assignation ou de réquisition" pour assurer la continuité du service "car tous les agents ont déjà fait leur temps de travail".

Contactée par APMnews, la direction du CH Agen-Nérac a souhaité laisser l'ARS Nouvelle-Aquitaine gérer la communication sur cette situation, tandis que l'agence n'a pas donné suite à nos sollicitations.

gl/nc/APMnews

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AGEN, 22 août 2025 (APMnews) - Les médecins urgentistes du centre hospitalier (CH) Agen-Nérac ont fait part de leur épuisement et de leur exaspération après avoir effectué 5.700 heures de temps de travail additionnel (TTA) pour assurer la continuité des soins dans le Lot-et-Garonne et le Gers durant l'été, a-t-on appris jeudi auprès du chef du service d'urgence de l'hôpital, le Dr Laurent Maillard.

"On nous fait travailler dans des conditions d'exercices complètement hors norme", a soufflé le chef du service d'urgence du CH Agen-Nérac, Laurent Maillard, joint jeudi par APMnews.

Durant l'été, son équipe médicale a assuré le fonctionnement du service d'urgence d'Agen, mais également les Smur d'Agen et Nérac, le Samu du Lot-et-Garonne et le Samu du Gers la nuit.

"Tout cet été, on s'est retrouvé avec la fermeture du service d'urgence d'Auch, qui est l'établissement de recours", a-t-il souligné, en ajoutant que, dans ces circonstances, la régulation du Samu devait négocier avec les hôpitaux de Montauban, Tarbes, Pau, Toulouse et Mont-de-Marsan pour faire hospitaliser les patients, parfois à 100 km de leur lieu de prise en charge.

En mentionnant également les fermetures perlées des urgences de la clinique Esquirol Saint-Hilaire (Elsan) à Agen et celles de Smur dans le Gers et le Lot-et-Garonne, cette situation a engendré du "burn-out" dans ces équipes en raison de la dégradation de la permanence des soins en établissements de santé (PDSES) au cours de l'été "avec toute la complexité que peut apporter ce type de désorganisation".

"Le deuxième sujet qui a cristallisé les choses, c'est que face à l'ensemble de ces problèmes, notre administration a expliqué que du fait de l'évolution réglementaire, notre rémunération diminuerait cet été", a-t-il poursuivi. "Donc ça a été assez mal vécu: sur tout le dispositif mis en place pour assurer la qualité de prise en charge des patients, la réglementation, tout le monde s'en fout."

Alors que les médecins de l'équipe d'urgentistes du CH d'Agen-Nérac s'étaient organisés pour assurer un planning estival complet jusqu'à lundi, tous les urgentistes exercent en heures supplémentaires depuis pour pouvoir assurer le fonctionnement du service.

SUdF et l'Amuf dénoncent la "surcharge des services d'urgence encore ouverts"

"Les conditions d'exercice et le temps de travail additionnel des urgentistes pour l'été 2025 ne sont plus tenables", s'étaient précédemment alarmés Samu-Urgences de France (SUdF) et l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), dans un communiqué diffusé lundi, mentionnant notamment la situation du CH Agen-Nérac.

"Ce n'est pas quelque chose qui flambe aujourd'hui, par contre, ce qui fait flamber, ce sont les propos édulcorés du ministre qui nous annonce que cet été ne sera pas pire que l'année dernière, car pour nous, ça n'avait déjà pas été un bel été", a développé le président de SUdF, Marc Noizet, contacté mercredi par APMnews.

"C'est l'aveu d'une chronicisation de nos problèmes et de la non-prise en compte de ce que cela signifie pour les patients et pour les professionnels", a-t-il enchaîné.

"La deuxième chose, c'est qu'en raison des restrictions [des finances publiques] et de leur impact sur la santé, il y a sans aucun doute des notes financières qui ont été transmises aux directeurs d'établissements, qui reviennent sur la survalorisation financière du TTA qui avait été attribuée aux équipes qui payaient le plus cher le maintien de leur structure", a-t-il complété.

Dans leur communiqué, l'Amuf et SUdF se désolaient ainsi que le forfait horaire du TTA à 33,76 € brut au-delà de 48 heures soit "inférieur au taux horaire de base d'un praticien premier échelon et loin des promesses présidentielles d'alignement avec le privé".

"Le sujet de fond, c'est de dire qu'il ne faut plus de TTA et la seule façon pour qu'il n'y en ait plus, c'est de revoir le maillage territorial", a repris Marc Noizet. "On a des tas de services d'urgence de très petite taille où il y a deux médecins la nuit, et l'activité ne justifie pas la présence de deux médecins."

L'impossible révision du maillage des services d'urgence

"Evidemment, c'est bien confortable pour ces médecins-là, au détriment des plus grosses structures qui accueillent plus de passage et qui sont en difficulté pour faire tourner parce qu'ils ont du mal à trouver des médecins", a-t-il pointé, en reprenant ainsi la position qu'il avait défendue en mai devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative à l'organisation du système de santé et aux difficultés d'accès aux soins (cf dépêche du 28/05/2025 à 19:12).

"Il faudrait que quasiment tous les services d'urgence en dessous de 20.000 passages soient transformés en antenne de médecine d'urgence, sauf si c'est le seul établissement d'un territoire, avec un plateau technique très structuré et qui porte l'ensemble des filières", a abondé le Dr Laurent Maillard. "Il n'est pas normal qu'un service comme Auch ferme, alors que le petit hôpital de Condom, à côté, reste ouvert 24h/24."

"On fait croire à tout le monde qu'il y a des services d'urgence partout, mais personne ne va gratter pour voir que ces services dysfonctionnent", s'est-il désespéré.

Alors qu'une révision du maillage des services d'urgence pourrait intervenir avec l'actualisation de projets régionaux de santé (PRS) à l'automne, en convertissant certains services d'urgence en antennes de médecine d'urgence -un nouveau type de structure intermédiaire créé avec la réforme des conditions d'implantation et de fonctionnement de l'activité de médecine d'urgence en décembre 2023 (cf dépêche du 02/01/2024 à 19:27)-, les deux urgentistes n'y croient plus.

"Notre souci, c'est [...] qu'il n'y aura aucun courage politique sur le sujet, avec des maires qui vont faire croire qu'ils sont les meilleurs parce qu'ils ont réussi à garder leur service d'urgence", redoute Laurent Maillard. "Condom, c'est 20% de la population du Gers, les 80% restants ont été délaissés; si c'est ce qu'ils veulent et que chacun se bat pour soi, demain il n'y aura plus de service d'urgence."

"C'est une occasion manquée car [la révision des PRS] coïncide avec les municipales", s'est désolé Marc Noizet.

"Tous les directeurs généraux d'ARS [agence régionale de santé] sont ultra-protectionnistes pour ne pas créer de mouvement électoral en défaveur du gouvernement", a-t-il assuré. "C'est pour ça qu'on dit qu'il faut du courage politique."

"On poursuit les discussions avec l'ARS et notre direction parce qu'on veut des réponses claires sur l'avenir de nos organisations", a rapporté de son côté le Dr Laurent Maillard, alors que le directeur général de l'ARS Nouvelle-Aquitaine, Benoît Elleboode, doit se rendre mardi au CH Agen-Nérac.

Pendant ce temps, le service d'urgence de l'hôpital fonctionne avec une visibilité de 48 heures sur son planning, en raison de l'épuisement des équipes, a expliqué son chef de service: "On ne peut pas aller au-delà de samedi parce qu'on a des médecins qui vont travailler demain [vendredi] et auxquels on va probablement demander de bosser dimanche et ils m'ont dit clairement 'On verra comment on finit notre garde'."

De son côté, le Dr Noizet a prévenu qu'il ne pourrait "y avoir d'assignation ou de réquisition" pour assurer la continuité du service "car tous les agents ont déjà fait leur temps de travail".

Contactée par APMnews, la direction du CH Agen-Nérac a souhaité laisser l'ARS Nouvelle-Aquitaine gérer la communication sur cette situation, tandis que l'agence n'a pas donné suite à nos sollicitations.

gl/nc/APMnews

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