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30/10 2023
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MALFORMATION DE LA VEINE DE GALIEN: UN AN APRÈS, UN DÉVELOPPEMENT NORMAL POUR LE PREMIER ENFANT OPÉRÉ IN UTERO (SPÉCIALISTE)

PARIS, 30 octobre 2023 (APMnews) - Un an après sa naissance, le premier bébé opéré in utero pour une malformation anévrismale de la veine de Galien dans le monde se porte bien sur le plan neurodéveloppemental, a affirmé à APMnews le Pr Olivier Naggara du service de neuroradiologie interventionnelle du groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris-hôpital Sainte-Anne, qui a participé à l'intervention, estimant qu'entre 10 et 15 enfants par an en France pourraient bénéficier de cette approche.

La malformation de la veine de Galien est rare et associée à des taux de séquelles et de décès important. Lorsqu'elle est détectée in utero, une interruption médicale de grossesse peut être proposée aux parents.

L'embolisation in utero a été réalisée par l'équipe d'Olivier Naggara le 7 septembre 2022, à 33 semaines d'âge gestationnel, un peu plus d'un mois avant la naissance de l'enfant le 16 octobre, en collaboration avec les équipes du service d'obstétrique-maternité et médecine fœtale du Pr Yves Ville et d'imagerie pédiatrique de la Pr Nathalie Boddaert de l'hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP). Des embolisations complémentaires ont été réalisées après la naissance pour obtenir une guérison complète.

"Le développement de l'enfant est tel qu'attendu, avec toutes les acquisitions prévues aux âges successifs", a rapporté Olivier Naggara, précisant que l'enfant est suivi par des neuropédiatres.

Cette technique d'embolisation in utero a également été réalisée en mars par une équipe américaine de Boston, qui a décrit l'intervention dans Stroke en mai (cf dépêche du 12/05/2023 à 12:15). L'article français est en cours de publication, mais une communication a été faite par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris et le GHU Paris-hôpital Sainte-Anne en juin (cf dépêche du 16/06/2023 à 10:22), alors que l'enfant avait 8 mois. "Nous avons préféré attendre que tout risque soit écarté pour l'enfant avant de communiquer", a souligné le radiologue.

Des interventions anténatales sur d'autres organes pratiquées en routine

La grossesse s'est d'abord déroulée sans difficulté, les premières échographies n'ayant montré aucune anomalie. "C'est au cours du bilan obstétrical de la 32e semaine que le gynécologue a découvert l'anomalie au niveau de la veine de Galien, qui a un aspect très caractéristique à l'échographie", a raconté Olivier Naggara.

La patiente a dès lors été prise en charge à l'hôpital Necker-Enfants malades, où une nouvelle échographie a été réalisée pour évaluer le retentissement de cette malformation intracérébrale sur le cœur. "Elle a montré que le cœur luttait mais qu'il n'y a[vait] encore rien d'irréversible à ce stade", a décrit le radiologue. Une IRM cérébrale fœtale a également été réalisée à l'aide de la plateforme Lumière de l'hôpital et a montré que le cerveau ne présentait pas non plus de souffrance irréversible. "C'est une situation que l'on retrouve dans deux tiers des cas de découverte de l'anomalie", a-t-il poursuivi, précisant qu'il est assez rare que les souffrances cardiaques et cérébrales soient d'emblée irréversibles. Néanmoins, la malformation évolue au cours du troisième trimestre de la grossesse, sans possibilité d'agir.

Une surveillance étroite par échographie toutes les semaines et par IRM toutes les deux semaines permet de surveiller l'évolution. "C'est une situation où il y a beaucoup d'incertitudes que nous partageons avec les familles et qui peut durer jusqu'à l'accouchement. L'interruption médicale de grossesse peut être envisagée sans attendre que les lésions soient irréversibles pour ne pas être soumis à ces aléas", a indiqué Olivier Naggara. "Les lésions cérébrales peuvent s'installer jusqu'à la fin de la grossesse et une fois que l'accouchement a eu lieu, il reste une inconnue, c'est la manière dont le nouveau-né va supporter la naissance car le mode de circulation se modifie considérablement à la naissance."

"Nous étions démunis jusque-là face à ces semaines qui avancent. Il manquait une pièce au puzzle, un élément thérapeutique permettant de freiner la malformation et à la grossesse de se terminer en ôtant ce stress pour le cœur et le cerveau", a poursuivi Olivier Naggara.

Des discussions à l'international, notamment avec les équipes de Boston, ont conduit les équipes françaises à utiliser un guidage échographique in utero, pratique déjà utilisée quotidiennement pour des interventions anténatales de radiologie interventionnelle portant sur d'autres organes que le cerveau, notamment par l'équipe d'Yves Ville. "C'est la raison pour laquelle nous nous sommes lancés", a noté Olivier Naggara. "Nous avons partagé avec la famille les incertitudes sur l'efficacité de cette approche et ses risques."

Une étude internationale lancée par l'équipe de Boston

Durant l'intervention, la mère a bénéficié d'une anesthésie locale par péridurale et le fœtus a été endormi complètement. "Sous contrôle échographique, un microcathéter a été inséré à travers la peau de la patiente, puis à travers sa paroi utérine avant d'atteindre la nuque de l'enfant pour rejoindre la malformation où des coils [fils de platine, NDLR] sont mis en place au niveau de l'anévrisme, sans boucher la veine complètement", a détaillé le radiologue, précisant que le monitoring a été fait par écho-doppler. L'intervention a duré moins de 30 minutes et aucune complication n'est survenue chez le fœtus ni chez la mère.

L'IRM du fœtus a montré une réduction importante de certains marqueurs anatomiques, avec notamment, dès 48 heures, une diminution du stress sur le cœur et un cœur moins gros. L'échographie a également montré que la malformation a été bien freinée, sans insuffisance du cœur.

"La grossesse s'est ainsi poursuivie jusqu'à 40 semaines. Un traitement a dû être réalisé ex utero à J5 et une dernière embolisation à trois mois", a raconté le radiologue. "Nous aurions sans doute pu freiner plus in utero pour éviter ces interventions."

Un suivi rapproché tous les 2 mois par un neuropédiatre est prévu jusqu'aux 7-8 ans de l'enfant, qui devrait ensuite être espacé à tous les deux ans. "L'enfant n'a actuellement besoin d'aucun médicament à tropisme neurologique ou cardiaque", a noté Olivier Naggara.

Depuis, d'autres interventions ont été réalisées aux Etats-Unis. En France, "des cas ont été discutés mais n'ont finalement pas été retenus comme candidats à ce traitement", a précisé Olivier Naggara.

L'intervention n'est en effet pas envisageable pour tous les fœtus présentant cette malformation de la veine de Galien, qui concerne environ une grossesse sur 25.000, soit une cinquantaine de grossesses par an, a estimé Olivier Naggara. "Une fraction seulement se retrouvera dans une situation où la malformation évolue rapidement sans qu'il ne soit trop tard pour intervenir." Il considère qu'entre 10 et 15 enfants par an pourraient bénéficier de ce traitement in utero.

"Nous sommes très rigoureux sur les indications, mais il y aura peut-être une extension des indications à mesure que les effets de cette intervention seront mieux compris", a-t-il précisé. "Une étude internationale, à laquelle nous allons participer, a été lancée par l'équipe de Boston."

"Actuellement, aucune autre malformation vasculaire n'est candidate pour cette intervention in utero cérébrale. La malformation de la veine de Galien est rare, mais il s'agit de la malformation la plus fréquente des vaisseaux intracrâniens."

cc/fb/ab/APMnews

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PARIS, 30 octobre 2023 (APMnews) - Un an après sa naissance, le premier bébé opéré in utero pour une malformation anévrismale de la veine de Galien dans le monde se porte bien sur le plan neurodéveloppemental, a affirmé à APMnews le Pr Olivier Naggara du service de neuroradiologie interventionnelle du groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris-hôpital Sainte-Anne, qui a participé à l'intervention, estimant qu'entre 10 et 15 enfants par an en France pourraient bénéficier de cette approche.

La malformation de la veine de Galien est rare et associée à des taux de séquelles et de décès important. Lorsqu'elle est détectée in utero, une interruption médicale de grossesse peut être proposée aux parents.

L'embolisation in utero a été réalisée par l'équipe d'Olivier Naggara le 7 septembre 2022, à 33 semaines d'âge gestationnel, un peu plus d'un mois avant la naissance de l'enfant le 16 octobre, en collaboration avec les équipes du service d'obstétrique-maternité et médecine fœtale du Pr Yves Ville et d'imagerie pédiatrique de la Pr Nathalie Boddaert de l'hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP). Des embolisations complémentaires ont été réalisées après la naissance pour obtenir une guérison complète.

"Le développement de l'enfant est tel qu'attendu, avec toutes les acquisitions prévues aux âges successifs", a rapporté Olivier Naggara, précisant que l'enfant est suivi par des neuropédiatres.

Cette technique d'embolisation in utero a également été réalisée en mars par une équipe américaine de Boston, qui a décrit l'intervention dans Stroke en mai (cf dépêche du 12/05/2023 à 12:15). L'article français est en cours de publication, mais une communication a été faite par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris et le GHU Paris-hôpital Sainte-Anne en juin (cf dépêche du 16/06/2023 à 10:22), alors que l'enfant avait 8 mois. "Nous avons préféré attendre que tout risque soit écarté pour l'enfant avant de communiquer", a souligné le radiologue.

Des interventions anténatales sur d'autres organes pratiquées en routine

La grossesse s'est d'abord déroulée sans difficulté, les premières échographies n'ayant montré aucune anomalie. "C'est au cours du bilan obstétrical de la 32e semaine que le gynécologue a découvert l'anomalie au niveau de la veine de Galien, qui a un aspect très caractéristique à l'échographie", a raconté Olivier Naggara.

La patiente a dès lors été prise en charge à l'hôpital Necker-Enfants malades, où une nouvelle échographie a été réalisée pour évaluer le retentissement de cette malformation intracérébrale sur le cœur. "Elle a montré que le cœur luttait mais qu'il n'y a[vait] encore rien d'irréversible à ce stade", a décrit le radiologue. Une IRM cérébrale fœtale a également été réalisée à l'aide de la plateforme Lumière de l'hôpital et a montré que le cerveau ne présentait pas non plus de souffrance irréversible. "C'est une situation que l'on retrouve dans deux tiers des cas de découverte de l'anomalie", a-t-il poursuivi, précisant qu'il est assez rare que les souffrances cardiaques et cérébrales soient d'emblée irréversibles. Néanmoins, la malformation évolue au cours du troisième trimestre de la grossesse, sans possibilité d'agir.

Une surveillance étroite par échographie toutes les semaines et par IRM toutes les deux semaines permet de surveiller l'évolution. "C'est une situation où il y a beaucoup d'incertitudes que nous partageons avec les familles et qui peut durer jusqu'à l'accouchement. L'interruption médicale de grossesse peut être envisagée sans attendre que les lésions soient irréversibles pour ne pas être soumis à ces aléas", a indiqué Olivier Naggara. "Les lésions cérébrales peuvent s'installer jusqu'à la fin de la grossesse et une fois que l'accouchement a eu lieu, il reste une inconnue, c'est la manière dont le nouveau-né va supporter la naissance car le mode de circulation se modifie considérablement à la naissance."

"Nous étions démunis jusque-là face à ces semaines qui avancent. Il manquait une pièce au puzzle, un élément thérapeutique permettant de freiner la malformation et à la grossesse de se terminer en ôtant ce stress pour le cœur et le cerveau", a poursuivi Olivier Naggara.

Des discussions à l'international, notamment avec les équipes de Boston, ont conduit les équipes françaises à utiliser un guidage échographique in utero, pratique déjà utilisée quotidiennement pour des interventions anténatales de radiologie interventionnelle portant sur d'autres organes que le cerveau, notamment par l'équipe d'Yves Ville. "C'est la raison pour laquelle nous nous sommes lancés", a noté Olivier Naggara. "Nous avons partagé avec la famille les incertitudes sur l'efficacité de cette approche et ses risques."

Une étude internationale lancée par l'équipe de Boston

Durant l'intervention, la mère a bénéficié d'une anesthésie locale par péridurale et le fœtus a été endormi complètement. "Sous contrôle échographique, un microcathéter a été inséré à travers la peau de la patiente, puis à travers sa paroi utérine avant d'atteindre la nuque de l'enfant pour rejoindre la malformation où des coils [fils de platine, NDLR] sont mis en place au niveau de l'anévrisme, sans boucher la veine complètement", a détaillé le radiologue, précisant que le monitoring a été fait par écho-doppler. L'intervention a duré moins de 30 minutes et aucune complication n'est survenue chez le fœtus ni chez la mère.

L'IRM du fœtus a montré une réduction importante de certains marqueurs anatomiques, avec notamment, dès 48 heures, une diminution du stress sur le cœur et un cœur moins gros. L'échographie a également montré que la malformation a été bien freinée, sans insuffisance du cœur.

"La grossesse s'est ainsi poursuivie jusqu'à 40 semaines. Un traitement a dû être réalisé ex utero à J5 et une dernière embolisation à trois mois", a raconté le radiologue. "Nous aurions sans doute pu freiner plus in utero pour éviter ces interventions."

Un suivi rapproché tous les 2 mois par un neuropédiatre est prévu jusqu'aux 7-8 ans de l'enfant, qui devrait ensuite être espacé à tous les deux ans. "L'enfant n'a actuellement besoin d'aucun médicament à tropisme neurologique ou cardiaque", a noté Olivier Naggara.

Depuis, d'autres interventions ont été réalisées aux Etats-Unis. En France, "des cas ont été discutés mais n'ont finalement pas été retenus comme candidats à ce traitement", a précisé Olivier Naggara.

L'intervention n'est en effet pas envisageable pour tous les fœtus présentant cette malformation de la veine de Galien, qui concerne environ une grossesse sur 25.000, soit une cinquantaine de grossesses par an, a estimé Olivier Naggara. "Une fraction seulement se retrouvera dans une situation où la malformation évolue rapidement sans qu'il ne soit trop tard pour intervenir." Il considère qu'entre 10 et 15 enfants par an pourraient bénéficier de ce traitement in utero.

"Nous sommes très rigoureux sur les indications, mais il y aura peut-être une extension des indications à mesure que les effets de cette intervention seront mieux compris", a-t-il précisé. "Une étude internationale, à laquelle nous allons participer, a été lancée par l'équipe de Boston."

"Actuellement, aucune autre malformation vasculaire n'est candidate pour cette intervention in utero cérébrale. La malformation de la veine de Galien est rare, mais il s'agit de la malformation la plus fréquente des vaisseaux intracrâniens."

cc/fb/ab/APMnews

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