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01/12 2021
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MÉDECINS PARTAGÉS ENTRE LARIBOISIÈRE (AP-HP) ET UN CENTRE DE SANTÉ: UNE RÉUSSITE POUR LE PARCOURS DE SOINS DE PATIENTS PRÉCAIRES

(Par Caroline BESNIER, au Séminaire national des hospitaliers)

TOULOUSE, 1er décembre 2021 (APMnews) - La mise en place de médecins généralistes partagés entre l'hôpital Lariboisière (AP-HP) et le centre de santé Richerand dans le Xe arrondissement de Paris a permis d'inscrire des patients précaires dans le système de soins primaires au décours d'une hospitalisation, ont relaté mardi des représentantes du centre et de l'hôpital, lors du Séminaire national des hospitaliers (SNH) organisé à Toulouse.

Le dispositif a été présenté lors d'une séance de communications orales sur l'hôpital hors les murs par Karine Champion, responsable de l'unité fonctionnelle (UF) de médecine interne ville ambulatoire (Miva) à l'hôpital Lariboisière, et Jeanne Villeneuve, qui a été la première médecin partagée de ce dispositif de 2018 à 2020 et est actuellement directrice médicale du centre de santé.

L'hôpital, situé dans le nord de Paris, près de la gare du Nord, doit prendre en charge des patients précaires socialement, dont certains issus récemment de l'immigration ne connaissant pas le système de soins français, a relaté Karine Champion.

Auparavant, quand ces patients arrivaient à l’hôpital, souvent avec retard, "on mettait en place de nombreux soins et prises en charge mais, régulièrement, faute de médecin traitant", tout cela échouait à la sortie et, parfois, on revoyait ces patients quelques semaines ou mois plus tard, avec "tout à refaire", a-t-elle déploré.

Cette situation l'a incitée à chercher des liens avec la ville et des médecins généralistes, peu nombreux dans ce quartier, qui a abouti à une collaboration, à partir de 2014, avec le centre de santé Richerand, situé à 20 minutes à pied de l'hôpital et qui souhaitait lui aussi développer ses relations avec l'hôpital.

Des échanges ont eu lieu avec les médecins du centre, notamment sur des dossiers de patients afin d'organiser des parcours de soins. "Ils ont commencé" à envoyer des patients à Lariboisière et, "dans l’autre sens, on souhaitait que nos patients sans médecin traitant soient pris en charge par le centre de santé".

Toutefois, "il manquait un lien important [car] on n'arrivait pas à entrer nos patients dans le système de soins primaires, ils n'allaient pas consulter des médecins généralistes" du centre, a raconté Karine Champion.

Pour y remédier, un poste de médecin généraliste ville-hôpital (à mi-temps dans chaque lieu d'exercice) a été obtenu à la suite du premier appel à projets pour ces emplois d'assistants partagés lancé par l'agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France en 2018.

Le rôle de ce praticien partagé était de prendre en charge, en tant que généraliste au centre de santé, des patients orientés au décours d'un recours hospitalier, et de travailler avec l’ensemble de l'hôpital (en particulier en médecine interne et dans la policlinique qui correspond à la permanence d'accès aux soins de santé -Pass).

Quand Jeanne Villeneuve était aux urgences, "on pensait à elle pour proposer des patients en tant que médecin traitant", mais en son absence, cela se faisait moins. "C’est pour cela qu'on a demandé un 2e poste [de médecin généraliste partagé ville-hôpital] en 2019, qui a été accepté", a expliqué Karine Champion. Ce poste était centré sur les urgences et la praticienne partagée intervient également en médecine interne et au centre.

L'idée est de proposer à un patient (dans sa chambre ou lors d'une consultation) un suivi en médecine générale à sa sortie. Cette organisation permet "de discuter du dossier avec les médecins hospitaliers référents et de voir les problèmes mis en évidence, les prises en charge proposées et la suite prévue"; et cela permet aussi de transférer le dossier vers la ville, a souligné Jeanne Villeneuve.

Une fois que le patient est suivi en ville, il est également plus facile de l'orienter s'il a besoin de retourner à l'hôpital.

Au centre de santé, des "staffs communs" avec tous les praticiens sont organisés sur les dossiers complexes (polypathologies et grande précarité sociale), afin "que la facilitation de ces recours hospitaliers puisse profiter à toute l'équipe". "Ce sont les médecins partagés qui s'en chargent."

Suivi enclenché pour 70% des patients vus à l'hôpital

De novembre 2018 à novembre 2021, 974 patients ont été adressés par des praticiens de l’hôpital pour un suivi ambulatoire. Parmi eux, 20% n’ont pas pu être pris en charge (déjà un médecin traitant, trop précaires pour sortir de l'hôpital...).

Jeanne Villeneuve a recensé 778 patients vus en consultation avancée de médecine générale. "Là, ce n'est pas l'hôpital hors les murs mais plutôt la médecine générale au sein de l'hôpital." Parmi ces patients, 70% [535] sont ensuite venus au centre de santé et y ont été suivis.

"Ce sont des résultats pour lesquels on est assez satisfaits car ce sont des patients relativement précaires, voire très précaires, et donc pouvoir les inscrire dans un système de soins primaire, c'est une réussite pour nous", s'est félicitée la directrice médicale du centre.

Elle a également observé que cette organisation avec des praticiens partagés a facilité la réponse à la crise du Covid-19: facilitation des sorties précoces d'hospitalisation avec des passages infirmiers, mise en place du Prado Covid, adressage de patients directement dans les services hospitaliers, cellule de crise hebdomadaire en lien avec la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS).

Une tentative de pérennisation en partie financée par la CPTS

L'enjeu porte désormais sur la pérennisation de ces postes. "Aujourd’hui, ce sont des postes de 2 ans sur des appels à projet de l'ARS", avec la partie hospitalière financée par l'ARS mais pas de financement sur la partie ville car les généralistes sont censés être rémunérés à l'acte, a expliqué Jeanne Villeneuve.

Toutefois, "ces patients complexes demandent des temps de consultation longs et du coup, pour un praticien à l'acte, un mi-temps libéral et un salariat, ça n'a pas fonctionné", a-t-elle observé.

Au vu des résultats concluants pour les patients, "ça a été assez important pour la CPTS d'essayer de trouver, [ou] en tout cas d'expérimenter, un modèle de pérennisation de ces postes" à partir de septembre 2021, a-t-elle relaté.

La CPTS a proposé aux médecins partagés qui voulaient continuer à l'issue des deux ans, de travailler dans une structure de ville à temps plein et d'être détachés une journée par semaine à l'hôpital, journée remboursée à la structure par la CPTS (correspondant à 0,2 équivalent temps plein -ETP).

Lors de cette journée seront aussi organisées des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) ville-hôpital pour tous les médecins généralistes du territoire. Dans le Xe arrondissement, la première aura lieu la semaine prochaine.

L'idée serait d'avoir plusieurs médecins de l'arrondissement dans ce pool, a fait valoir la directrice médicale du centre. Aujourd’hui il y a 3 médecins généralistes partagés sur l’arrondissement.

Karine Champion a souligné que les médecins partagés gagnaient plus facilement la confiance des patients (même personne à l'hôpital et dans une structure extérieure), permettaient de réduire le nombre de consultations à l'hôpital et amélioraient la prise en charge en amont et en aval d'une hospitalisation. "C'est le lien humain qui manquait."

Elle aimerait pouvoir montrer l'efficacité de ce dispositif, notamment la réduction des hospitalisations non programmées et du recours aux urgences pour ces patients. "Mais pour l’instant, on n'a pas les moyens de le faire", a-t-elle regretté.

Sur le recrutement des praticiens partagés sur des postes de 2 ans, elle a indiqué que Jeanne Villeneuve était interne en médecine générale et en médecine interne à l'hôpital et au centre de santé, qu'elle connaissait donc les deux structures et avait aussi une vocation de prise en charge sociale des patients.

Les internes suivants souhaitent aussi "reprendre le flambeau". "Ça fait un peu boule de neige et j'ai même presque plus de demandes que de possibilités", a rapporté Karine Champion.

cb/ed/APMnews

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(Par Caroline BESNIER, au Séminaire national des hospitaliers)

TOULOUSE, 1er décembre 2021 (APMnews) - La mise en place de médecins généralistes partagés entre l'hôpital Lariboisière (AP-HP) et le centre de santé Richerand dans le Xe arrondissement de Paris a permis d'inscrire des patients précaires dans le système de soins primaires au décours d'une hospitalisation, ont relaté mardi des représentantes du centre et de l'hôpital, lors du Séminaire national des hospitaliers (SNH) organisé à Toulouse.

Le dispositif a été présenté lors d'une séance de communications orales sur l'hôpital hors les murs par Karine Champion, responsable de l'unité fonctionnelle (UF) de médecine interne ville ambulatoire (Miva) à l'hôpital Lariboisière, et Jeanne Villeneuve, qui a été la première médecin partagée de ce dispositif de 2018 à 2020 et est actuellement directrice médicale du centre de santé.

L'hôpital, situé dans le nord de Paris, près de la gare du Nord, doit prendre en charge des patients précaires socialement, dont certains issus récemment de l'immigration ne connaissant pas le système de soins français, a relaté Karine Champion.

Auparavant, quand ces patients arrivaient à l’hôpital, souvent avec retard, "on mettait en place de nombreux soins et prises en charge mais, régulièrement, faute de médecin traitant", tout cela échouait à la sortie et, parfois, on revoyait ces patients quelques semaines ou mois plus tard, avec "tout à refaire", a-t-elle déploré.

Cette situation l'a incitée à chercher des liens avec la ville et des médecins généralistes, peu nombreux dans ce quartier, qui a abouti à une collaboration, à partir de 2014, avec le centre de santé Richerand, situé à 20 minutes à pied de l'hôpital et qui souhaitait lui aussi développer ses relations avec l'hôpital.

Des échanges ont eu lieu avec les médecins du centre, notamment sur des dossiers de patients afin d'organiser des parcours de soins. "Ils ont commencé" à envoyer des patients à Lariboisière et, "dans l’autre sens, on souhaitait que nos patients sans médecin traitant soient pris en charge par le centre de santé".

Toutefois, "il manquait un lien important [car] on n'arrivait pas à entrer nos patients dans le système de soins primaires, ils n'allaient pas consulter des médecins généralistes" du centre, a raconté Karine Champion.

Pour y remédier, un poste de médecin généraliste ville-hôpital (à mi-temps dans chaque lieu d'exercice) a été obtenu à la suite du premier appel à projets pour ces emplois d'assistants partagés lancé par l'agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France en 2018.

Le rôle de ce praticien partagé était de prendre en charge, en tant que généraliste au centre de santé, des patients orientés au décours d'un recours hospitalier, et de travailler avec l’ensemble de l'hôpital (en particulier en médecine interne et dans la policlinique qui correspond à la permanence d'accès aux soins de santé -Pass).

Quand Jeanne Villeneuve était aux urgences, "on pensait à elle pour proposer des patients en tant que médecin traitant", mais en son absence, cela se faisait moins. "C’est pour cela qu'on a demandé un 2e poste [de médecin généraliste partagé ville-hôpital] en 2019, qui a été accepté", a expliqué Karine Champion. Ce poste était centré sur les urgences et la praticienne partagée intervient également en médecine interne et au centre.

L'idée est de proposer à un patient (dans sa chambre ou lors d'une consultation) un suivi en médecine générale à sa sortie. Cette organisation permet "de discuter du dossier avec les médecins hospitaliers référents et de voir les problèmes mis en évidence, les prises en charge proposées et la suite prévue"; et cela permet aussi de transférer le dossier vers la ville, a souligné Jeanne Villeneuve.

Une fois que le patient est suivi en ville, il est également plus facile de l'orienter s'il a besoin de retourner à l'hôpital.

Au centre de santé, des "staffs communs" avec tous les praticiens sont organisés sur les dossiers complexes (polypathologies et grande précarité sociale), afin "que la facilitation de ces recours hospitaliers puisse profiter à toute l'équipe". "Ce sont les médecins partagés qui s'en chargent."

Suivi enclenché pour 70% des patients vus à l'hôpital

De novembre 2018 à novembre 2021, 974 patients ont été adressés par des praticiens de l’hôpital pour un suivi ambulatoire. Parmi eux, 20% n’ont pas pu être pris en charge (déjà un médecin traitant, trop précaires pour sortir de l'hôpital...).

Jeanne Villeneuve a recensé 778 patients vus en consultation avancée de médecine générale. "Là, ce n'est pas l'hôpital hors les murs mais plutôt la médecine générale au sein de l'hôpital." Parmi ces patients, 70% [535] sont ensuite venus au centre de santé et y ont été suivis.

"Ce sont des résultats pour lesquels on est assez satisfaits car ce sont des patients relativement précaires, voire très précaires, et donc pouvoir les inscrire dans un système de soins primaire, c'est une réussite pour nous", s'est félicitée la directrice médicale du centre.

Elle a également observé que cette organisation avec des praticiens partagés a facilité la réponse à la crise du Covid-19: facilitation des sorties précoces d'hospitalisation avec des passages infirmiers, mise en place du Prado Covid, adressage de patients directement dans les services hospitaliers, cellule de crise hebdomadaire en lien avec la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS).

Une tentative de pérennisation en partie financée par la CPTS

L'enjeu porte désormais sur la pérennisation de ces postes. "Aujourd’hui, ce sont des postes de 2 ans sur des appels à projet de l'ARS", avec la partie hospitalière financée par l'ARS mais pas de financement sur la partie ville car les généralistes sont censés être rémunérés à l'acte, a expliqué Jeanne Villeneuve.

Toutefois, "ces patients complexes demandent des temps de consultation longs et du coup, pour un praticien à l'acte, un mi-temps libéral et un salariat, ça n'a pas fonctionné", a-t-elle observé.

Au vu des résultats concluants pour les patients, "ça a été assez important pour la CPTS d'essayer de trouver, [ou] en tout cas d'expérimenter, un modèle de pérennisation de ces postes" à partir de septembre 2021, a-t-elle relaté.

La CPTS a proposé aux médecins partagés qui voulaient continuer à l'issue des deux ans, de travailler dans une structure de ville à temps plein et d'être détachés une journée par semaine à l'hôpital, journée remboursée à la structure par la CPTS (correspondant à 0,2 équivalent temps plein -ETP).

Lors de cette journée seront aussi organisées des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) ville-hôpital pour tous les médecins généralistes du territoire. Dans le Xe arrondissement, la première aura lieu la semaine prochaine.

L'idée serait d'avoir plusieurs médecins de l'arrondissement dans ce pool, a fait valoir la directrice médicale du centre. Aujourd’hui il y a 3 médecins généralistes partagés sur l’arrondissement.

Karine Champion a souligné que les médecins partagés gagnaient plus facilement la confiance des patients (même personne à l'hôpital et dans une structure extérieure), permettaient de réduire le nombre de consultations à l'hôpital et amélioraient la prise en charge en amont et en aval d'une hospitalisation. "C'est le lien humain qui manquait."

Elle aimerait pouvoir montrer l'efficacité de ce dispositif, notamment la réduction des hospitalisations non programmées et du recours aux urgences pour ces patients. "Mais pour l’instant, on n'a pas les moyens de le faire", a-t-elle regretté.

Sur le recrutement des praticiens partagés sur des postes de 2 ans, elle a indiqué que Jeanne Villeneuve était interne en médecine générale et en médecine interne à l'hôpital et au centre de santé, qu'elle connaissait donc les deux structures et avait aussi une vocation de prise en charge sociale des patients.

Les internes suivants souhaitent aussi "reprendre le flambeau". "Ça fait un peu boule de neige et j'ai même presque plus de demandes que de possibilités", a rapporté Karine Champion.

cb/ed/APMnews

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