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20/10 2021
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OBLIGATION VACCINALE EN MARTINIQUE: PROPOSITION D'UNE MÉDIATION POUR SORTIR DE L'IMPASSE

(Par Maryannick LE BRIS)

FORT-DE-FRANCE, 20 octobre 2021 (APMnews) - La direction du CHU de Martinique, la communauté médicale et les syndicats proposent la mise en oeuvre d'une médiation, avec la présence de l'Etat, pour sortir de la crise née de l'opposition à l'obligation vaccinale des professionnels, ont expliqué les protagonistes à APMnews.

La situation était toujours tendue mercredi au CHU de Martinique, dans un contexte de forte opposition à l'obligation vaccinale des professionnels et deux jours après la décision du tribunal judiciaire de Fort-de-France enjoignant les syndicats de cesser d'entraver le contrôle du passe sanitaire, en vigueur depuis le 11 octobre. Les professionnels devront justifier d'au moins une première injection de vaccin à partir du dimanche 24 octobre, rappelle-t-on (cf dépêche du 14/10/2021 à 18:43)

Le CHU de Martinique a, jeudi 14 octobre, fait assigner les organisations de l'intersyndicale composée de l'UGTM (Union générale des travailleurs de Martinique), la CGTM (CGT de Martinique), la CDMT (Centrale démocratique martiniquaise des travailleurs), FO et de l'Usam (Union syndicale autonome de Martinique) devant le juge des référés de Fort-de-France. L'établissement reprochait aux organisations de commettre une voie de fait constituant un "trouble manifestement illicite" en empêchant le contrôle du passe sanitaire.

Le CHU a notamment argué d'une "entrave à la liberté de travailler" et de la désorganisation des services du fait de la mise en place de différents blocages et "intimidations". Dans son jugement rendu public lundi, le tribunal ordonne aux syndicats de faire cesser sans délai ces entraves, sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour et par organisation.

La CGT a annoncé au cours de l'audience avoir déposé avec l'UGTM un recours contre le CHU "pour excès de pouvoir" au tribunal administratif, invoquant la question "du droit au travail et de l'entrave illicite faite par l'employeur" découlant du contrôle, selon le jugement dont APMnews a eu copie.

Ce dernier est intervenu après que des affrontements ont eu lieu vendredi au CHU. "L'interpellation de deux personnes qui avaient forcé le barrage policier a déclenché les heurts, après une situation déjà difficile", a relaté Benjamin Garel, directeur général du CHU, joint par APMnews. L'établissement a dû "évacuer toutes les personnes qui n'étaient pas auprès d'un patient, les administratifs, et fermer les consultations".

La direction du CHU, l'agence régionale de santé (ARS) et la préfecture ont, dans des communiqués, condamné les violences et dégradations.

La communauté médicale de l'établissement, l'union régionale (URPS) des médecins libéraux de Martinique et le conseil départemental de l'ordre des médecins ont demandé le "rétablissement d'un environnement compatible avec [la] mission de soins auprès des patients hospitalisés et de l'ensemble de la population".

"Nous demandons aux autorités de l'Etat qu'elles mettent en place une médiation à la préfecture ou à l'ARS et qu'elles garantissent la sécurité de tous au sein de l'établissement", réclament ces derniers.

Les barrages ont été levés en application de la décision judiciaire. Mais plusieurs centaines d'agents, près de 700 selon la CGT, ont fait valoir leur droit de retrait pour "danger grave et imminent", en raison du "climat actuel qui génère de la souffrance au travail", selon Magalie Zamor, secrétaire générale de la CGTM Santé, jointe mardi par APMnews. Elle évoque le "stress" créé autour de l'obligation vaccinale et les "incidents avec des gendarmes, policiers, dans l'enceinte de l'établissement".

Assurer la continuité des soins

"Le mouvement se poursuit, nous restons pacifiquement mobilisés", a-t-elle ajouté, évoquant notamment de prochains rassemblements vendredi, simultanément en Martinique, Guadeloupe et en Guyane.

Les syndicats "ne sont pas contre la vaccination, mais pour la liberté de se faire vacciner", a-t-elle affirmé. Ils demandent "des modalités d'application du passe sanitaire, compte tenu de la réalité du territoire", où "parmi les soignants [hospitaliers], 30% sont vaccinés".

À l’issue de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) organisée mardi à la suite de l'alerte pour "danger grave et imminent", la direction et les syndicats ont "validé la mise en place d'une médiation conventionnelle", avec la présence de l'Etat, a-t-elle souligné. La levée du "danger grave et imminent" pourra "se faire dès la signature de l'accord d'engagement" de cette médiation, selon la secrétaire générale de la CGTM Santé.

Le fonctionnement de "plusieurs services est touché par le droit de retrait, notamment la radiologie qui fonctionne au ralenti, et la pharmacotechnie", a expliqué Benjamin Garel, mentionnant aussi une fermeture, en hôpital de jour d'hématologie. Des assignations peuvent être prononcées pour assurer la continuité des soins, a-t-il précisé.

"Le taux de vaccination du personnel est inconnu", car "seulement plus de 1.100 personnes ont justifié de leur statut sur les 6.000 [personnels du CHU]", a-t-il relevé. "Même les personnes vaccinées ne veulent pas se déclarer."

"La situation est vraiment tendue", a-t-il insisté. Le directeur fait observer que, si la défiance à l'égard de la vaccination est manifeste, plusieurs positions se côtoient au sein de l'établissement -personnes opposées au passe sanitaire, ou seulement à l'obligation vaccinale, vaccinées et non vaccinées. "La communauté hospitalière est déchirée" sur le sujet, selon Benjamin Garel.

Le CHU "est ouvert à une médiation" avec la présence de l'Etat, a-t-il confirmé. "On est d'accord et on l'a proposé", a-t-il poursuivi, précisant ne pas encore avoir reçu la réponse de l'ARS et de la préfecture sur le sujet. L'enjeu est de voir "comment on sort de cette crise, comment on continue les soins malgré le désaccord" sur l'obligation vaccinale.

En attendant, la direction a décidé de faire évoluer les modalités du contrôle du passe sanitaire pour les professionnels, car "le fait de bloquer les gens [à l'entrée] était très mal vécu" par les agents, a expliqué Benjamin Garel. En cas de passe sanitaire non valide, "on demande aux personnels de se faire dépister" dans l'établissement. En outre, "un contrôle personnalisé est fait par la DRH", de manière "aléatoire", a ajouté Benjamin Garel, précisant que des sanctions sont toujours prévues en cas de non-respect de l'un des critères du passe. Celui-ci "est totalement en vigueur", a-t-il insisté.

Une note diffusée en ce sens lundi, indiquant que "tous les personnels hospitaliers pourront entrer dans leur service quelle que soit leur situation au regard du passe sanitaire", a, à tort, été interprétée comme signifiant un abandon des contrôles, a-t-il précisé.

Interrogé mardi lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale par la députée de Guadeloupe, Justine Bénin (Modem), sur des mesures d'accompagnement "pour éviter le chaos", le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a reconnu que la situation était "éminemment complexe" mais qu'il ne fallait pas "baisser les bras".

"Évidemment que l'obligation vaccinale doit s'appliquer chez les soignants [de la Guadeloupe] comme elle s'applique ailleurs en République" avec succès, a-t-il défendu.

Mais il ne s'agit pas non plus "de fermer un hôpital ou un Ehpad et de mettre la vie des gens en danger". C'est pour cela qu'il a demandé "à ce que cette obligation vaccinale chez les soignants soit appliquée avec discernement, avec progressivité à mesure que la pression sanitaire diminue" en "s'appuyant sur les directeurs d'hôpital, les CME, les soignants eux-mêmes vaccinés pour avoir cet effort de conviction".

"Mais à la fin des fins, les soignants en Guadeloupe comme sur le reste du territoire national devront être protégés pour protéger leurs patients", a-t-il assuré.

Dans une ordonnance de référé prononcée le 13 octobre, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a enjoint à un syndicat de cesser l'occupation de lieux au CHU, dans le cas d'une mobilisation contre l'obligation vaccinale, sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour, note-t-on.

mlb-sl/ab/APMnews

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(Par Maryannick LE BRIS)

FORT-DE-FRANCE, 20 octobre 2021 (APMnews) - La direction du CHU de Martinique, la communauté médicale et les syndicats proposent la mise en oeuvre d'une médiation, avec la présence de l'Etat, pour sortir de la crise née de l'opposition à l'obligation vaccinale des professionnels, ont expliqué les protagonistes à APMnews.

La situation était toujours tendue mercredi au CHU de Martinique, dans un contexte de forte opposition à l'obligation vaccinale des professionnels et deux jours après la décision du tribunal judiciaire de Fort-de-France enjoignant les syndicats de cesser d'entraver le contrôle du passe sanitaire, en vigueur depuis le 11 octobre. Les professionnels devront justifier d'au moins une première injection de vaccin à partir du dimanche 24 octobre, rappelle-t-on (cf dépêche du 14/10/2021 à 18:43)

Le CHU de Martinique a, jeudi 14 octobre, fait assigner les organisations de l'intersyndicale composée de l'UGTM (Union générale des travailleurs de Martinique), la CGTM (CGT de Martinique), la CDMT (Centrale démocratique martiniquaise des travailleurs), FO et de l'Usam (Union syndicale autonome de Martinique) devant le juge des référés de Fort-de-France. L'établissement reprochait aux organisations de commettre une voie de fait constituant un "trouble manifestement illicite" en empêchant le contrôle du passe sanitaire.

Le CHU a notamment argué d'une "entrave à la liberté de travailler" et de la désorganisation des services du fait de la mise en place de différents blocages et "intimidations". Dans son jugement rendu public lundi, le tribunal ordonne aux syndicats de faire cesser sans délai ces entraves, sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour et par organisation.

La CGT a annoncé au cours de l'audience avoir déposé avec l'UGTM un recours contre le CHU "pour excès de pouvoir" au tribunal administratif, invoquant la question "du droit au travail et de l'entrave illicite faite par l'employeur" découlant du contrôle, selon le jugement dont APMnews a eu copie.

Ce dernier est intervenu après que des affrontements ont eu lieu vendredi au CHU. "L'interpellation de deux personnes qui avaient forcé le barrage policier a déclenché les heurts, après une situation déjà difficile", a relaté Benjamin Garel, directeur général du CHU, joint par APMnews. L'établissement a dû "évacuer toutes les personnes qui n'étaient pas auprès d'un patient, les administratifs, et fermer les consultations".

La direction du CHU, l'agence régionale de santé (ARS) et la préfecture ont, dans des communiqués, condamné les violences et dégradations.

La communauté médicale de l'établissement, l'union régionale (URPS) des médecins libéraux de Martinique et le conseil départemental de l'ordre des médecins ont demandé le "rétablissement d'un environnement compatible avec [la] mission de soins auprès des patients hospitalisés et de l'ensemble de la population".

"Nous demandons aux autorités de l'Etat qu'elles mettent en place une médiation à la préfecture ou à l'ARS et qu'elles garantissent la sécurité de tous au sein de l'établissement", réclament ces derniers.

Les barrages ont été levés en application de la décision judiciaire. Mais plusieurs centaines d'agents, près de 700 selon la CGT, ont fait valoir leur droit de retrait pour "danger grave et imminent", en raison du "climat actuel qui génère de la souffrance au travail", selon Magalie Zamor, secrétaire générale de la CGTM Santé, jointe mardi par APMnews. Elle évoque le "stress" créé autour de l'obligation vaccinale et les "incidents avec des gendarmes, policiers, dans l'enceinte de l'établissement".

Assurer la continuité des soins

"Le mouvement se poursuit, nous restons pacifiquement mobilisés", a-t-elle ajouté, évoquant notamment de prochains rassemblements vendredi, simultanément en Martinique, Guadeloupe et en Guyane.

Les syndicats "ne sont pas contre la vaccination, mais pour la liberté de se faire vacciner", a-t-elle affirmé. Ils demandent "des modalités d'application du passe sanitaire, compte tenu de la réalité du territoire", où "parmi les soignants [hospitaliers], 30% sont vaccinés".

À l’issue de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) organisée mardi à la suite de l'alerte pour "danger grave et imminent", la direction et les syndicats ont "validé la mise en place d'une médiation conventionnelle", avec la présence de l'Etat, a-t-elle souligné. La levée du "danger grave et imminent" pourra "se faire dès la signature de l'accord d'engagement" de cette médiation, selon la secrétaire générale de la CGTM Santé.

Le fonctionnement de "plusieurs services est touché par le droit de retrait, notamment la radiologie qui fonctionne au ralenti, et la pharmacotechnie", a expliqué Benjamin Garel, mentionnant aussi une fermeture, en hôpital de jour d'hématologie. Des assignations peuvent être prononcées pour assurer la continuité des soins, a-t-il précisé.

"Le taux de vaccination du personnel est inconnu", car "seulement plus de 1.100 personnes ont justifié de leur statut sur les 6.000 [personnels du CHU]", a-t-il relevé. "Même les personnes vaccinées ne veulent pas se déclarer."

"La situation est vraiment tendue", a-t-il insisté. Le directeur fait observer que, si la défiance à l'égard de la vaccination est manifeste, plusieurs positions se côtoient au sein de l'établissement -personnes opposées au passe sanitaire, ou seulement à l'obligation vaccinale, vaccinées et non vaccinées. "La communauté hospitalière est déchirée" sur le sujet, selon Benjamin Garel.

Le CHU "est ouvert à une médiation" avec la présence de l'Etat, a-t-il confirmé. "On est d'accord et on l'a proposé", a-t-il poursuivi, précisant ne pas encore avoir reçu la réponse de l'ARS et de la préfecture sur le sujet. L'enjeu est de voir "comment on sort de cette crise, comment on continue les soins malgré le désaccord" sur l'obligation vaccinale.

En attendant, la direction a décidé de faire évoluer les modalités du contrôle du passe sanitaire pour les professionnels, car "le fait de bloquer les gens [à l'entrée] était très mal vécu" par les agents, a expliqué Benjamin Garel. En cas de passe sanitaire non valide, "on demande aux personnels de se faire dépister" dans l'établissement. En outre, "un contrôle personnalisé est fait par la DRH", de manière "aléatoire", a ajouté Benjamin Garel, précisant que des sanctions sont toujours prévues en cas de non-respect de l'un des critères du passe. Celui-ci "est totalement en vigueur", a-t-il insisté.

Une note diffusée en ce sens lundi, indiquant que "tous les personnels hospitaliers pourront entrer dans leur service quelle que soit leur situation au regard du passe sanitaire", a, à tort, été interprétée comme signifiant un abandon des contrôles, a-t-il précisé.

Interrogé mardi lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale par la députée de Guadeloupe, Justine Bénin (Modem), sur des mesures d'accompagnement "pour éviter le chaos", le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a reconnu que la situation était "éminemment complexe" mais qu'il ne fallait pas "baisser les bras".

"Évidemment que l'obligation vaccinale doit s'appliquer chez les soignants [de la Guadeloupe] comme elle s'applique ailleurs en République" avec succès, a-t-il défendu.

Mais il ne s'agit pas non plus "de fermer un hôpital ou un Ehpad et de mettre la vie des gens en danger". C'est pour cela qu'il a demandé "à ce que cette obligation vaccinale chez les soignants soit appliquée avec discernement, avec progressivité à mesure que la pression sanitaire diminue" en "s'appuyant sur les directeurs d'hôpital, les CME, les soignants eux-mêmes vaccinés pour avoir cet effort de conviction".

"Mais à la fin des fins, les soignants en Guadeloupe comme sur le reste du territoire national devront être protégés pour protéger leurs patients", a-t-il assuré.

Dans une ordonnance de référé prononcée le 13 octobre, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a enjoint à un syndicat de cesser l'occupation de lieux au CHU, dans le cas d'une mobilisation contre l'obligation vaccinale, sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour, note-t-on.

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