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10/07 2020
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PAERPA: DES RÉSULTATS INTÉRESSANTS MAIS ENCORE INSUFFISANTS (DOMINIQUE LIBAULT)

PARIS, 10 juillet 2020 (APMnews) - Les résultats du dispositif expérimental pour les personnes âgées en risque de perte d'autonomie (Paerpa), qui s'est achevé le 31 décembre 2019, sont intéressants et montrent un changement de comportement sur certains territoires mais restent encore insuffisants pour créer une vraie dynamique territoriale, a estimé vendredi Dominique Libault, président du comité de pilotage national Paerpa, lors d'une conférence de presse.

Un rapport au Parlement est en cours de finalisation afin de dresser le bilan du dispositif qui visait à encourager la coordination entre les acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux au profit de la prise en charge des personnes de plus de 75 ans, en s'appuyant sur de nouvelles instances de concertation et sur des financements dérogatoires, rappelle-t-on (cf dépêche du 12/12/2014 à 17:08, dépêche du 11/07/2016 à 18:49 et dépêche du 24/12/2018 à 10:58).

Après le lancement de neuf territoires Paerpa fin 2013 et début 2014, leur nombre a été porté à 18 en 2016 sur l'ensemble des régions métropolitaines ainsi qu'en Martinique et en Guadeloupe. L'expérimentation concernait en 2019 des territoires comportant de 180.000 à 400.000 habitants en métropole, soit au total près de 11% de la population âgée de plus de 75 ans (550.000 personnes).

Les territoires Paerpa en 2019
Les territoires Paerpa en 2019

"Sur les meilleurs territoires, il y a eu vraiment un changement de comportement et cette capacité à faire travailler autrement les acteurs", a relevé Dominique Libault. Pour lui, les acteurs ont réussi à s'approprier les outils mis à disposition malgré la forte hétérogénéité de la mobilisation locale.

Ces "briques" ne sont d'ores et déjà plus expérimentales et sont devenues pour certaines "des outils de droit commun", comme les équipes mobiles de gériatrie, les infirmières de nuit en Ehpad ou l'évitement des passages inutiles aux urgences, a observé le sous-directeur du financement du système de soins à la direction de la sécurité sociale (DSS), Nicolas Labrune.

Une des principales réussites est le renforcement de la coordination entre les acteurs des champs social, médico-social et sanitaire, avec souvent comme "pivot" de cette dynamique territoriale les coordinations territoriales d'appui (CTA), chargées d'informer et d'accompagner les professionnels et les usagers et devenues des plateformes territoriales d'appui (PTA) ou des dispositifs d’appui à la coordination (DAC).

Des données provenant de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) font état de 168.402 sollicitations de professionnels de santé (dont 50.739 en 2019) auprès des CTA et de 130.793 émanant des personnes âgées ou leurs proches (dont 33.704 en 2019). Ces demandes ont augmenté progressivement depuis 2015.

"De plus en plus, le travail des CTA s'oriente vers le suivi des personnes dans la durée" afin d'éviter notamment des ruptures de parcours ou des réhospitalisations, est-il indiqué dans le dossier de presse.

Eliane Abraham, médecin et directeur de la PTA du Grand Nancy, a observé que la manière de travailler acquise dans le cadre de l'expérimentation avait permis de s'organiser extrêmement rapidement lors de la crise sanitaire liée au Covid-19. Elle a évoqué le projet d'envoi automatique par l'hôpital d'un mail à un médecin de ville en cas d'hospitalisation de son patient qui en 15 jours a pu être mis en place et élargi aux patients Covid ainsi qu'aux préhospitalisations et sorties d'hospitalisation.

Corinne Llovel, qui était cheffe de projet Paerpa pour la Corrèze et est désormais directrice du DAC du département, a souligné que sa structure était devenue l'interlocuteur "légitime" pour travailler sur les interfaces entre acteurs quel que soit le type de parcours et qu'elle avait été sollicitée pour déployer les centres Covid.

Les chiffres de l'Anap montrent par ailleurs 68.931 interventions d'équipes mobiles gériatriques en intrahospitalier (dont 19.238 en 2019) et 15.779 en extrahospitalier c'est-à-dire en ville ou à l'hôpital (dont 6.499 en 2019), entre 2015 et 2019.

Le nombre de séjours d'hébergement temporaire en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) s'est élevé à 1.460 en sortie de court séjour et à 605 pour hospitalisation de l'aidant.

Le programme Paerpa finance par des crédits du fonds d'intervention régional (FIR) une grosse partie du reste à charge de la personne, pour 30 jours au maximum, laissant subsister uniquement un reste à charge équivalent au montant du forfait journalier hospitalier (18€), ce qui est bien inférieur à celui de l’hébergement temporaire de droit commun, est-il rappelé. Certaines ARS ont déployé ce dispositif avec des moyens hors FIR-Paerpa.

Il y a eu par ailleurs 7.906 interventions d'infirmières d'astreinte ou de garde en Ehpad (dont 697 en 2019) et 65.860 personnes âgées de 75 ans et plus ont bénéficié en 2019 d'un repérage du risque de perte d'autonomie au sein d'établissements de santé.

Un nombre de PPS variable selon les territoires

Les données de l'Anap font état de 18.448 plans personnalisés de santé (PPS) élaborés entre 2015 et 2019 pour des personnes âgées en situation de fragilité et/ou atteintes d’une ou plusieurs maladies chroniques. Leur nombre est passé de 1.581 en 2015 à 5.406 en 2019.

Le PPS est un plan d’action avec un volet "soins" et, si nécessaire, un volet "aides", qui vise à favoriser la prise en charge en équipe pluriprofessionnelle dans un cadre de coopération non hiérarchique. Il résume la situation sociale du patient, son état de santé, les problèmes en cours, afin d’identifier les situations à problèmes et débouche sur un suivi et une réévaluation.

Le nombre de PPS établis varie très fortement selon les zones. Pour Dominique Libault, ce résultat n'est pas une "catastrophe" car les acteurs avaient la liberté de choisir leurs outils. Nancy en a par exemple réalisé pendant l’expérimentation 79 pour 1.000 personnes âgées, contre 32 pour 1.000 au niveau national.

"Dans tous les territoires expérimentaux, si la coordination entre professionnels de santé s’est bien améliorée du fait de Paerpa, celle avec le secteur médico-social reste difficile, du fait de contextes, modes de travail et objectifs différents", est-il souligné dans le dossier de presse.

Un impact significatif sur la polymédication

Le directeur de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), Denis Raynaud, a donné quelques éléments de l'évaluation finale de l'impact de l'expérimentation, qui sera publiée en septembre.

Ces résultats, qui incluent les données 2017, confirment et affinent ceux de l'évaluation intermédiaire diffusée en juillet 2019 et qui portaient sur les données jusqu'en 2016 (cf dépêche du 18/07/2019 à 18:02).

Denis Raynaud a mis en avant l'impact positif de l'expérimentation sur les indicateurs de soins primaire mais pas sur les indicateurs de soins hospitaliers, qui restent inchangés par rapport à des territoires témoins.

Il a rapporté des effets "modestes mais significatifs" sur la consommation de médicament. Par exemple, la proportion de personnes âgées en situation de polymédication diminue de 2 points dans les territoires Paerpa.

Il y a également eu une baisse de 2 points du taux de personnes âgées avec des prescriptions de médicaments inappropriées ainsi qu'une baisse de 4% du recours aux urgences non suivi d'hospitalisation, marqueur d’une mauvaise prise en charge en amont.

"Ces résultats globaux sont tirés par les territoires qui ont les meilleurs résultats", a noté le directeur de l'Irdes.

Après la mise en place des PPS, un changement dans la consommation de soins est observé, avec une hausse importante des dépenses d'infirmiers et une baisse des dépenses de médecins généralistes et de pharmacie. Cela suggère une meilleure prise en charge à domicile et se traduit par des coûts globaux inchangés.

Les PPS semblent être établis "le plus souvent lors d'un pic de consommation de soins (bien souvent une hospitalisation)" pour des personnes avec en général un état de santé dégradé, a noté Denis Raynaud.

Pour Dominique Libault, même s'il n'y a pas encore de résultat sur l'hôpital, la démarche a permis de récupérer des gens très éloignés du système de soins et l'optimisation du parcours peut éviter certaines prises en charge et certains risques.

Le Pr Claude Jeandel, président du Conseil national professionnel de gériatrie, a souligné la complexité de la situation des personnes âgées du dispositif Paerpa et celle de l'évaluation de l'efficacité du mode parcours même avec une "méthodologie robuste". La demande en soins peut en effet varier entre un territoire pilote et un territoire témoin par exemple en cas d'épidémie plus forte dans l'un des deux, a-t-il expliqué.

cb/ab/APMnews

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PARIS, 10 juillet 2020 (APMnews) - Les résultats du dispositif expérimental pour les personnes âgées en risque de perte d'autonomie (Paerpa), qui s'est achevé le 31 décembre 2019, sont intéressants et montrent un changement de comportement sur certains territoires mais restent encore insuffisants pour créer une vraie dynamique territoriale, a estimé vendredi Dominique Libault, président du comité de pilotage national Paerpa, lors d'une conférence de presse.

Un rapport au Parlement est en cours de finalisation afin de dresser le bilan du dispositif qui visait à encourager la coordination entre les acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux au profit de la prise en charge des personnes de plus de 75 ans, en s'appuyant sur de nouvelles instances de concertation et sur des financements dérogatoires, rappelle-t-on (cf dépêche du 12/12/2014 à 17:08, dépêche du 11/07/2016 à 18:49 et dépêche du 24/12/2018 à 10:58).

Après le lancement de neuf territoires Paerpa fin 2013 et début 2014, leur nombre a été porté à 18 en 2016 sur l'ensemble des régions métropolitaines ainsi qu'en Martinique et en Guadeloupe. L'expérimentation concernait en 2019 des territoires comportant de 180.000 à 400.000 habitants en métropole, soit au total près de 11% de la population âgée de plus de 75 ans (550.000 personnes).

Les territoires Paerpa en 2019
Les territoires Paerpa en 2019

"Sur les meilleurs territoires, il y a eu vraiment un changement de comportement et cette capacité à faire travailler autrement les acteurs", a relevé Dominique Libault. Pour lui, les acteurs ont réussi à s'approprier les outils mis à disposition malgré la forte hétérogénéité de la mobilisation locale.

Ces "briques" ne sont d'ores et déjà plus expérimentales et sont devenues pour certaines "des outils de droit commun", comme les équipes mobiles de gériatrie, les infirmières de nuit en Ehpad ou l'évitement des passages inutiles aux urgences, a observé le sous-directeur du financement du système de soins à la direction de la sécurité sociale (DSS), Nicolas Labrune.

Une des principales réussites est le renforcement de la coordination entre les acteurs des champs social, médico-social et sanitaire, avec souvent comme "pivot" de cette dynamique territoriale les coordinations territoriales d'appui (CTA), chargées d'informer et d'accompagner les professionnels et les usagers et devenues des plateformes territoriales d'appui (PTA) ou des dispositifs d’appui à la coordination (DAC).

Des données provenant de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) font état de 168.402 sollicitations de professionnels de santé (dont 50.739 en 2019) auprès des CTA et de 130.793 émanant des personnes âgées ou leurs proches (dont 33.704 en 2019). Ces demandes ont augmenté progressivement depuis 2015.

"De plus en plus, le travail des CTA s'oriente vers le suivi des personnes dans la durée" afin d'éviter notamment des ruptures de parcours ou des réhospitalisations, est-il indiqué dans le dossier de presse.

Eliane Abraham, médecin et directeur de la PTA du Grand Nancy, a observé que la manière de travailler acquise dans le cadre de l'expérimentation avait permis de s'organiser extrêmement rapidement lors de la crise sanitaire liée au Covid-19. Elle a évoqué le projet d'envoi automatique par l'hôpital d'un mail à un médecin de ville en cas d'hospitalisation de son patient qui en 15 jours a pu être mis en place et élargi aux patients Covid ainsi qu'aux préhospitalisations et sorties d'hospitalisation.

Corinne Llovel, qui était cheffe de projet Paerpa pour la Corrèze et est désormais directrice du DAC du département, a souligné que sa structure était devenue l'interlocuteur "légitime" pour travailler sur les interfaces entre acteurs quel que soit le type de parcours et qu'elle avait été sollicitée pour déployer les centres Covid.

Les chiffres de l'Anap montrent par ailleurs 68.931 interventions d'équipes mobiles gériatriques en intrahospitalier (dont 19.238 en 2019) et 15.779 en extrahospitalier c'est-à-dire en ville ou à l'hôpital (dont 6.499 en 2019), entre 2015 et 2019.

Le nombre de séjours d'hébergement temporaire en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) s'est élevé à 1.460 en sortie de court séjour et à 605 pour hospitalisation de l'aidant.

Le programme Paerpa finance par des crédits du fonds d'intervention régional (FIR) une grosse partie du reste à charge de la personne, pour 30 jours au maximum, laissant subsister uniquement un reste à charge équivalent au montant du forfait journalier hospitalier (18€), ce qui est bien inférieur à celui de l’hébergement temporaire de droit commun, est-il rappelé. Certaines ARS ont déployé ce dispositif avec des moyens hors FIR-Paerpa.

Il y a eu par ailleurs 7.906 interventions d'infirmières d'astreinte ou de garde en Ehpad (dont 697 en 2019) et 65.860 personnes âgées de 75 ans et plus ont bénéficié en 2019 d'un repérage du risque de perte d'autonomie au sein d'établissements de santé.

Un nombre de PPS variable selon les territoires

Les données de l'Anap font état de 18.448 plans personnalisés de santé (PPS) élaborés entre 2015 et 2019 pour des personnes âgées en situation de fragilité et/ou atteintes d’une ou plusieurs maladies chroniques. Leur nombre est passé de 1.581 en 2015 à 5.406 en 2019.

Le PPS est un plan d’action avec un volet "soins" et, si nécessaire, un volet "aides", qui vise à favoriser la prise en charge en équipe pluriprofessionnelle dans un cadre de coopération non hiérarchique. Il résume la situation sociale du patient, son état de santé, les problèmes en cours, afin d’identifier les situations à problèmes et débouche sur un suivi et une réévaluation.

Le nombre de PPS établis varie très fortement selon les zones. Pour Dominique Libault, ce résultat n'est pas une "catastrophe" car les acteurs avaient la liberté de choisir leurs outils. Nancy en a par exemple réalisé pendant l’expérimentation 79 pour 1.000 personnes âgées, contre 32 pour 1.000 au niveau national.

"Dans tous les territoires expérimentaux, si la coordination entre professionnels de santé s’est bien améliorée du fait de Paerpa, celle avec le secteur médico-social reste difficile, du fait de contextes, modes de travail et objectifs différents", est-il souligné dans le dossier de presse.

Un impact significatif sur la polymédication

Le directeur de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), Denis Raynaud, a donné quelques éléments de l'évaluation finale de l'impact de l'expérimentation, qui sera publiée en septembre.

Ces résultats, qui incluent les données 2017, confirment et affinent ceux de l'évaluation intermédiaire diffusée en juillet 2019 et qui portaient sur les données jusqu'en 2016 (cf dépêche du 18/07/2019 à 18:02).

Denis Raynaud a mis en avant l'impact positif de l'expérimentation sur les indicateurs de soins primaire mais pas sur les indicateurs de soins hospitaliers, qui restent inchangés par rapport à des territoires témoins.

Il a rapporté des effets "modestes mais significatifs" sur la consommation de médicament. Par exemple, la proportion de personnes âgées en situation de polymédication diminue de 2 points dans les territoires Paerpa.

Il y a également eu une baisse de 2 points du taux de personnes âgées avec des prescriptions de médicaments inappropriées ainsi qu'une baisse de 4% du recours aux urgences non suivi d'hospitalisation, marqueur d’une mauvaise prise en charge en amont.

"Ces résultats globaux sont tirés par les territoires qui ont les meilleurs résultats", a noté le directeur de l'Irdes.

Après la mise en place des PPS, un changement dans la consommation de soins est observé, avec une hausse importante des dépenses d'infirmiers et une baisse des dépenses de médecins généralistes et de pharmacie. Cela suggère une meilleure prise en charge à domicile et se traduit par des coûts globaux inchangés.

Les PPS semblent être établis "le plus souvent lors d'un pic de consommation de soins (bien souvent une hospitalisation)" pour des personnes avec en général un état de santé dégradé, a noté Denis Raynaud.

Pour Dominique Libault, même s'il n'y a pas encore de résultat sur l'hôpital, la démarche a permis de récupérer des gens très éloignés du système de soins et l'optimisation du parcours peut éviter certaines prises en charge et certains risques.

Le Pr Claude Jeandel, président du Conseil national professionnel de gériatrie, a souligné la complexité de la situation des personnes âgées du dispositif Paerpa et celle de l'évaluation de l'efficacité du mode parcours même avec une "méthodologie robuste". La demande en soins peut en effet varier entre un territoire pilote et un territoire témoin par exemple en cas d'épidémie plus forte dans l'un des deux, a-t-il expliqué.

cb/ab/APMnews

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