Actualités de l'Urgence - APM

28/03 2024
Retour

PÉRINATALITÉ: LE MODÈLE BASÉ SUR UN PLATEAU D'ACCOUCHEMENT ET DES SERVICES DE PROXIMITÉ PLÉBISCITÉ PAR LES SOCIÉTÉS SAVANTES

PARIS, 28 mars 2024 (APMnews) - L'organisation des maternités des pays du nord de l'Europe comme la Suède, basée sur un plateau d'accouchement de haut niveau et des centres de proximité, est un modèle dont il faudrait s'inspirer, est-il ressorti de l'audition des représentants des sociétés savantes de professionnels de la santé périnatale qui s'est tenue mardi soir au Sénat, dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale.

Le but de cette mission, mise en place à l'initiative du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), est de répondre à une double préoccupation de santé publique: la dégradation de la situation sanitaire périnatale de la France depuis une dizaine d'années et la fermeture des petites maternités. La mission devrait rendre ses travaux d'ici à début juillet.

"Nos auditions de la Haute autorité de santé (HAS) et de Santé publique France, et notre visite à l'hôpital Robert-Debré [Paris, AP-HP] la semaine dernière, nous ont permis de dresser un premier état des lieux global de la santé périnatale en France", a rappelé Annick Jacquemet, sénatrice du Doubs (Bourgogne-Franche-Comté), membre du groupe Union centriste et présidente de la mission (cf dépêche du 21/03/2024 à 17:55 et dépêche du 21/03/2024 à 18:02).

"La France est très déclassée en termes de mortalité anténatale et de mortalité post-natale", a indiqué le Pr Jean-Christophe Rozé, président de la Société française de néonatalogie (SFN), appelant "à compter les morts". "Cinq bases de données existent, mais ne sont pas connectées entre elles. Nous sommes l'un des rares pays européens où l'on peut compter les morts mais sans pouvoir y rattacher une histoire médicale."

Pas de pilote dans l'avion

A plusieurs reprises au cours de l'audition, a été évoqué le fait que les jeunes médecins souhaitent davantage travailler en équipe et privilégier un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle avec un nombre de gardes limité. Cette "modification sociétale majeure" nécessite une "restructuration profonde", comme ce qui a été fait dans les pays d'Europe du Nord, qui présentent les meilleurs chiffres en termes de mortalité infantile.

Cette évolution est à mettre en regard de la permanence des soins. "Pour assurer la sécurité dans une maternité, vous avez trois permanences des soins: obstétrique, anesthésie et pédiatrie", a noté Jean-Christophe Rozé, soit un total de 21 équivalents temps plein (ETP), en considérant un nombre minimal de sept ETP par service, probablement insuffisant.

En l'état, la plupart des petites maternités n'ont pas le personnel nécessaire pour assurer les soins en toute sécurité. "Moi, ça ne me gêne pas que des petites maternités persistent, ce qu'il faut savoir c'est qu'on le paie à 1 pour 1.000." Et d'expliquer: "Globalement, dans le bas risque, même si vous sélectionnez au mieux [les patientes, NDLR], tous les 1.000 cas, vous avez un pépin non prévu." Et si un médecin n'est pas disponible pour intervenir rapidement, "c'est trop tard".

Jean-Christophe Rozé a également fustigé le recours aux intérimaires. "Il y a un consensus des praticiens pour dire qu'une équipe avec des 'mercenaires', c'est dangereux. Si les gens ne se connaissent pas, ils ne peuvent pas faire face aux risques majeurs."

Concernant les soins critiques néonatals, le président de la SFN a déploré une offre insuffisante, mal financée et mal répartie, une charge en soins excessive pour les infirmières et des ressources humaines médicales très fragilisées, avec des burn-out fréquents.

Pourtant, a-t-il rapporté, d'après le groupe de travail sur la réforme du financement des soins critiques, une journée de soins critiques coûte environ 2.100 euros pour les adultes, environ 2.000 euros en pédiatrie et seulement 1.300 euros pour les nouveau-nés. Des modèles comme le Québec et la Suède le montrent, les soins critiques néonatals reposent essentiellement sur le "care", et non sur les médicaments, a indiqué le pédiatre, appelant les sénateurs à les aider "à faire comprendre qu'on ne va pas mettre en péril les finances de la sécurité sociale".

Selon Jean-Christophe Rozé, le problème des mauvais résultats français tient notamment au fait qu'"il n'y a pas de pilote dans l'avion": "nous n'avons pas de référent en périnatalité à la direction générale de l'offre de soins (DGOS) depuis une dizaine d'années. La commission nationale de la naissance ne se réunit plus depuis 10 ans", a-t-il regretté, évoquant des maternités "hors-la-loi", qui fonctionnent sans pédiatre, malgré les décrets de 1998, toujours en vigueur malgré une réforme fortement attendue, indiquant qu'un pédiatre doit pouvoir intervenir à tout moment en cas de besoin.

Le pédiatre appelle ainsi à "restructurer très fortement" la périnatalité, à mettre en place "une politique assurant la sécurité" des mères et des enfants ainsi qu'à rendre attractifs les lieux qui nécessitent une permanence des soins.

Un enjeu territorial

La Pr Delphine Mitanchez, présidente de la Société française de médecine périnatale (SFMP), a rappelé que la SFMP, la SFN et le Club anesthésie-réanimation en obstétrique (Caro) ont déjà alerté sur la situation de la périnatalité dans une tribune publiée dans Le Monde (cf dépêche du 06/03/2023 à 15:31).

Elle estime qu'il s'agit "surtout d'un enjeu de territoire" et considère que la pénurie de soignants va creuser les inégalités territoriales, "au détriment des territoires ruraux". Elle appelle "à définir une stratégie nationale d'aménagement du territoire en matière d'offre de soins pour que chacun ait accès aux plus hauts standards de soins".

Pour la SFMP, le regroupement des plateaux d'accouchement apparaît ainsi inévitable, du fait de la démographie médicale et des aspirations des plus jeunes.

Alors que dans un rapport de février 2023, l'Académie nationale de médecine jugeait "illusoire de soutenir une activité de moins de 1.000 accouchements" par an (cf dépêche du 01/03/2023 à 16:07), Delphine Mitanchez appelle à ne pas raisonner en nombre d'accouchements, mais en temps d'accès (et non en distance).

Le Pr Damien Subtil, vice-président de la SFMP, considère qu'un trajet d'une heure pour accéder à une maternité est acceptable, évoquant le modèle suédois: "En Suède, on ne va à l'hôpital que pour accoucher. Et si tout va bien, on reste deux ou trois jours dans un hôtel hospitalier", ce qui nécessite d'anticiper l'accouchement et d'avoir recours fréquemment au déclenchement, a-t-il précisé, soulignant que "c'est un modèle qui marche, avec une prise en charge humaine très forte".

"Les modèles scandinaves sont extrêmement intéressants à étudier. Ils ont réussi à restructurer en maintenant une humanité majeure. C'est possible", a abondé Jean-Christophe Rozé.

Les propositions de la SFMP vont en ce sens, a poursuivi Delphine Mitanchez, évoquant le développement de "maternités sans accouchement" pour le suivi de la grossesse, comme ce qui est fait avec les centres périnataux de proximité (CPP), et celui de plateaux d'accouchement.

Delphine Mitanchez appelle également à un ambitieux plan de formation des professionnels en périnatalité, à une meilleure compréhension des mécanismes de la prématurité, et réitère l'appel, formulé dans la tribune du Monde, à mettre en place des Assises de la périnatalité.

La santé mentale des femmes au cœur des échanges

De son côté, Eléonore Bleuzen-Her, présidente du Collège national des sages-femmes de France, a insisté sur "la mauvaise rationalisation des soins". "En France, 70% des grossesses environ sont physiologiques. Et on a 54% des grossesses à bas risque qui sont suivies par des gynécologues obstétriciens, ce qui peut poser question sur cette rationalisation des soins et l'expertise médicale à bon escient", a-t-elle souligné.

La question de la santé mentale des mères a par ailleurs été prégnante au cours des échanges. "Une femme sur sept présente une dépression du post-partum", a rappelé la sage-femme, soulignant l'importance d'une approche holistique du suivi de la grossesse basée sur une prise en charge somatique, psychique et environnementale.

"Il existe beaucoup de travaux sur ces sujets et on est en train de se rendre compte que le premier facteur de risque de dépression du post-partum est le fait d'avoir développé une dépression pendant la grossesse ou avant. Cela veut dire que l'on peut agir en amont", a souligné Anne Chantry du Collège national des sages-femmes de France.

Pour répondre à la demande forte des femmes d'un suivi personnalisé, Eléonore Bleuzen-Her demande une meilleure valorisation de l'accompagnement et de l'expertise des sages-femmes, qui doit notamment passer par le déploiement des sages-femmes référentes pour assurer le suivi global des femmes.

Prendre en compte l'évolution du profil des mères dans les politiques de santé publique

La Pr Alexandra Benachi, vice-présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), a mis l'accent sur les médecins généralistes, "qui sont sur certains territoires les acteurs principaux", en l'absence de sages-femmes et d'obstétriciens.

Elle invite également à prendre en compte l'évolution du profil des patientes, qui sont plus âgées, avec un indice de masse corporelle (IMC) de plus en plus élevé et des femmes probablement de plus en plus précaires. Une tendance qui "ne va pas s'arranger", selon elle. Alors que les décrets de 1998 sont toujours ceux sur lesquels s'appuyer, elle appelle à prendre en compte ces évolutions et à avoir une vision de long terme. "Plus on est âgé, moins la grossesse est physiologique. Il faut intégrer cela dans les politiques de santé publique pour les 10 prochaines années", a-t-elle estimé.

La vice-présidente du CNGOF appelle à ce que les évolutions à venir, qu'il s'agisse des fermetures de maternité ou de restructuration, soient faites de manière anticipée, planifiée et en concertation entre les différents acteurs, afin que les mesures ne soient pas subies.

"Même quand l'idée est bonne, cela ne peut pas bien se passer s'il n'y a pas de concertation préalable", a-t-elle insisté, évoquant les décrets concernant les sages-femmes référentes publiés sans discussion avec les gynécologues-obstétriciens et le suivi des fausses couches (cf dépêche du 05/03/2024 à 16:46 et dépêche du 07/03/2024 à 11:51). "J'ai été auditionnée ici, on a expliqué que ça n'avait aucun sens de nous obliger à faire des parcours fausses couches pour les patientes, qu'on n'avait pas de personnel pour le faire, c'est sorti il y a 15 jours. On ne nous écoute pas."

Quel que soit le corps de métier, il ressort de ces échanges la nécessité d'améliorer les conditions de travail des soignants pour redonner de l'attractivité au secteur de la périnatalité. "Si on met des bonnes conditions pour exercer correctement notre travail en salle de naissance, les sages-femmes vont revenir", a assuré Eléonore Bleuzen-Her.

cc/fb/ab/APMnews

Les données APM Santé sont la propriété de APM International. Toute copie, republication ou redistribution des données APM Santé, notamment via la mise en antémémoire, l'encadrement ou des moyens similaires, est expressément interdite sans l'accord préalable écrit de APM. APM ne sera pas responsable des erreurs ou des retards dans les données ou de toutes actions entreprises en fonction de celles-ci ou toutes décisions prises sur la base du service. APM, APM Santé et le logo APM International, sont des marques d'APM International dans le monde. Pour de plus amples informations sur les autres services d'APM, veuillez consulter le site Web public d'APM à l'adresse www.apmnews.com

Copyright © APM-Santé - Tous droits réservés.

Informations professionnelles

28/03 2024
Retour

PÉRINATALITÉ: LE MODÈLE BASÉ SUR UN PLATEAU D'ACCOUCHEMENT ET DES SERVICES DE PROXIMITÉ PLÉBISCITÉ PAR LES SOCIÉTÉS SAVANTES

PARIS, 28 mars 2024 (APMnews) - L'organisation des maternités des pays du nord de l'Europe comme la Suède, basée sur un plateau d'accouchement de haut niveau et des centres de proximité, est un modèle dont il faudrait s'inspirer, est-il ressorti de l'audition des représentants des sociétés savantes de professionnels de la santé périnatale qui s'est tenue mardi soir au Sénat, dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale.

Le but de cette mission, mise en place à l'initiative du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), est de répondre à une double préoccupation de santé publique: la dégradation de la situation sanitaire périnatale de la France depuis une dizaine d'années et la fermeture des petites maternités. La mission devrait rendre ses travaux d'ici à début juillet.

"Nos auditions de la Haute autorité de santé (HAS) et de Santé publique France, et notre visite à l'hôpital Robert-Debré [Paris, AP-HP] la semaine dernière, nous ont permis de dresser un premier état des lieux global de la santé périnatale en France", a rappelé Annick Jacquemet, sénatrice du Doubs (Bourgogne-Franche-Comté), membre du groupe Union centriste et présidente de la mission (cf dépêche du 21/03/2024 à 17:55 et dépêche du 21/03/2024 à 18:02).

"La France est très déclassée en termes de mortalité anténatale et de mortalité post-natale", a indiqué le Pr Jean-Christophe Rozé, président de la Société française de néonatalogie (SFN), appelant "à compter les morts". "Cinq bases de données existent, mais ne sont pas connectées entre elles. Nous sommes l'un des rares pays européens où l'on peut compter les morts mais sans pouvoir y rattacher une histoire médicale."

Pas de pilote dans l'avion

A plusieurs reprises au cours de l'audition, a été évoqué le fait que les jeunes médecins souhaitent davantage travailler en équipe et privilégier un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle avec un nombre de gardes limité. Cette "modification sociétale majeure" nécessite une "restructuration profonde", comme ce qui a été fait dans les pays d'Europe du Nord, qui présentent les meilleurs chiffres en termes de mortalité infantile.

Cette évolution est à mettre en regard de la permanence des soins. "Pour assurer la sécurité dans une maternité, vous avez trois permanences des soins: obstétrique, anesthésie et pédiatrie", a noté Jean-Christophe Rozé, soit un total de 21 équivalents temps plein (ETP), en considérant un nombre minimal de sept ETP par service, probablement insuffisant.

En l'état, la plupart des petites maternités n'ont pas le personnel nécessaire pour assurer les soins en toute sécurité. "Moi, ça ne me gêne pas que des petites maternités persistent, ce qu'il faut savoir c'est qu'on le paie à 1 pour 1.000." Et d'expliquer: "Globalement, dans le bas risque, même si vous sélectionnez au mieux [les patientes, NDLR], tous les 1.000 cas, vous avez un pépin non prévu." Et si un médecin n'est pas disponible pour intervenir rapidement, "c'est trop tard".

Jean-Christophe Rozé a également fustigé le recours aux intérimaires. "Il y a un consensus des praticiens pour dire qu'une équipe avec des 'mercenaires', c'est dangereux. Si les gens ne se connaissent pas, ils ne peuvent pas faire face aux risques majeurs."

Concernant les soins critiques néonatals, le président de la SFN a déploré une offre insuffisante, mal financée et mal répartie, une charge en soins excessive pour les infirmières et des ressources humaines médicales très fragilisées, avec des burn-out fréquents.

Pourtant, a-t-il rapporté, d'après le groupe de travail sur la réforme du financement des soins critiques, une journée de soins critiques coûte environ 2.100 euros pour les adultes, environ 2.000 euros en pédiatrie et seulement 1.300 euros pour les nouveau-nés. Des modèles comme le Québec et la Suède le montrent, les soins critiques néonatals reposent essentiellement sur le "care", et non sur les médicaments, a indiqué le pédiatre, appelant les sénateurs à les aider "à faire comprendre qu'on ne va pas mettre en péril les finances de la sécurité sociale".

Selon Jean-Christophe Rozé, le problème des mauvais résultats français tient notamment au fait qu'"il n'y a pas de pilote dans l'avion": "nous n'avons pas de référent en périnatalité à la direction générale de l'offre de soins (DGOS) depuis une dizaine d'années. La commission nationale de la naissance ne se réunit plus depuis 10 ans", a-t-il regretté, évoquant des maternités "hors-la-loi", qui fonctionnent sans pédiatre, malgré les décrets de 1998, toujours en vigueur malgré une réforme fortement attendue, indiquant qu'un pédiatre doit pouvoir intervenir à tout moment en cas de besoin.

Le pédiatre appelle ainsi à "restructurer très fortement" la périnatalité, à mettre en place "une politique assurant la sécurité" des mères et des enfants ainsi qu'à rendre attractifs les lieux qui nécessitent une permanence des soins.

Un enjeu territorial

La Pr Delphine Mitanchez, présidente de la Société française de médecine périnatale (SFMP), a rappelé que la SFMP, la SFN et le Club anesthésie-réanimation en obstétrique (Caro) ont déjà alerté sur la situation de la périnatalité dans une tribune publiée dans Le Monde (cf dépêche du 06/03/2023 à 15:31).

Elle estime qu'il s'agit "surtout d'un enjeu de territoire" et considère que la pénurie de soignants va creuser les inégalités territoriales, "au détriment des territoires ruraux". Elle appelle "à définir une stratégie nationale d'aménagement du territoire en matière d'offre de soins pour que chacun ait accès aux plus hauts standards de soins".

Pour la SFMP, le regroupement des plateaux d'accouchement apparaît ainsi inévitable, du fait de la démographie médicale et des aspirations des plus jeunes.

Alors que dans un rapport de février 2023, l'Académie nationale de médecine jugeait "illusoire de soutenir une activité de moins de 1.000 accouchements" par an (cf dépêche du 01/03/2023 à 16:07), Delphine Mitanchez appelle à ne pas raisonner en nombre d'accouchements, mais en temps d'accès (et non en distance).

Le Pr Damien Subtil, vice-président de la SFMP, considère qu'un trajet d'une heure pour accéder à une maternité est acceptable, évoquant le modèle suédois: "En Suède, on ne va à l'hôpital que pour accoucher. Et si tout va bien, on reste deux ou trois jours dans un hôtel hospitalier", ce qui nécessite d'anticiper l'accouchement et d'avoir recours fréquemment au déclenchement, a-t-il précisé, soulignant que "c'est un modèle qui marche, avec une prise en charge humaine très forte".

"Les modèles scandinaves sont extrêmement intéressants à étudier. Ils ont réussi à restructurer en maintenant une humanité majeure. C'est possible", a abondé Jean-Christophe Rozé.

Les propositions de la SFMP vont en ce sens, a poursuivi Delphine Mitanchez, évoquant le développement de "maternités sans accouchement" pour le suivi de la grossesse, comme ce qui est fait avec les centres périnataux de proximité (CPP), et celui de plateaux d'accouchement.

Delphine Mitanchez appelle également à un ambitieux plan de formation des professionnels en périnatalité, à une meilleure compréhension des mécanismes de la prématurité, et réitère l'appel, formulé dans la tribune du Monde, à mettre en place des Assises de la périnatalité.

La santé mentale des femmes au cœur des échanges

De son côté, Eléonore Bleuzen-Her, présidente du Collège national des sages-femmes de France, a insisté sur "la mauvaise rationalisation des soins". "En France, 70% des grossesses environ sont physiologiques. Et on a 54% des grossesses à bas risque qui sont suivies par des gynécologues obstétriciens, ce qui peut poser question sur cette rationalisation des soins et l'expertise médicale à bon escient", a-t-elle souligné.

La question de la santé mentale des mères a par ailleurs été prégnante au cours des échanges. "Une femme sur sept présente une dépression du post-partum", a rappelé la sage-femme, soulignant l'importance d'une approche holistique du suivi de la grossesse basée sur une prise en charge somatique, psychique et environnementale.

"Il existe beaucoup de travaux sur ces sujets et on est en train de se rendre compte que le premier facteur de risque de dépression du post-partum est le fait d'avoir développé une dépression pendant la grossesse ou avant. Cela veut dire que l'on peut agir en amont", a souligné Anne Chantry du Collège national des sages-femmes de France.

Pour répondre à la demande forte des femmes d'un suivi personnalisé, Eléonore Bleuzen-Her demande une meilleure valorisation de l'accompagnement et de l'expertise des sages-femmes, qui doit notamment passer par le déploiement des sages-femmes référentes pour assurer le suivi global des femmes.

Prendre en compte l'évolution du profil des mères dans les politiques de santé publique

La Pr Alexandra Benachi, vice-présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), a mis l'accent sur les médecins généralistes, "qui sont sur certains territoires les acteurs principaux", en l'absence de sages-femmes et d'obstétriciens.

Elle invite également à prendre en compte l'évolution du profil des patientes, qui sont plus âgées, avec un indice de masse corporelle (IMC) de plus en plus élevé et des femmes probablement de plus en plus précaires. Une tendance qui "ne va pas s'arranger", selon elle. Alors que les décrets de 1998 sont toujours ceux sur lesquels s'appuyer, elle appelle à prendre en compte ces évolutions et à avoir une vision de long terme. "Plus on est âgé, moins la grossesse est physiologique. Il faut intégrer cela dans les politiques de santé publique pour les 10 prochaines années", a-t-elle estimé.

La vice-présidente du CNGOF appelle à ce que les évolutions à venir, qu'il s'agisse des fermetures de maternité ou de restructuration, soient faites de manière anticipée, planifiée et en concertation entre les différents acteurs, afin que les mesures ne soient pas subies.

"Même quand l'idée est bonne, cela ne peut pas bien se passer s'il n'y a pas de concertation préalable", a-t-elle insisté, évoquant les décrets concernant les sages-femmes référentes publiés sans discussion avec les gynécologues-obstétriciens et le suivi des fausses couches (cf dépêche du 05/03/2024 à 16:46 et dépêche du 07/03/2024 à 11:51). "J'ai été auditionnée ici, on a expliqué que ça n'avait aucun sens de nous obliger à faire des parcours fausses couches pour les patientes, qu'on n'avait pas de personnel pour le faire, c'est sorti il y a 15 jours. On ne nous écoute pas."

Quel que soit le corps de métier, il ressort de ces échanges la nécessité d'améliorer les conditions de travail des soignants pour redonner de l'attractivité au secteur de la périnatalité. "Si on met des bonnes conditions pour exercer correctement notre travail en salle de naissance, les sages-femmes vont revenir", a assuré Eléonore Bleuzen-Her.

cc/fb/ab/APMnews

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites.