Actualités de l'Urgence - APM

24/01 2018
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PLAIES DES MAINS: UNE PRISE EN CHARGE INSUFFISANTE AUX URGENCES

(Par Luu-Ly DO-QUANG, au congrès de la SFFPC)

PARIS, 24 janvier 2018 (APMnews) - La prise en charge des plaies des mains apparaît insuffisante dans les services d'accueil des urgences (SAU) des établissements publics et privés, ce qui a des conséquences socio-économiques importantes, montre une analyse des dossiers des demandes d'indemnisation présentée au congrès de la Société française et francophone des plaies et cicatrisations (SFFPC).

Les traumatismes de mains représentent l'un des premiers motifs de consultation aux urgences, avec environ 1,4 million de cas par an, et la première cause d'indemnités journalières dues à des accidents. "Les conséquences socio-professionnelles sont très importantes puisque dans un quart des cas, il s'agit d'accidents du travail et dans la moitié, il existe un risque de séquelles", a rappelé le Pr Isabelle Auquit-Auckbur du CHU de Rouen, lundi, lors d'une session orale.

Avec la Fédération des services d'urgences de la main (Fesum), un groupe de travail a été mis en place après "une alerte de la société d'assurance mutuelle Sham, premier assureur des établissements de santé en responsabilité civile médicale en France". Il a constaté que "10% des demandes indemnitaires leur étant adressées concernaient les services d'urgences en 2013 et étaient liées à un défaut d'exploration d'une plaie de mains aux urgences".

"Les défauts d'exploration initiale de ces plaies engendrent des retards de prise en charge, sources de séquelles, d'arrêts de travail prolongés et de coût pour la société", a souligné le Pr Auquit-Auckbur.

Pour mieux comprendre ces défauts de prise en charge des plaies de mains aux urgences, le groupe de travail a analysé de manière rétrospective 170 dossiers anonymisés, ayant fait l'objet d'un contentieux indemnisé par l'assureur entre 2007 et 2012.

Il s'agissait de contentieux liés à un litige secondaire à une plaie en amont du poignet, non ou mal explorée. Les contentieux relatifs à la chirurgie étaient exclus.

Il s'agissait de patients âgés de 37 ans en moyenne (1 à 77 ans), principalement des hommes (58%). La plaie concernée avait été faite dans le cadre d'une activité manuelle (59%), professionnelle (26%) ou domestique (68%).

Dans les 170 cas analysés, la lésion était plus profonde que le derme. Des coupures franches étaient observées dans 88% des cas (écrasement dans 3%, morsures dans 2%). Dans les deux tiers des cas (67%), la face palmaire était touchée, le pouce dans 28% et l'index dans 18%, a notamment rapporté la chirurgienne.

Une absence totale d'exploration de la plaie aux urgences est retrouvée dans 41% des dossiers et lorsqu'une exploration est réalisée, la moitié des patients n'ont pas eu d'anesthésie locale, a-t-elle pointé. "Ce sont des défauts de prise en charge certains!"

Autres éléments témoignant d'une prise en charge initiale insuffisante, la demande d'avis spécialisé dans seulement 10% des cas alors que 84% des établissements concernés disposaient d'un service de chirurgie.

La plupart des lésions sont passées inaperçues: des lésions tendineuses (74%), nerveuses (35%) ou vasculaires (11%), ainsi que des corps étrangers (12%) et des fractures (2%). Concernant ce dernier point, le Pr Auquit-Auckbur a pointé l'absence d'imagerie réalisée aux urgences dans 89% des cas.

Pour les patients nécessitant une intervention chirurgicale, le délai de 51 jours en moyenne (21 jours en médiane) confirme un retard de prise en charge. La durée d'hospitalisation était d'une semaine en moyenne (un jour en médiane).

En termes de conséquences socio-économiques, ces 170 dossiers représentent 158 jours d'arrêt de travail en moyenne (69,5 jours en médiane), un déficit fonctionnel permanent moyen de 3,9% (2% en médiane) et une souffrance endurée de 2 points sur une échelle de 7 (score similaire en médiane). Le délai de consolidation était d'un an en moyenne (369 jours et 283 jours en médiane).

Les motifs de plainte, souvent multiples, concernaient une raideur séquellaire (49%), avec un tiers des patients n'ayant pu reprendre leur activité professionnelle (30%). Les dysesthésies concernaient 41% des griefs.

La plupart des dossiers ont été résolus par une procédure amiable (65%). La responsabilité civile du praticien ou de l'établissement a été retenue dans 80% des cas. Le montant moyen de la réparation financière était de 6.224 € (2.595 € en médiane). "Pour Sham, le coût de ces dossiers a été de plus d'un million d'€ et on ne connaît pas le coût pour l'assurance maladie, notamment en termes d'antibiotiques et de pansements", a souligné le Pr Auquit-Auckbur.

Outre le défaut d'exploration, une étude menée à l'hôpital européen Georges-Pompidou à Paris (AP-HP), soumise à publication, montre que "l'examen clinique est peu fiable". "Parmi 125 plaies sur des mains sans troubles apparents de la motricité ou de la sensibilité, l'exploration chirurgicale systématique a mis en évidence des lésions tendineuses et articulaires dans 60% des cas!"

Faire appel aux centres SOS Mains

Pour une meilleure prise en charge, le Pr Auquit-Auckbur a rappelé que le Fesum organise sur l'ensemble du territoire, un réseau de 65 centres SOS Mains, 22 dans des établissements publics et 43 privés, dont les coordonnées sont accessibles par géolocalisation pour connaître le centre le plus proche.

Ces centres proposent une prise en charge spécifique des mains en urgence et garantissent des critères de qualité. Pour être opérationnels, ils répondent à un cahier des charges, avec notamment la présence d'au moins trois chirurgiens de la main (orthopédistes ou plasticiens), une ouverture 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, une activité minimale de 750 urgences opérées par an, un responsable titulaire de la Société française de la chirurgie de la main (SFCM), un circuit patient et un plateau technique.

"Ils prennent en charge les plaies les plus complexes mais aussi celles qui paraissent bénignes. Cependant, ils ne peuvent pas absorber les quelque 1,5 million de plaies des mains survenant chaque année et il y a une réelle nécessité de former les services d'urgence", a commenté la chirurgienne.

Ce travail de formation nécessite notamment une information de toute la chaîne de soins dans les SAU, de mieux sélectionner les plaies pour lesquelles une exploration est impérative, comme les plaies palmaires dépassant le derme et les plaies dorsales en regard d'une articulation, afin de prévoir une intervention chirurgicale si nécessaire, a-t-elle poursuivi.

Les recommandations de la Société française de médecine d'urgence (SFMU) doivent aussi être renforcées, avec par exemple la pose de posters dans les SAU, et un travail spécifique aux urgences mains a été initié entre la SFMU, la Fesum, la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot) et la Société française de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique (SoFCPRE).

ld/vib/APMnews

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(Par Luu-Ly DO-QUANG, au congrès de la SFFPC)

PARIS, 24 janvier 2018 (APMnews) - La prise en charge des plaies des mains apparaît insuffisante dans les services d'accueil des urgences (SAU) des établissements publics et privés, ce qui a des conséquences socio-économiques importantes, montre une analyse des dossiers des demandes d'indemnisation présentée au congrès de la Société française et francophone des plaies et cicatrisations (SFFPC).

Les traumatismes de mains représentent l'un des premiers motifs de consultation aux urgences, avec environ 1,4 million de cas par an, et la première cause d'indemnités journalières dues à des accidents. "Les conséquences socio-professionnelles sont très importantes puisque dans un quart des cas, il s'agit d'accidents du travail et dans la moitié, il existe un risque de séquelles", a rappelé le Pr Isabelle Auquit-Auckbur du CHU de Rouen, lundi, lors d'une session orale.

Avec la Fédération des services d'urgences de la main (Fesum), un groupe de travail a été mis en place après "une alerte de la société d'assurance mutuelle Sham, premier assureur des établissements de santé en responsabilité civile médicale en France". Il a constaté que "10% des demandes indemnitaires leur étant adressées concernaient les services d'urgences en 2013 et étaient liées à un défaut d'exploration d'une plaie de mains aux urgences".

"Les défauts d'exploration initiale de ces plaies engendrent des retards de prise en charge, sources de séquelles, d'arrêts de travail prolongés et de coût pour la société", a souligné le Pr Auquit-Auckbur.

Pour mieux comprendre ces défauts de prise en charge des plaies de mains aux urgences, le groupe de travail a analysé de manière rétrospective 170 dossiers anonymisés, ayant fait l'objet d'un contentieux indemnisé par l'assureur entre 2007 et 2012.

Il s'agissait de contentieux liés à un litige secondaire à une plaie en amont du poignet, non ou mal explorée. Les contentieux relatifs à la chirurgie étaient exclus.

Il s'agissait de patients âgés de 37 ans en moyenne (1 à 77 ans), principalement des hommes (58%). La plaie concernée avait été faite dans le cadre d'une activité manuelle (59%), professionnelle (26%) ou domestique (68%).

Dans les 170 cas analysés, la lésion était plus profonde que le derme. Des coupures franches étaient observées dans 88% des cas (écrasement dans 3%, morsures dans 2%). Dans les deux tiers des cas (67%), la face palmaire était touchée, le pouce dans 28% et l'index dans 18%, a notamment rapporté la chirurgienne.

Une absence totale d'exploration de la plaie aux urgences est retrouvée dans 41% des dossiers et lorsqu'une exploration est réalisée, la moitié des patients n'ont pas eu d'anesthésie locale, a-t-elle pointé. "Ce sont des défauts de prise en charge certains!"

Autres éléments témoignant d'une prise en charge initiale insuffisante, la demande d'avis spécialisé dans seulement 10% des cas alors que 84% des établissements concernés disposaient d'un service de chirurgie.

La plupart des lésions sont passées inaperçues: des lésions tendineuses (74%), nerveuses (35%) ou vasculaires (11%), ainsi que des corps étrangers (12%) et des fractures (2%). Concernant ce dernier point, le Pr Auquit-Auckbur a pointé l'absence d'imagerie réalisée aux urgences dans 89% des cas.

Pour les patients nécessitant une intervention chirurgicale, le délai de 51 jours en moyenne (21 jours en médiane) confirme un retard de prise en charge. La durée d'hospitalisation était d'une semaine en moyenne (un jour en médiane).

En termes de conséquences socio-économiques, ces 170 dossiers représentent 158 jours d'arrêt de travail en moyenne (69,5 jours en médiane), un déficit fonctionnel permanent moyen de 3,9% (2% en médiane) et une souffrance endurée de 2 points sur une échelle de 7 (score similaire en médiane). Le délai de consolidation était d'un an en moyenne (369 jours et 283 jours en médiane).

Les motifs de plainte, souvent multiples, concernaient une raideur séquellaire (49%), avec un tiers des patients n'ayant pu reprendre leur activité professionnelle (30%). Les dysesthésies concernaient 41% des griefs.

La plupart des dossiers ont été résolus par une procédure amiable (65%). La responsabilité civile du praticien ou de l'établissement a été retenue dans 80% des cas. Le montant moyen de la réparation financière était de 6.224 € (2.595 € en médiane). "Pour Sham, le coût de ces dossiers a été de plus d'un million d'€ et on ne connaît pas le coût pour l'assurance maladie, notamment en termes d'antibiotiques et de pansements", a souligné le Pr Auquit-Auckbur.

Outre le défaut d'exploration, une étude menée à l'hôpital européen Georges-Pompidou à Paris (AP-HP), soumise à publication, montre que "l'examen clinique est peu fiable". "Parmi 125 plaies sur des mains sans troubles apparents de la motricité ou de la sensibilité, l'exploration chirurgicale systématique a mis en évidence des lésions tendineuses et articulaires dans 60% des cas!"

Faire appel aux centres SOS Mains

Pour une meilleure prise en charge, le Pr Auquit-Auckbur a rappelé que le Fesum organise sur l'ensemble du territoire, un réseau de 65 centres SOS Mains, 22 dans des établissements publics et 43 privés, dont les coordonnées sont accessibles par géolocalisation pour connaître le centre le plus proche.

Ces centres proposent une prise en charge spécifique des mains en urgence et garantissent des critères de qualité. Pour être opérationnels, ils répondent à un cahier des charges, avec notamment la présence d'au moins trois chirurgiens de la main (orthopédistes ou plasticiens), une ouverture 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, une activité minimale de 750 urgences opérées par an, un responsable titulaire de la Société française de la chirurgie de la main (SFCM), un circuit patient et un plateau technique.

"Ils prennent en charge les plaies les plus complexes mais aussi celles qui paraissent bénignes. Cependant, ils ne peuvent pas absorber les quelque 1,5 million de plaies des mains survenant chaque année et il y a une réelle nécessité de former les services d'urgence", a commenté la chirurgienne.

Ce travail de formation nécessite notamment une information de toute la chaîne de soins dans les SAU, de mieux sélectionner les plaies pour lesquelles une exploration est impérative, comme les plaies palmaires dépassant le derme et les plaies dorsales en regard d'une articulation, afin de prévoir une intervention chirurgicale si nécessaire, a-t-elle poursuivi.

Les recommandations de la Société française de médecine d'urgence (SFMU) doivent aussi être renforcées, avec par exemple la pose de posters dans les SAU, et un travail spécifique aux urgences mains a été initié entre la SFMU, la Fesum, la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot) et la Société française de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique (SoFCPRE).

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