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18/10 2023
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PLUS DE 80% DES PERSONNES ÉLIGIBLES À L'AME NE SONT PAS COUVERTES, SELON MÉDECINS DU MONDE (RAPPORT ANNUEL)

PARIS, 18 octobre 2023 (APMnews) - Plus de 80% des personnes éligibles à l'aide médicale de l'Etat (AME) reçues dans les centres de Médecins du monde ne sont pas couvertes par ce dispositif, estime l'ONG dans le 23e rapport annuel de son observatoire de l'accès aux droits et aux soins, publié mercredi.

Près de "17.093 personnes" ont été accueillies dans les 14 centres d'accueil, de soins et d'orientation (Caso) de Médecins du monde en 2022, rappelle l'organisation en préambule de ce document d'une centaine de pages.

En tout, "37.174 consultations" y ont été réalisées l'an passé, dont "19.122 médicales et/ou dentaires", "4.658 infirmières ou de prévention" et "13.305 sociales".

A quelques semaines de l'examen du projet de loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration", présenté en conseil des ministres en février 2023 (cf dépêche du 01/02/2023 à 19:02), Médecins du monde a exprimé de "grandes inquiétudes" quant à la menace qui pèse sur l'AME, destinée aux personnes étrangères en situation irrégulière.

L'AME représente 0,4% des dépenses d'assurance maladie

Dans un tel contexte, "nous avons donc tenu à rétablir certaines vérités concernant l'aide médicale d'Etat", a déclaré le Dr Jean-François Corty, vice-président de Médecins du monde, lors d'un point presse organisé en amont de la publication du rapport.

Alors que la maîtrise des enjeux de santé est un sujet récurrent, l'organisation réfute tout d'abord l'argument qui viserait à justifier la suppression de l'AME "pour des raisons budgétaires".

"Avec 400.000 bénéficiaires par an, l'AME ne représente que 0,4% du budget de l'assurance maladie", a abondé Jean-François Corty, qui compare ainsi le budget de l'AME pour 2023, évalué à 1,14 milliard d'euros, à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), fixé pour 2023 à 244 milliards d'euros (cf dépêche du 31/10/2022 à 18:32).

"Ce qui est massif en revanche, c'est le non-recours aux droits et le renoncement aux soins des personnes face aux multiples obstacles constatés au quotidien par les équipes de Médecins du monde", a-t-il noté.

L'observatoire constate ainsi qu'en 2022, lors des entretiens réalisés avec les personnes dans un Caso, "plus des deux tiers des personnes interrogées étaient éligibles à une couverture maladie (67,3%)" dont 41% à l'AME.

En revanche, "l'ouverture effective des droits est particulièrement limitée parmi les personnes reçues dans un Caso", observe l'association, estimant que "87% des personnes éligibles à l'AME ne sont pas couvertes".

"Des obstacles dans l'accès aux droits et aux soins ont été évoqués par plus des trois quarts (77%) des personnes lors des entretiens d'accueil", précise le rapport.

Les principaux problèmes rencontrés sont une "méconnaissance des droits et des structures (33%)", des "difficultés administratives (31%)" ou encore la "barrière linguistique (22%)".

"Aujourd'hui, si l'on n'est pas aidé pour faire sa demande d'AME, même lorsqu'on est francophone, c'est mission quasi impossible" a résumé Nadège Drouot, coordinatrice régionale Lorraine.

A une lourdeur administrative, s'ajoutent des allers-retours incessants pour "un dossier qui manque", a ajouté Charly Laleau, travailleur social chez Médecins du monde.

Il a également déploré "des demandes abusives" de pièces justificatives, de plus en plus fréquentes: "Cela peut être un justificatif de voyage, un avis d'imposition ou encore un numéro d'allocataire à la caisse d'allocations familiales (CAF)".

Ces difficultés sont loin d'être un phénomène nouveau, note-t-on. Médecins du monde dénonçait déjà "un véritable parcours du combattant", dans son 22e rapport annuel (cf dépêche du 08/12/2022 à 17:57).

La suppression de l'AME au profit d'une "AMU" est un "non-sens médical"

Les intervenants sont également revenus sur les propos du ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin qui, lors d'une interview accordée au Parisien samedi, avait affirmé être "personnellement" favorable à la suppression de l'AME "afin de la transformer en aide médicale d'urgence (AMU).

"Comment Gérald Darmanin peut-il distinguer ce qui relève de l'urgence pure et ce qui ne relève pas de l'urgence pure?", a questionné Jean-François Corty: "Même les médecins ont du mal à distinguer et à faire des pronostics vitaux plus ou moins engagés sur certaines pathologies."

"Ce discours est avant tout idéologique, mais dans la vraie vie, dans le monde médical, il n'est pas réaliste", a-t-il fustigé: "Moi, je suis praticien, je fais encore des urgences et je vous dis que ce n'est pas possible."

"Le droit à l'AME n'est pas abusif", a-t-il également poursuivi, rappelant "qu'aucune enquête objective et scientifique" ne permettait d'établir un recours abusif à l'AME par rapport à d'autres dispositifs de protection sociale.

"Alors que 80% des personnes qui viennent nous voir ne savent pas que l'AME existe, il est totalement faux de dire que ce droit est un moteur de l'immigration", a martelé Jean-François Corty: "L'effet d'appel n'existe pas!"

Les rédacteurs du rapport ont enfin appelé le ministre de la santé [Aurélien Rousseau] à "s'exprimer sur le sujet": "Nous espérons que la nomination […] de monsieur Aurélien Rousseau, fin connaisseur des enjeux de santé et de précarité, contribuera à faire prévaloir les considérations de santé des personnes de santé publique dans les débats à venir", ont-ils conclu.

La publication de ce rapport intervient par ailleurs quelques jours après que la première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé le lancement d'une "nouvelle mission" sur l'AME, pilotée par Patrick Stefanini et Claude Evin (cf dépêche du 09/10/2023 à 11:29).



Le CCNE réitère son "attachement à l'AME"

Dans un communiqué publié jeudi dernier, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a également exprimé "une vive inquiétude" quant au devenir de l'AME, et a "réitéré son soutien aux populations contraintes à l'exil".

"Comme déjà signalé par l'inspection générale des affaires sociales [Igas] et l'inspection générale des finances [IGF] dans un rapport conjoint en 2019 [cf dépêche du 05/11/2019 à 20:09 et dépêche du 08/11/2019 à 14:00], ce dispositif répond en premier lieu à un principe éthique et humanitaire, mais aussi à un objectif de santé publique", a rappelé le conseil.

Réitérant son "attachement à l'AME", le CCNE a exhorté "les décideurs à accorder une attention particulière aux personnes exilées".

"Le système de soins, notamment les hôpitaux, doit permettre de garantir l'égalité de traitement et l'accès aux soins pour tous. Il faut que l'Etat alloue les ressources nécessaires au système de soins pour répondre à cette exigence", a estimé le Pr Régis Aubry, médecin et président de la section technique du CCNE.

Médecins du monde, rapport 2023 de l'observatoire de l'accès aux droits et aux soins

jr/nc/APMnews

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PLUS DE 80% DES PERSONNES ÉLIGIBLES À L'AME NE SONT PAS COUVERTES, SELON MÉDECINS DU MONDE (RAPPORT ANNUEL)

PARIS, 18 octobre 2023 (APMnews) - Plus de 80% des personnes éligibles à l'aide médicale de l'Etat (AME) reçues dans les centres de Médecins du monde ne sont pas couvertes par ce dispositif, estime l'ONG dans le 23e rapport annuel de son observatoire de l'accès aux droits et aux soins, publié mercredi.

Près de "17.093 personnes" ont été accueillies dans les 14 centres d'accueil, de soins et d'orientation (Caso) de Médecins du monde en 2022, rappelle l'organisation en préambule de ce document d'une centaine de pages.

En tout, "37.174 consultations" y ont été réalisées l'an passé, dont "19.122 médicales et/ou dentaires", "4.658 infirmières ou de prévention" et "13.305 sociales".

A quelques semaines de l'examen du projet de loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration", présenté en conseil des ministres en février 2023 (cf dépêche du 01/02/2023 à 19:02), Médecins du monde a exprimé de "grandes inquiétudes" quant à la menace qui pèse sur l'AME, destinée aux personnes étrangères en situation irrégulière.

L'AME représente 0,4% des dépenses d'assurance maladie

Dans un tel contexte, "nous avons donc tenu à rétablir certaines vérités concernant l'aide médicale d'Etat", a déclaré le Dr Jean-François Corty, vice-président de Médecins du monde, lors d'un point presse organisé en amont de la publication du rapport.

Alors que la maîtrise des enjeux de santé est un sujet récurrent, l'organisation réfute tout d'abord l'argument qui viserait à justifier la suppression de l'AME "pour des raisons budgétaires".

"Avec 400.000 bénéficiaires par an, l'AME ne représente que 0,4% du budget de l'assurance maladie", a abondé Jean-François Corty, qui compare ainsi le budget de l'AME pour 2023, évalué à 1,14 milliard d'euros, à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), fixé pour 2023 à 244 milliards d'euros (cf dépêche du 31/10/2022 à 18:32).

"Ce qui est massif en revanche, c'est le non-recours aux droits et le renoncement aux soins des personnes face aux multiples obstacles constatés au quotidien par les équipes de Médecins du monde", a-t-il noté.

L'observatoire constate ainsi qu'en 2022, lors des entretiens réalisés avec les personnes dans un Caso, "plus des deux tiers des personnes interrogées étaient éligibles à une couverture maladie (67,3%)" dont 41% à l'AME.

En revanche, "l'ouverture effective des droits est particulièrement limitée parmi les personnes reçues dans un Caso", observe l'association, estimant que "87% des personnes éligibles à l'AME ne sont pas couvertes".

"Des obstacles dans l'accès aux droits et aux soins ont été évoqués par plus des trois quarts (77%) des personnes lors des entretiens d'accueil", précise le rapport.

Les principaux problèmes rencontrés sont une "méconnaissance des droits et des structures (33%)", des "difficultés administratives (31%)" ou encore la "barrière linguistique (22%)".

"Aujourd'hui, si l'on n'est pas aidé pour faire sa demande d'AME, même lorsqu'on est francophone, c'est mission quasi impossible" a résumé Nadège Drouot, coordinatrice régionale Lorraine.

A une lourdeur administrative, s'ajoutent des allers-retours incessants pour "un dossier qui manque", a ajouté Charly Laleau, travailleur social chez Médecins du monde.

Il a également déploré "des demandes abusives" de pièces justificatives, de plus en plus fréquentes: "Cela peut être un justificatif de voyage, un avis d'imposition ou encore un numéro d'allocataire à la caisse d'allocations familiales (CAF)".

Ces difficultés sont loin d'être un phénomène nouveau, note-t-on. Médecins du monde dénonçait déjà "un véritable parcours du combattant", dans son 22e rapport annuel (cf dépêche du 08/12/2022 à 17:57).

La suppression de l'AME au profit d'une "AMU" est un "non-sens médical"

Les intervenants sont également revenus sur les propos du ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin qui, lors d'une interview accordée au Parisien samedi, avait affirmé être "personnellement" favorable à la suppression de l'AME "afin de la transformer en aide médicale d'urgence (AMU).

"Comment Gérald Darmanin peut-il distinguer ce qui relève de l'urgence pure et ce qui ne relève pas de l'urgence pure?", a questionné Jean-François Corty: "Même les médecins ont du mal à distinguer et à faire des pronostics vitaux plus ou moins engagés sur certaines pathologies."

"Ce discours est avant tout idéologique, mais dans la vraie vie, dans le monde médical, il n'est pas réaliste", a-t-il fustigé: "Moi, je suis praticien, je fais encore des urgences et je vous dis que ce n'est pas possible."

"Le droit à l'AME n'est pas abusif", a-t-il également poursuivi, rappelant "qu'aucune enquête objective et scientifique" ne permettait d'établir un recours abusif à l'AME par rapport à d'autres dispositifs de protection sociale.

"Alors que 80% des personnes qui viennent nous voir ne savent pas que l'AME existe, il est totalement faux de dire que ce droit est un moteur de l'immigration", a martelé Jean-François Corty: "L'effet d'appel n'existe pas!"

Les rédacteurs du rapport ont enfin appelé le ministre de la santé [Aurélien Rousseau] à "s'exprimer sur le sujet": "Nous espérons que la nomination […] de monsieur Aurélien Rousseau, fin connaisseur des enjeux de santé et de précarité, contribuera à faire prévaloir les considérations de santé des personnes de santé publique dans les débats à venir", ont-ils conclu.

La publication de ce rapport intervient par ailleurs quelques jours après que la première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé le lancement d'une "nouvelle mission" sur l'AME, pilotée par Patrick Stefanini et Claude Evin (cf dépêche du 09/10/2023 à 11:29).



Le CCNE réitère son "attachement à l'AME"

Dans un communiqué publié jeudi dernier, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a également exprimé "une vive inquiétude" quant au devenir de l'AME, et a "réitéré son soutien aux populations contraintes à l'exil".

"Comme déjà signalé par l'inspection générale des affaires sociales [Igas] et l'inspection générale des finances [IGF] dans un rapport conjoint en 2019 [cf dépêche du 05/11/2019 à 20:09 et dépêche du 08/11/2019 à 14:00], ce dispositif répond en premier lieu à un principe éthique et humanitaire, mais aussi à un objectif de santé publique", a rappelé le conseil.

Réitérant son "attachement à l'AME", le CCNE a exhorté "les décideurs à accorder une attention particulière aux personnes exilées".

"Le système de soins, notamment les hôpitaux, doit permettre de garantir l'égalité de traitement et l'accès aux soins pour tous. Il faut que l'Etat alloue les ressources nécessaires au système de soins pour répondre à cette exigence", a estimé le Pr Régis Aubry, médecin et président de la section technique du CCNE.

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