Actualités de l'Urgence - APM

PLUSIEURS FIGURES DES URGENCES INQUIÈTES FACE À LA COMMUNICATION RASSURANTE DU GOUVERNEMENT SUR LE BILAN DE L'ÉTÉ
Au moins 163 services d'urgence ont été contraints de fermer "faute de ressources humaines" au cours de l'été, dont 43% à plus de 10 reprises, selon cette enquête menée auprès de 389 services d'urgence (57%), 88 Samu (92%) et 233 Smur (54%).
Ce bilan dressé par SUdF contraste avec le tableau moins sombre brossé fin août par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et repris mardi matin par le ministre de la santé et de la prévention, Aurélien Rousseau, faisant état de cinq services d'urgence fermés sur 680 et "une quarantaine" confrontée à "des fermetures partielles" (cf dépêche du 05/09/2023 à 19:28).
Pour le président de SUdF et chef des urgences du groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud-Alsace (GHRMSA), le Dr Marc Noizet, joint mercredi par APMnews, le chiffrage repris par le ministre est "inquiétant": "S'il ne reconnaît pas les chiffres, ça veut dire qu'il n'est pas prêt à travailler dessus."
"Effectivement, je ne parle pas de services qui ont fermé tout l'été, mais fermer juste une fois une offre de soins, est-ce que c'est normal?", a-t-il enchaîné. "Ça montre que le système est à bout de souffle."
La Pr Agnès Ricard-Hibon, membre du bureau de SUdF et ancienne présidente de la SFMU, contactée mercredi par APMnews, y a également vu un "déni" de la part d'Aurélien Rousseau: "On se demande si notre ministre a bien pris conscience de l'ampleur du désastre pour pouvoir mettre les mesures correctrices."
Une sous-déclaration structurelle des EIGS
Au-delà de cette bataille sur les chiffres, Agnès Ricard-Hibon a déploré une sous-déclaration structurelle des événements indésirables graves liés aux soins (EIGS) avec l'actuel système de la Haute autorité de santé (HAS) lorsque ces EIGS sont liés à des carences de l'offre de soins.
"Il appartient au soignant qui déclare un événement de l'analyser et de mettre en place les mesures correctrices, mais quand les mesures correctrices ne dépendent pas des soignants, on ne peut pas faire la procédure", a-t-elle expliqué.
La cheffe de service d'un Samu francilien a cité à titre d'exemple le cas d'une perte de chance liée à une carence de Smur qu'elle a rencontrée au cours de l'hiver dernier et qui n'avait pu être déclarée: "Qu'est-ce qu'on peut mettre comme mesure correctrice?"
"Il y a une sous-déclaration majeure parce que la deuxième partie de la procédure est impossible à faire pour les soignants, puisque c'est un problème d'offre de soins", a-t-elle pointé.
"La dégradation est vertigineuse", a déploré le Pr Ricard-Hibon. "Là, on s'attaque à l'urgence vitale avec des fermetures de Smur qu'on n'avait jamais vues avant."
"Il faut absolument préserver l'urgence vitale, les Smur, et arriver à avoir une organisation territoriale qui permette de répondre à l'urgence, et à tout ce que les gens pensent être de l'urgence", a abondé le Pr Sandrine Charpentier, cheffe du pôle médecine d'urgence du CHU de Toulouse et présidente de la SFMU depuis fin juin (cf dépêche du 28/06/2023 à 13:01).
"Avec la SFMU, on est dans un objectif de coconstruction et de trouver des solutions quoi qu'il arrive, sachant qu'il y a une pénurie de médecins quoi qu'il arrive", a-t-elle assuré, en appelant notamment à des travaux "sur la régulation des flux de patients vers les urgences mais également avec nos collègues des soins de premiers recours pour avoir une meilleure organisation avec les CPTS [communautés professionnelles territoriales de santé]".
Des améliorations possibles sans moyens financiers supplémentaires
"Dans nos demandes, il y en a qui nécessitent des moyens et d'autres qui nécessitent seulement des mesures organisationnelles", a fait valoir Marc Noizet de son côté, "et la restructuration de l'aval des urgences, c'est typiquement ça".
"Ça fait 15 ans que le besoin journalier minimal [en lits, BJML] pour chaque service d'urgence n'est pas atteint, parce que ce sont des changements structurels profonds, dans chaque établissement, qui nécessitent un peu de courage pour les mettre en place, et de la réorganisation physique et humaine dans chaque établissement", s'est désespéré le président de SUdF.
Il a également mis en exergue les effets délétères du financement à l'activité qui conduisent les hôpitaux à optimiser leur occupation de lits avec le maximum d'activité programmée.
"Il ne faut pas qu'il y ait des établissements qui soient protégés, notamment dans le secteur privé, qui continuent à faire tourner la machine à programmation, en même temps qu'on pénalise l'hôpital public en lui demandant de déprogrammer les urgences", s'est-il empressé d'ajouter, en appelant la mise en place d'un système d'incitation et de sanction financière pour faire respecter le BJML, s'appliquant aux secteurs public et privé.
Peu d'espoirs sur l'impact de la loi Valletoux
Le président de SUdF s'est montré assez réservé sur les mesures portées par la proposition de loi du député Frédéric Valletoux (Horizons, Seine-et-Marne) qui doit être examinée à l'automne au Sénat (cf dépêche du 16/06/2023 à 17:57), avec notamment des dispositions portant sur la participation de l'ensemble des médecins à la permanence des soins en établissements de santé (PDSES) et en ambulatoire (PDSA), ainsi que la rénovation de la PDSES à venir pour l'été 2024.
"C'est une esquisse, mais encore une fois sur le mode de la bonne volonté", a estimé Marc Noizet. "Il va falloir être contraignant si on veut sortir de cette problématique."
"C'est le premier facteur de pénibilité aux urgences, par le retentissement sur la qualité et la sécurité des soins avec des patients qui attendent des heures sur des brancards pour qu'on puisse trouver un lit", a-t-il insisté.
"On ne fera pas revenir des gens à l'hôpital si on continue d'avoir de la mortalité évitable dans nos urgences, c'est contraire à notre métier", a abondé Agnès Ricard-Hibon, en appelant à la mise en œuvre de mesures rapides telles que la revalorisation des gardes à 100%, et non 50% comme annoncé par la première ministre, Elisabeth Borne (cf dépêche du 31/08/2023 à 19:25), ainsi que la réouverture des travaux statutaires pour les praticiens hospitaliers (PH) nommés avant octobre 2020 et surnommés les "oubliés du Ségur".
"L'urgence, aujourd'hui, c'est de garder les rares professionnels qui nous restent et de faire revenir ceux qui sont partis", a-t-elle prévenu.
gl/nc/APMnews
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PLUSIEURS FIGURES DES URGENCES INQUIÈTES FACE À LA COMMUNICATION RASSURANTE DU GOUVERNEMENT SUR LE BILAN DE L'ÉTÉ
Au moins 163 services d'urgence ont été contraints de fermer "faute de ressources humaines" au cours de l'été, dont 43% à plus de 10 reprises, selon cette enquête menée auprès de 389 services d'urgence (57%), 88 Samu (92%) et 233 Smur (54%).
Ce bilan dressé par SUdF contraste avec le tableau moins sombre brossé fin août par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et repris mardi matin par le ministre de la santé et de la prévention, Aurélien Rousseau, faisant état de cinq services d'urgence fermés sur 680 et "une quarantaine" confrontée à "des fermetures partielles" (cf dépêche du 05/09/2023 à 19:28).
Pour le président de SUdF et chef des urgences du groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud-Alsace (GHRMSA), le Dr Marc Noizet, joint mercredi par APMnews, le chiffrage repris par le ministre est "inquiétant": "S'il ne reconnaît pas les chiffres, ça veut dire qu'il n'est pas prêt à travailler dessus."
"Effectivement, je ne parle pas de services qui ont fermé tout l'été, mais fermer juste une fois une offre de soins, est-ce que c'est normal?", a-t-il enchaîné. "Ça montre que le système est à bout de souffle."
La Pr Agnès Ricard-Hibon, membre du bureau de SUdF et ancienne présidente de la SFMU, contactée mercredi par APMnews, y a également vu un "déni" de la part d'Aurélien Rousseau: "On se demande si notre ministre a bien pris conscience de l'ampleur du désastre pour pouvoir mettre les mesures correctrices."
Une sous-déclaration structurelle des EIGS
Au-delà de cette bataille sur les chiffres, Agnès Ricard-Hibon a déploré une sous-déclaration structurelle des événements indésirables graves liés aux soins (EIGS) avec l'actuel système de la Haute autorité de santé (HAS) lorsque ces EIGS sont liés à des carences de l'offre de soins.
"Il appartient au soignant qui déclare un événement de l'analyser et de mettre en place les mesures correctrices, mais quand les mesures correctrices ne dépendent pas des soignants, on ne peut pas faire la procédure", a-t-elle expliqué.
La cheffe de service d'un Samu francilien a cité à titre d'exemple le cas d'une perte de chance liée à une carence de Smur qu'elle a rencontrée au cours de l'hiver dernier et qui n'avait pu être déclarée: "Qu'est-ce qu'on peut mettre comme mesure correctrice?"
"Il y a une sous-déclaration majeure parce que la deuxième partie de la procédure est impossible à faire pour les soignants, puisque c'est un problème d'offre de soins", a-t-elle pointé.
"La dégradation est vertigineuse", a déploré le Pr Ricard-Hibon. "Là, on s'attaque à l'urgence vitale avec des fermetures de Smur qu'on n'avait jamais vues avant."
"Il faut absolument préserver l'urgence vitale, les Smur, et arriver à avoir une organisation territoriale qui permette de répondre à l'urgence, et à tout ce que les gens pensent être de l'urgence", a abondé le Pr Sandrine Charpentier, cheffe du pôle médecine d'urgence du CHU de Toulouse et présidente de la SFMU depuis fin juin (cf dépêche du 28/06/2023 à 13:01).
"Avec la SFMU, on est dans un objectif de coconstruction et de trouver des solutions quoi qu'il arrive, sachant qu'il y a une pénurie de médecins quoi qu'il arrive", a-t-elle assuré, en appelant notamment à des travaux "sur la régulation des flux de patients vers les urgences mais également avec nos collègues des soins de premiers recours pour avoir une meilleure organisation avec les CPTS [communautés professionnelles territoriales de santé]".
Des améliorations possibles sans moyens financiers supplémentaires
"Dans nos demandes, il y en a qui nécessitent des moyens et d'autres qui nécessitent seulement des mesures organisationnelles", a fait valoir Marc Noizet de son côté, "et la restructuration de l'aval des urgences, c'est typiquement ça".
"Ça fait 15 ans que le besoin journalier minimal [en lits, BJML] pour chaque service d'urgence n'est pas atteint, parce que ce sont des changements structurels profonds, dans chaque établissement, qui nécessitent un peu de courage pour les mettre en place, et de la réorganisation physique et humaine dans chaque établissement", s'est désespéré le président de SUdF.
Il a également mis en exergue les effets délétères du financement à l'activité qui conduisent les hôpitaux à optimiser leur occupation de lits avec le maximum d'activité programmée.
"Il ne faut pas qu'il y ait des établissements qui soient protégés, notamment dans le secteur privé, qui continuent à faire tourner la machine à programmation, en même temps qu'on pénalise l'hôpital public en lui demandant de déprogrammer les urgences", s'est-il empressé d'ajouter, en appelant la mise en place d'un système d'incitation et de sanction financière pour faire respecter le BJML, s'appliquant aux secteurs public et privé.
Peu d'espoirs sur l'impact de la loi Valletoux
Le président de SUdF s'est montré assez réservé sur les mesures portées par la proposition de loi du député Frédéric Valletoux (Horizons, Seine-et-Marne) qui doit être examinée à l'automne au Sénat (cf dépêche du 16/06/2023 à 17:57), avec notamment des dispositions portant sur la participation de l'ensemble des médecins à la permanence des soins en établissements de santé (PDSES) et en ambulatoire (PDSA), ainsi que la rénovation de la PDSES à venir pour l'été 2024.
"C'est une esquisse, mais encore une fois sur le mode de la bonne volonté", a estimé Marc Noizet. "Il va falloir être contraignant si on veut sortir de cette problématique."
"C'est le premier facteur de pénibilité aux urgences, par le retentissement sur la qualité et la sécurité des soins avec des patients qui attendent des heures sur des brancards pour qu'on puisse trouver un lit", a-t-il insisté.
"On ne fera pas revenir des gens à l'hôpital si on continue d'avoir de la mortalité évitable dans nos urgences, c'est contraire à notre métier", a abondé Agnès Ricard-Hibon, en appelant à la mise en œuvre de mesures rapides telles que la revalorisation des gardes à 100%, et non 50% comme annoncé par la première ministre, Elisabeth Borne (cf dépêche du 31/08/2023 à 19:25), ainsi que la réouverture des travaux statutaires pour les praticiens hospitaliers (PH) nommés avant octobre 2020 et surnommés les "oubliés du Ségur".
"L'urgence, aujourd'hui, c'est de garder les rares professionnels qui nous restent et de faire revenir ceux qui sont partis", a-t-elle prévenu.
gl/nc/APMnews