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19/01 2021
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PROGRESSION DES ANAPHYLAXIES À L'ARACHIDE ET FRUITS À COQUE CHEZ LES PETITS ENFANTS EN FRANCE

PARIS, 19 janvier 2021 (APMnews) - Les cas d'anaphylaxies alimentaires impliquant l'arachide et autres fruits à coque ont progressé à partie des années 2010 chez les enfants de 1 à 4 ans en particulier, avec des polysensibilisations voire des polyallergies, selon le Réseau d'allergovigilance, qui appelle à des recommandations de prévention primaire.

Les allergies sont en hausse depuis plusieurs années, notamment celles d'origine alimentaire chez l'enfant de moins de 6 ans. En France, les anaphylaxies alimentaires dont l'issue est fatale semblent toucher principalement les enfants, et les fruits à coque et l'arachide sont les allergènes les plus fréquemment incriminés, rappellent Gabrielle Wintrebert du CHU de Reims et ses collègues du Réseau d'allergovigilance (RAV) dans la Revue française d'allergologie.

En pratique clinique quotidienne toutefois, ils rapportent observer "l'émergence préoccupante de polyallergies et de polysensibilisations chez le très jeune enfant, en particulier pour l'arachide et les fruits à coque", alors que la prise en charge de ces pathologies "est complexe et ne fait pas l'objet de consensus".

Pour faire le point, les chercheurs ont repris les cas d'anaphylaxie alimentaire chez les enfants de 0 à 4 ans déclarés au RAV entre 2002 et octobre 2019. Créé en 2002, ce réseau répertorie les cas d'anaphylaxie de toute étiologie de grade 2 ou plus (selon la classification de Ring et Messmer) déclarés par des allergologues francophones, de France, Belgique et Luxembourg sur la base du volontariat afin de réaliser une veille sanitaire.

Au 30 octobre 2019, 2.166 cas d'anaphylaxie alimentaire étaient déclarés au RAV, dont 1.018 chez les enfants de 0 à 16 ans (47%). Entre 2002 et fin octobre 2019, 392 cas concernaient 389 enfants de 0 à 4 ans, soit 38,2% des cas de l'enfant de moins de 16 ans (18% des anaphylaxies déclarées).

Chez les moins de 4 ans, le nombre annuel de cas augmente progressivement, passant de 12 en 2002 à 27 en 2019. Les enfants sont majoritairement des garçons (64%), avec une prédominance chez les 24-36 mois (30%).

Les allergènes les plus fréquemment impliqués chez les nourrissons de moins de 1 an sont le lait de vache (51% parmi 80 cas), suivi par l'oeuf (26%), le blé (9%) et l'arachide (6%).

Entre 1 et 4 ans, ce sont l'arachide ainsi que la noix de cajou et la pistache qui sont le plus incriminés, représentant 47,5% des cas. La fréquence des cas d'anaphylaxie à l'arachide semble stable au fil des ans, contrairement à la noix de cajou et pistache en nette augmentation: 11 cas en 2019 contre seulement 4 en 2002.

Malgré le manque d'exhaustivité des données recueillies sur les habitudes alimentaires, les cosmétiques utilisées ou les comorbidités atopiques, il semble que les pistaches et noix de cajou sont plus souvent consommées sous forme entière tandis que l'arachide est ingérée le plus souvent sous forme de biscuit soufflé, rapportent les auteurs.

Sur l'ensemble de ces 392 cas, ils indiquent par ailleurs que 6 enfants ont présenté une anaphylaxie en consommant à la fois de la noix de cajou et de la pistache et que les autres fruits à coque identifiés représentent 16 allergènes dans 4% des cas, avec une prédominance pour les noix (1,8%) et les pignons de pin (1,5 %). Le sésame émerge aussi avec 11 cas.

Au total, 101 enfants (26%) présentaient plus de deux allergies ou sensibilisations. Parmi les 94 cas d'anaphylaxie à l'arachide, 15 patients (16%) avaient une polyallergie, principalement à la noisette (6%), puis l'oeuf (3%) et les légumineuses (3%) et 27 étaient polysensibilisés à au moins deux allergènes alimentaires (28%), majoritairement des fruits à coque (noisette, noix de cajou et pistache principalement). Des sensibilisations aux pois ou lentilles, au lupin et au sésame ont également été identifiées.

Parmi les 97 cas d'anaphylaxie à la noix de cajou et/ou pistache, 18% présentaient une polyallergie avec aussi l'arachide et la noisette principalement, ainsi que les légumineuses, le sésame, le kiwi, l'amande et le melon.

Chez les 80 nourrissons , les polysensibilisations sont rares avant 2010 mais de plus en plus signalées ensuite, avec 17 nourrissons porteurs de sensibilisations à l'oeuf, à l'arachide, à la noisette et au sésame.

Une hausse très certainement sous-estimée

Par ailleurs, les auteurs observent que l'adrénaline est peu utilisée (14,3% des enfants) mais les données ont été colligées avant les recommandations sur ce traitement d'urgence. En outre, l'anaphylaxie était le plus souvent inaugurale et la famille n'avait pas à sa disposition d'auto-injecteur d'adrénaline.

En l'absence de données épidémiologiques exhaustives sur les allergies alimentaires, l'analyse des cas déclarés au RAV confirme l'augmentation des cas d'anaphylaxie alimentaire chez les enfants de 0 à 4 ans observée dans d'autres registres européens et américains et est "très certainement sous-estimée du fait de la constante diminution des déclarants depuis quelques années".

Les données indiquent que l'arachide, la noix de cajou/pistache et la noisette sont les allergènes majeurs à cibler dans le cadre d'une prévention primaire, qui apparaît essentielle en raison à la fois "de la complexité de la prise en charge de ces allergies, de l'altération majeure de la qualité de vie et des risques d'accidents sévères".

"La prévention primaire doit associer des conseils pour limiter l'exposition aux allergènes de l'environnement dont les cosmétiques à base de protéines alimentaires et une introduction précoce des allergènes dans l'alimentation de l’enfant guidée par les habitudes alimentaires familiales. Il est essentiel aussi de traiter activement toute dermatite atopique du nourrisson", préconisent les auteurs.

"Il devient urgent d’établir des recommandations nationales permettant de toucher les familles et tous les professionnels de la petite enfance (pédiatres, généralistes, médecins scolaires, services de PMI, personnel de crèche…) pour contenir cette 'épidémie' d'allergies alimentaires du jeune enfant", concluent-ils.

(Revue française d'allergologie, édition en ligne du 8 janvier)

ld/ab/APMnews

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PARIS, 19 janvier 2021 (APMnews) - Les cas d'anaphylaxies alimentaires impliquant l'arachide et autres fruits à coque ont progressé à partie des années 2010 chez les enfants de 1 à 4 ans en particulier, avec des polysensibilisations voire des polyallergies, selon le Réseau d'allergovigilance, qui appelle à des recommandations de prévention primaire.

Les allergies sont en hausse depuis plusieurs années, notamment celles d'origine alimentaire chez l'enfant de moins de 6 ans. En France, les anaphylaxies alimentaires dont l'issue est fatale semblent toucher principalement les enfants, et les fruits à coque et l'arachide sont les allergènes les plus fréquemment incriminés, rappellent Gabrielle Wintrebert du CHU de Reims et ses collègues du Réseau d'allergovigilance (RAV) dans la Revue française d'allergologie.

En pratique clinique quotidienne toutefois, ils rapportent observer "l'émergence préoccupante de polyallergies et de polysensibilisations chez le très jeune enfant, en particulier pour l'arachide et les fruits à coque", alors que la prise en charge de ces pathologies "est complexe et ne fait pas l'objet de consensus".

Pour faire le point, les chercheurs ont repris les cas d'anaphylaxie alimentaire chez les enfants de 0 à 4 ans déclarés au RAV entre 2002 et octobre 2019. Créé en 2002, ce réseau répertorie les cas d'anaphylaxie de toute étiologie de grade 2 ou plus (selon la classification de Ring et Messmer) déclarés par des allergologues francophones, de France, Belgique et Luxembourg sur la base du volontariat afin de réaliser une veille sanitaire.

Au 30 octobre 2019, 2.166 cas d'anaphylaxie alimentaire étaient déclarés au RAV, dont 1.018 chez les enfants de 0 à 16 ans (47%). Entre 2002 et fin octobre 2019, 392 cas concernaient 389 enfants de 0 à 4 ans, soit 38,2% des cas de l'enfant de moins de 16 ans (18% des anaphylaxies déclarées).

Chez les moins de 4 ans, le nombre annuel de cas augmente progressivement, passant de 12 en 2002 à 27 en 2019. Les enfants sont majoritairement des garçons (64%), avec une prédominance chez les 24-36 mois (30%).

Les allergènes les plus fréquemment impliqués chez les nourrissons de moins de 1 an sont le lait de vache (51% parmi 80 cas), suivi par l'oeuf (26%), le blé (9%) et l'arachide (6%).

Entre 1 et 4 ans, ce sont l'arachide ainsi que la noix de cajou et la pistache qui sont le plus incriminés, représentant 47,5% des cas. La fréquence des cas d'anaphylaxie à l'arachide semble stable au fil des ans, contrairement à la noix de cajou et pistache en nette augmentation: 11 cas en 2019 contre seulement 4 en 2002.

Malgré le manque d'exhaustivité des données recueillies sur les habitudes alimentaires, les cosmétiques utilisées ou les comorbidités atopiques, il semble que les pistaches et noix de cajou sont plus souvent consommées sous forme entière tandis que l'arachide est ingérée le plus souvent sous forme de biscuit soufflé, rapportent les auteurs.

Sur l'ensemble de ces 392 cas, ils indiquent par ailleurs que 6 enfants ont présenté une anaphylaxie en consommant à la fois de la noix de cajou et de la pistache et que les autres fruits à coque identifiés représentent 16 allergènes dans 4% des cas, avec une prédominance pour les noix (1,8%) et les pignons de pin (1,5 %). Le sésame émerge aussi avec 11 cas.

Au total, 101 enfants (26%) présentaient plus de deux allergies ou sensibilisations. Parmi les 94 cas d'anaphylaxie à l'arachide, 15 patients (16%) avaient une polyallergie, principalement à la noisette (6%), puis l'oeuf (3%) et les légumineuses (3%) et 27 étaient polysensibilisés à au moins deux allergènes alimentaires (28%), majoritairement des fruits à coque (noisette, noix de cajou et pistache principalement). Des sensibilisations aux pois ou lentilles, au lupin et au sésame ont également été identifiées.

Parmi les 97 cas d'anaphylaxie à la noix de cajou et/ou pistache, 18% présentaient une polyallergie avec aussi l'arachide et la noisette principalement, ainsi que les légumineuses, le sésame, le kiwi, l'amande et le melon.

Chez les 80 nourrissons , les polysensibilisations sont rares avant 2010 mais de plus en plus signalées ensuite, avec 17 nourrissons porteurs de sensibilisations à l'oeuf, à l'arachide, à la noisette et au sésame.

Une hausse très certainement sous-estimée

Par ailleurs, les auteurs observent que l'adrénaline est peu utilisée (14,3% des enfants) mais les données ont été colligées avant les recommandations sur ce traitement d'urgence. En outre, l'anaphylaxie était le plus souvent inaugurale et la famille n'avait pas à sa disposition d'auto-injecteur d'adrénaline.

En l'absence de données épidémiologiques exhaustives sur les allergies alimentaires, l'analyse des cas déclarés au RAV confirme l'augmentation des cas d'anaphylaxie alimentaire chez les enfants de 0 à 4 ans observée dans d'autres registres européens et américains et est "très certainement sous-estimée du fait de la constante diminution des déclarants depuis quelques années".

Les données indiquent que l'arachide, la noix de cajou/pistache et la noisette sont les allergènes majeurs à cibler dans le cadre d'une prévention primaire, qui apparaît essentielle en raison à la fois "de la complexité de la prise en charge de ces allergies, de l'altération majeure de la qualité de vie et des risques d'accidents sévères".

"La prévention primaire doit associer des conseils pour limiter l'exposition aux allergènes de l'environnement dont les cosmétiques à base de protéines alimentaires et une introduction précoce des allergènes dans l'alimentation de l’enfant guidée par les habitudes alimentaires familiales. Il est essentiel aussi de traiter activement toute dermatite atopique du nourrisson", préconisent les auteurs.

"Il devient urgent d’établir des recommandations nationales permettant de toucher les familles et tous les professionnels de la petite enfance (pédiatres, généralistes, médecins scolaires, services de PMI, personnel de crèche…) pour contenir cette 'épidémie' d'allergies alimentaires du jeune enfant", concluent-ils.

(Revue française d'allergologie, édition en ligne du 8 janvier)

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