Actualités de l'Urgence - APM

14/03 2023
Retour

RECOMMANDATIONS DE LA HAS SUR LES DYSTHYROÏDIES, POUR DIMINUER LES EXAMENS INUTILES

SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 14 mars 2023 (APMnews) - La Haute autorité de santé (HAS) a publié mardi un "socle complet de recommandations" sur les dysthyroïdies (hypo et hyperthyroïdies), dont l'un des principaux objectifs est de diminuer les examens inutiles en proposant des prescriptions "en cascade" d'examens biologiques.

"Encore aujourd'hui, la prise en charge et le suivi [des dysthyroïdies] ne sont pas toujours optimaux", explique la HAS dans un communiqué. La présidente de la haute autorité, Dominique le Guludec, a mentionné lors d'une conférence de presse des pratiques "très hétérogènes".

Ce travail a été lancé en 2018 à la suite d'une saisine de la HAS par la direction générale de la santé (DGS). C'était après la crise liée aux effets indésirables de la nouvelle formulation de Levothyrox* (Merck AG), note-t-on. Mais surtout, c'était lié au constat d'une "surprescription des spécialités à base de lévothyroxine", d'une "fréquence élevée de recours à des thyroïdectomies à la suite d'une hyperthyroïdie" et d'une "hétérogénéité dans la prise en charge initiale des hyperthyroïdies". Avaient également été observées des "non-conformités dans les explorations thyroïdiennes".

Après la publication de premiers travaux concernant la pertinence des soins de l'hypothyroïdie (cf dépêche du 20/03/2019 à 11:33) et la pertinence des examens d'imagerie dans l'exploration des pathologies thyroïdiennes (dépêche du 29/09/2021 à 12:00), la HAS publie donc plus largement un "socle complet de recommandations".

En particulier, le Pr Jean-Michel Petit du CHU de Dijon, qui a présidé le groupe de travail, a mis en avant une clarification du processus de diagnostic des dysthyroïdies, avec une prescription "en cascade".

En cas de suspicion sur la base de symptômes évocateurs, après l'examen médical, en première intention, seul le dosage de la thyréostimuline (TSH) est suffisant. Si le taux de TSH est normal, on ne va pas plus loin. S'il est anormal, il est proposé que le prescripteur ait précisé "sur la même ordonnance" que des dosages complémentaires soient réalisés. Ils seront faits sur le même prélèvement sanguin.

Hypothyroïdies: TSH puis T4L en cascade

Pour les hypothyroïdies, le laboratoire de biologie dosera alors la tétra-iodothyronine libre (T4L). Cela permettra de "distinguer une hypothyroïdie avérée" nécessitant un traitement par lévothyroxine, d'une "hypothyroïdie fruste" dont le traitement devra "être discuté en prenant en compte le contexte clinique, le risque d'évoluer vers une forme avérée et le ressenti de la personne".

Ce protocole de prescription d'examens en cascade permettrait d'"éviter les dosages inutiles de T4 ou de T3 libres quand la TSH est normale" et aussi de faire revenir les patients pour d'autres prises de sang, ce qui actuellement est fréquemment pratiqué, a commenté le Pr Petit.

Il est précisé aussi dans les recommandations que le dosage des anticorps anti-TPO (thyroperoxydase) n'"est pas nécessaire pour le diagnostic d'hypothyroïdie". Il n'est utile qu'en cas de recherche d'une origine auto-immune.

De même, "les examens d'imagerie ne sont pas utiles dans la prise en charge de l'hypothyroïdie, excepté dans des indications précises" (notamment en cas de nodule ou adénopathie palpable, ou de signes de compression).

Les cas particuliers des personnes âgées et des femmes enceintes

Des recommandations sont également faites pour deux cas particuliers: les personnes âgées et les femmes enceintes. Pour les plus de 65 ans, "le diagnostic, le traitement et le suivi de l'hypothyroïdie doivent être adaptés". En raison de modifications progressives de la thyroïde, il est important "de distinguer ce qui relève d'un processus physiologique d'une pathologie thyroïdienne". Notamment, les valeurs de référence de la TSH augmentent avec l'âge.

Le Pr Petit a souligné le fait qu'il n'était pas nécessaire de dépister une hypothyroïdie chez toutes les personnes âgées, mais seulement en cas de "symptômes clinique évocateurs, de déclin cognitif récent ou aggravation de troubles neurocognitifs ou de traitement par amiodarone".

Chez les femmes enceintes qui ont une augmentation des besoins d'hormones thyroïdiennes, en raison d'un risque possible de complications pour la mère et le foetus en cas d'hypothyroïdie avérée, il est recommandé d'adapter les valeurs de référence de TSH pour le diagnostic.

Pour celles qui présentent déjà une hypothyroïdie traitée, il leur faut consulter rapidement un médecin dès la connaissance de la grossesse et, dans l'attente d'une consultation, dès les premières semaines de majorer elles-mêmes de 20% à 30% leur dose de lévothyroxine.

Quant aux femmes ayant un projet de grossesse, il est recommandé de doser la TSH en période préconceptionnelle ou en début de grossesse ainsi qu'en amont d'une procédure d'AMP.

Hyperthyroïdies: pas d'imagerie systématique

Concernant les hyperthyroïdies, "le dosage de la TSH est suffisant en première intention" pour confirmer le diagnostic. "D'autres examens biologiques peuvent être effectués en cascade pour compléter le diagnostic (hyperthyroïdie fruste ou avérée) et déterminer la cause de la maladie (maladie de Basedow, adénome toxique…)", précise la HAS.

Et surtout, "le recours à l'imagerie n'est utile que dans des cas précis, par exemple lorsque la palpation révèle des nodules ou des ganglions cervicaux suspects, ou lorsqu'un traitement radical est envisagé", c'est-à-dire un traitement par iode 131 ou une chirurgie. Et la scintigraphie "n'est pas indiquée dans le cadre du diagnostic d'une maladie de Basedow, la présence d'anticorps anti-récepteurs de la TSH suffisant à confirmer le diagnostic".

Quant au traitement de l'hyperthyroïdie, dont l'initiation "dépend de l'intensité de l'hyperthyroïdie, du contexte clinique ainsi que de la préférence du patient", il passe en première intention par des antithyroïdiens de synthèse dans le but de "restaurer un fonctionnement normal de la thyroïde". Les traitements radicaux, avec l'iode 131 en priorité, ne viennent qu'en deuxième intention en cas d'échec des antithyroïdiens. La chirurgie devrait être réservée à des cas particuliers comme les goitres volumineux ou des signes de malignité.

Actuellement, des chirurgies sont faites au-delà de ces recommandations, avec des variations régionales dans les pratiques. Sans donner de chiffres sur ces interventions en excès, Jean-Michel Petit a estimé que "c'est le rapport entre les chirurgies thyroïdiennes pour cancer et celles pour une autre cause pour donne une idée de si les pratiques sont bonnes". L'objectif est que la majorité des interventions le soient pour cancer.

Lors de la conférence de presse de la HAS était présente Béate Bartès, présidente de l'association de patients Vivre sans thyroïde et qui a participé au groupe de travail de la HAS sur les dysthyroïdies. Elle a souligné l'importance de "prendre en compte le ressenti des patients et leurs valeurs de bien-être" pour décider du traitement, car pour un même taux de TSH, le ressenti peut être très variable.

"La fatigue, la déprime, la douleur musculaire ne sont pas mesurables et il faut beaucoup écouter les patients", afin que la décision de traitement "soit bien partagée".

HAS, "Prise en charge des dysthyroïdies chez l'adulte", recommandations de bonnes pratiques

fb/nc/APMnews

Les données APM Santé sont la propriété de APM International. Toute copie, republication ou redistribution des données APM Santé, notamment via la mise en antémémoire, l'encadrement ou des moyens similaires, est expressément interdite sans l'accord préalable écrit de APM. APM ne sera pas responsable des erreurs ou des retards dans les données ou de toutes actions entreprises en fonction de celles-ci ou toutes décisions prises sur la base du service. APM, APM Santé et le logo APM International, sont des marques d'APM International dans le monde. Pour de plus amples informations sur les autres services d'APM, veuillez consulter le site Web public d'APM à l'adresse www.apmnews.com

Copyright © APM-Santé - Tous droits réservés.

Informations professionnelles

14/03 2023
Retour

RECOMMANDATIONS DE LA HAS SUR LES DYSTHYROÏDIES, POUR DIMINUER LES EXAMENS INUTILES

SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 14 mars 2023 (APMnews) - La Haute autorité de santé (HAS) a publié mardi un "socle complet de recommandations" sur les dysthyroïdies (hypo et hyperthyroïdies), dont l'un des principaux objectifs est de diminuer les examens inutiles en proposant des prescriptions "en cascade" d'examens biologiques.

"Encore aujourd'hui, la prise en charge et le suivi [des dysthyroïdies] ne sont pas toujours optimaux", explique la HAS dans un communiqué. La présidente de la haute autorité, Dominique le Guludec, a mentionné lors d'une conférence de presse des pratiques "très hétérogènes".

Ce travail a été lancé en 2018 à la suite d'une saisine de la HAS par la direction générale de la santé (DGS). C'était après la crise liée aux effets indésirables de la nouvelle formulation de Levothyrox* (Merck AG), note-t-on. Mais surtout, c'était lié au constat d'une "surprescription des spécialités à base de lévothyroxine", d'une "fréquence élevée de recours à des thyroïdectomies à la suite d'une hyperthyroïdie" et d'une "hétérogénéité dans la prise en charge initiale des hyperthyroïdies". Avaient également été observées des "non-conformités dans les explorations thyroïdiennes".

Après la publication de premiers travaux concernant la pertinence des soins de l'hypothyroïdie (cf dépêche du 20/03/2019 à 11:33) et la pertinence des examens d'imagerie dans l'exploration des pathologies thyroïdiennes (dépêche du 29/09/2021 à 12:00), la HAS publie donc plus largement un "socle complet de recommandations".

En particulier, le Pr Jean-Michel Petit du CHU de Dijon, qui a présidé le groupe de travail, a mis en avant une clarification du processus de diagnostic des dysthyroïdies, avec une prescription "en cascade".

En cas de suspicion sur la base de symptômes évocateurs, après l'examen médical, en première intention, seul le dosage de la thyréostimuline (TSH) est suffisant. Si le taux de TSH est normal, on ne va pas plus loin. S'il est anormal, il est proposé que le prescripteur ait précisé "sur la même ordonnance" que des dosages complémentaires soient réalisés. Ils seront faits sur le même prélèvement sanguin.

Hypothyroïdies: TSH puis T4L en cascade

Pour les hypothyroïdies, le laboratoire de biologie dosera alors la tétra-iodothyronine libre (T4L). Cela permettra de "distinguer une hypothyroïdie avérée" nécessitant un traitement par lévothyroxine, d'une "hypothyroïdie fruste" dont le traitement devra "être discuté en prenant en compte le contexte clinique, le risque d'évoluer vers une forme avérée et le ressenti de la personne".

Ce protocole de prescription d'examens en cascade permettrait d'"éviter les dosages inutiles de T4 ou de T3 libres quand la TSH est normale" et aussi de faire revenir les patients pour d'autres prises de sang, ce qui actuellement est fréquemment pratiqué, a commenté le Pr Petit.

Il est précisé aussi dans les recommandations que le dosage des anticorps anti-TPO (thyroperoxydase) n'"est pas nécessaire pour le diagnostic d'hypothyroïdie". Il n'est utile qu'en cas de recherche d'une origine auto-immune.

De même, "les examens d'imagerie ne sont pas utiles dans la prise en charge de l'hypothyroïdie, excepté dans des indications précises" (notamment en cas de nodule ou adénopathie palpable, ou de signes de compression).

Les cas particuliers des personnes âgées et des femmes enceintes

Des recommandations sont également faites pour deux cas particuliers: les personnes âgées et les femmes enceintes. Pour les plus de 65 ans, "le diagnostic, le traitement et le suivi de l'hypothyroïdie doivent être adaptés". En raison de modifications progressives de la thyroïde, il est important "de distinguer ce qui relève d'un processus physiologique d'une pathologie thyroïdienne". Notamment, les valeurs de référence de la TSH augmentent avec l'âge.

Le Pr Petit a souligné le fait qu'il n'était pas nécessaire de dépister une hypothyroïdie chez toutes les personnes âgées, mais seulement en cas de "symptômes clinique évocateurs, de déclin cognitif récent ou aggravation de troubles neurocognitifs ou de traitement par amiodarone".

Chez les femmes enceintes qui ont une augmentation des besoins d'hormones thyroïdiennes, en raison d'un risque possible de complications pour la mère et le foetus en cas d'hypothyroïdie avérée, il est recommandé d'adapter les valeurs de référence de TSH pour le diagnostic.

Pour celles qui présentent déjà une hypothyroïdie traitée, il leur faut consulter rapidement un médecin dès la connaissance de la grossesse et, dans l'attente d'une consultation, dès les premières semaines de majorer elles-mêmes de 20% à 30% leur dose de lévothyroxine.

Quant aux femmes ayant un projet de grossesse, il est recommandé de doser la TSH en période préconceptionnelle ou en début de grossesse ainsi qu'en amont d'une procédure d'AMP.

Hyperthyroïdies: pas d'imagerie systématique

Concernant les hyperthyroïdies, "le dosage de la TSH est suffisant en première intention" pour confirmer le diagnostic. "D'autres examens biologiques peuvent être effectués en cascade pour compléter le diagnostic (hyperthyroïdie fruste ou avérée) et déterminer la cause de la maladie (maladie de Basedow, adénome toxique…)", précise la HAS.

Et surtout, "le recours à l'imagerie n'est utile que dans des cas précis, par exemple lorsque la palpation révèle des nodules ou des ganglions cervicaux suspects, ou lorsqu'un traitement radical est envisagé", c'est-à-dire un traitement par iode 131 ou une chirurgie. Et la scintigraphie "n'est pas indiquée dans le cadre du diagnostic d'une maladie de Basedow, la présence d'anticorps anti-récepteurs de la TSH suffisant à confirmer le diagnostic".

Quant au traitement de l'hyperthyroïdie, dont l'initiation "dépend de l'intensité de l'hyperthyroïdie, du contexte clinique ainsi que de la préférence du patient", il passe en première intention par des antithyroïdiens de synthèse dans le but de "restaurer un fonctionnement normal de la thyroïde". Les traitements radicaux, avec l'iode 131 en priorité, ne viennent qu'en deuxième intention en cas d'échec des antithyroïdiens. La chirurgie devrait être réservée à des cas particuliers comme les goitres volumineux ou des signes de malignité.

Actuellement, des chirurgies sont faites au-delà de ces recommandations, avec des variations régionales dans les pratiques. Sans donner de chiffres sur ces interventions en excès, Jean-Michel Petit a estimé que "c'est le rapport entre les chirurgies thyroïdiennes pour cancer et celles pour une autre cause pour donne une idée de si les pratiques sont bonnes". L'objectif est que la majorité des interventions le soient pour cancer.

Lors de la conférence de presse de la HAS était présente Béate Bartès, présidente de l'association de patients Vivre sans thyroïde et qui a participé au groupe de travail de la HAS sur les dysthyroïdies. Elle a souligné l'importance de "prendre en compte le ressenti des patients et leurs valeurs de bien-être" pour décider du traitement, car pour un même taux de TSH, le ressenti peut être très variable.

"La fatigue, la déprime, la douleur musculaire ne sont pas mesurables et il faut beaucoup écouter les patients", afin que la décision de traitement "soit bien partagée".

HAS, "Prise en charge des dysthyroïdies chez l'adulte", recommandations de bonnes pratiques

fb/nc/APMnews

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites.