Actualités de l'Urgence - APM

06/12 2021
Retour

RESPONSABILITÉ MÉDICALE: UNE SARL D'IMAGERIE N'EST PAS UN ÉTABLISSEMENT DE SOINS

PARIS, 6 décembre 2021 (APMnews) - Une SARL constituée par des radiologues pour leur activité ne constitue pas un établissement de soins soumis à une responsabilité de plein droit au titre des dommages résultant d'infections nosocomiales, a tranché la Cour de cassation début novembre.

Dans cet arrêt, publié au bulletin de la Cour de cassation, la première chambre civile précise parallèlement que la responsabilité de plein droit des établissements de santé s'étend aux infections nosocomiales survenues au sein des sociétés d'imagerie qui sont considérées comme le service de radiologie de ces établissements.

L'affaire concernait un patient victime d'une infection nosocomiale au décours d'un arthro-scanner d'une épaule réalisé en août 2010 dans les locaux d'une SARL d'exploitation de matériel d'imagerie médicale et de radiothérapie de Bastia, qui assurait par convention les interventions d'une clinique attenante.

Le patient avait par la suite assigné en responsabilité et indemnisation le praticien, la SARL d'imagerie et la clinique, situés à la même adresse.

La cour d'appel (CA) de Bastia avait condamné la clinique et son assureur Sham (groupe Relyens), à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Haute-Corse une partie des dépenses de santé du patient, ainsi qu'à indemniser le patient au titre du préjudice corporel.

Dans son arrêt de février 2017, la CA avait écarté la responsabilité du médecin et de sa société d'imagerie, en application de l'article L1142-1 du code de la santé publique.

Cet article pose le principe d'une responsabilité des professionnels en cas de faute, et une responsabilité de plein droit des établissements et services de santé pour les dommages résultant d'infections nosocomiales, à moins qu'ils ne démontrent l'existence d'une cause étrangère.

En l'espèce, la CA de Bastia avait relevé d'office l'existence d'une cause étrangère découlant de ce que la société, qui assurait tous les besoins de la clinique en matière de scanner, devait être considérée comme le service de radiologie de l'établissement de santé, lui-même soumis au régime de l'article L1142-1 du code de la santé publique pour les infections nosocomiales qui s'y produisent.

Saisie d'un pourvoi par la clinique et l'assureur, la Cour de cassation avait cassé cette décision en septembre 2018 pour violation du principe du contradictoire, faute pour la juridiction d'appel d'avoir averti les parties qu'elle entendait soulever ce moyen d'office, et de s'être assurée de l'opposabilité de certaines expertises.

Dans un arrêt de septembre 2019 pris à l'issue du renvoi, la CA d'Aix-en-Provence avait eu une analyse différente de la CA de Bastia en mettant hors de cause la clinique et son assureur, déclarant la société d'imagerie seule responsable des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale et la condamnant à indemniser le patient pour son entier préjudice.

A nouveau saisie d'un pourvoi, la Cour de cassation a invalidé l'analyse de la CA d'Aix-en-Provence et approuvé celle de la CA de Bastia.

Dans son arrêt, la première chambre civile relève que les établissements, services et organismes de santé énumérés au livre trois de la deuxième partie, et aux différents livres de la sixième partie du code de la santé publique "sont notamment tenus […] de mettre en oeuvre une politique d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d'organiser la lutte contre les événements indésirables, les infections associées aux soins et l'iatrogénie".

Ces établissements et services "se distinguent des sociétés professionnelles qui permettent la fourniture de certains moyens aux professions médicales ou l'exercice en commun de ces professions", souligne la Cour de cassation.

"Il en résulte qu'une SARL, qui est constituée par des médecins radiologues pour exercer leur profession et a pour activité l'exploitation, l'achat, la vente et la location de matériel d'imagerie médicale et de radiothérapie, ne peut être considérée comme un établissement au sens de l'article L1142-1, I, du code la santé publique, soumis à une responsabilité de plein droit au titre des dommages résultant d'infections nosocomiales", tranche-t-elle.

Analyser les liens entre la SARL d'imagerie et la clinique

Par ailleurs, dans un deuxième point, la Cour de cassation rappelle que cette responsabilité de plein droit des établissements de santé "s'étend aux infections nosocomiales survenues au sein des sociétés de radiologie qui sont considérées comme leur service de radiologie".

En l'espèce, pour retenir la seule responsabilité de la SARL d'imagerie, la CA d'Aix-en-Provence estimait qu'elle exerçait son activité "dans une indépendance certaine vis-à-vis de la clinique et dans des locaux propres loués à une personne tierce, qu'elle dispose de ses propres circuits d'approvisionnement des dispositifs médicaux stériles, personnel de nettoyage, protocoles d'asepsie et matériel de radiologie".

Elle estimait aussi que si le scanner était "mis à disposition de tous les praticiens intervenant au sein de la clinique selon un protocole fixant des règles destinées à faciliter le fonctionnement de la coopération entre la société et la clinique", les praticiens pouvaient "adresser leurs patients à d'autres établissements, en l'absence d'exclusivité au profit de la société, de sorte qu'elle ne constitue pas le centre de radiologie de la clinique".

La Cour de cassation a là encore invalidé le raisonnement de la cour d'appel, en relevant qu'elle aurait dû rechercher si cette qualité ne se déduisait pas du protocole conclu entre la SARL et la clinique pour le fonctionnement du scanner.

Ainsi, ce protocole conclu pour le fonctionnement du service du scanner prévoyait "que la société était tenue d'assurer la permanence des soins des patients hospitalisés ou consultants à la clinique, par la mise en place, sous son contrôle, d'un planning de gardes et d'astreintes des radiologues et manipulateurs".

La Cour de cassation a donc annulé la décision de la CA d'Aix-en-Provence, en renvoyant l'affaire devant une troisième juridiction d'appel, la CA de Lyon.

(Cour de cassation, 10 novembre 2021, pourvoi n°19-24.227)

vg/nc/APMnews

Les données APM Santé sont la propriété de APM International. Toute copie, republication ou redistribution des données APM Santé, notamment via la mise en antémémoire, l'encadrement ou des moyens similaires, est expressément interdite sans l'accord préalable écrit de APM. APM ne sera pas responsable des erreurs ou des retards dans les données ou de toutes actions entreprises en fonction de celles-ci ou toutes décisions prises sur la base du service. APM, APM Santé et le logo APM International, sont des marques d'APM International dans le monde. Pour de plus amples informations sur les autres services d'APM, veuillez consulter le site Web public d'APM à l'adresse www.apmnews.com

Copyright © APM-Santé - Tous droits réservés.

Informations professionnelles

06/12 2021
Retour

RESPONSABILITÉ MÉDICALE: UNE SARL D'IMAGERIE N'EST PAS UN ÉTABLISSEMENT DE SOINS

PARIS, 6 décembre 2021 (APMnews) - Une SARL constituée par des radiologues pour leur activité ne constitue pas un établissement de soins soumis à une responsabilité de plein droit au titre des dommages résultant d'infections nosocomiales, a tranché la Cour de cassation début novembre.

Dans cet arrêt, publié au bulletin de la Cour de cassation, la première chambre civile précise parallèlement que la responsabilité de plein droit des établissements de santé s'étend aux infections nosocomiales survenues au sein des sociétés d'imagerie qui sont considérées comme le service de radiologie de ces établissements.

L'affaire concernait un patient victime d'une infection nosocomiale au décours d'un arthro-scanner d'une épaule réalisé en août 2010 dans les locaux d'une SARL d'exploitation de matériel d'imagerie médicale et de radiothérapie de Bastia, qui assurait par convention les interventions d'une clinique attenante.

Le patient avait par la suite assigné en responsabilité et indemnisation le praticien, la SARL d'imagerie et la clinique, situés à la même adresse.

La cour d'appel (CA) de Bastia avait condamné la clinique et son assureur Sham (groupe Relyens), à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Haute-Corse une partie des dépenses de santé du patient, ainsi qu'à indemniser le patient au titre du préjudice corporel.

Dans son arrêt de février 2017, la CA avait écarté la responsabilité du médecin et de sa société d'imagerie, en application de l'article L1142-1 du code de la santé publique.

Cet article pose le principe d'une responsabilité des professionnels en cas de faute, et une responsabilité de plein droit des établissements et services de santé pour les dommages résultant d'infections nosocomiales, à moins qu'ils ne démontrent l'existence d'une cause étrangère.

En l'espèce, la CA de Bastia avait relevé d'office l'existence d'une cause étrangère découlant de ce que la société, qui assurait tous les besoins de la clinique en matière de scanner, devait être considérée comme le service de radiologie de l'établissement de santé, lui-même soumis au régime de l'article L1142-1 du code de la santé publique pour les infections nosocomiales qui s'y produisent.

Saisie d'un pourvoi par la clinique et l'assureur, la Cour de cassation avait cassé cette décision en septembre 2018 pour violation du principe du contradictoire, faute pour la juridiction d'appel d'avoir averti les parties qu'elle entendait soulever ce moyen d'office, et de s'être assurée de l'opposabilité de certaines expertises.

Dans un arrêt de septembre 2019 pris à l'issue du renvoi, la CA d'Aix-en-Provence avait eu une analyse différente de la CA de Bastia en mettant hors de cause la clinique et son assureur, déclarant la société d'imagerie seule responsable des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale et la condamnant à indemniser le patient pour son entier préjudice.

A nouveau saisie d'un pourvoi, la Cour de cassation a invalidé l'analyse de la CA d'Aix-en-Provence et approuvé celle de la CA de Bastia.

Dans son arrêt, la première chambre civile relève que les établissements, services et organismes de santé énumérés au livre trois de la deuxième partie, et aux différents livres de la sixième partie du code de la santé publique "sont notamment tenus […] de mettre en oeuvre une politique d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d'organiser la lutte contre les événements indésirables, les infections associées aux soins et l'iatrogénie".

Ces établissements et services "se distinguent des sociétés professionnelles qui permettent la fourniture de certains moyens aux professions médicales ou l'exercice en commun de ces professions", souligne la Cour de cassation.

"Il en résulte qu'une SARL, qui est constituée par des médecins radiologues pour exercer leur profession et a pour activité l'exploitation, l'achat, la vente et la location de matériel d'imagerie médicale et de radiothérapie, ne peut être considérée comme un établissement au sens de l'article L1142-1, I, du code la santé publique, soumis à une responsabilité de plein droit au titre des dommages résultant d'infections nosocomiales", tranche-t-elle.

Analyser les liens entre la SARL d'imagerie et la clinique

Par ailleurs, dans un deuxième point, la Cour de cassation rappelle que cette responsabilité de plein droit des établissements de santé "s'étend aux infections nosocomiales survenues au sein des sociétés de radiologie qui sont considérées comme leur service de radiologie".

En l'espèce, pour retenir la seule responsabilité de la SARL d'imagerie, la CA d'Aix-en-Provence estimait qu'elle exerçait son activité "dans une indépendance certaine vis-à-vis de la clinique et dans des locaux propres loués à une personne tierce, qu'elle dispose de ses propres circuits d'approvisionnement des dispositifs médicaux stériles, personnel de nettoyage, protocoles d'asepsie et matériel de radiologie".

Elle estimait aussi que si le scanner était "mis à disposition de tous les praticiens intervenant au sein de la clinique selon un protocole fixant des règles destinées à faciliter le fonctionnement de la coopération entre la société et la clinique", les praticiens pouvaient "adresser leurs patients à d'autres établissements, en l'absence d'exclusivité au profit de la société, de sorte qu'elle ne constitue pas le centre de radiologie de la clinique".

La Cour de cassation a là encore invalidé le raisonnement de la cour d'appel, en relevant qu'elle aurait dû rechercher si cette qualité ne se déduisait pas du protocole conclu entre la SARL et la clinique pour le fonctionnement du scanner.

Ainsi, ce protocole conclu pour le fonctionnement du service du scanner prévoyait "que la société était tenue d'assurer la permanence des soins des patients hospitalisés ou consultants à la clinique, par la mise en place, sous son contrôle, d'un planning de gardes et d'astreintes des radiologues et manipulateurs".

La Cour de cassation a donc annulé la décision de la CA d'Aix-en-Provence, en renvoyant l'affaire devant une troisième juridiction d'appel, la CA de Lyon.

(Cour de cassation, 10 novembre 2021, pourvoi n°19-24.227)

vg/nc/APMnews

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites.