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23/12 2020
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RETRAIT PRÉCIPITÉ DE L'ORDRE DU JOUR DU PROJET DE LOI INSTITUANT UN RÉGIME PÉRENNE DE GESTION DES URGENCES SANITAIRES

PARIS, 23 décembre 2020 (APMnews) - Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a annoncé mardi soir sur TF1 le retrait de l'ordre du jour parlementaire du projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires, présenté la veille en conseil des ministres et accusé d'imposer de facto la vaccination contre le Covid-19.

"Dans le contexte que nous connaissons, parce qu'il faut de la confiance pour que les Français se fassent vacciner librement, parce que nous sommes encore en état de crise sanitaire et parce qu'il y a un couvre-feu, le gouvernement ne proposera pas ce texte devant le Parlement avant plusieurs mois, avant d'être sortis de la crise", a annoncé Olivier Véran, invité du journal télévisé de TF1.

"Le texte n'est pas retiré; il a été présenté en conseil des ministres, il n'est pas présenté au Parlement pour examen pour l'instant -pas dans les prochains mois, ce n'est pas le moment de faire cela. Mais je le redis, la vaccination contre le Covid ne sera pas obligatoire", a-t-il ajouté.

Ce texte, annoncé fin septembre (cf dépêche du 23/09/2020 à 15:47), présenté lundi en conseil des ministres par le premier ministre, Jean Castex, a été déposé à l'Assemblée nationale dans la foulée, qui devait l'examiner en première lecture et en séance publique le 19 janvier 2021 (cf dépêche du 21/12/2020 à 18:24).

L'objectif est d'inscrire de manière pérenne dans le code de la santé publique deux régimes juridiques distincts pour gérer l'urgence sanitaire (un "état de crise sanitaire" et un "état d'urgence sanitaire").

En effet, la loi du 23 mars d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 avait prévu, à la demande du Sénat, la caducité des dispositions encadrant l'état d'urgence sanitaire au 1er avril 2021, afin de pouvoir en réviser les contours à la lumière des enseignements de la crise sanitaire (cf dépêche du 22/03/2020 à 22:10).

Mis en ligne lundi soir sur le site de l'Assemblée nationale, accompagné de l'avis du Conseil d'Etat, le texte a toutefois soulevé une vive polémique en raison de dispositions élargissant les pouvoirs du premier ministre dans le futur régime d'état d'urgence sanitaire.

Des prérogatives étendues dans le régime proposé

Le texte prévoit ainsi que le chef du gouvernement puisse "subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif".

Dans son avis, le Conseil d'Etat relève que ces prérogatives vont bien au-delà de celles qui sont actuellement autorisées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, qui n'imposent un dépistage préalable que pour l’accès à certains moyens de transport aérien.

Sans y être opposé, le Conseil d’Etat estimait que, "sans être par elle-même assimilable à une obligation de soins, une telle mesure peut, si notamment elle conditionne la possibilité de sortir de son domicile, avoir des effets équivalents". Cette mesure "justifie, à ce titre, un strict examen préalable de nécessité et de proportionnalité, dans son principe comme dans son étendue et ses modalités de mise en oeuvre, au vu des données scientifiques disponibles".

Ces dispositions ont suscité de vigoureuses réactions à droite de l'échiquier politique.

L'extrême droite en pointe de la contestation, la majorité déboussolée

L'ancienne députée d'extrême-droite Marion Maréchal a ainsi accusé le gouvernement de vouloir "transformer les non-vaccinés en citoyens de seconde zone" et appelé les internautes à défendre leurs "libertés", dans un message diffusé sur le réseau social Twitter et fortement relayé.

"Réduire les libertés des non-vaccinés, c’est rendre de facto la vaccination obligatoire", a réagi Philippe Juvin, chef des urgences à l'hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP) et maire Les Républicains (LR) de la Garenne (Hauts-de-Seine), ajoutant que le gouvernement devait s'appliquer à convaincre les citoyens plutôt que de rendre la vaccination obligatoire.

"Que le gouvernement envisage que le premier ministre dispose seul des libertés les plus fondamentales est très préoccupant. Aucune bonne intention ne justifie pareille disposition", a averti le chef du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau (Vendée).

Mardi en début d'après-midi, la majorité s'efforçait encore de défendre le texte dans une certaine confusion.

Sacha Houlié (LREM, Vienne) corapporteur avec Philippe Gosselin (LR, Manche) d'une mission flash de réflexion sur le futur régime juridique de gestion de l'urgence sanitaire, a rappelé sur les réseaux sociaux que le projet de loi ne concernait pas l'état d'urgence sanitaire courant jusqu'au 16 février 2021.

Il soulignait que les mesures proposées devraient "être limitées à certains lieux ou certaines activités, de sorte que l'on peut raisonnablement affirmer que ces obligations pourraient concerner les visites en Ehpad [et] seraient disproportionnées si imposées pour les cinés, musées, théâtres, etc.", invitant à faire confiance au Parlement dans le contrôle et l'examen du texte.

Le projet de loi "doit tirer des enseignements de la crise actuelle pour mieux nous préparer à l’avenir. Les députés [LREM] y veilleront, pour lever toutes les ambiguïtés si besoin. Non, la vaccination contre la Covid ne sera pas obligatoire", assurait par ailleurs Christophe Castaner (Alpes-de-Haute-Provence), chef du groupe LREM à l'Assemblée nationale.

Mais après l'annonce d'Olivier Véran, le député a finalement indiqué en milieu de soirée qu'afin d’"éviter toute confusion, le projet de loi ne sera examiné par le Parlement qu'une fois la crise sanitaire passée. Il sera adapté le moment venu, avec un objectif: nous préparer à d'éventuelles nouvelles crises."

Sollicité mercredi par APMnews, le rapporteur désigné sur le texte, Guillaume Gouffier-Cha (LREM, Val-de-Marne), a estimé que le gouvernement avait pris "une sage décision", afin d'éviter toute confusion au moment où la priorité était de lancer la campagne de vaccination contre le Sars-CoV-2 et de gagner la confiance des Français.

Il a déploré l'instrumentalisation des dispositions en cause, et la "diabolisation de la vaccination" par l'extrême droite.

Interrogé sur le devenir du texte et celui du cadre temporaire actuel de l'état d'urgence sanitaire, le député a jugé que le Parlement serait sans doute contraint d'oeuvrer par prorogations successives des dispositions actuelles, avant de pouvoir examiner le projet de loi "quand la crise sera derrière nous", la détermination du moment relevant désormais d'un choix politique.

vg/nc/APMnews

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PARIS, 23 décembre 2020 (APMnews) - Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a annoncé mardi soir sur TF1 le retrait de l'ordre du jour parlementaire du projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires, présenté la veille en conseil des ministres et accusé d'imposer de facto la vaccination contre le Covid-19.

"Dans le contexte que nous connaissons, parce qu'il faut de la confiance pour que les Français se fassent vacciner librement, parce que nous sommes encore en état de crise sanitaire et parce qu'il y a un couvre-feu, le gouvernement ne proposera pas ce texte devant le Parlement avant plusieurs mois, avant d'être sortis de la crise", a annoncé Olivier Véran, invité du journal télévisé de TF1.

"Le texte n'est pas retiré; il a été présenté en conseil des ministres, il n'est pas présenté au Parlement pour examen pour l'instant -pas dans les prochains mois, ce n'est pas le moment de faire cela. Mais je le redis, la vaccination contre le Covid ne sera pas obligatoire", a-t-il ajouté.

Ce texte, annoncé fin septembre (cf dépêche du 23/09/2020 à 15:47), présenté lundi en conseil des ministres par le premier ministre, Jean Castex, a été déposé à l'Assemblée nationale dans la foulée, qui devait l'examiner en première lecture et en séance publique le 19 janvier 2021 (cf dépêche du 21/12/2020 à 18:24).

L'objectif est d'inscrire de manière pérenne dans le code de la santé publique deux régimes juridiques distincts pour gérer l'urgence sanitaire (un "état de crise sanitaire" et un "état d'urgence sanitaire").

En effet, la loi du 23 mars d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 avait prévu, à la demande du Sénat, la caducité des dispositions encadrant l'état d'urgence sanitaire au 1er avril 2021, afin de pouvoir en réviser les contours à la lumière des enseignements de la crise sanitaire (cf dépêche du 22/03/2020 à 22:10).

Mis en ligne lundi soir sur le site de l'Assemblée nationale, accompagné de l'avis du Conseil d'Etat, le texte a toutefois soulevé une vive polémique en raison de dispositions élargissant les pouvoirs du premier ministre dans le futur régime d'état d'urgence sanitaire.

Des prérogatives étendues dans le régime proposé

Le texte prévoit ainsi que le chef du gouvernement puisse "subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif".

Dans son avis, le Conseil d'Etat relève que ces prérogatives vont bien au-delà de celles qui sont actuellement autorisées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, qui n'imposent un dépistage préalable que pour l’accès à certains moyens de transport aérien.

Sans y être opposé, le Conseil d’Etat estimait que, "sans être par elle-même assimilable à une obligation de soins, une telle mesure peut, si notamment elle conditionne la possibilité de sortir de son domicile, avoir des effets équivalents". Cette mesure "justifie, à ce titre, un strict examen préalable de nécessité et de proportionnalité, dans son principe comme dans son étendue et ses modalités de mise en oeuvre, au vu des données scientifiques disponibles".

Ces dispositions ont suscité de vigoureuses réactions à droite de l'échiquier politique.

L'extrême droite en pointe de la contestation, la majorité déboussolée

L'ancienne députée d'extrême-droite Marion Maréchal a ainsi accusé le gouvernement de vouloir "transformer les non-vaccinés en citoyens de seconde zone" et appelé les internautes à défendre leurs "libertés", dans un message diffusé sur le réseau social Twitter et fortement relayé.

"Réduire les libertés des non-vaccinés, c’est rendre de facto la vaccination obligatoire", a réagi Philippe Juvin, chef des urgences à l'hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP) et maire Les Républicains (LR) de la Garenne (Hauts-de-Seine), ajoutant que le gouvernement devait s'appliquer à convaincre les citoyens plutôt que de rendre la vaccination obligatoire.

"Que le gouvernement envisage que le premier ministre dispose seul des libertés les plus fondamentales est très préoccupant. Aucune bonne intention ne justifie pareille disposition", a averti le chef du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau (Vendée).

Mardi en début d'après-midi, la majorité s'efforçait encore de défendre le texte dans une certaine confusion.

Sacha Houlié (LREM, Vienne) corapporteur avec Philippe Gosselin (LR, Manche) d'une mission flash de réflexion sur le futur régime juridique de gestion de l'urgence sanitaire, a rappelé sur les réseaux sociaux que le projet de loi ne concernait pas l'état d'urgence sanitaire courant jusqu'au 16 février 2021.

Il soulignait que les mesures proposées devraient "être limitées à certains lieux ou certaines activités, de sorte que l'on peut raisonnablement affirmer que ces obligations pourraient concerner les visites en Ehpad [et] seraient disproportionnées si imposées pour les cinés, musées, théâtres, etc.", invitant à faire confiance au Parlement dans le contrôle et l'examen du texte.

Le projet de loi "doit tirer des enseignements de la crise actuelle pour mieux nous préparer à l’avenir. Les députés [LREM] y veilleront, pour lever toutes les ambiguïtés si besoin. Non, la vaccination contre la Covid ne sera pas obligatoire", assurait par ailleurs Christophe Castaner (Alpes-de-Haute-Provence), chef du groupe LREM à l'Assemblée nationale.

Mais après l'annonce d'Olivier Véran, le député a finalement indiqué en milieu de soirée qu'afin d’"éviter toute confusion, le projet de loi ne sera examiné par le Parlement qu'une fois la crise sanitaire passée. Il sera adapté le moment venu, avec un objectif: nous préparer à d'éventuelles nouvelles crises."

Sollicité mercredi par APMnews, le rapporteur désigné sur le texte, Guillaume Gouffier-Cha (LREM, Val-de-Marne), a estimé que le gouvernement avait pris "une sage décision", afin d'éviter toute confusion au moment où la priorité était de lancer la campagne de vaccination contre le Sars-CoV-2 et de gagner la confiance des Français.

Il a déploré l'instrumentalisation des dispositions en cause, et la "diabolisation de la vaccination" par l'extrême droite.

Interrogé sur le devenir du texte et celui du cadre temporaire actuel de l'état d'urgence sanitaire, le député a jugé que le Parlement serait sans doute contraint d'oeuvrer par prorogations successives des dispositions actuelles, avant de pouvoir examiner le projet de loi "quand la crise sera derrière nous", la détermination du moment relevant désormais d'un choix politique.

vg/nc/APMnews

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