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10/06 2022
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SYSTÈMES D'INFORMATION DES SAMU: LE PROJET DE LOGICIEL DE RÉGULATION MÉDICALE NATIONAL EST ABANDONNÉ

(Jean-Yves PAILLÉ, au congrès Urgences 2022)

PARIS, 10 juin 2022 (APMnews) - La direction générale de l'offre de soins (DGOS) a annoncé une réorientation du programme de modernisation des systèmes d'information (SI) Samu, avec notamment l'abandon du projet de logiciel de régulation médicale (LRM) national, provoquant l'incompréhension des professionnels de santé des urgences présents, lors du congrès Urgences 2022 à Paris, vendredi matin.

Sylvie Escalon, sous-directrice de la régulation de l'offre de soins à la DGOS, a expliqué que le programme national SI Samu a été réorienté pour "devenir une plateforme nationale, dans la logique d'Etat-plateforme et dans le contexte du SAS [service d'accès aux soins]", lors d'une conférence des Samu.

Le bandeau de communication, le portail SI-Samu et l'opérateur de téléphonie nationale (OTN) sont conservés, tandis que le logiciel de régulation médicale national est abandonné. Cela implique un interfaçage avec les outils existants, dont les LRM éditeurs.

Les principes directeurs de cette réorientation sont "d'assurer la tenue des niveaux de service, la résilience et la sécurité de la solution", de "poursuivre le déploiement du bandeau et faire évoluer ses fonctionnalités, avec celles du portail", ou encore de "définir une feuille de route pour l'élaboration et l'interfaçage de nouveaux modules et services", a-t-elle avancé.

Sylvie Escalon a évoqué, parmi les enjeux dans le cadre de cette réorientation, les besoins fonctionnels urgents des Samu et les situations de fragilité technique sur certaines infrastructures concourant à la prise d'appel, l'apparition de nouveaux besoins liés à la mise en place des SAS et une nécessité de renouveler les marchés de construction/hébergement/exploitation du programme systèmes d'information Samu.

Également, explique Sylvie Escalon, il s'agit de "travailler [sur] les opportunités de mutualisation de services techniques", comme "les infrastructures et les télécoms", "avec les autres plateformes d'urgence, dans l'objectif d'organisation des coûts associés sans toucher aux spécificités métiers".

Enfin, la sous-directrice de la régulation de l'offre de soins à la DGOS a annoncé une nouvelle gouvernance "clarifiée" du programme SI-Samu. Elle comprend notamment un comité de programme élargi sur le plan stratégique qui se réunira "tous les six mois". Cette instance de "pilotage stratégique" compte la DGOS, l'Agence du numérique en santé (ANS), la délégation ministérielle au numérique en santé (DNS), les représentants de médecine d'urgence et ceux de médecine libérale.

Sylvie Escalon a précisé que ce comité aura pour objectif de rapprocher les représentants métiers, institutionnels et opérationnels du programme pour faciliter les arbitrages stratégiques sur celui-ci.

Elle a fait valoir que cette nouvelle gouvernance a été définie pour "plus d'efficacité et de proximité avec les besoins métiers dans les prises de décision".

Sur le plan opérationnel, sera créé un comité éditeurs pour "construire une nouvelle collaboration entre les éditeurs et le programme", tandis que les comités partenaires avec les acteurs institutionnels du secours et de l'urgence seront maintenus, à l'instar du comité de suivi avec les agences régionales de santé (ARS) sur la construction de la trajectoire de déploiement et de modernisation des SI Samu et d'information sur l'avancement du programme national.

La représentante de la DGOS a en outre évoqué la simplification des comités métiers afin de "ne conserver que les instances de construction des spécifications".

Caroline Le Gloan, cheffe de bureau systèmes d'information des acteurs de l'offre de soins à la DGOS, a quant à elle exposé deux axes d'accompagnement dans le cadre du programme réorienté.

Le premier axe concerne un soutien financier "à la modernisation" des SI des Samu et des SAS. Ce soutien doit permettre aux Samu/SAS de se doter d'une version de LRM interfacé avec le bandeau téléphonique national SI Samu sur la période 2022-fin 2024. L'enveloppe proviendra d'une délégation de crédits du Fonds pour la modernisation et l'investissement en santé (FMIS).

Les Samu "en situation de fragilité technique" (pour le fonctionnement du LRM ou les infrastructures/systèmes concourant à la prise des appels du Samu/SAS) bénéficieront aussi d'un soutien financier "dans le cas où le coût du maintien en condition opérationnelle ne peut pas être complètement assuré par le financement versé à l'établissement de santé siège du Samu via le MIG [dotation missions d'intérêt général] Samu".

Un second axe d'accompagnement portera sur une animation autour de la modernisation des LRM des Samu et SAS. Caroline Le Gloan a indiqué qu'il existe actuellement cinq éditeurs avec "des solutions technico-fonctionnelles variées" en matière de LRM.

Elle a ajouté que les Samu comptent des versions diverses de LRM, et que, si la construction du LRM national est abandonnée, "les besoins fonctionnels demeurent".

La représentante de la DGOS a mentionné l'entrée en vigueur pour cette année de l'interface entre le LRM et la plateforme numérique SAS, ainsi que l'adaptation des LRM aux "nouveaux besoins".

Un groupe de travail sera mis en place pour "identifier les perspectives autour des LRM éditeurs". Les résultats sont attendus pour le premier trimestre 2023.

Parmi les réalisations de ces derniers mois figure le "déploiement réussi" du bandeau de communication SF4 mi-2020 au Samu de Mulhouse, "premier pilote". Il s'agit d'un outil graphique de gestion des appels: les transferts, les mises en attente, entre autres (cf dépêche du 09/06/2020 à 10:20).

Également, 83 Samu et 10 ARS sont connectés au portail SI-Samu, et 27 Samu sont engagés sur le déploiement de l'outil OTN. Autre réalisation à relever: l'homologation sécurité de la solution SI-Samu en septembre 2021 pour trois ans.

Déception des urgentistes après plusieurs années de travail en vue d'un LRM unique

Une dizaine de professionnels de santé (médecins urgentistes, assistants de régulation médicale -ARM-,...), travaillant dans le monde des urgences et présents lors de la conférence sont intervenus tour à tour.

Ils ont tous fait part de leur désapprobation concernant la réorientation du programme national, déplorant en particulier l'abandon du LRM national, qui implique "des obstacles en plus dans la pratique quotidienne", selon certains, ou encore "un recul de dix ans", selon d'autres.

Ils ont fait part de leur incompréhension après plus de dix ans travail avec l'ANS (ex-Asip) ou encore la DGOS, dans le cadre de la modernisation du SI des Samu.

Les travaux sur la modernisation du SI des Samu ont débuté en juillet 2010 après la remise du rapport relatif "à la modernisation des Samu" par le Dr Pierre Mardegan et sont entrés dans leur phase de réalisation en juin 2014, rappelle-t-on (cf dépêche du 08/01/2015 à 17:49).

Des professionnels de santé ont également souligné la nécessité de développer un "outil unique" pour pouvoir travailler ensemble, estimant que des LRM locaux nuisent à l'objectif d'aller "au-delà de la départementalité", bloquant les évolutions organisationnelles futures nécessaires en raison des difficultés démographiques médicales.

Certains acteurs de santé présents dans la salle ont également fait part de leurs craintes de subir des coûts financiers importants dans leur établissement, dus aux tarifs des éditeurs pour l'intégration des LRM locaux.

François Braun, président de Samu-Urgences de France et conseiller santé d'Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, a estimé qu'il "faut revenir aux fondamentaux du programme" avec "l'interopérabilité, le soutien et l'entraide" et "la possibilité de faire des travaux de recherche et d'avoir des données homogènes, communes et cohérentes entre l'ensemble des plateformes de régulation médicale". Cela doit se faire "demain" et "pas dans dix ans".

Il a considéré que le programme présenté "ne répond plus aux objectifs initiaux". François Braun a également demandé que la gouvernance métier "reprenne" toute sa place.

Répondant aux multiples critiques, Sylvie Escalon a rappelé que "le programme était complexe" et qu'on avait "des délais de retard". Elle a souligné qu'un audit a été lancé, demandé par Matignon, en raison de ce retard du programme, ce qui a contribué à mener à ce scénario de réorientation. Elle a souligné que ce choix était "une décision politique" prise au niveau "interministériel".

Elle a également rappelé que la Cour des comptes s'était déclarée défavorable au projet de modernisation des systèmes d'information des Samu. Les sages de la rue Cambon l'ont jugé "long, coûteux et risqué", selon un rapport publié en octobre 2020 (cf dépêche du 14/10/2020 à 18:13).

jyp/ab/APMnews

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(Jean-Yves PAILLÉ, au congrès Urgences 2022)

PARIS, 10 juin 2022 (APMnews) - La direction générale de l'offre de soins (DGOS) a annoncé une réorientation du programme de modernisation des systèmes d'information (SI) Samu, avec notamment l'abandon du projet de logiciel de régulation médicale (LRM) national, provoquant l'incompréhension des professionnels de santé des urgences présents, lors du congrès Urgences 2022 à Paris, vendredi matin.

Sylvie Escalon, sous-directrice de la régulation de l'offre de soins à la DGOS, a expliqué que le programme national SI Samu a été réorienté pour "devenir une plateforme nationale, dans la logique d'Etat-plateforme et dans le contexte du SAS [service d'accès aux soins]", lors d'une conférence des Samu.

Le bandeau de communication, le portail SI-Samu et l'opérateur de téléphonie nationale (OTN) sont conservés, tandis que le logiciel de régulation médicale national est abandonné. Cela implique un interfaçage avec les outils existants, dont les LRM éditeurs.

Les principes directeurs de cette réorientation sont "d'assurer la tenue des niveaux de service, la résilience et la sécurité de la solution", de "poursuivre le déploiement du bandeau et faire évoluer ses fonctionnalités, avec celles du portail", ou encore de "définir une feuille de route pour l'élaboration et l'interfaçage de nouveaux modules et services", a-t-elle avancé.

Sylvie Escalon a évoqué, parmi les enjeux dans le cadre de cette réorientation, les besoins fonctionnels urgents des Samu et les situations de fragilité technique sur certaines infrastructures concourant à la prise d'appel, l'apparition de nouveaux besoins liés à la mise en place des SAS et une nécessité de renouveler les marchés de construction/hébergement/exploitation du programme systèmes d'information Samu.

Également, explique Sylvie Escalon, il s'agit de "travailler [sur] les opportunités de mutualisation de services techniques", comme "les infrastructures et les télécoms", "avec les autres plateformes d'urgence, dans l'objectif d'organisation des coûts associés sans toucher aux spécificités métiers".

Enfin, la sous-directrice de la régulation de l'offre de soins à la DGOS a annoncé une nouvelle gouvernance "clarifiée" du programme SI-Samu. Elle comprend notamment un comité de programme élargi sur le plan stratégique qui se réunira "tous les six mois". Cette instance de "pilotage stratégique" compte la DGOS, l'Agence du numérique en santé (ANS), la délégation ministérielle au numérique en santé (DNS), les représentants de médecine d'urgence et ceux de médecine libérale.

Sylvie Escalon a précisé que ce comité aura pour objectif de rapprocher les représentants métiers, institutionnels et opérationnels du programme pour faciliter les arbitrages stratégiques sur celui-ci.

Elle a fait valoir que cette nouvelle gouvernance a été définie pour "plus d'efficacité et de proximité avec les besoins métiers dans les prises de décision".

Sur le plan opérationnel, sera créé un comité éditeurs pour "construire une nouvelle collaboration entre les éditeurs et le programme", tandis que les comités partenaires avec les acteurs institutionnels du secours et de l'urgence seront maintenus, à l'instar du comité de suivi avec les agences régionales de santé (ARS) sur la construction de la trajectoire de déploiement et de modernisation des SI Samu et d'information sur l'avancement du programme national.

La représentante de la DGOS a en outre évoqué la simplification des comités métiers afin de "ne conserver que les instances de construction des spécifications".

Caroline Le Gloan, cheffe de bureau systèmes d'information des acteurs de l'offre de soins à la DGOS, a quant à elle exposé deux axes d'accompagnement dans le cadre du programme réorienté.

Le premier axe concerne un soutien financier "à la modernisation" des SI des Samu et des SAS. Ce soutien doit permettre aux Samu/SAS de se doter d'une version de LRM interfacé avec le bandeau téléphonique national SI Samu sur la période 2022-fin 2024. L'enveloppe proviendra d'une délégation de crédits du Fonds pour la modernisation et l'investissement en santé (FMIS).

Les Samu "en situation de fragilité technique" (pour le fonctionnement du LRM ou les infrastructures/systèmes concourant à la prise des appels du Samu/SAS) bénéficieront aussi d'un soutien financier "dans le cas où le coût du maintien en condition opérationnelle ne peut pas être complètement assuré par le financement versé à l'établissement de santé siège du Samu via le MIG [dotation missions d'intérêt général] Samu".

Un second axe d'accompagnement portera sur une animation autour de la modernisation des LRM des Samu et SAS. Caroline Le Gloan a indiqué qu'il existe actuellement cinq éditeurs avec "des solutions technico-fonctionnelles variées" en matière de LRM.

Elle a ajouté que les Samu comptent des versions diverses de LRM, et que, si la construction du LRM national est abandonnée, "les besoins fonctionnels demeurent".

La représentante de la DGOS a mentionné l'entrée en vigueur pour cette année de l'interface entre le LRM et la plateforme numérique SAS, ainsi que l'adaptation des LRM aux "nouveaux besoins".

Un groupe de travail sera mis en place pour "identifier les perspectives autour des LRM éditeurs". Les résultats sont attendus pour le premier trimestre 2023.

Parmi les réalisations de ces derniers mois figure le "déploiement réussi" du bandeau de communication SF4 mi-2020 au Samu de Mulhouse, "premier pilote". Il s'agit d'un outil graphique de gestion des appels: les transferts, les mises en attente, entre autres (cf dépêche du 09/06/2020 à 10:20).

Également, 83 Samu et 10 ARS sont connectés au portail SI-Samu, et 27 Samu sont engagés sur le déploiement de l'outil OTN. Autre réalisation à relever: l'homologation sécurité de la solution SI-Samu en septembre 2021 pour trois ans.

Déception des urgentistes après plusieurs années de travail en vue d'un LRM unique

Une dizaine de professionnels de santé (médecins urgentistes, assistants de régulation médicale -ARM-,...), travaillant dans le monde des urgences et présents lors de la conférence sont intervenus tour à tour.

Ils ont tous fait part de leur désapprobation concernant la réorientation du programme national, déplorant en particulier l'abandon du LRM national, qui implique "des obstacles en plus dans la pratique quotidienne", selon certains, ou encore "un recul de dix ans", selon d'autres.

Ils ont fait part de leur incompréhension après plus de dix ans travail avec l'ANS (ex-Asip) ou encore la DGOS, dans le cadre de la modernisation du SI des Samu.

Les travaux sur la modernisation du SI des Samu ont débuté en juillet 2010 après la remise du rapport relatif "à la modernisation des Samu" par le Dr Pierre Mardegan et sont entrés dans leur phase de réalisation en juin 2014, rappelle-t-on (cf dépêche du 08/01/2015 à 17:49).

Des professionnels de santé ont également souligné la nécessité de développer un "outil unique" pour pouvoir travailler ensemble, estimant que des LRM locaux nuisent à l'objectif d'aller "au-delà de la départementalité", bloquant les évolutions organisationnelles futures nécessaires en raison des difficultés démographiques médicales.

Certains acteurs de santé présents dans la salle ont également fait part de leurs craintes de subir des coûts financiers importants dans leur établissement, dus aux tarifs des éditeurs pour l'intégration des LRM locaux.

François Braun, président de Samu-Urgences de France et conseiller santé d'Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, a estimé qu'il "faut revenir aux fondamentaux du programme" avec "l'interopérabilité, le soutien et l'entraide" et "la possibilité de faire des travaux de recherche et d'avoir des données homogènes, communes et cohérentes entre l'ensemble des plateformes de régulation médicale". Cela doit se faire "demain" et "pas dans dix ans".

Il a considéré que le programme présenté "ne répond plus aux objectifs initiaux". François Braun a également demandé que la gouvernance métier "reprenne" toute sa place.

Répondant aux multiples critiques, Sylvie Escalon a rappelé que "le programme était complexe" et qu'on avait "des délais de retard". Elle a souligné qu'un audit a été lancé, demandé par Matignon, en raison de ce retard du programme, ce qui a contribué à mener à ce scénario de réorientation. Elle a souligné que ce choix était "une décision politique" prise au niveau "interministériel".

Elle a également rappelé que la Cour des comptes s'était déclarée défavorable au projet de modernisation des systèmes d'information des Samu. Les sages de la rue Cambon l'ont jugé "long, coûteux et risqué", selon un rapport publié en octobre 2020 (cf dépêche du 14/10/2020 à 18:13).

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