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TRIAGE DES PATIENTS EN PÉRIODE ÉPIDÉMIQUE: LE CCNE POUR UN PROCESSUS DÉCISIONNEL COLLÉGIAL ET INTERDISCIPLINAIRE
Le CCNE a été saisi début novembre par le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, qui, face à la reprise de l'épidémie et aux tensions sur le système de santé avec des conséquences pour la prise en charge des patients Covid-19 et non Covid-19, a souhaité disposer d'un avis éthique.
Les tensions "amènent à décider dans l’urgence d’actions de réorganisation des soins, avec notamment des déprogrammations […] et des fermetures de lits spécialisés, au bénéfice de lits 'dédiés Covid'" et à "faire des choix concernant l’allocation des ressources". Cela conduit à "une priorisation des personnes parmi celles requérant des soins et des traitements", rappelle le CCNE.
"Ces décisions soulèvent de nombreuses questions éthiques" et "de fortes préoccupations se sont exprimées à ce sujet", chez les soignants comme dans le débat public avec la crainte d'un tri des malades.
Le comité constate que la notion d'accès aux soins pour tous se trouve confrontée aux limites des ressources disponibles, même une fois celles-ci optimisées. Il y a une nécessité de réfléchir à la priorisation car "ne pas trier dans un contexte de rationnement, c’est courir le risque qu’un patient ne puisse être admis faute de place si les 'premiers arrivés' ont déjà utilisé les ressources disponibles".
"Maximiser le nombre de vies sauvées"
Il estime qu'il faut abandonner la logique "égalitariste" habituellement adoptée du "premier arrivé, premier servi" (les patients sont pris en charge en fonction de leur arrivée sans considération de critères), au profit d'une "logique plus 'utilitariste' visant à maximiser le nombre de vies sauvées".
Pour autant, le CCNE ne cite pas dans cet avis de critère qui devrait être privilégié. Il refuse les critères d'âge ou d’utilité sociale et estime "pas envisageable de proposer dans l’urgence d’autres critères de priorisation et d’autres méthodes de délibération que ceux habituellement utilisés par les équipes cliniques".
Mais il rappelle que toutes les recommandations "admettent la règle d’allouer la ressource aux patients qui pourront en tirer le plus de bénéfices et non pas à ceux qui pourraient être en plus grand danger de mort (ou qui auraient le plus à perdre)".
De plus, ces recommandations "admettent qu’il ne faut pas faire de différence entre les patients Covid et non Covid".
Afin d'aider la prise de décision, le CCNE recommande de "mettre en place un processus décisionnel collégial et interdisciplinaire, associant des médecins, d’autres professionnels de santé ainsi que des personnes impliquées dans la réflexion éthique". Des critères "explicites et justifiés" devraient être établis et il faut une "traçabilité écrite et une communication claire, loyale et accessible".
Ce processus délibératif doit se faire en concertation avec des représentants d’usagers, est-il précisé.
Les équipes doivent également pouvoir bénéficier d'un soutien éthique au moment de faire des choix de priorisation et si elles sont confrontées à des dilemmes.
Le CCNE insiste également sur la nécessité de "préserver l’accès aux soins aux situations les plus urgentes et aux patients qui auraient le plus à perdre d’une absence ou d’un retard de soins". Cela implique en même temps de rester "vigilant dans la comparaison de la qualité de vie de différentes pathologies et de patients en fonction de l’âge, d’un handicap, ou d’une situation de précarité".
La hiérarchisation de la valeur de la vie "doit rester un interdit"
Et "la hiérarchisation de la valeur de la vie doit rester un 'interdit' éthique. Aucun critère unique, aucun arbre décisionnel ou protocole ne doivent être utilisés sans engager une réflexion éthique au cas par cas".
Il souligne que quelles que soient la situation et la décision médicale prise, tout patient doit bénéficier de soins médicaux de base, de soins de confort et d’un accompagnement palliatif si nécessaire.
L'avis recommande également de "réfléchir à l’échelle pertinente des seuils d’alerte et à leurs modalités de réexamen permanent pour ce 'triage'", afin notamment d'éviter des pertes de chances des patients non Covid, et de bien communiquer sur les déprogrammations et la continuité des activités médicales en cours.
Il met en avant l'importance d'un pilotage territorial déconcentré, "abolissant les cloisons public/privé, hôpital/ville, sanitaire/social afin de mieux gérer l’allocation de ressources devenant rares".
fb/ab/APMnews
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TRIAGE DES PATIENTS EN PÉRIODE ÉPIDÉMIQUE: LE CCNE POUR UN PROCESSUS DÉCISIONNEL COLLÉGIAL ET INTERDISCIPLINAIRE
Le CCNE a été saisi début novembre par le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, qui, face à la reprise de l'épidémie et aux tensions sur le système de santé avec des conséquences pour la prise en charge des patients Covid-19 et non Covid-19, a souhaité disposer d'un avis éthique.
Les tensions "amènent à décider dans l’urgence d’actions de réorganisation des soins, avec notamment des déprogrammations […] et des fermetures de lits spécialisés, au bénéfice de lits 'dédiés Covid'" et à "faire des choix concernant l’allocation des ressources". Cela conduit à "une priorisation des personnes parmi celles requérant des soins et des traitements", rappelle le CCNE.
"Ces décisions soulèvent de nombreuses questions éthiques" et "de fortes préoccupations se sont exprimées à ce sujet", chez les soignants comme dans le débat public avec la crainte d'un tri des malades.
Le comité constate que la notion d'accès aux soins pour tous se trouve confrontée aux limites des ressources disponibles, même une fois celles-ci optimisées. Il y a une nécessité de réfléchir à la priorisation car "ne pas trier dans un contexte de rationnement, c’est courir le risque qu’un patient ne puisse être admis faute de place si les 'premiers arrivés' ont déjà utilisé les ressources disponibles".
"Maximiser le nombre de vies sauvées"
Il estime qu'il faut abandonner la logique "égalitariste" habituellement adoptée du "premier arrivé, premier servi" (les patients sont pris en charge en fonction de leur arrivée sans considération de critères), au profit d'une "logique plus 'utilitariste' visant à maximiser le nombre de vies sauvées".
Pour autant, le CCNE ne cite pas dans cet avis de critère qui devrait être privilégié. Il refuse les critères d'âge ou d’utilité sociale et estime "pas envisageable de proposer dans l’urgence d’autres critères de priorisation et d’autres méthodes de délibération que ceux habituellement utilisés par les équipes cliniques".
Mais il rappelle que toutes les recommandations "admettent la règle d’allouer la ressource aux patients qui pourront en tirer le plus de bénéfices et non pas à ceux qui pourraient être en plus grand danger de mort (ou qui auraient le plus à perdre)".
De plus, ces recommandations "admettent qu’il ne faut pas faire de différence entre les patients Covid et non Covid".
Afin d'aider la prise de décision, le CCNE recommande de "mettre en place un processus décisionnel collégial et interdisciplinaire, associant des médecins, d’autres professionnels de santé ainsi que des personnes impliquées dans la réflexion éthique". Des critères "explicites et justifiés" devraient être établis et il faut une "traçabilité écrite et une communication claire, loyale et accessible".
Ce processus délibératif doit se faire en concertation avec des représentants d’usagers, est-il précisé.
Les équipes doivent également pouvoir bénéficier d'un soutien éthique au moment de faire des choix de priorisation et si elles sont confrontées à des dilemmes.
Le CCNE insiste également sur la nécessité de "préserver l’accès aux soins aux situations les plus urgentes et aux patients qui auraient le plus à perdre d’une absence ou d’un retard de soins". Cela implique en même temps de rester "vigilant dans la comparaison de la qualité de vie de différentes pathologies et de patients en fonction de l’âge, d’un handicap, ou d’une situation de précarité".
La hiérarchisation de la valeur de la vie "doit rester un interdit"
Et "la hiérarchisation de la valeur de la vie doit rester un 'interdit' éthique. Aucun critère unique, aucun arbre décisionnel ou protocole ne doivent être utilisés sans engager une réflexion éthique au cas par cas".
Il souligne que quelles que soient la situation et la décision médicale prise, tout patient doit bénéficier de soins médicaux de base, de soins de confort et d’un accompagnement palliatif si nécessaire.
L'avis recommande également de "réfléchir à l’échelle pertinente des seuils d’alerte et à leurs modalités de réexamen permanent pour ce 'triage'", afin notamment d'éviter des pertes de chances des patients non Covid, et de bien communiquer sur les déprogrammations et la continuité des activités médicales en cours.
Il met en avant l'importance d'un pilotage territorial déconcentré, "abolissant les cloisons public/privé, hôpital/ville, sanitaire/social afin de mieux gérer l’allocation de ressources devenant rares".
fb/ab/APMnews